C'est avec plaisir que notre Commission reçoit Mme Klajda Gjosha, dans un contexte marqué par la crise des réfugiés qui touche pleinement les Balkans occidentaux et au sujet de laquelle s'est tenu ce matin même un mini-sommet européen. Les États doivent en effet se parler davantage et les parlementaires tenir leur rôle dans ces échanges. Les pays des Balkans occidentaux ont vocation à rejoindre l'Union européenne à moyen terme. À cet égard, je me félicite que le statut de l'Albanie vienne d'être rehaussé d'un cran, ce pays ayant été reconnu candidat officiel à l'adhésion en juin 2014. Ce processus n'est évidemment pas une simple formalité. L'Union européenne, qui traverse une profonde crise économique et sociale, ne peut répondre à toutes les demandes de soutien financier qui émanent des pays de son voisinage et encore moins à toutes les demandes d'adhésion rapide. Le président Juncker a d'ailleurs annoncé qu'aucun pays n'entrerait dans l'Union au cours de son mandat ; en revanche, l'approfondissement de l'Union et le développement de partenariats ne peuvent qu'être bénéfiques à tous.
Les pays des Balkans, dont l'Albanie, expriment un désir d'Europe et nous souhaitons, madame la ministre, vous accompagner sur la voie de l'intégration de l'acquis communautaire, qu'il s'agisse de normes techniques et économiques ou de gouvernance étatique et de droits humains, condition sine qua non de toute adhésion. Je profite de cette audition pour défendre la méthode communautaire, qui requiert efforts et patience et qui est le gage de notre efficacité commune pour affronter ensemble les défis économiques, sociaux, environnementaux, migratoires et sécuritaires auxquels l'Europe est confrontée. Cette rigueur impose des contraintes aux deux parties : l'Union européenne et ses États membres doivent se montrer plus attentifs aux besoins de coopération qu'expriment les pays comme l'Albanie qui frappent à notre porte, pour les aider à se réformer plus rapidement ; de ce point de vue, la solidarité européenne doit s'exercer régulièrement.
À l'issue de la rencontre de haut niveau entre l'Union européenne et l'Albanie de mars dernier, le commissaire européen Johannes Hahn s'est félicité de la bonne compréhension que l'Albanie a des enjeux et de son projet de créer un conseil national pour l'intégration européenne. Cependant, il a aussi souligné que l'avancement du processus dépendait des progrès que l'Albanie réaliserait dans cinq domaines : la professionnalisation et la dépolitisation de l'appareil administratif public ; la modernisation du système policier et judiciaire ; la lutte contre la corruption ; la lutte contre la criminalité organisée ; enfin, la protection des droits de l'homme et la suppression des discriminations ethniques. Notre Commission sera très attentive aux informations que vous voudrez bien lui donner sur chacun de ces points, sachant que le gouvernement albanais actuel, qui appuie son action sur des valeurs sociales et démocratiques, ne peut que faire avancer ces chantiers. D'ailleurs, les quelque 400 observateurs internationaux diligentés en Albanie lors des élections locales de juin dernier ont constaté que l'organisation du scrutin avait été efficace et transparente, même s'ils ont noté l'utilisation de moyens publics par des responsables des partis au pouvoir et certaines pressions contre des électeurs pendant la campagne, ainsi que des irrégularités de procédure durant les opérations de vote. Quelles mesures votre gouvernement peut-il prendre afin de respecter mieux encore les règles démocratiques européennes ?
De même, nous sommes très préoccupés par les tensions récurrentes entre l'Albanie et la Serbie, surtout à propos du Kosovo. Le premier ministre albanais a évoqué la possibilité d'une unification de l'Albanie et du Kosovo, et vous savez qu'une telle position est inacceptable pour l'Union européenne. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
L'Albanie s'est liée à ses voisins par une communauté de destin : votre marche vers la stabilité et la prospérité ne se fera que main dans la main avec eux, dans un esprit ouvert. Les pays des Balkans occidentaux ont d'ailleurs commencé depuis quelques années à coopérer en faveur d'un développement régional concerté. Quel bilan tirez-vous de cette initiative ? Peut-elle selon vous contribuer à résoudre les différends territoriaux qui continuent d'empoisonner les relations entre les pays de la région, par exemple le Kosovo et la Serbie ?
Par sa situation géographique et parce qu'elle est un pays d'émigration, l'Albanie est particulièrement concernée par la question des migrants. Comment jugez-vous la politique européenne en la matière et quelles mesures préconisez-vous pour renforcer la solidarité européenne en incluant les États candidats des Balkans ? À cet égard, les conclusions du mini-sommet européen de dimanche dernier vous satisfont-elles ?
En outre, les graves incidents survenus en avril dernier dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, aux frontières de l'Albanie et du Kosovo, montrent que votre région est menacée par le terrorisme djihadiste. Face à ce péril, l'Albanie ne demeure pas passive : votre législation comporte depuis mars 2014 un volet consacré à la lutte contre le financement du terrorisme, votre gouvernement vient de créer un service dédié à la lutte contre le terrorisme et un programme de gestion des détenus islamistes radicaux incarcérés dans vos prisons est en cours. Comment jugez-vous l'efficacité de l'action antiterroriste en Albanie en particulier et dans les Balkans en général ? Ne faut-il pas, dans ce domaine comme au sujet des migrants, améliorer l'intégration régionale, afin que certains pays d'accueil – la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Autriche, par exemple – n'aient plus l'impression que le flux de réfugiés politiques relevant du droit d'asile se mélange à celui de migrants économiques venus d'Albanie ou des autres pays de la région, qui en profitent pour venir chercher du travail en Europe occidentale ?