Intervention de Catherine Jacquot

Réunion du 29 juin 2016 à 16h30
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'Ordre des Architectes :

L'application de la loi de transition énergétique est un enjeu de société crucial. Notre pays compte 30 000 architectes et autant de bureaux d'études techniques (BET). Nous sommes extrêmement engagés sur le sujet et avons mis en place un certain nombre d'outils. La rénovation énergétique revêt une dimension transversale au sein de laquelle le numérique est un outil fondamental qui suppose une mise à niveau des compétences de l'ensemble des acteurs. À côté du numérique, la stratégie bas carbone – qui renvoie à toutes sortes de sujets comme les matériaux, les déchets, etc. – est tout aussi essentielle pour respecter les objectifs de la loi.

Dans le cadre de la transition écologique globale, il nous semble absolument nécessaire d'insuffler un peu de matière grise pour coordonner, prescrire les travaux, qui sont complexes en faisant intervenir plusieurs corps d'état. Or la loi ne donne aucune place à la maîtrise d'oeuvre et à la matière grise. Un diagnostic du bâti, une évaluation même très légère, aurait plusieurs avantages. D'abord, cela créerait de la motivation chez les particuliers qui veulent avant tout, cela a été dit, améliorer le confort de leur logement. Ensuite, des travaux réalisés avec discernement permettraient aux gens de valoriser leur patrimoine. Enfin, une maîtrise d'oeuvre insufflée au début de chaque projet permettrait d'optimiser les économies, en tout cas à partir d'un certain montant de travaux.

Dans ce contexte, la pédagogie auprès des particuliers est importante afin qu'ils perçoivent clairement les enjeux. Pour avoir une garantie de performance, il faut aussi travailler sur l'usage. C'est un nouveau mode de vie qu'il faut mettre en place et, pour cela, les intermédiaires, notamment les architectes, sont essentiels.

Pour en venir aux décrets, celui sur le logement décent est on ne peut plus minimaliste. On doit être capable d'élaborer un décret plus coercitif sur la décence des logements.

Le bâtiment neuf représente 350 000 logements par an, soit 1% du parc. C'est un enjeu, mais certainement pas le plus important. Aussi pensons-nous nécessaire de modérer l'obligation sur le neuf. Peut-on envisager un BEPOS sans conception du quartier, de l'îlot, alors que l'énergie stockée pourrait servir à l'école située plein Nord qui ne peut pas assurer sa propre autonomie énergétique ? Avant d'envisager des BEPOS, un travail général sur l'urbain devrait être mené, car c'est un écosystème qu'il faut mettre en place.

Enfin, le décret sur les travaux embarqués, en comprenant une vaste liste d'exemptions, est le symptôme de tout de ce que nous dénonçons. Comment une loi peut-elle préconiser de façon obligatoire un système d'isolation par l'extérieur ? Il y a de multiples façons de faire des économies d'énergie, en fonction de la spécificité de chaque bâtiment. L'objectif pourrait être atteint grâce à l'isolation intérieure : cela ne sera même pas possible puisqu'il faudra faire une isolation par l'extérieur en cas de ravalement. Les architectes nous remontent des exemples d'isolation par l'extérieur qui se révèlent dramatiques pour la qualité patrimoniale du bâtiment, sans parler de la qualité de l'air, des conséquences sur l'acoustique, et des 30 centimètres de plus sur l'espace public ! Nous trouvons cela aberrant !

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