COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 28 octobre 2015
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 25
Audition de Mme Klajda Gjosha, ministre albanaise pour l'intégration européenne
C'est avec plaisir que notre Commission reçoit Mme Klajda Gjosha, dans un contexte marqué par la crise des réfugiés qui touche pleinement les Balkans occidentaux et au sujet de laquelle s'est tenu ce matin même un mini-sommet européen. Les États doivent en effet se parler davantage et les parlementaires tenir leur rôle dans ces échanges. Les pays des Balkans occidentaux ont vocation à rejoindre l'Union européenne à moyen terme. À cet égard, je me félicite que le statut de l'Albanie vienne d'être rehaussé d'un cran, ce pays ayant été reconnu candidat officiel à l'adhésion en juin 2014. Ce processus n'est évidemment pas une simple formalité. L'Union européenne, qui traverse une profonde crise économique et sociale, ne peut répondre à toutes les demandes de soutien financier qui émanent des pays de son voisinage et encore moins à toutes les demandes d'adhésion rapide. Le président Juncker a d'ailleurs annoncé qu'aucun pays n'entrerait dans l'Union au cours de son mandat ; en revanche, l'approfondissement de l'Union et le développement de partenariats ne peuvent qu'être bénéfiques à tous.
Les pays des Balkans, dont l'Albanie, expriment un désir d'Europe et nous souhaitons, madame la ministre, vous accompagner sur la voie de l'intégration de l'acquis communautaire, qu'il s'agisse de normes techniques et économiques ou de gouvernance étatique et de droits humains, condition sine qua non de toute adhésion. Je profite de cette audition pour défendre la méthode communautaire, qui requiert efforts et patience et qui est le gage de notre efficacité commune pour affronter ensemble les défis économiques, sociaux, environnementaux, migratoires et sécuritaires auxquels l'Europe est confrontée. Cette rigueur impose des contraintes aux deux parties : l'Union européenne et ses États membres doivent se montrer plus attentifs aux besoins de coopération qu'expriment les pays comme l'Albanie qui frappent à notre porte, pour les aider à se réformer plus rapidement ; de ce point de vue, la solidarité européenne doit s'exercer régulièrement.
À l'issue de la rencontre de haut niveau entre l'Union européenne et l'Albanie de mars dernier, le commissaire européen Johannes Hahn s'est félicité de la bonne compréhension que l'Albanie a des enjeux et de son projet de créer un conseil national pour l'intégration européenne. Cependant, il a aussi souligné que l'avancement du processus dépendait des progrès que l'Albanie réaliserait dans cinq domaines : la professionnalisation et la dépolitisation de l'appareil administratif public ; la modernisation du système policier et judiciaire ; la lutte contre la corruption ; la lutte contre la criminalité organisée ; enfin, la protection des droits de l'homme et la suppression des discriminations ethniques. Notre Commission sera très attentive aux informations que vous voudrez bien lui donner sur chacun de ces points, sachant que le gouvernement albanais actuel, qui appuie son action sur des valeurs sociales et démocratiques, ne peut que faire avancer ces chantiers. D'ailleurs, les quelque 400 observateurs internationaux diligentés en Albanie lors des élections locales de juin dernier ont constaté que l'organisation du scrutin avait été efficace et transparente, même s'ils ont noté l'utilisation de moyens publics par des responsables des partis au pouvoir et certaines pressions contre des électeurs pendant la campagne, ainsi que des irrégularités de procédure durant les opérations de vote. Quelles mesures votre gouvernement peut-il prendre afin de respecter mieux encore les règles démocratiques européennes ?
De même, nous sommes très préoccupés par les tensions récurrentes entre l'Albanie et la Serbie, surtout à propos du Kosovo. Le premier ministre albanais a évoqué la possibilité d'une unification de l'Albanie et du Kosovo, et vous savez qu'une telle position est inacceptable pour l'Union européenne. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
L'Albanie s'est liée à ses voisins par une communauté de destin : votre marche vers la stabilité et la prospérité ne se fera que main dans la main avec eux, dans un esprit ouvert. Les pays des Balkans occidentaux ont d'ailleurs commencé depuis quelques années à coopérer en faveur d'un développement régional concerté. Quel bilan tirez-vous de cette initiative ? Peut-elle selon vous contribuer à résoudre les différends territoriaux qui continuent d'empoisonner les relations entre les pays de la région, par exemple le Kosovo et la Serbie ?
Par sa situation géographique et parce qu'elle est un pays d'émigration, l'Albanie est particulièrement concernée par la question des migrants. Comment jugez-vous la politique européenne en la matière et quelles mesures préconisez-vous pour renforcer la solidarité européenne en incluant les États candidats des Balkans ? À cet égard, les conclusions du mini-sommet européen de dimanche dernier vous satisfont-elles ?
En outre, les graves incidents survenus en avril dernier dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, aux frontières de l'Albanie et du Kosovo, montrent que votre région est menacée par le terrorisme djihadiste. Face à ce péril, l'Albanie ne demeure pas passive : votre législation comporte depuis mars 2014 un volet consacré à la lutte contre le financement du terrorisme, votre gouvernement vient de créer un service dédié à la lutte contre le terrorisme et un programme de gestion des détenus islamistes radicaux incarcérés dans vos prisons est en cours. Comment jugez-vous l'efficacité de l'action antiterroriste en Albanie en particulier et dans les Balkans en général ? Ne faut-il pas, dans ce domaine comme au sujet des migrants, améliorer l'intégration régionale, afin que certains pays d'accueil – la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou l'Autriche, par exemple – n'aient plus l'impression que le flux de réfugiés politiques relevant du droit d'asile se mélange à celui de migrants économiques venus d'Albanie ou des autres pays de la région, qui en profitent pour venir chercher du travail en Europe occidentale ?
Je vous remercie, madame la Présidente, de me donner l'occasion de partager avec votre Commission les progrès que l'Albanie a réalisés en matière d'intégration européenne. Je remercie également la France pour le soutien sans faille qu'elle a apporté à la candidature de l'Albanie. Le soutien des États membres nous est très précieux, même si nous sommes pleinement conscients que notre processus d'intégration ne dépend que de notre adaptation aux normes européennes. Le statut de candidat à l'adhésion a permis à l'Albanie de se rapprocher du chemin européen. Au cours de l'année passée, nous avons entrepris plusieurs réformes cruciales pour l'avenir de notre pays, en particulier dans l'administration publique – comme s'en est félicitée la Commission européenne. Autres priorités de notre action : la lutte contre la corruption et contre la criminalité organisée, et la protection des droits de l'homme. Enfin, le Parlement albanais adoptera prochainement une réforme du système judiciaire afin de rétablir la confiance qu'il doit inspirer dans la population. Une fois la réforme adoptée, l'Albanie sollicitera l'appui des États membres afin que la Commission recommande sa mise en oeuvre dans le cadre des chapitres 23 et 24 de l'acquis communautaire.
L'Albanie est l'un des pays d'Europe les plus pro-européens. Nous croyons en une Europe unie car, en dépit des défis auxquels elle est confrontée, l'Union européenne demeure un modèle de solidarité. Voici deux décennies que l'Albanie déploie un effort incessant pour l'intégrer et nous poursuivrons cet itinéraire jusqu'à son terme. Nous sommes bien conscients des obstacles qui demeurent et du travail qui reste à accomplir, mais nous sommes confiants et déterminés à prendre notre place au sein de la famille européenne. L'ouverture des négociations d'adhésion n'est pas qu'un simple rendez-vous : elle se fonde sur le mérite, et la mise de notre législation aux normes européennes renforcera notre démocratie. Nous considérons en effet le processus d'intégration comme un processus de transformation. C'est pourquoi nous souhaitons préserver l'enthousiasme que l'intégration européenne suscite dans la population albanaise. Au fond, l'objectif premier de l'Albanie n'est pas l'adhésion à l'Union européenne ; c'est plutôt l'ouverture de négociations, afin d'adosser aux chapitres de l'acquis communautaire la mise en oeuvre des grandes réformes que nous avons adoptées. Les progrès ainsi accomplis apparaîtront plus clairement à l'Albanie mais aussi aux États membres. Pour ce faire, toutes les amitiés sont utiles.
Nous sommes conscients des difficultés actuelles de l'Union et du scepticisme que le processus d'intégration suscite dans les opinions publiques de ses États membres. Je n'en apprécie que davantage le soutien que la France apporte à l'Albanie et aux autres pays de la région dans leur démarche.
La conférence des États des Balkans occidentaux – qui s'est tenue pour la première fois à Berlin en 2014 puis à Vienne cette année, et se réunira de nouveau à Paris l'an prochain – témoigne de l'importance que la France et les autres États membres accordent à ce processus. Nous espérons qu'il en résulte des projets concrets permettant aux pays des Balkans occidentaux de se rapprocher non seulement entre eux, mais aussi de l'Union européenne. En effet, le processus d'intégration est très utile au rapprochement entre les pays de la région, en particulier l'Albanie, le Kosovo et la Serbie, qui dialoguent ensemble pour la première fois. Nous continuerons, dans le cadre de la conférence des États des Balkans occidentaux, à envisager des projets communs, qu'il s'agisse des infrastructures, de la société civile ou des programmes d'échange destinés à la jeunesse, car c'est grâce aux jeunes que les mentalités vont évoluer. Ainsi, lors de la dernière rencontre de football entre l'Albanie et la Serbie, une centaine de jeunes Serbes ont séjourné à Tirana et ont été accueillis dans des familles albanaises. L'exemple est certes modeste mais c'est un bon début. Les étudiants serbes sont rentrés chez eux heureux et déterminés à revenir avec leurs amis, et leurs homologues albanais ont exprimé leur souhait de visiter Belgrade ; c'est une nouveauté. Nous nous réjouissons que la Serbie progresse dans son processus d'intégration, auquel l'Albanie et le Kosovo ont pris leur part. L'essentiel est que tous les pays des Balkans occidentaux renforcent leur coopération et, pour ce faire, que leur intégration européenne – qu'il s'agisse de l'Albanie, mais aussi du Kosovo ou de la Macédoine – se poursuive. Pour la première fois de leur histoire, les Balkans sont en paix, et c'est grâce à l'Europe. C'est pourquoi nous voulons participer au grand projet européen.
Même en Albanie, la crise migratoire devient un problème préoccupant. Il est possible que des migrants traversent l'Albanie au cours de l'hiver prochain. Notre premier ministre a participé au récent mini-sommet européen, où il a été décidé de créer 100 000 nouvelles places d'accueil. Dans ce domaine, l'Albanie approuve l'ensemble des recommandations de l'Union, parce que nous nous sentons européens et voulons agir en conséquence, en aidant l'Europe face à cette crise. Plus généralement, la politique étrangère albanaise est totalement alignée sur celle de l'Europe.
De même, l'Albanie a exprimé sa détermination à combattre le terrorisme avec ses partenaires de la région et au-delà. Cette menace a été abordée lors du dernier sommet du processus de coopération de l'Europe du Sud-Est, qui s'est tenu à Tirana et auquel ont participé treize gouvernements de la région. Dans une déclaration conjointe, ils ont condamné les actes terroristes perpétrés par Daesh et ont convenu de coopérer pour empêcher leurs ressortissants de gagner les pays en guerre, pour promouvoir la tolérance religieuse et pour faire respecter les droits de l'homme. Nous devons renforcer la coopération judiciaire et policière à l'échelle régionale afin d'améliorer le partage d'informations et de mettre au point des stratégies communes.
Pour conclure, j'insiste sur le fait que la date d'adhésion de l'Albanie à l'Union européenne nous importe moins que le processus d'adhésion lui-même, qui contribue à transformer notre pays. Nous sommes bien conscients du chemin qu'il nous reste à parcourir avant l'adhésion ; c'est précisément ce chemin qui nous permet de nous doter d'institutions démocratiques.
Je vous remercie, madame la ministre, de cette intervention très constructive pour l'avenir des relations entre l'Albanie et l'Union européenne. Dans son rapport d'avancement de 2014, la Commission européenne a noté que l'Albanie avait accompli d'importants progrès. Certes, des efforts restent à déployer en matière judiciaire et sécuritaire – questions d'essence européenne, à l'heure où les défis à relever sont mondiaux. De même, l'Albanie a beaucoup progressé en matière de droits humains, notamment ceux des minorités sexuelles, même si l'opinion publique est encore en décalage par rapport à l'action du gouvernement.
Quelles mesures de coopération peuvent être prises en matière d'entraide policière et judiciaire ? L'Albanie entretient-elle par exemple des relations avec Eurojust et Europol ? D'autre part, l'Albanie étant en première ligne dans la lutte contre le terrorisme, avez-vous constaté que des jeunes émigrent non pas vers l'Europe, mais pour combattre aux côtés de Daesh, et quelles mesures prenez-vous pour empêcher une telle dérive ? Je pose cette question tout en précisant qu'en Albanie, le sentiment religieux est moins fort que le sentiment national.
Je me réjouis que le statut de candidat ait été accordé à l'Albanie en juin dernier et je rappelle le rôle qu'a joué la France dans cette décision. L'Albanie a sa place dans l'Union européenne. Seuls restent à remplir les critères d'adhésion, et aucun autre, d'ordre religieux ou culturel par exemple, comme ceux parfois évoqués par certains dirigeants ; que les choses soient claires : seuls comptent les critères de Copenhague.
Nous suivons avec beaucoup d'intérêt les réformes que votre gouvernement met en oeuvre dans les secteurs de la justice, de l'administration publique, de la lutte contre les trafics. De fait, la situation a beaucoup changé depuis l'arrivée au pouvoir en 2013 de la nouvelle coalition, du Président du Parlement, M. Ilir Meta, et du Premier ministre Edi Rama. La région ne peut que profiter d'une Albanie tournée vers l'Europe ; de ce point de vue, il faut selon moi ouvrir rapidement les négociations d'adhésion. Ceci étant, les États membres ont le devoir d'approfondir l'Union européenne. Si le scepticisme existe dans nos propres opinions publiques, c'est parce que nous manquons des politiques de convergence en matière sociale qui permettraient aux citoyens d'apprécier le projet européen à sa juste valeur.
Quelles mesures prenez-vous en matière économique et sociale ? L'intégration de l'Albanie, en effet, sera positive si elle ne provoque aucun dumping social. Comment entendez-vous rehausser le PIB et les normes sociales de votre pays ?
J'ai pris note du fait que l'adhésion, au fond, importait moins à l'Albanie que l'avancement des négociations. Elles sont en effet pour votre pays le moyen de mettre en oeuvre les réformes demandées par l'Europe. Vous avez d'ailleurs accompli des progrès dans de nombreux domaines, mais il en reste un : la justice. Qu'allez-vous précisément changer dans votre système judiciaire ?
D'autre part, face à un afflux sans précédent de migrants, le Président de la Commission européenne a demandé aux pays balkaniques de renoncer à la politique du « laisser passer ». Que fera l'Albanie à cet égard ? Récemment réunies à Sofia, la Bulgarie, la Roumanie et la Serbie ont accru la pression en annonçant qu'elles pourraient verrouiller leurs frontières si l'Allemagne en faisait autant. Comment l'Albanie réagirait-elle face à cette crise ? Choisirait-elle de suivre les pays qui verrouillent leurs frontières ou aiderait-elle l'Union européenne à créer des centres d'accueil ?
Enfin, accusé d'abus de pouvoir et du vol de 5,1 millions d'euros, M. Ardian Fullani, ancien gouverneur de la banque centrale d'Albanie, a été innocenté lundi dernier par un tribunal de Tirana – signe que la criminalité organisée occupe encore une place importante dans le pays. Que faites-vous pour lutter contre la corruption ?
Intégration européenne, question migratoire, lutte contre le terrorisme : sur ces sujets, vous agissez de front mais à vitesse inégale, puisque le calendrier de l'intégration se déroule pas à pas tandis que l'afflux de migrants et la lutte contre le terrorisme ont précipité votre pays au coeur des grandes problématiques de l'Europe. N'est-ce pas là l'occasion de revendiquer une reconnaissance plus hâtive de la part des autres pays européens ? Vos propos ne semblent pas l'indiquer, tant vous avez fait la preuve de votre ténacité à respecter le calendrier et les engagements d'intégration, ce dont nous vous sommes reconnaissants.
Dans la perspective de l'intégration, précisément, comment envisagez-vous de modifier votre système éducatif ? Quels sont les domaines dans lesquels il vous semble le plus pertinent d'agir pour rejoindre la grande famille européenne ?
Vous l'avez vu, madame la ministre, notre Commission est très attachée à l'intégration des Balkans dans l'Union européenne. En attendant vos réponses, je vous sais gré de la prudence et de la clarté de vos propos.
Vos questions montrent que l'Albanie intéresse désormais les États membres de l'Union européenne, et je vous en remercie. La principale réforme en cours en Albanie concerne la justice. C'est une réforme-clé, non seulement pour restaurer la confiance de la population envers le système judiciaire mais aussi pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée ; voilà pourquoi nous y consacrons actuellement tous nos efforts. Cette réforme de très grande ampleur se traduira non seulement dans la loi mais aussi par la modification de la Constitution. Si nous croyons à sa réussite, c'est parce qu'elle a le soutien du peuple albanais et qu'elle fait l'objet d'un consensus par-delà les partis. J'ajoute que cette réforme n'est pas le fruit du seul travail de nos spécialistes : nous avons bénéficié d'une importante expertise internationale. Nous venons de transmettre le projet de réforme à la Commission de Venise et attendons ses éventuelles recommandations ; nous espérons faire adopter le texte en janvier prochain. Le débat sera long, tant au Parlement que dans la société civile, car cette réforme n'est pas aisée. À preuve : elle est plus ample encore que celle que la Croatie a adoptée avant son adhésion. Autrement dit, nous pensons que cette réforme répondra en grande partie aux demandes de la Commission européenne en matière de lutte contre la corruption et contre la criminalité organisée, sachant que toute la chaîne de responsabilités doit fonctionner pour garantir le succès de cette réforme, étroitement liée à l'avancement du processus d'intégration de l'Albanie.
La question du calendrier de notre intégration ne m'inquiète pas : chacun sait qu'elle ne dépend pas que des réformes accomplies dans notre pays. Nous devons nous attacher à réformer l'Albanie tout en incitant les États membres à favoriser l'intégration des pays candidats. Cependant, dans l'attente de la publication du prochain rapport d'étape concernant l'Albanie, le 5 novembre, je préfère ne pas me prononcer sur le calendrier de l'ouverture des négociations, même si je souhaite qu'il soit aussi rapide que possible pour notre gouvernement et pour notre peuple. Lorsque la décision aura été prise, je serai reconnaissante à la France d'appuyer mon pays dans ce processus.
J'en viens à la question des migrants. L'Albanie prône le maintien de frontières ouvertes. Notre gouvernement évalue actuellement le nombre de migrants que l'Albanie peut accueillir au cours de l'hiver, dans le respect le plus strict des politiques européennes en la matière.
Le terrorisme constitue un problème de plus en plus préoccupant en Albanie : un nombre croissant de jeunes a été recruté pour combattre aux côtés de Daesh et la menace est réelle. Permettez-moi toutefois ce commentaire : lorsque le statut de candidat a été refusé pour la quatrième fois à l'Albanie, certains ont commencé à prétendre que puisque l'Europe ne voulait pas de nous, mieux valait se tourner vers d'autres espaces. Autrement dit, l'Europe doit donner le feu vert à notre pays, car plus le processus d'intégration progressera, plus nous pourrons combattre ces cellules terroristes sur notre territoire. C'est ainsi que nous convaincrons la population albanaise que son pays a toute sa place en Europe. Le processus d'intégration est long et sinueux ; il peut susciter une certaine lassitude, mais nous sommes déterminés à poursuivre notre travail d'adaptation aux normes européennes.
La question de l'éducation est aussi essentielle. Depuis deux ans, nous avons entrepris de réformer ce secteur en profondeur de sorte que les enseignants soient employés dans leur discipline. Les normes de recrutement et les programmes scolaires ont été adaptés aux normes européennes. La réforme a mis fin à la corruption du système en changeant le système lui-même. Même si la mise en oeuvre de la réforme prendra encore du temps, le niveau général a progressé. Les programmes d'échanges avec les écoles et les universités européennes, y compris le programme Erasmus, sont particulièrement importants pour améliorer le niveau de nos étudiants, mais aussi pour faire évoluer les mentalités.
À propos de M. Fullani, l'affaire est close : il est libre depuis quelques jours et cette décision appartient aux tribunaux. Le gouvernement n'a pas à intervenir dans la bonne marche de la justice ; il doit en revanche réformer le système judiciaire pour accroître la confiance qu'il inspire dans la population.
Vous avez su nous rassurer, madame la ministre, quant aux progrès accomplis par l'Albanie depuis deux ans. Vous avez également réaffirmé la volonté de votre pays de lutter contre la corruption et de se doter d'un système judiciaire indépendant. Vous avez insisté sur votre solidarité avec l'Union européenne s'agissant de la crise migratoire, et je m'en réjouis. De même, je vous sais gré d'avoir évoqué Erasmus, car c'est de l'échange entre jeunes que dépend l'avenir de l'Union, notamment lorsqu'elle englobera l'ensemble des pays des Balkans, comme le souhaite notre Commission.
La séance est levée à 17 heures