Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du 29 juin 2016 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • chauffage
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  • logement
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  • rénovation

La réunion

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Mission d'information commune sur l'application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

La Mission d'information commune a organisé une table ronde, ouverte à la presse, sur les dispositions relatives aux bâtiments, avec la participation de M. Gilles Vermot Desroches, directeur développement durable de Schneider Electric France ; M. Benoît Lavigne, représentant FIEEC au Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique et délégué général d'IGNES ; M. Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE) ; M. José Caire, directeur Villes et Territoires durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ; M. Guy Lacroix, président du Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique (SERCE) ; M. Gwenaël Cottais, président d'Aponergy ; M. Julien Allix, responsable du Pôle Énergie de l'Association des Responsables de Copropriété (ARC) ; M. Fabien Veyret, responsable du réseau énergie de France Nature Environnement (FNE) ; M. Dominique Desmoulins, directeur général de PROMOTELEC ; Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'Ordre des Architectes ; M. Joël Vormus, responsable efficacité énergétique au CLER, Réseau pour la transition énergétique ; M. Nicolas Mouchnino, expert énergieenvironnement de l'UFC-Que Choisir ; M. Laurent Sireix, président du Syndicat de la mesure.

La table ronde commence à seize heures quarante.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, la table ronde d'aujourd'hui menée par la mission sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est consacrée aux dispositions relatives aux bâtiments.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mesdames, messieurs,la loi sur la transition énergétique vise à atteindre l'objectif de 500 000 rénovations de logementspar an. Cet objectif vous semble-t-il atteignable ? La politique de rénovation des logements ainsi prévue par la loi concerne majoritairement les ménages aux revenus modestes. Quels sont, selon vous, les critères d'identification des ménages aux revenus modestes ?

Le décret sur la définition des bâtiments à énergie positive (BEPOS), prévus à l'article 8, n'est toujours pas publié, alors qu'il devait l'être en février. Monsieur le président, je regrette l'absence de représentants des ministères concernés à cette table ronde, car je m'interroge sur les causes de ce retard.

L'article 9 élargit la composition du conseil d'administration du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui fait l'objet du décret du 4 mai 2016. Cette composition vous donne-t-elle satisfaction ? Considérez-vous normal que le rapport d'activité 2015 du CSTB ne mentionne ni ce renouvellement ni indique comment il prend en compte la loi ?

D'autre part, trouvez-vous normal que la publicité des avis du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), qui fait l'objet de dispositions à l'article 10, ne soit pas organisée par le décret du 27 novembre 2015 ?

Sur le carnet numérique de suivi et d'entretien du logement, créé à l'article 11, le décret est envisagé en juillet 2016. Avez-vous des remarques à faire à ce sujet ?

L'article 12 porte sur les critères de décence du logement, en introduisant un critère de performance énergétique pour tout logement en location. France Nature Environnement a dénoncé les critères flous du décret à venir. Partagez-vous ce point de vue ? Avez-vous été consultés à ce sujet ?

Concernant la rénovation des bâtiments existants, prévue à l'article 14, que pensez-vous du décret du 30 mai 2016 sur les travaux embarqués ?

L'article 26 prévoit l'individualisation des frais de chauffage dans les immeubles. Le principe date de 2011, mais il tarde à s'appliquer. Comment expliquez-vous ce retard ? Y a-t-il des obstacles techniques ? Si oui, lesquels ?

Le Fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) représente un effort programmé de 1,5 milliard d'euros sur trois ans. Aux termes de l'article 20, la gestion financière et administrative du fonds dénommé « enveloppe spéciale transition énergétique » est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. Quelles sont vos remarques à ce sujet, sachant qu'aucun crédit budgétaire n'est inscrit dans la loi de finances initiale pour 2016 ?

Le département que je représente s'est lancé dans l'expérimentation du chèque énergie, qui fait l'objet deS dispositions de l'article 201. Que pouvez-vous nous dire sur ce nouveau dispositif ?

Enfin, s'agissant de la reprise des déchets de construction du secteur des bâtiments travaux publics (BTP), prévue à l'article 93, le décret est contesté par les professionnels. J'aimerais également vous entendre à ce sujet.

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Gilles Vermot Desroches, directeur développement durable de Schneider Electric France

Je représente une grande entreprise française très engagée dans la transition énergétique.

Première remarque : la France relance souvent son économie grâce à des aides fiscales, mais l'ensemble des travaux réalisés par les entreprises et les universités sur la transition énergétique et la révolution numérique ne sont en général jamais transcrits dans la réglementation française. Autrement dit, l'État soutient des acteurs pour mettre sur le marché des produits innovants en faveur de la transition énergétique, mais ces acteurs vendent ces solutions nouvelles ailleurs qu'en France où la réglementation non seulement ne les favorise pas, mais n'aborde pas la question du pilotage intelligent du bâtiment, de la maîtrise intelligente par les habitants de leur propre consommation.

À titre d'exemple, le décret sur les travaux embarqués, publié le 30 mai 2016, fait l'impasse sur l'ensemble des équipements de contrôle et de gestion active de l'énergie – prévus à l'article 14 – pour ne parler que des travaux d'isolation du bâtiment, de la réfection de la toiture, et de l'aménagement de locaux en vue de les rendre habitables. Pourtant, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient réalisé un très beau travail en traitant, à côté de ces trois sujets importants, le contrôle intelligent du bâtiment qui permet aux habitants de contrôler leur consommation et d'être des acteurs de la transition énergétique.

Certes, il est important de rénover le bâti ; on en connaît le coût grâce aux nombreuses études d'impact. Mais s'il faut attendre pendant dix ans des études d'impact sur le pilotage numérique, la France décrochera dans ce domaine et d'autres industriels mettront en oeuvre les solutions innovantes de pilotage intelligent dans leur pays d'origine.

Deuxième remarque : le pilotage intelligent du bâtiment ou de la maison, grâce à des solutions à 10 euros le mètre carré, permet de réduire la consommation énergétique de 20%. Dans le monde, ces solutions fonctionnent, et elles doivent être mises en oeuvre dès à présent dans notre pays.

L'objectif de 500 000 logements est difficile à atteindre car, malgré une aide fiscale importante, un grand nombre de ménages ne peuvent pas payer l'autre partie des travaux. Or, si la réglementation régissait les méthodes actives de contrôle du bâtiment, beaucoup d'autres familles pourraient rénover leur logement en vue de réduire leur consommation énergétique. Ce faisant, elles consommeraient moins d'énergie, ce qui leur permettrait d'épargner et de faire les autres travaux plus importants. Au fond, les outils qui existent, en particulier le programme d'investissements d'avenir, ne sont pas utilisés en la matière.

Troisième remarque : le « décret tertiaire » fait toujours l'objet de consultations depuis le Grenelle 2. De la manière dont il est rédigé, les bâtiments pris en compte seront très peu nombreux. Les études montrent qu'il est possible, dans le tertiaire, de réduire de 20 % la consommation énergétique, parfois plus, simplement par un pilotage intelligent. Là encore, le décret et les arrêtés doivent permettre la mise en oeuvre d'une consommation efficace et sobre.

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Benoît Lavigne, représentant de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication, FIEEC au Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique et délégué général d'IGNES

Nous observons, nous aussi, un décalage entre les débats parlementaires très approfondis sur la transition énergétique et leur traduction dans la réglementation. Déjà, lors des discussions sur l'article 14, les réponses du Gouvernement laissaient entendre la possibilité de difficultés dans la phase d'application. Alors que le Parlement avait affiché une ambition forte sur ce sujet, il est dommage que les représentants de l'administration ne soient pas là aujourd'hui pour en parler.

Dans le décret tertiaire, ne sont visés que les bâtiments au-delà de 2 000 mètres carrés. L'étude d'impact réalisée par l'administration ayant précisé que les bâtiments de 2 000 mètres représentaient moins de 20% du parc, le décret portera donc sur moins de 20 % du parc. Cela pose la question de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. Certes, l'objectif n'est pas de rendre obligatoires les mêmes dispositifs pour les immeubles de la Défense et un logement individuel. Mais entre tout et rien, il y a une marge...

De la même manière, le décret sur les travaux embarqués ne mentionne aucunement les systèmes de gestion active. Le Parlement a voté le développement des systèmes de gestion active dans les bâtiments existants, en cas de travaux importants. Or pour l'administration, en référence à la réglementation thermique, les travaux importants concernent les bâtiments d'une certaine taille. Ainsi, le décret sur les travaux embarqués lui-même ne s'appliquera qu'aux logements de plus de 1 000 mètres carrés ; or, je ne connais pas beaucoup de logements de cette taille.

Enfin, s'agissant du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, les avis sont dorénavant mis en ligne sur le site du ministère. Nous avons eu beaucoup de discussions sur l'amélioration de la transparence des débats, notamment grâce aux comptes rendus. Certes, ce conseil permet à un grand nombre d'acteurs de se rencontrer, mais c'est plutôt le bureau qui décide que le Conseil lui-même. J'ajoute que les parlementaires qui ont été nommés au CSCEE n'y ont pas siégé jusqu'à présent : j'exhorte la représentation nationale à jouer son rôle.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement, FEDENE

Un rythme de rénovation de 500 000 logements par an est nécessaire – les chiffres officiels tournent plutôt autour de 228 000 rénovations actuellement. Notre pays compte 13 millions de logements qui datent d'avant 1975 : il faut relancer la dynamique. Il nous semble important d'assurer une traçabilité des opérations de maîtrise de la demande d'énergie, pour ne pas restreindre le sujet à la rénovation. Or la programmation pluriannuelle de l'énergie ne va pas dans ce sens actuellement.

Les entreprises de la FEDENE mettent en oeuvre des plans globaux d'amélioration de l'efficacité énergétique, en proposant des garanties réelles de résultat dans la durée. Cela passe par une forme de contractualisation ou d'engagement de la part des entreprises comme les nôtres qui proposent des solutions. Pour les clients, la dimension économique est très importante : ils se lancent dans des opérations de rénovation pour des raisons personnelles liées à l'amélioration de leur patrimoine ; mais dans l'habitat collectif, la dimension financière prend souvent le pas. Nous avons constaté ces dernières années que les opérations réalisées ont été celles pour lesquelles la valorisation des économies d'énergie permet de rembourser l'investissement initial.

Pour chaque opération, nous offrons un bouquet de solutions – modernisation des équipements, amélioration de la conduite, de la maintenance, sensibilisation des usagers, actions sur le bâti, pilotage énergétique –, qui nous permet de nous engager sur un résultat réel. À cet égard, les décrets d'application ne devraient pas être trop directifs en matière de solutions, car les bâtiments et les endroits où ils sont implantés sont divers. Des travaux d'isolation auront une rentabilité forte pour un bâtiment situé dans le Nord, alors que pour un bâtiment dans le Sud, ce sont les opérations de pilotage actif des installations qui seront rentables. Pour nous clients, nous choisissons les meilleures solutions en fonction du temps de retour sur investissement. Cela a bien fonctionné jusqu'à présent : selon une enquête récente menée auprès des adhérents d'un de nos syndicats, le SNEC, les résultats des contrats d'exploitation avec garantie d'engagement dégagent 12% d'économie sur la période 2012-2015, sans obérer la capacité financière de nos utilisateurs – nous intervenons sur une petite partie du marché : 4,9 millions de logements dans des immeubles collectifs.

Par contre, nous constatons beaucoup moins de demandes pour des actions d'amélioration d'économie d'énergie sur le bâtiment, et ce pour trois raisons. Première raison : le prix des énergies de référence a chuté, si bien que la valeur des économies a diminué d'autant. Deuxième raison : le volume des certificats d'économie d'énergie (CEE) « deuxième période » ayant été amputé pratiquement de moitié, leur valorisation est plus faible. À tel point que nous nous interrogeons sur la cohérence d'opérations en CEE « troisième période », à un moment où la solution qui semble préconisée est d'augmenter les obligations. Troisième raison : la contrainte financière de l'ensemble de nos clients, en résidentiel ou en collectivité, moins enclins à anticiper des investissements faute de ressources financières suffisantes.

Nous pensons que la loi a distingué à juste titre les opérations lourdes sur le bâtiment ; il faut les faire au moment où le patrimoine le justifie.

Enfin, le secteur tertiaire, pour lequel les problématiques sont d'une autre nature, a besoin d'une incitation pour passer à l'action.

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José Caire, directeur Villes et Territoires durables de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ADEME

Pour l'ADEME, l'objectif de 500 000 logements est atteignable. Mis à part les 120 000 logements sociaux – du ressort des bailleurs qui ont mené 105 000 rénovations l'année dernière –, 288 000 logements sur 380 000 logements privés ont fait l'objet d'une rénovation performante entre 2012 et 2014, soit un objectif atteint à 75%. Ces 288 000 rénovations sont la partie émergée d'un ensemble de 3,5 millions de rénovations, certes pas toutes aussi performantes que celles entrant dans le cadre de l'objectif des 500 000, mais qui contribuent tout de même à l'objectif.

La première motivation des maîtres d'ouvrage pour la rénovation performante est le confort du logement – avant les économies.

L'article 8 du projet de loi traite des bâtiments à énergie positive (BEPOS), d'une part, et des bâtiments à haute performance environnementale, d'autre part. Des équipes de l'ADEME travaillent sur le sujet, au travers des notions d'analyse de cycle de vie et d'énergies tous usages. C'est un chantier considérable, ce qui justifie le retard par rapport au calendrier initial extrêmement optimiste.

Sur le carnet numérique, qui a fait l'objet d'un très bon rapport d'Alain Neveu, nous sommes assez optimistes sur les dispositions en cours de définition.

Concernant la performance énergétique embarquée, nous sommes un peu déçus : le décret est plutôt une liste d'exemptions.

Nous attendons la publication du décret « tertiaire ». Les enjeux sont très importants. Beaucoup de travaux sont d'ores et déjà réalisés : une charte d'engagement volontaire lancée par le « plan bâtiment durable » connaît un succès certain, ce qui montre la volonté chez les maîtres d'ouvrage d'avancer dans cette direction.

L'individualisation des frais de chauffage nous semble une bonne mesure. Elle doit pouvoir répondre au souci exprimé sur la solidarité entre les logements.

La reprise des déchets de chantier est également une bonne mesure, malgré une certaine complexité pour la mettre en place.

Enfin, la loi a avancé sur le concept de service public de la performance énergétique de l'habitat, en indiquant qu'il s'appuie sur un dispositif de plateformes territoriales de la rénovation énergétique. La difficulté est que la loi n'a pas déterminé la collectivité de rattachement de ce service public, dont le financement n'est donc pas assuré. Il faudrait y remédier rapidement.

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Guy Lacroix, président du Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique, SERCE

Le Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique est réseau de 260 entreprises adhérentes réparties sur 900 sites en France et représente un total de 140 000 salariés exerçant leurs compétences dans ce domaine. Les entreprises du SERCE, acteurs historiques de l'efficacité énergétique, peuvent contribuer à la définition des usages nés de l'émergence des nouvelles technologies.

Le logement n'est pas le seul enjeu. Le parc tertiaire représente 930 millions de mètres carrés, dont la moitié en bâtiments publics. Avec un taux de renouvellement à 1% par an, il faudra une centaine d'années pour renouveler ce parc. Le bâtiment est la brique essentielle de la smart city : pour avoir un quartier intelligent, le bâtiment doit être intelligent.

La loi de transition énergétique affiche une ambition extrêmement forte : les émissions de gaz à effet de serre devront être divisées par quatre d'ici à 2050, et la consommation énergétique divisée par deux en 2050 par rapport à 2012. Or on n'a pas l'impression que les choses suivent dans l'application de la loi.

L'article 17, en instaurant une obligation croissante de travaux dans le secteur tertiaire tous les 10 ans, traduit une véritable ambition. Malheureusement, la loi est détricotée car le décret portera sur les bâtiments de plus de 2 000 mètres carrés. D'ailleurs, ce décret tertiaire a cinq ans de retard, alors qu'on devrait appliquer un « plan Marshall » aux bâtiments publics, afin d'éviter une divergence énorme entre le secteur tertiaire et le secteur public.

Concernant l'article 8, nous vous alertons sur la définition du BEPOS. Celui-ci n'est pas forcément un bâtiment qui injecte de l'énergie sur le réseau ; ce peut être un bâtiment en autoconsommation, qui stocke de l'énergie. L'injection dans le réseau complexifie cette définition.

Enfin, sur l'article 14, relatif aux travaux embarqués, les orateurs précédents ont parfaitement dit les choses. Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique inédite liée aux nouvelles technologies numériques qui permettent des usages intelligents. Or les usages intelligents n'apparaissent pas dans les textes. Il faut faire très attention à ce que notre pays ne prenne pas de retard dans ce domaine.

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Gwenaël Cottais, président d'Aponergy

Aponergy est une société de services énergétiques. Nous développons des services associés à la production d'énergie, en particulier l'efficacité énergétique, qui consiste à rendre plus économes les bâtiments du tertiaire et du secondaire dans le privé et le public, ainsi que les logements en particulier dans les immeubles collectifs. Notre offre repose exclusivement sur la proposition d'économies d'énergie au travers de contrats de performance énergétique (CPE). Qui dit CEP dit recherche de tiers financement. L'objectif de 500 000 logements n'est pas atteint et, à cet égard, tous nos bailleurs de fonds – banques ou asset managers – mettent en avant deux éléments.

Le premier est le temps de retour sur investissement. Les meilleurs retours sur investissement sont liés, non pas aux travaux lourds dans le bâtiment, mais aux technologies, notamment le pilotage de l'énergie. Or ce pas stratégique est oublié dans les décrets d'application.

Le comptage individualisé est possible grâce aux technologies telles que la GTB (gestion technique du bâtiment) que nous utilisons. Ces technologies peuvent être appliquées dans les logements des bâtiments collectifs, de la même façon que nous le faisons dans le tertiaire.

Deuxième point essentiel mis en avant par nos partenaires financeurs : la garantie. À notre connaissance, la garantie des travaux pour des économies d'énergie n'est pas mise en application. Pour atteindre l'objectif de la loi, la garantie des financements doit être assurée, afin que nos asset managers soient payés pour les investissements qu'ils ont portés.

En conclusion, s'agissant de l'application de la loi, des améliorations pourraient être apportées dans le cadre de la loi de finances rectificative 2016 ou de la loi de finances 2017.

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Julien Allix, responsable du Pôle énergie de l'Association des Responsables de Copropriété, ARC

Notre association est très active dans le domaine de la rénovation des copropriétés : nous incitons nos adhérents à rénover leurs bâtiments de la meilleure façon possible et nous les aidons à maîtriser leurs charges d'énergie, principalement de chauffage. Nous avons par exemple créé un « fonds travaux ».

Il nous semble que l'objectif de 500 000 logements ne pourra pas être atteint en raison du problème de financement des travaux de rénovation. Les dispositifs actuels – crédit d'impôt, éco-prêt à taux zéro, certificat d'économie d'énergie – restent insuffisants. La loi de transition énergétique comporte une disposition sur l'aide unique : nous attendons le rapport à ce sujet prévu par l'article 14.

À l'article 26, l'obligation de l'individualisation des frais de chauffage nous inquiète beaucoup. En effet, nos adhérents qui sont passés cette année au dispositif nous ont fait part de retours négatifs.

Plusieurs facteurs expliquent une moindre adoption du dispositif par rapport aux attentes de la loi. D'abord, les textes réglementaires sont sortis fin mai, alors que la plupart des assemblées générales de copropriété avaient déjà eu lieu : les copropriétés ne savaient pas sur quel pied danser. Ensuite, les textes réglementaires débouchent sur une obligation qui concerne une partie limitée des copropriétés. En outre, les prestataires qui proposent des services de comptage de chaleur proposent également des prestations de comptage d'eau ; or beaucoup de nos copropriétaires ont de mauvaises expériences avec ces derniers. Enfin, la garantie est fondamentale, mais elle n'est pas assurée : nous souhaiterions que les prestataires qui nous annoncent 20% d'économie d'énergie en moyenne garantissent cette économie et assument le risque.

Les données fiables sur l'impact réel et le coût de l'individualisation font défaut. Nous avons été extrêmement déçus de la manière dont les textes réglementaires ont été élaborés à ce sujet. Une étude d'impact, à géométrie variable, s'appuie sur des études qui n'ont jamais été communiquées.

En fait, nous nous interrogeons sur l'intérêt même de l'individualisation des frais de chauffage, car les contrats sont généralement de dix ans, alors que l'époque est au boom des objets connectés.

Le carnet d'entretien et de suivi du logement est un outil essentiel. En 2002, nous avions milité pour la mise en place du carnet d'entretien des copropriétés.

Enfin, l'article 33 qui prévoit un rapport sur la rénovation des colonnes montantes nous inquiète, car de tels travaux posent des problèmes de sécurité importants.

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Fabien Veyret, responsable du réseau énergie de France Nature Environnement, FNE

France Nature Environnement rassemble un peu plus de 3 500 associations réparties sur tout le territoire.

Les débats parlementaires sur le projet de loi de transition énergétique ont dégagé un consensus sur l'importance de répondre aux enjeux du bâtiment. Répondre aux enjeux du bâtiment suppose à la fois d'agir sur un gisement d'économies d'énergie, d'améliorer le confort et donc la qualité de vie des personnes, de prévenir les situations de précarité énergétique, mais aussi d'engager les travaux de rénovation.

Au moment de l'adoption de la loi, nous avions reconnu qu'elle comportait des objectifs satisfaisants et des mesures intéressantes, mais nous avions également manifesté une grande vigilance quant à sa mise en oeuvre. Aujourd'hui, nous constatons que les décrets d'application publiés depuis un an ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés dans la loi.

Nous avons le plaisir de faire partie du Conseil supérieur de la construction. Néanmoins, pour que l'aspect efficacité énergétique vive au sein de cette instance, des améliorations devraient être apportées sur le contenu, les supports de présentation, et la représentation au sein de ce conseil.

Le projet de décret relatif au logement décent, prévu à l'article 12, définit des critères qualitatifs de performance énergétique très flous – vitrages en bon état, étanchéité à l'air correct – et peu ambitieux : murs jointifs, carreaux aux fenêtres… Ce texte ne répond en rien aux objectifs de la loi. Pour fixer un critère de performance énergétique, j'ai la naïveté de penser qu'il faut s'exprimer en kilowattheures par mètre carré et par an, critère mesurable et partagé par tous les acteurs.

Nous plaidons de longue date pour la mise à jour de la réglementation thermique (RT) des bâtiments existants ; nous avions d'ailleurs déposé en 2014 avec nos confrères du CLER une plainte auprès de la Commission européenne, estimant que cette réglementation ne correspond pas aux objectifs européens. Certes, cette RT est en cours de révision, mais elle ne répondra pas aux objectifs fixés dans la loi, notamment les rénovations par étapes. Le décret reste dans une vision binaire : les logements rénovés de plus de 1 000 mètres carrés se verront appliquer la RT globale ; en deçà, une réglementation est appliquée élément par élément, ce qui a juste pour effet de structurer l'offre de marché des produits isolants. Ensuite, sont introduites dans cette RT des approches différentes en fonction des zones géographiques, si bien que la majorité du territoire est en deçà des objectifs de la RT 2007. La gestion active est également oubliée dans ce texte. Une des ambitions affichées lors de la Conférence environnementale par Mme la ministre était de retenir les critères européens les plus performants ; or, cet objectif n'est pas non plus respecté, comme le montre la comparaison entre le projet de RT avec les critères européens.

Le décret sur les travaux embarqués nécessite lui-même de réviser la RT élément par élément ; or il a été élaboré sur la base de l'ancienne version de cette RT. Du coup, ce texte était déjà obsolète dès sa publication, puisqu'il s'appuyait sur une étude d'impact qui parle de la rénovation de 50% des maisons individuelles construites entre 1950 et 1975. Nous regrettons de ne pas avoir été entendus avant l'engagement du travail sur le décret.

S'agissant de l'article 13, sur la norme minimale de performance énergétique, le décret élargit un texte applicable précédemment en concernant aussi les maisons individuelles issues du parc de logement social. On n'a pas touché à l'objectif de 330 kilowattheures par mètre carré par an qui existait avant la loi. Là encore, les objectifs de la loi ne sont pas pris en compte dans le décret.

Enfin, sur l'individualisation des frais de chauffage, il est intéressant de donner la possibilité aux foyers de se réapproprier leur consommation d'énergie. Mais nous regrettons qu'aucun critère de solidarité n'ait été intégré dans le décret. En effet, l'individualisation des frais de chauffage pose les questions de la position du logement, de l'état des logements occupés ou vacants qui impactent sur les consommations d'énergie des logements voisins, mais aussi du statut de l'occupant – les foyers en recherche d'emploi qui restent toute la journée à la maison auront des dépenses énergétiques plus importantes, alors qu'ils sont plus vulnérables. Nous regrettons, là encore, de ne pas avoir été entendus sur les critères de solidarité qui auraient dû être introduits dans ce décret.

En conclusion, l'échec annoncé des objectifs fixés par la loi est en passe de devenir une réalité : si les décrets ne répondent pas à ces objectifs, on va continuer à se poser la question de savoir comment rénover le parc construit au lendemain de la Deuxième guerre mondiale.

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Dominique Desmoulins, directeur général de PROMOTELEC

Massifier les rénovations est un objectif partagé par tous. J'ignore si l'objectif de 500 000 de logements peut être atteint, mais je peux dire que deux freins devraient être levés.

Premier frein : les aides financières – CITE, éco-PTZ, etc. – n'ont pas complètement rempli leur rôle. En effet, une enquête que nous avons réalisée montre que, sur 1 000 propriétaires qui ont fait rénover leur logement, seuls 7% ont utilisé ces aides, ce qui est très faible et montre qu'elles sont insuffisamment connues. Deuxième frein : la confiance entre les ménages et les professionnels du bâtiment quant à la qualité des conseils et des travaux et in fine la maîtrise des coûts ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut rétablir cette confiance pour que les clients ne soient pas surpris par la facture finale.

Comme l'a souligné le représentant de l'ADEME, ce n'est pas forcément la réduction de la facture qui motive les ménages pour se lancer dans la rénovation : c'est l'amélioration du confort. Selon une autre étude menée par PROMOTELEC, 64% des propriétaires annoncent vouloir se lancer dans la rénovation pour améliorer le confort dans leur habitat, et seuls 28% souhaitent réduire leur facture d'énergie. Cette notion de confort signifie qu'il faut améliorer la performance globale du logement, adapter le logement au vieillissement, à la famille, mais aussi réaliser des économies d'énergie. Cette analyse multicritères, complexe à la fois pour les ménages et les professionnels de la rénovation, nécessite une simplification assortie de la mise en place d'outils, éventuellement de labels.

Un des objectifs de la loi est la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Ce n'est pas gagné, mais on devrait progresser grâce à la rénovation. Ne croyez-vous pas qu'il faille mobiliser l'ensemble des professionnels sur les matériaux peu émetteurs en carbone et sur une énergie peu émettrice en CO2 ? Le carbone n'est pas très parlant, et le CO2 non plus. Là aussi, il faudrait rendre les choses compréhensibles par le plus grand nombre, en faisant de la pédagogie sur les outils, éventuellement grâce à un label rénovation bas carbone.

Pour le neuf, nous sommes ravis que le BEPOS inclue l'énergie renouvelable, l'intermittent, l'électricité, le stockage, l'autoconsommation. Il est très intéressant que l'électricité revienne à sa vraie valeur dans le bâtiment neuf, après avoir été un peu exclue avec la RT 2012. Dans un bâtiment neuf, 60% du carbone est lié à la construction et 40% à l'utilisation du bâtiment et à ses usages. La question est donc de savoir comment limiter le carbone dans la construction neuve et au travers de l'utilisation de l'énergie. Là encore, il faut simplifier, mettre en place des outils pour progresser ensemble et limiter ce carbone. La solution serait de développer des labels qui, en passant par l'expérimentation, pourraient préfigurer une réglementation. Les plateformes territoriales, prévues à l'article 22, pourront nous aider à mener ces expérimentations.

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Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'Ordre des Architectes

L'application de la loi de transition énergétique est un enjeu de société crucial. Notre pays compte 30 000 architectes et autant de bureaux d'études techniques (BET). Nous sommes extrêmement engagés sur le sujet et avons mis en place un certain nombre d'outils. La rénovation énergétique revêt une dimension transversale au sein de laquelle le numérique est un outil fondamental qui suppose une mise à niveau des compétences de l'ensemble des acteurs. À côté du numérique, la stratégie bas carbone – qui renvoie à toutes sortes de sujets comme les matériaux, les déchets, etc. – est tout aussi essentielle pour respecter les objectifs de la loi.

Dans le cadre de la transition écologique globale, il nous semble absolument nécessaire d'insuffler un peu de matière grise pour coordonner, prescrire les travaux, qui sont complexes en faisant intervenir plusieurs corps d'état. Or la loi ne donne aucune place à la maîtrise d'oeuvre et à la matière grise. Un diagnostic du bâti, une évaluation même très légère, aurait plusieurs avantages. D'abord, cela créerait de la motivation chez les particuliers qui veulent avant tout, cela a été dit, améliorer le confort de leur logement. Ensuite, des travaux réalisés avec discernement permettraient aux gens de valoriser leur patrimoine. Enfin, une maîtrise d'oeuvre insufflée au début de chaque projet permettrait d'optimiser les économies, en tout cas à partir d'un certain montant de travaux.

Dans ce contexte, la pédagogie auprès des particuliers est importante afin qu'ils perçoivent clairement les enjeux. Pour avoir une garantie de performance, il faut aussi travailler sur l'usage. C'est un nouveau mode de vie qu'il faut mettre en place et, pour cela, les intermédiaires, notamment les architectes, sont essentiels.

Pour en venir aux décrets, celui sur le logement décent est on ne peut plus minimaliste. On doit être capable d'élaborer un décret plus coercitif sur la décence des logements.

Le bâtiment neuf représente 350 000 logements par an, soit 1% du parc. C'est un enjeu, mais certainement pas le plus important. Aussi pensons-nous nécessaire de modérer l'obligation sur le neuf. Peut-on envisager un BEPOS sans conception du quartier, de l'îlot, alors que l'énergie stockée pourrait servir à l'école située plein Nord qui ne peut pas assurer sa propre autonomie énergétique ? Avant d'envisager des BEPOS, un travail général sur l'urbain devrait être mené, car c'est un écosystème qu'il faut mettre en place.

Enfin, le décret sur les travaux embarqués, en comprenant une vaste liste d'exemptions, est le symptôme de tout de ce que nous dénonçons. Comment une loi peut-elle préconiser de façon obligatoire un système d'isolation par l'extérieur ? Il y a de multiples façons de faire des économies d'énergie, en fonction de la spécificité de chaque bâtiment. L'objectif pourrait être atteint grâce à l'isolation intérieure : cela ne sera même pas possible puisqu'il faudra faire une isolation par l'extérieur en cas de ravalement. Les architectes nous remontent des exemples d'isolation par l'extérieur qui se révèlent dramatiques pour la qualité patrimoniale du bâtiment, sans parler de la qualité de l'air, des conséquences sur l'acoustique, et des 30 centimètres de plus sur l'espace public ! Nous trouvons cela aberrant !

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Joël Vormus, responsable efficacité énergétique au CLER, Réseau pour la transition énergétique

Le CLER est une association de protection de l'environnement qui travaille sur la transition énergétique.

L'objectif ambitieux de la loi est atteignable. Cependant, les difficultés actuelles pour l'atteindre posent des questions sur les moyens mis en oeuvre pour y parvenir.

Le financement est peu traité dans la loi. Or nous faisons tous le constat que les nombreuses aides créent de la complexité : le système CEE est en souffrance ; le CITE crée des effets d'aubaine. Nous attendons l'étude sur la convergence des aides qui aurait dû vous être remise en mars… Nous militons pour une agence de financement de la transition énergétique, ce qui renvoie au rôle de la Caisse des dépôts. Le Président de la République a annoncé la levée d'obligations vertes par l'État, mais quelle agence publique va le faire, sachant que la Caisse des dépôts n'est pas configurée pour répondre aux besoins territoriaux des projets de transition énergétique ? Si un système de financement pérenne n'est pas mis en place pour faire émerger les territoires à énergie positive (TEPOS) ou les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEP-CV), par exemple, nous n'avancerons pas.

Pour en venir aux décrets, nous les jugeons moyens, voire franchement inacceptables. Comme le dit la Fondation Abbé Pierre, pour ne citer qu'une association, le décret sur la décence des logements n'a aucun sens puisqu'il n'est pas du tout en accord avec la loi. Nous avons fait des propositions à l'administration à ce sujet. Sur la réglementation thermique par élément, nous sommes tout à fait d'accord avec le discours du FNE. Sur l'individualisation des frais de chauffage, nous souscrivons au discours de l'Association des responsables de copropriétés. Idem pour le « décret tertiaire », que nous attendons depuis huit ans.

L'efficacité énergétique est un sujet qui ne fait pas plaisir à tout le monde, car se posent des problèmes de monopoles, de duopoles ou d'oligopoles. Vous l'avez compris, je veux parler de la concurrence, que la loi passe sous silence, mais que la Cour des comptes a identifiée dans ses rapports. Nous pensons que le financement et les pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sont insuffisants. Nous nous interrogeons également sur l'action de l'Autorité de la concurrence sur ces marchés de l'efficacité énergétique. D'autres véhicules législatifs pourraient traiter ces deux points.

Autre sujet crucial : la qualité. Les travaux chez les particuliers ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendons en termes de rénovation énergétique, ce qui renvoie au rôle des assurances. Les pouvoirs publics devraient prendre des initiatives pour faire émerger des offres qui malheureusement ne trouvent pas leur place dans un marché qui fait la place au moins-disant et à l'absence de responsabilité.

Pour finir, sur le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, nous avons fait part de nos remarques sur le problème de transparence. Au sein de cette instance, l'efficacité énergétique n'a pas encore sa place. Il faut y remédier rapidement.

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Nicolas Mouchnino, expert énergie environnement de l'UFC-Que Choisir

Le chiffre avancé par l'ADEME de 288 000 logements se base sur des sondages réalisés auprès des consommateurs. En fait, ces rénovations performantes s'appuient essentiellement, non sur un gain réel de la consommation, mais sur une approche par équipement modifié dans le logement : si la production de chaleur ou l'isolation (toit ou mur) atteint un niveau de performance éligible au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), la rénovation est considérée comme performante. Mais qu'est-ce qui est important : le nombre ou la performance ? En l'occurrence, l'objectif de 500 000 n'a aucun intérêt si les rénovations ne sont pas d'un certain niveau, car elles devront être refaites… En fait, toutes sortes d'aides fiscales sont déployées, mais on ne mesure rien du tout ! En termes d'évaluation de politique publique, il y a mieux !

La garantie de résultat est la colonne vertébrale de la rénovation énergétique, qui est un marché à part avec une problématique de responsabilité. Depuis 2005, la rénovation énergétique a été émaillée de problèmes sur le photovoltaïque, les pompes à chaleur, l'éolien… et nous avons aujourd'hui des retours négatifs sur les nouveaux dispositifs. Or la confiance des consommateurs est cruciale : le marché ne se développera pas sans cette confiance.

La concurrence déloyale est un autre problème, que nous soulignent les professionnels. Car à côté des professionnels qui veulent s'engager auprès des consommateurs sur la garantie de résultat, d'autres acteurs allègent des résultats auprès des clients mais sans s'engager formellement. Cette concurrence déloyale limite le développement de l'offre. Faute de garantir des résultats au consommateur, il sera difficile de lui demander de dépenser 25 000 euros, voire 40 000 euros, pour faire rénover sa maison pour un gain énergétique donné.

Que ce soit le CITE, l'éco-PTZ, le RGE, toute l'approche se fait par équipement ; or, cette approche ne convient pas au consommateur, car tous les logements n'ont pas les mêmes besoins. D'où, là encore, la nécessité de cette garantie de résultat : les mécanismes incitatifs ne devraient pas amener le consommateur à utiliser tel équipement, mais l'amener à déterminer une performance à atteindre pour obtenir ces financements. L'ADEME montre qu'une rénovation performante coûte en moyenne 25 000 euros. Le système incitatif doit limiter les effets d'aubaine, en minimisant le financement pour les gens qui changent juste leur chaudière, et en aidant massivement les consommateurs qui s'engagent dans la rénovation énergétique sur la base d'un objectif de performance. C'est la condition sine qua non pour que les consommateurs s'orientent vers une rénovation lourde.

On oppose souvent efficacité énergétique active et efficacité énergétique passive ; nous pensons au contraire qu'elles sont complémentaires. Les outils de gestion pour le contrôle sont essentiels ; les tarifications deviennent dynamiques. L'important est de mesurer et finalement de contrôler une rénovation en distinguant ce qui est lié au comportement du ménage et ce qui est lié à la structure. Lors du débat sur la transition énergétique, il nous avait été opposé que la garantie de résultat serait trop compliquée à mettre en place. Pourtant, des dispositifs de mesure et d'efficacité énergétique sont développés aujourd'hui, ce qui permet de distinguer comportement et structure et donc de faire la part entre responsabilité du ménage ou responsabilité du professionnel.

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Laurent Sireix, président du Syndicat de la mesure

Le Syndicat de la mesure regroupe 73 entreprises et 20 000 salariés, qui ont en commun l'utilisation d'appareils de mesure réglementés.

Je concentrerai mon propos sur la généralisation de l'individualisation des frais de chauffage dans les immeubles pourvus d'une installation de chauffage collectif. Des débats ont eu lieu au Parlement, mais aussi au sein des institutions européennes. Nous nous réjouissons du consensus entre l'Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement et les institutions européennes. Le décret et l'arrêté ont été publiés le 30 mai 2016 : ils sont clairs, en généralisant la répartition des frais de chauffage.

Nos voisins européens ont déjà très largement généralisé cette mesure, puisque plus de 30 millions de logements sont équipés en Europe. L'article 26 permet de lever les freins à la mise en place de cette mesure, puisque la généralisation de la répartition des frais de chauffage supprime les seuils prévus par les précédents décrets et qui créaient beaucoup de confusion. L'article 27, transposition l'article 13 de la Directive efficacité énergétique, prévoit des pénalités en cas de non-respect de la loi.

Le délai principal d'installation des appareils reste le 31 mars 2017. Le processus de concertation a, certes, abouti à un décalage de certains délais, mais 80 % des logements devraient être équipés d'ici à la fin 2017. Pour les bâtiments basse consommation (BBC) ou relevant de la RT 2012, un délai supplémentaire court jusqu'en 2019.

Il n'y a pas d'obstacles techniques. Aux termes de la réglementation, deux types d'appareils de mesure, validés et placés sous le contrôle de la métrologie légale, permettent de réaliser la répartition des frais de chauffage : les répartiteurs de frais de chauffage en cas de distribution de chauffage verticale, qui concerne la grande majorité de nos logements ; les compteurs d'énergie thermique en cas de distribution horizontale. La mesure peut donc être déployée.

En tant qu'acteurs de terrain, nous pouvons rapporter des retours positifs. La mesure concerne 5 millions de logements, et 600 000 ont d'ores et déjà fait l'objet d'une installation.

Les autres acteurs, en particulier les syndics, répondent correctement à cette nouvelle mesure. L'article 26 rend obligatoire une assemblée générale des copropriétaires pour voter l'installation des appareils, et nous avons constaté qu'énormément de devis sont demandés par les syndics.

Cette mesure d'efficacité énergétique active vise à responsabiliser. Elle bénéficie d'un large retour d'expérience chez nos voisins européens : l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark l'ont généralisée et ont pu en évaluer les effets bénéfiques.

Enfin, nous avons un devoir d'information vis-à-vis des consommateurs. Le représentant de l'ADEME a expliqué que des solutions existent pour les logements positionnés de manière défavorables ; ces solutions existent et sont appliquées. Il me paraît important d'en discuter avec les consommateurs ou les représentants institutionnels des consommateurs. De notre côté, nous avons créé un site Internet, « mon-chauffage-équitable.fr », grâce auquel nous transmettons des informations transparentes aux consommateurs, notamment sur le coût et le fonctionnement du dispositif.

Vous l'avez compris, les textes en la matière nous conviennent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette table ronde a été particulièrement intéressante. Vous avez tous la volonté d'atteindre les objectifs fixés par la loi. L'atteinte de ces objectifs nécessite des dispositions législatives et réglementaires, mais aussi des moyens financiers. La transition énergétique sera portée par les territoires, les collectivités territoriales et les entreprises. Au fond, s'agissant des moyens à mettre en oeuvre, vous auriez peut-être mieux légiféré à notre place !

La table ronde s'achève à dix-huit heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du mercredi 29 juin 2016 à 16 h 30

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sabine Buis, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Marc Goua, Mme Martine Lignières-Cassou

Excusé. - M. Alain Leboeuf