Intervention de Charles de La Verpillière

Réunion du 18 novembre 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de La Verpillière, co-rapporteur :

Je voudrais, avant d'en venir à la partie de la présentation qui m'incombe, faire moi aussi une déclaration liminaire, en soulignant que je la fais à titre personnel.

Tout d'abord, l'actualité tragique des attentats islamistes à Paris et au Stade de France donne tout son sens, s'il en était besoin, au travail que nous avons entrepris. Le meilleur hommage que nous puissions rendre aux victimes et aux forces de l'ordre, c'est de créer, en tant que parlementaires, les conditions juridiques et pratiques, d'une lutte efficace contre le terrorisme.

Dans ce contexte, l'impérieuse nécessité d'une politique européenne en matière de sécurité est plus que jamais évidente. Un seul exemple suffit à l'illustrer : le fait que c'est une filière franco-belge qui a préparé et perpétué les massacres de vendredi dernier.

Je dois relever, malheureusement, la mise en oeuvre trop lente et tardive de la politique européenne en matière de sécurité. Pourtant des outils existent et sont à mettre à l'actif de cette politique européenne. Ces outils existent par exemple pour l'échange d'informations entre les forces de sécurité des États membres, mais la Commission européenne souligne qu'ils ne sont pas suffisamment utilisés. Quant aux outils nouveaux, comme le système européen de dossiers passagers - le fameux PNR – il est anormal qu'ils n'aient pas encore abouti. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement français en la matière, mais je constate qu'il n'a pas obtenu gain de cause à ce stade.

Je souhaite, dans le même esprit, que l'appel à la solidarité européenne, lancé par la France dans le cadre de l'article 42 alinéa 7 du Traité sur l'Union européenne, soit entendu et que tous nos partenaires européens mettent en oeuvre des mesures concrètes de solidarité.

Enfin, je voudrais souligner que la politique de sécurité et la question des migrations sont étroitement liées. Là encore, les attentats de vendredi dernier nous le démontrent : l'un des terroristes était entré en Europe, semble-t-il, en se faisant passer pour un migrant. La lutte contre le terrorisme en Europe passe aussi par un traitement approprié des flux migratoires.

Ayant fait cette déclaration liminaire, j'en viens désormais à notre communication orale proprement dite. Dans un premier temps, je vous dirai quels sont les objectifs et les priorités retenus dans ce programme et Marietta Karamanli vous présentera ensuite notre point de vue sur le programme et l'avancée de certains chantiers.

Le 28 avril dernier, la Commission européenne a présenté le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020. Le partage des compétences établi par les traités prévoit que le Conseil européen définit les grandes orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice, conformément à l'article 68 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tandis que les États membres demeurent pleinement responsables de la sécurité nationale et du maintien de l'ordre public (art. 4 § 2 TUE, art. 72 TFUE).

Figurant parmi les priorités politiques du président Juncker pour la période 2015-2020, le programme de l'Union européenne présenté le 28 avril dernier visant à lutter contre les menaces pour la sécurité dans l'Union européenne, s'inscrit dans la continuité de la Stratégie précédente. Les évolutions du contexte sécuritaire ont toutefois conduit à un ajustement des priorités, moyens d'actions et instruments dans le programme pour 2015-2020. Je précise que la stratégie précédente est la Stratégie de sécurité intérieure (SSI), qui couvrait la période 2010-2014.

Dans sa communication du 28 avril, la Commission européenne définit une approche globale dont la réussite repose sur un triptyque associant partage des responsabilités, confiance mutuelle et coopération effective entre tous les acteurs, c'est-à-dire les institutions et agences de l'Union européenne, les États membres et les autorités nationales, voire la société civile.

Trois objectifs stratégiques ont été retenus pour les années 2015 à 2020 : la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre la cybercriminalité. Je vais reprendre ces trois objectifs en disant tout de même, avant, quelques mots sur la méthode privilégiée par la Commission.

Pour la mise en oeuvre du programme pour 2015-2020, la Commission insiste sur la nécessité de renforcer les échanges d'information et d'améliorer la coopération opérationnelle. L'Union européenne dispose en effet de plusieurs instruments pour faciliter les échanges d'informations entre États membres, agences et institutions. Plusieurs bases de données, comme le système d'information Schengen (SIS), le système douanier d'informations anticipées sur les marchandises, le système d'information antifraude (AFIS), exploité par l'OLAF, l'environnement commun de partage de l'information (CISE) en matière maritime ou le « cadre Prüm » concernant la coopération policière permettent aux États membres de procéder à de tels échanges. Ces instruments existent donc mais ils sont aujourd'hui inégalement ou insuffisamment exploités.

L'ambition du programme de la Commission pour 2015-2020 est d'apprécier l'utilité des instruments existants, d'en promouvoir une meilleure utilisation et de proposer, le cas échéant, de nouveaux outils à même de remplir les objectifs que l'Union s'est fixée pour assurer sa sécurité. Vos rapporteurs saluent tout particulièrement cette démarche pragmatique.

Je voudrais à présent revenir sur les trois objectifs du programme. Tout d'abord, sur l'objectif premier et central : la lutte contre le terrorisme. C'est évidemment cet objectif qui, ces jours-ci et pour les semaines et les mois qui viennent, va nous mobiliser particulièrement.

Vos rapporteurs souhaitent saluer l'approche globale retenue dans le programme, qui propose de renforcer le volet répressif de la lutte contre le terrorisme, à des fins de dissuasion, et d'accentuer considérablement le volet préventif en mettant l'accent sur le développement de mesures de prévention par la communication, l'éducation et la formation et en incitant à la mobilisation la plus large possible.

Le deuxième objectif du programme, la lutte contre la criminalité organisée, s'inscrit dans la continuité des actions entreprises par l'Union européenne depuis 2010, en particulier dans le cadre du programme de Stockholm sur lequel notre Commission s'est déjà exprimée en mai dernier. En dépit des mesures déjà mises en oeuvre dans ce cadre, le développement ou le maintien de réseaux criminels s'adonnant à des trafics divers, continuent de menacer l'économie européenne ainsi que les droits et libertés fondamentales.

La Commission européenne a érigé au rang de priorités pour la période 2015-2020 l'amélioration de la législation sur les armes à feu et le renforcement de la lutte contre le trafic des êtres humains. À cet égard, une attention particulière devra être portée, bien entendu, aux flux financiers engendrés par les trafics en tous genres, ainsi que sur les liens entre ces profits et le terrorisme. Ces jours derniers, de tous côtés, il a été dit combien le tarissement des financements des groupes terroristes - à commencer par le financement de l'État islamique – était absolument prioritaire et primordiale.

Vos rapporteurs rappellent l'existence d'un plan d'action de l'Union européenne spécifique contre le trafic de migrants pour la période 2015-2020 et soulignent que l'articulation entre les mesures mises en oeuvre au titre de ce plan d'action et celles relevant du programme européen de sécurité devront faire l'objet d'une étroite coordination et d'un suivi régulier. J'ai insisté dans ma déclaration liminaire sur le lien qu'il convient de faire entre le programme de sécurité intérieure et la politique en matière de migrations.

S'agissant enfin du troisième objectif, je voudrais souligner que la cybercriminalité, menace transfrontière par nature, nécessite un traitement juridique commun des menaces contre la « cybersécurité » et une étroite coopération entre les autorités judiciaires compétentes afin d'améliorer notamment l'accès aux éléments de preuve et d'information en dehors de leur juridiction territoriale.

Cette troisième priorité est plus succinctement abordée dans la communication de la Commission européenne et nécessitera de veiller à sa déclinaison opérationnelle. Vos rapporteurs soulignent l'aspect stratégique des actions visant à assurer la « cybersécurité » de l'Union européenne dans la mesure où Internet se révèle être un cadre propice à l'épanouissement des activités criminelles etou terroristes et aussi de possibles atteintes aux libertés individuelles et là encore l'actualité récente et tragique vient de nous le rappeler.

Je laisse la parole à Marietta Karamanli pour présenter nos points de vue sur le programme et l'avancée de certains chantiers.

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