Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 29 mai 2013 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Marc Pastor, sénateur :

Je vais tenter de répondre à la dernière question de Laurent Kalinowski : l'hydrogène est-il aujourd'hui un vecteur énergétique viable et durable ?

Tout d'abord, je voudrais dire qu'en tant que vecteur énergétique, l'hydrogène souffre de l'attente sans doute trop longue de résultats visibles. Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler que Jules Verne avait parfaitement entrevu les usages énergétiques de l'hydrogène, dès la fin du XIXe siècle dans son roman l'Île mystérieuse. Il y prédisait que l'eau décomposée en ses éléments constitutifs, l'hydrogène et l'oxygène, remplacerait un jour le charbon, pour générer de la lumière et de la chaleur.

Dans le cadre de notre étude de faisabilité, nous avions fait le point sur les conclusions des précédents rapports de l'Office qui, de 2001 à 2009, avaient traité des usages énergétiques de l'hydrogène. Leurs rapporteurs s'accordaient à considérer la filière hydrogène énergie comme prometteuse, mais estimaient que son développement était encore grevé par de nombreux verrous technologiques. De ce fait, l'utilisation effective de l'hydrogène à des fins énergétiques leur apparaissait, toute particulièrement dans les transports - à l'époque, la question du stockage de l'énergie n'était pas encore posée -, au mieux comme un objectif de long terme, au pire comme incertaine.

Le premier constat de notre étude a été établi à l'occasion des visites de laboratoires et d'installations que nous avons effectuées en France comme à l'étranger. Nous avons pu mesurer l'ampleur des progrès réalisés ces dernières années sur l'ensemble de la chaîne technologique de la filière hydrogène, du développement de matériaux spécifiques jusqu'à l'essai, en grandeur réelle, de produits sur plusieurs centaines, voire milliers de sites. Nous avons constaté que dans plusieurs applications de niches, telles que les chariots élévateurs ou encore les alimentations secourues, l'hydrogène énergie commence à se substituer progressivement à des solutions préexistantes, telles que les batteries électrochimiques, désormais jugées moins performantes.

Nous considérons que ces premières applications, si elles concernent des marchés de taille limitée et donc de fait moins concurrentiels que des marchés de masse, n'en constituent pas moins une indication probante du niveau de maturité atteint par les technologies développées ces dernières années pour l'utilisation de l'hydrogène énergie. Ce sont, pour l'essentiel, les mêmes types de composants technologiques, quoi qu'à des échelles et dans des conditions opérationnelles différentes, qui seront mis en oeuvre dans d'autres applications. Aujourd'hui, c'est donc moins la viabilité technique de ces solutions que leur pertinence, notamment en termes de coût face à celles déjà en place, qui déterminera leur développement sur un marché donné.

Des progrès restent encore à faire à tous les niveaux : l'électrolyse, le stockage, le transport de l'hydrogène, les piles à combustible etc. Mais les solutions existant aujourd'hui permettent déjà, en l'état, de répondre à un certain nombre de besoins : par exemple, comme nous l'avons constaté en Allemagne, les électrolyseurs alcalins atteignent des rendements honorables, y compris dans des conditions difficiles. Les réservoirs d'hydrogène à haute pression – 350 ou 700 bars – permettent à un véhicule de tourisme d'avoir une autonomie de 400 à 500 km et ont été éprouvés en termes de sécurité. Le stockage de l'hydrogène sous forme solide est déjà une réalité pour les usages stationnaires. Les voitures à hydrogène roulent, même si elles resteront chères pendant encore quelques années. La co-génération électricité-chaleur équipe plusieurs dizaines de milliers de foyers, au Japon notamment. À cet égard, on ne peut évoquer cette question de l'hydrogène sans parler également des « réseaux intelligents », qui prennent en compte une nouvelle approche dans laquelle le consommateur d'énergie devient également un producteur.

Donc sur cette première question, notre réponse est positive, même si les applications énergétiques de l'hydrogène mettront du temps à se diffuser, a fortiori dans les marchés de masse. Il n'en reste pas moins que l'hydrogène présente, du fait de sa densité très faible, un inconvénient majeur en tant que vecteur : il est très coûteux à transporter. Mais nous ne pensons pas que ce défaut soit rédhibitoire, compte tenu des autres atouts de l'hydrogène. Il faut simplement en tenir compte. C'est la raison pour laquelle nous sommes persuadés que la production de l'hydrogène devra s'effectuer dans la plupart des cas de façon très décentralisée, dans chaque territoire, au plus près des besoins. Nous nous devons de prendre en compte les conséquences, en termes de gouvernance, de cette notion nouvelle de lien entre territoire et énergie.

Je vais laisser Laurent Kalinowski présenter plus en détail deux questions qui nous ont occupés dans le cadre de notre rapport : l'intégration des énergies renouvelables variables et la substitution des énergies fossiles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion