Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du 29 mai 2013 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • applications
  • hydrogène
  • vecteur

La réunion

Source

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 29 mai 2013

Présidence de M. Bruno Sido, Sénateur, Président

La séance est ouverte à 17 heures

- Information sur la réunion de bureau

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Bruno Sido, sénateur, président

– Je vais d'abord vous donner quelques informations sur le Bureau qui s'est tenu le 22 mai dernier.

Le Bureau a examiné le renouvellement du Conseil scientifique, qui avait été nommé pour trois ans en mai 2010. Le règlement intérieur prévoit que ses membres sont nommés par l'Office sur proposition du président et du premier vice-président. L'échange qui a eu lieu au Bureau a dégagé un accord de principe sur le fait qu'il était nécessaire de renouveler assez profondément cette institution pour y faire rentrer des femmes, le rajeunir, et également diversifier la représentation des disciplines scientifiques en son sein. Sur cette base, Jean-Yves Le Déaut et moi-même vous ferons des propositions de nominations au cours d'une réunion de l'Office prévue le 26 juin prochain et qui nous permettra de réunir le nouveau Conseil le 9 juillet, au début de la session extraordinaire.

Le Bureau a ensuite examiné le renouvellement des membres de la Commission nationale d'évaluation (dite « CNE ») chargée d'évaluer annuellement l'état d'avancement des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs. Il nous faut proposer la nomination de quatre membres de la CNE (trois au président du Sénat et un au président de l'Assemblée nationale). Aux termes de l'article L542-3 du code de l'environnement, sont renouvelables :

– au titre de ceux antérieurement nommés par le Sénat :

- M. Franck Deconinck,

- M. Jean-Claude Duplessis, président,

- M. Maurice Laurent,

– au titre de ceux antérieurement nommés par l'Assemblée nationale :

- M. Claeys Thegerström.

Le président Duplessis a pris mon attache et m'a fait savoir que ces quatre membres souhaitaient que leur mandat soit renouvelé. Le Bureau n'a pas vu d'opposition à ce renouvellement.

(Approbation à l'unanimité)

– Avis sur l'organisation d'états généraux sur la procréation médicalement assistée (PMA) par le Comité consultatif national d'éthique

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Bruno Sido, sénateur, président

– Nous avons entendu, le 21 mai dernier, M. Jean-Claude Ameisen, Président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) sur l'organisation d'états généraux sur la procréation médicalement assistée (PMA), décidée par ce comité.

Cette réunion a été organisée sur la base de l'article L.1412-1 du code de la santé publique qui fait obligation au comité de consulter les commissions permanentes du Parlement et l'Office lorsqu'il organise des états généraux.

Pour éclairer notre décision, je rappelle :

- que le Comité prévoit l'organisation de conférences de citoyens désignés de façon aléatoire. Ces citoyens seront formés pendant deux week-ends par des experts nommés par le comité. Ils se réuniront à l'occasion d'un troisième week-end pour entendre ou réentendre les experts qu'ils auront désignés ;

- que le Comité rendra un avis, lui-même accompagné d'un rapport, sur le résultat des conférences de citoyens ;

- que le débat assez fourni que nous avons eu avec le Président Ameisen nous a fait prendre conscience de l'extrême complexité des problèmes de société et d'éthique que recouvre une évolution des règles actuelles de la PMA qui est, actuellement je vous le rappelle, réservée aux couples hétérosexuels vivant ensemble depuis plus de 2 ans et qui pour des raisons physiques ou médicales ne peuvent avoir d'enfant ;

- et que, parallèlement, il demeure possible pour l'Office d'organiser des auditions publiques pendant les états généraux qui se tiendront en octobre et novembre prochains.

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Gilbert Barbier, sénateur

– Ce débat n'a pas lieu d'être actuellement. Les avis semblent partagés au sein même de la majorité. On risque une division de l'opinion exacerbée dans la mesure où le Gouvernement ne semble pas vouloir présenter un projet de loi dans l'immédiat. Je ne suis donc pas favorable à l'ouverture de ces états généraux.

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– Le rôle de l'OPECST est d'organiser des débats et, jusqu'ici, nous avons travaillé sur la base du consensus. Ainsi, sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires, l'Office a-t-il exprimé une position unanime. Ce qui est en jeu est l'impact des nouvelles technologies, telles que la conservation des ovocytes après vitrification, qui posent autant de problèmes que les indications sociétales de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Une seule terminologie implique le recours à une grande variété de techniques. L'insémination artificielle n'induit pas les mêmes problèmes que la fécondation in vitro. Le fait de le souligner et d'y réfléchir n'est pas de nature à entraîner des divisions entre nous.

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Gilbert Barbier, sénateur

– Je ne suis pas contre le fait que l'on aborde ces problématiques au niveau de l'OPECST. C'est l'organisation à l'automne d'états généraux sur la PMA, très largement ouverts, qui m'inquiète. Dans l'état actuel de l'opinion publique, on relancera des oppositions sur l'ensemble de l'AMP, et pas uniquement sur ses indications sociétales, avec le risque de favoriser les prises de position extrêmes.

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Bruno Sido, sénateur, président

– Le CCNE s'est autosaisi, comme la loi le lui permet. Il peut donc agir. Même si nous ne sommes pas favorables à ces états généraux, il produira son rapport et son avis. Les commissions des affaires sociales et des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale ont d'ailleurs donné un avis favorable à l'organisation de ces états généraux. Quand on ne maîtrise pas le débat, mieux vaut le conduire. L'audition du président Ameisen a démontré qu'il s'agissait là d'un travail de fond.

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Delphine Bataille, sénatrice

– On peut certes s'interroger sur l'opportunité de relancer des débats, mais j'estime que l'opinion publique a le droit de savoir. En outre, l'on ne maîtrise pas l'organisation de ces états généraux pour laquelle les commissions permanentes se sont prononcées favorablement.

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Jean-Marc Pastor, sénateur

– Puisqu'il faut donner notre avis sur cette organisation, j'y suis favorable.

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– J'y suis également favorable, d'autant qu'être contre l'organisation de ces états généraux par le CCNE créera la polémique.

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Gilbert Barbier, sénateur

– Comment ces états généraux seront-ils organisés ?

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– Il s'agit de la même démarche que celle que l'Office avait initiée en 1998 sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) : un panel de citoyens choisis par un institut de sondage qui, dans un premier temps, pour se familiariser avec le sujet, auditionnera des experts choisis par le CCNE et, dans un deuxième temps, ceux qu'il aura lui-même choisis. J'estime que la PMA généralisée posera des problèmes éthiques nouveaux. On n'empêchera pas certaines dérives car la PMA induit un recours plus systématique à diverses techniques, notamment à des tests génétiques plus poussés.

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Bruno Sido, sénateur, président

– Je vous propose de donner un avis favorable à l'organisation de ces états généraux, en l'assortissant d'une recommandation : celle que le Comité, sur un sujet de cette importance, puisse bénéficier des moyens adéquats.

(Approbation à la majorité des présents)

– Présentation du rapport sur « L'hydrogène : vecteur de la transition énergétique ? » par MM. Jean-Marc Pastor et Laurent Kalinowski

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Bruno Sido, sénateur, président

- Nous allons maintenant entendre le point d'étape présenté par nos collègues Laurent Kalinowski et Jean-Marc Pastor sur « L'hydrogène : vecteur de la transition énergétique ? ».

Je vous rappelle que l'Office avait été saisi, le 9 mars 2012, par le président de la commission des Affaires économiques du Sénat, sur les enjeux de cette filière. Les rapporteurs ont rendu leur étude de faisabilité le 22 octobre 2012. Nos collègues ont souhaité faire cette présentation d'un point d'étape afin que leurs orientations puissent être prises en compte dans le cadre du débat national sur la transition énergétique.

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- Avec Jean-Marc Pastor, nous allons aujourd'hui faire un point d'étape sur l'étude que nous menons depuis quelques mois sur les usages énergétiques de l'hydrogène.

Nous vous avions présenté, le 25 octobre dernier, notre étude de faisabilité. À cette occasion, nous vous avions proposé un projet de calendrier définissant les grandes étapes du déroulement de notre mission. À l'époque, le débat sur la transition énergétique était déjà prévu mais pas encore ses échéances, lesquelles n'ont été fixées qu'au début de cette année. Beaucoup plus récemment, Mme Delphine Batho a indiqué que la conférence environnementale se tiendrait les 20 et 21 septembre et serait suivie du dépôt du projet de loi sur la transition énergétique à l'automne, puis d'un débat au Parlement début 2014.

Pour des raisons d'efficacité, nous avons, avec Jean-Marc Pastor, jugé nécessaire de nous adapter à ce calendrier, d'une part pour partager nos premiers constats avec les participants au débat en cours et, d'autre part, pour que notre rapport définitif puisse être publié à l'automne, avant l'examen du projet de loi.

Je vais d'abord brièvement vous présenter les conditions dans lesquelles nous avons mené cette première étape de notre étude. Elles sont, je crois, représentatives de la démarche d'investigation de l'Office. Tout d'abord, nous nous sommes entourés d'un comité d'experts aux compétences reconnues sur le sujet de l'hydrogène énergie, mais – c'est un point essentiel pour la crédibilité de l'étude – aux opinions nettement contrastées. Nous avons par ailleurs rencontré, à l'occasion d'auditions ou de visites de laboratoires et d'installations industrielles, plus de 150 personnes directement impliquées dans le développement des applications énergétiques de l'hydrogène.

Deux missions, en Allemagne et au Japon, nous ont permis de mesurer l'avance prise par ces deux pays, ainsi que la cohérence de leur démarche. Lors de ces déplacements, nous avons été surpris de rencontrer des industriels français, grands ou petits, contraints de chercher pour leurs produits, hors de nos frontières, des opportunités de développement absentes en deçà. Une visite en Isère et dans la Drôme nous a conduits à constater le dynamisme, en ce domaine, de nos chercheurs et de nos chefs d'entreprises, mais aussi l'étendue des obstacles au déploiement de leurs innovations dans notre pays. Notre participation, voici une dizaine de jours, dans le Tarn, à deux journées de débats sur le développement de l'hydrogène dans les territoires a renforcé nos convictions quant au potentiel d'innovation de notre pays dans ce secteur et à l'importance des freins existants. C'est ce contraste saisissant entre notre situation et celle d'autres pays qui nous a permis de dégager les constats les plus marquants de cette première étape de notre étude.

S'agissant du périmètre de ce point d'étape, nous avons résolument souhaité nous inscrire dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. Si les orientations de celle-ci ne nous seront connues qu'après le débat en cours, deux d'entre-elles nous sont apparues dès aujourd'hui à peu près certaines. Il s'agit, d'une part, de la place croissante que les énergies renouvelables, tout particulièrement l'éolien et le solaire, seront amenées à prendre dans notre bouquet (mix) énergétique et, d'autre part, de la nécessité, pour des raisons d'indépendance énergétique aussi bien que de neutralité climatique, de réduire notre consommation d'énergies fossiles.

Comme vous le savez, malgré les efforts importants engagés depuis plus de vingt ans dans ces deux directions, l'intégration des énergies renouvelables variables dans le réseau électrique continue à poser des problèmes et notre consommation d'énergie fossile demeure stable. La question à laquelle nous nous sommes attachés à répondre est la suivante : dans quelle mesure l'hydrogène peut-il, en tant que vecteur d'énergie, nous aider à aplanir ces difficultés ? Bien entendu, pour que cette réponse ait un sens, nous avons également été conduits à examiner l'ensemble de la chaîne qui va de la production de l'hydrogène à sa distribution, afin de déterminer si ce vecteur est viable aujourd'hui dans le cadre d'une utilisation opérationnelle.

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Jean-Marc Pastor, sénateur

Je vais tenter de répondre à la dernière question de Laurent Kalinowski : l'hydrogène est-il aujourd'hui un vecteur énergétique viable et durable ?

Tout d'abord, je voudrais dire qu'en tant que vecteur énergétique, l'hydrogène souffre de l'attente sans doute trop longue de résultats visibles. Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler que Jules Verne avait parfaitement entrevu les usages énergétiques de l'hydrogène, dès la fin du XIXe siècle dans son roman l'Île mystérieuse. Il y prédisait que l'eau décomposée en ses éléments constitutifs, l'hydrogène et l'oxygène, remplacerait un jour le charbon, pour générer de la lumière et de la chaleur.

Dans le cadre de notre étude de faisabilité, nous avions fait le point sur les conclusions des précédents rapports de l'Office qui, de 2001 à 2009, avaient traité des usages énergétiques de l'hydrogène. Leurs rapporteurs s'accordaient à considérer la filière hydrogène énergie comme prometteuse, mais estimaient que son développement était encore grevé par de nombreux verrous technologiques. De ce fait, l'utilisation effective de l'hydrogène à des fins énergétiques leur apparaissait, toute particulièrement dans les transports - à l'époque, la question du stockage de l'énergie n'était pas encore posée -, au mieux comme un objectif de long terme, au pire comme incertaine.

Le premier constat de notre étude a été établi à l'occasion des visites de laboratoires et d'installations que nous avons effectuées en France comme à l'étranger. Nous avons pu mesurer l'ampleur des progrès réalisés ces dernières années sur l'ensemble de la chaîne technologique de la filière hydrogène, du développement de matériaux spécifiques jusqu'à l'essai, en grandeur réelle, de produits sur plusieurs centaines, voire milliers de sites. Nous avons constaté que dans plusieurs applications de niches, telles que les chariots élévateurs ou encore les alimentations secourues, l'hydrogène énergie commence à se substituer progressivement à des solutions préexistantes, telles que les batteries électrochimiques, désormais jugées moins performantes.

Nous considérons que ces premières applications, si elles concernent des marchés de taille limitée et donc de fait moins concurrentiels que des marchés de masse, n'en constituent pas moins une indication probante du niveau de maturité atteint par les technologies développées ces dernières années pour l'utilisation de l'hydrogène énergie. Ce sont, pour l'essentiel, les mêmes types de composants technologiques, quoi qu'à des échelles et dans des conditions opérationnelles différentes, qui seront mis en oeuvre dans d'autres applications. Aujourd'hui, c'est donc moins la viabilité technique de ces solutions que leur pertinence, notamment en termes de coût face à celles déjà en place, qui déterminera leur développement sur un marché donné.

Des progrès restent encore à faire à tous les niveaux : l'électrolyse, le stockage, le transport de l'hydrogène, les piles à combustible etc. Mais les solutions existant aujourd'hui permettent déjà, en l'état, de répondre à un certain nombre de besoins : par exemple, comme nous l'avons constaté en Allemagne, les électrolyseurs alcalins atteignent des rendements honorables, y compris dans des conditions difficiles. Les réservoirs d'hydrogène à haute pression – 350 ou 700 bars – permettent à un véhicule de tourisme d'avoir une autonomie de 400 à 500 km et ont été éprouvés en termes de sécurité. Le stockage de l'hydrogène sous forme solide est déjà une réalité pour les usages stationnaires. Les voitures à hydrogène roulent, même si elles resteront chères pendant encore quelques années. La co-génération électricité-chaleur équipe plusieurs dizaines de milliers de foyers, au Japon notamment. À cet égard, on ne peut évoquer cette question de l'hydrogène sans parler également des « réseaux intelligents », qui prennent en compte une nouvelle approche dans laquelle le consommateur d'énergie devient également un producteur.

Donc sur cette première question, notre réponse est positive, même si les applications énergétiques de l'hydrogène mettront du temps à se diffuser, a fortiori dans les marchés de masse. Il n'en reste pas moins que l'hydrogène présente, du fait de sa densité très faible, un inconvénient majeur en tant que vecteur : il est très coûteux à transporter. Mais nous ne pensons pas que ce défaut soit rédhibitoire, compte tenu des autres atouts de l'hydrogène. Il faut simplement en tenir compte. C'est la raison pour laquelle nous sommes persuadés que la production de l'hydrogène devra s'effectuer dans la plupart des cas de façon très décentralisée, dans chaque territoire, au plus près des besoins. Nous nous devons de prendre en compte les conséquences, en termes de gouvernance, de cette notion nouvelle de lien entre territoire et énergie.

Je vais laisser Laurent Kalinowski présenter plus en détail deux questions qui nous ont occupés dans le cadre de notre rapport : l'intégration des énergies renouvelables variables et la substitution des énergies fossiles.

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Je vais d'abord aborder le problème de l'intégration des énergies renouvelables. Qu'il s'agisse du solaire, de l'éolien ou de la biomasse, elles ont pour caractéristique de capter une source d'énergie diffuse et répartie dans les territoires, ce dont vient de parler Jean-Marc Pastor. C'est d'ailleurs moins un inconvénient qu'un atout. Paradoxalement, aujourd'hui, la plus grande partie de ces installations se limite pourtant à alimenter le réseau électrique comme des centrales ordinaires.

Or cela ne va pas sans inconvénient s'agissant d'énergies variables. Leur raccordement vient modifier les conditions de fonctionnement du réseau. Au-delà de la création des raccordements, il peut s'avérer nécessaire de renforcer certaines lignes à moyenne ou haute tension pour assurer l'équilibrage du réseau. C'est par exemple le cas en Allemagne, où de nouvelles liaisons à haute tension devront être construites, sur plusieurs milliers de kilomètres, pour assurer le transport de l'électricité d'origine éolienne du nord du pays vers le sud industriel.

Qui plus est, la variabilité des énergies éolienne et solaire rend plus délicate la gestion des équilibres entre production et consommation. Tant que leur part reste limitée, il demeure possible de jouer sur la souplesse des moyens de production pilotables pour compenser. Au-delà d'un certain seuil, de nouveaux moyens doivent être mis en oeuvre.

Plusieurs solutions complémentaires sont envisagées, comme déployer les technologies informatiques pour rendre les réseaux intelligents et donner une certaine flexibilité à la consommation, afin de l'adapter aux fluctuations de la production. Mais seule la solution du stockage d'énergie, à plus ou moins grande échelle, est en mesure de compenser, sur la durée, des fluctuations importantes de la production des énergies renouvelables. Associer moyens de stockage de l'énergie et énergies renouvelables variables permet de réduire de façon très sensible l'impact de ces dernières sur le réseau électrique, donc les besoins d'adaptation de celui-ci. Ces moyens de stockage ont bien entendu un coût, mais celui-ci présente l'immense avantage d'être identifiable à l'avance. Force est de constater, grâce à l'exemple de l'Allemagne, qu'à l'inverse le déploiement d'énergies variables sans stockage associé a conduit à découvrir a posteriori leurs effets sur le réseau et l'étendue des besoins de mise à niveau correspondants. En la matière, l'hydrogène permet de compléter les outils existants, tels que les batteries électrochimiques ou les stations de pompages.

Toutefois, l'hydrogène n'est pas seulement un moyen de stocker l'électricité pour la restituer un peu plus tard. Son principal intérêt est de permettre un usage direct pour des applications diversifiées : comme combustible pour véhicules ou pour la co-génération, pour être injecté directement dans le réseau gazier dans des pourcentages de 5 à 20 %, pour enrichir les biocarburants, pour créer des carburants de synthèse ou encore comme composant pour la chimie. Or ces usages de l'hydrogène correspondent à des besoins en énergie qui vont bien au-delà de l'électricité. Celle-ci ne représente que 24 % de notre consommation d'énergie finale, soit à peine plus que le gaz naturel (20 %), et considérablement moins que le pétrole (43 %), qui sont deux sources d'énergie importées. Nos voisins d'outre-Rhin ont fait ce constat. Aussi n'est-il pas surprenant que les installations pilotes de stockage de l'électricité d'origine renouvelable que nous avons visitées en Allemagne visent toutes un usage direct de l'hydrogène, sans nouvelle conversion en électricité.

J'en viens à la substitution des énergies fossiles. Sur ce plan, le problème n'est pas tant le gaz naturel que le pétrole. Comme l'ont expliqué les représentants de GrDF, les ressources en biogaz et en matériaux ligneux devraient permettre peu à peu, d'ici 2050, de remplacer l'essentiel du gaz naturel. En tant que de besoin, l'injection d'hydrogène pourrait venir en renfort. Il en va tout autrement pour le pétrole et ses dérivés, qui ont de nombreux atouts – haute densité énergétique, facilité d'emploi, de stockage et de distribution –, et seront donc plus difficiles à remplacer à court terme dans les transports terrestres ou maritimes, a fortiori aériens.

De toute évidence, compte tenu de son faible rayon d'action, la voiture électrique ne pourra à elle seule détrôner le couple magique constitué, depuis plus d'un siècle, par les carburants pétroliers et le moteur à explosion. Quant à l'hybridation, certes elle permet de limiter la consommation des véhicules, mais tant qu'elle associe électricité et carburants traditionnels, elle ne permettra pas de s'affranchir de ces derniers et des émissions de gaz carbonique associées. En dernière analyse, et tant que nous ne saurons pas prolonger l'autonomie des véhicules électrique sans émission de gaz à effet de serre, nous devrons développer, dans ce secteur, un ou – plus probablement – plusieurs nouveaux vecteurs énergétiques aptes à se substituer directement au pétrole et à ses dérivés, sans modification du parc existant.

L'hydrogène pourrait être un de ces vecteurs, sous réserve de parvenir à abaisser son coût à la pompe, ainsi que celui des véhicules eux-mêmes, ce qui semble être en bonne voie. Si l'hydrogène n'est pas le seul combustible alternatif possible, il interviendra dans l'élaboration des autres vecteurs de substitution envisageables à ce jour : le méthane de synthèse obtenu par méthanation, les carburants liquides synthétisés par le procédé Fischer-Tropsch ou encore les carburants de deuxième génération, enrichis en hydrogène.

Pour ces raisons, nous pensons que l'hydrogène, produit par électrolyse à partir d'électricité, est un élément important pour la transition énergétique, ayant le potentiel de résoudre les deux écueils de la variabilité des nouvelles énergies et de la substitution des hydrocarbures.

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Jean-Marc Pastor -

A l'occasion de nos entretiens et déplacements, nous avons pris conscience de l'extraordinaire potentiel scientifique et industriel dont la France dispose dans le domaine de l'hydrogène énergie, même si notre pays est très en retard sur le développement des applications de l'hydrogène. Comme le disait Laurent Kalinowski, nous avons rencontré des industriels français à l'étranger qui apportaient leur savoir-faire alors qu'en France la situation semble bloquée. Cette situation résulte de la conjonction d'un tissu industriel préexistant, avec notamment des groupes de dimension internationale, et d'un investissement conséquent réalisé en termes de recherche et développement au milieu des années 2000 et poursuivi avec opiniâtreté depuis avec des moyens plus réduits.

Ces atouts ne semblent pas, à ce jour, devoir nous conduire à prendre une position de premier plan dans ce domaine, et de loin, faute d'une orientation claire sur les priorités à adopter. Le manque de reconnaissance du potentiel industriel et économique de cette nouvelle filière de la part des pouvoirs publics a été l'un des obstacles les plus souvent soulignés au cours de nos auditions. L'absence de toute avancée concernant l'adaptation, pourtant incontournable, de la réglementation relative à l'hydrogène est très révélatrice sur ce plan. Elle vient entraver des projets considérés, au-delà de nos frontières, comme banals, comme par exemple l'équipement d'un entrepôt en chariots élévateurs à hydrogène dans le sud de la France. Les règles encore appliquées sont en effet celles relatives aux installations industrielles, telle une usine à hydrogène.

Si des organismes tels que l'ADEME et le CEA ou certaines collectivités territoriales font preuve d'une cohérence de long terme dans le suivi des actions qu'ils ont engagées, ils ne peuvent suppléer l'absence de définition d'une véritable politique nationale pour l'hydrogène énergie. Faute d'un minimum de visibilité sur le rôle dévolu à ce nouveau vecteur dans notre futur système énergétique, il est assez naturel qu'un certain nombre des acteurs concernés, qu'ils soient déjà en place ou nouveaux entrants, hésitent à s'engager plus avant.

La position attentiste de notre pays vis-à-vis de l'hydrogène énergie contraste de façon saisissante avec celle des deux grandes puissances industrielles que sont l'Allemagne et le Japon. Celles-ci ont toutes deux décidé d'engager les efforts nécessaires au développement d'une nouvelle filière industrielle dédiée à ce vecteur. Les justifications de leur choix diffèrent sans doute pour partie. Le Japon voit d'abord dans l'hydrogène un vecteur permettant de mettre en concurrence toutes les sources d'énergie. Pour l'Allemagne, celui-ci doit avant tout permettre l'intégration, à moindre coût, des énergies renouvelables. Elle a décidé de mettre en place l'intégralité de la chaîne technologique de la filière hydrogène, afin de disposer sur son territoire, pour chacun de ses maillons, d'au moins une entreprise apte à répondre aux besoins.

Mais, au-delà de la satisfaction de leurs besoins propres, ces deux pays s'accordent à considérer les applications énergétiques de l'hydrogène comme l'opportunité de conquérir de nouveaux marchés de haute technologie à fort potentiel de développement. L'expansion de la part des énergies variables dans la production mondiale d'électricité conduira en effet inéluctablement à l'essor des applications énergétiques de l'hydrogène. Ainsi le Japon a-t-il déposé des brevets, afin que le jour où d'autres pays se tourneront vers l'hydrogène, il soit apte à répondre aux demandes. Sans ambages, nos interlocuteurs japonais se sont référés à l'investissement de la France dans la filière nucléaire qui a permis de déposer des brevets et de disposer d'un savoir-faire permettant de développer une activité exportatrice.

Nos entretiens sur place nous ont permis de constater qu'une fois identifié le potentiel de la filière hydrogène énergie, l'Allemagne et le Japon ont suivi une méthodologie identique, avec un triptyque : une décision politique claire du Gouvernement en faveur de l'hydrogène, le choix d'un opérateur chargé de la coordination de toutes les actions menées et, enfin, la définition d'un programme sur 10 ans définissant des objectifs. Le Japon a engagé un tel programme sur 10 ans en 2004 ; l'Allemagne en 2005. Ces programmes comportent des objectifs définis avec l'ensemble des partenaires privés et publics, avec des moyens financiers partagés entre les secteurs public et privé. Ainsi, lorsque le Japon a décidé de développer la voiture à hydrogène, les trois grands constructeurs nationaux se sont associés à la démarche en visant pour 2015 la commercialisation de véhicules à un prix supérieur d'au plus 20 % à celui d'un véhicule normal. L'Allemagne a reproduit ce même schéma.

Nous considérons que notre pays devrait s'inspirer de telles démarches, au-delà même du seul cas de la filière hydrogène énergie. À cet égard, nous rejoignons la position des membres de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les coûts de production en France, qui en appellent à « une vision du rôle de l'État comme stratège, en capacité d'initier ou d'encourager des stratégies cohérentes, notamment de filières ». L'État doit reprendre la main, en tant que stratège, sur la politique énergétique nationale. Cette même mission a par ailleurs rappelé l'opportunité représentée, dans le contexte actuel, par la « croissance verte » et plus précisément par l'investissement dans les industries en lien avec les énergies renouvelables.

Il ne nous revient pas de juger de la pertinence d'un choix de l'État en faveur de la filière hydrogène énergie - celui-ci ne pouvant, compte tenu des circonstances du moment, se faire qu'au détriment d'autres options. Nous estimons cependant que si une telle décision devait être prise, les atouts dont notre pays dispose dans ce secteur et le travail préparatoire déjà réalisé par l'ensemble des acteurs de cette filière permettront de mettre très rapidement celle-ci en ordre de bataille pour la conquête de nouveaux marchés. Le Gouvernement pourrait, en effet, utilement s'appuyer sur des organisations existantes, telles que l'Association française pour l'hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC), le Réseau européen et pôle de compétences sur l'hydrogène et ses applications (ALPHEA) ou une quinzaine d'autres structures prêtes à se mettre à la disposition de l'intérêt général.

J'en viens maintenant au rôle incontournable des territoires. Afin de limiter les multiples impacts des énergies renouvelables variables sur le réseau électrique, nos voisins d'outre-Rhin, plus avancés dans leur mise en oeuvre, se sont résolument engagés dans la voie du stockage décentralisé. C'est ce que nous avons pu constater à l'occasion de visites d'installations pilotes. L'hydrogène est appelé, dans ce cadre, à prendre une place de premier plan, en raison de son adaptabilité et parce qu'il permet des usages locaux diversifiés de l'énergie emmagasinée, en limitant les besoins de transport.

Cette orientation est évidemment parfaitement conforme à la nature décentralisée des énergies renouvelables. Elle est aussi cohérente avec d'autres évolutions technologiques en cours, notamment dans le domaine des réseaux intelligents. Ces derniers permettront d'assurer une gestion des ressources et de la consommation plus dynamique et plus fine, mais aussi plus souple et plus décentralisée. Il deviendra dès lors possible d'envisager une organisation du réseau électrique plus modulaire et plus robuste, basée sur l'agrégation de sous-réseaux correspondant chacun à un territoire. Loin de remettre en cause l'interconnexion des réseaux, une telle évolution contribuerait à la faciliter en les rendant moins sensibles à des perturbations localisées.

Si les nouvelles technologies concourent à la décentralisation des systèmes énergétiques, celle-ci ne se réalisera pas sans une profonde modification de la gouvernance de ces derniers. Les acteurs traditionnels n'ont a priori guère intérêt à la favoriser, dans la mesure où ils la voient avant tout comme un risque de perte de contrôle sur une partie de la production énergétique et du réseau. Donner – ou plutôt rendre – la main aux territoires sur leurs ressources énergétiques locales constitue donc un préalable incontournable à la mise en oeuvre des évolutions technologiques à venir.

Il ne s'agit pas, dans notre esprit, de nier la primauté du Gouvernement pour la définition et la mise en oeuvre de la politique énergétique du pays. Son intervention sera d'autant plus nécessaire pour assurer la coordination et les solidarités entre les territoires. Il ne s'agit pas non plus de remettre en cause le système énergétique existant ou le rôle majeur joué par les grandes entreprises du secteur. Au contraire, nous pensons que cette évolution permettra de mieux préserver l'atout concurrentiel essentiel que constituent nos moyens de production massifs et centralisés, ainsi que le réseau électrique associé, en réduisant considérablement l'impact de la variabilité des énergies renouvelables.

Les territoires représentent, à notre sens, le niveau adéquat pour assurer une gestion rationnelle d'énergies renouvelables, par essence décentralisées et dépendantes des caractéristiques géographiques et climatiques locales, qui doivent aussi pouvoir répondre aux besoins d'un tissu économique spécifique. Les territoires sont également à même de tirer le meilleur parti de ce qu'il est convenu d'appeler la « croissance verte », principalement créatrice d'emplois locaux. De plus, la décentralisation de la gestion des nouvelles énergies, souvent victimes du syndrome nimby (« not in my backyard », qui signifie « pas dans mon arrière-cour »), faciliterait leur acceptation sociale. Or celle-ci est la condition de leur efficience, ainsi par exemple il est en général préférable de valoriser les déchets ménagers à proximité des villes qui les produisent. Enfin, une gestion plus proche des citoyens leur permettrait de mieux appréhender les enjeux de l'énergie, une ressource encore trop souvent tenue pour acquise.

Nous proposons donc un véritable « Yalta » - pour utiliser un mot un peu fort - de la gouvernance énergétique, qui répond à trois objectifs. En premier lieu, il s'agit de prendre en compte – plutôt que de continuer à contrecarrer – la décentralisation des systèmes énergétiques découlant de trois évolutions technologiques simultanées : les énergies renouvelables, l'hydrogène énergie et les réseaux intelligents. En deuxième lieu, il s'agit d'optimiser les bénéfices résultant de la mise en oeuvre de ces nouvelles technologies, en assurant leur gestion au niveau adéquat qui est celui des territoires. En troisième lieu, il s'agit de préserver l'intégrité de notre système de production énergétique existant, qui constitue à la fois un atout concurrentiel majeur pour nos entreprises, notamment électro-intensives, et le socle énergétique nécessaire au développement des nouvelles formes d'énergie.

En conclusion, les efforts simultanés de recherche et développement engagés, ces dernières années, par plusieurs pays sur les technologies de l'hydrogène énergie ont permis de lever les derniers verrous technologiques qui limitaient l'usage de ce nouveau vecteur. Ses applications sont désormais une réalité, même si les premières concernent encore des marchés spécifiques de taille limitée.

Dans ce contexte, notre pays dispose de réels atouts de par les investissements réalisés depuis de nombreuses années sur toute la chaîne de valeur de l'hydrogène énergie, notamment au travers de nombreux brevets déposés sur des technologies telles que l'électrolyse, la pile à combustible ou encore le stockage d'hydrogène sous forme solide.

A l'occasion de nos déplacements, nous avons pu mesurer la mobilisation dans ce domaine de nos chercheurs, chefs d'entreprise et collectivités territoriales, mais aussi les obstacles qu'ils rencontrent pour développer leurs innovations. De fait, contrairement à des pays tels que l'Allemagne ou le Japon, nous ne nous sommes pas encore dotés d'une démarche structurée nous permettant de coordonner nos efforts, pour conquérir les nouveaux marchés des applications énergétiques de l'hydrogène.

Il revient d'abord au Gouvernement de donner un signal clair quant à son engagement de long terme - sur une période d'au moins 5, si possible 10 ans – pour le développement de ces nouvelles technologies de l'hydrogène. Une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs concernés – industriels, centres de recherche, collectivités locales, associations, organismes publics – doit permettre de définir des objectifs partagés pour le développement d'une nouvelle filière industrielle. Celle-ci devra répondre aux besoins de notre pays, notamment dans le cadre de la transition énergétique, et, sur cette base, conquérir de nouveaux marchés. Enfin, une structure doit être chargée du suivi de ce plan de développement sur l'ensemble de la période considérée.

Il ne s'agit pas, dans notre esprit, de dupliquer sur notre territoire des initiatives déjà prises par d'autres et qui ne correspondraient pas à nos besoins. Tout au contraire, cette démarche devra viser à identifier et valoriser les opportunités qui nous sont propres, au niveau national aussi bien que local.

Malgré les progrès technologiques réalisés, l'hydrogène énergie restera, du fait de coûts de transport élevés, une ressource avant tout locale permettant de valoriser au mieux des énergies renouvelables, elles-mêmes par nature décentralisées et adaptées aux caractéristiques géographiques et climatiques de chaque territoire. Aussi considérons-nous qu'au-delà du seul cas de l'hydrogène, le développement de ces nouvelles énergies doit laisser une place plus importante à l'initiative locale, seule à même d'effectuer les choix adaptés aux particularités des territoires. Dans tel territoire l'éolien sera privilégié pour la production de l'hydrogène, dans tel autre ce sera le solaire ou les déchets ménagers ou agricoles. Nous devons, dans ce domaine, tirer les leçons de l'expérience de nos voisins européens, singulièrement de l'Allemagne, qui, forte de son avance, favorise désormais le déploiement de solutions de stockage décentralisées, en liaison avec les énergies variables telles que le solaire ou l'éolien.

Si nous avons choisi d'adapter le calendrier de notre étude à celui, défini postérieurement, du débat sur la transition énergétique, c'est d'abord pour nous assurer au mieux de la prise en compte de nos orientations sur des sujets que nous estimons primordiaux. Aussi serons-nous conduits, dans les prochaines semaines, à prendre de nouvelles initiatives. En liaison avec l'ensemble des acteurs concernés, nous organiserons notamment, à la mi-septembre, une audition publique destinée à initier cette démarche coordonnée qui est la condition essentielle au développement de la filière hydrogène énergie dans notre pays.

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Bruno Sido -

Je rappelle que la lettre de saisine de la commission des Affaires économiques du Sénat mentionnait l'expertise des enjeux et perspectives de la filière hydrogène. Suite à votre étude de faisabilité, il est apparu pertinent de replacer vos travaux dans le cadre du débat sur la transition énergétique. Aussi est-il logique que vous ayez évoqué des sujets tels que les énergies éolienne et solaire ou les réseaux intelligents. Votre rapport m'a intéressé et j'ai donc plusieurs questions à vous poser. La première concerne les crédits éventuellement accordés au développement de cette filière dans le cadre du Grand emprunt. Par ailleurs, pourriez-vous préciser le rendement de la chaîne hydrogène, qui va de sa production par électrolyse jusqu'à sa réutilisation, par recombinaison avec l'oxygène, pour les transports ou la génération d'électricité ?

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Jean-Marc Pastor -

La principale difficulté résulte de l'absence d'identification, en tant que telle, de la filière hydrogène. C'est pourquoi il est essentiel de commencer par faire un choix politique. Les entreprises françaises du secteur doivent être à même de déployer leurs activités non seulement à l'étranger mais aussi … en France. Il nous manque surtout une feuille de route pour le développement de la filière hydrogène. Sur la question du rendement, je voudrais rappeler que l'hydrogène est un vecteur énergétique pouvant être généré par électrolyse à partir d'électricité produite en surplus. De fait, les prix de l'électricité sont devenus extrêmement variables en Europe, au point qu'à certains moments, notamment du fait du surplus de production photovoltaïque ou éolienne, ces prix deviennent même négatifs. Cela relativise la question du rendement, dans la mesure où il s'agit de mettre à profit des ressources qui sinon n'auraient pu être utilisées. C'est d'ailleurs aussi vrai de nos centrales nucléaires, qui pourraient produire de l'hydrogène dans les périodes où elles sont sous-utilisées, principalement la nuit. De la même façon, s'agissant du biogaz, dès lors que le réseau ne passe pas à proximité, la production d'hydrogène par vaporeformage peut constituer un mode alternatif de valorisation à considérer.

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Vos propos sont à la fois optimistes et pessimistes, vous soulignez l'avance prise par certains pays, tels l'Allemagne ou le Japon, c'est vrai a fortiori des États-Unis. Vous avez évoqué la forte implantation des entreprises françaises du secteur à l'étranger, ce qui m'a été confirmé par M. Jean-François Minster, membre du Conseil scientifique de l'Office et directeur scientifique du groupe TOTAL. Qu'est-ce qui vous incite à penser que nous avons encore des atouts, alors que nous avons accumulé un retard certain? Ma deuxième question porte sur les usages directs de l'hydrogène, sans retour à l'électricité. Ma troisième question concerne les recherches – je pense à une thèse en cours à l'université de Strasbourg – sur l'utilisation des propriétés de certaines molécules pour produire l'hydrogène, sur le modèle de l'énergie des êtres vivants que nous sommes. Nous faisons appel à une chaîne de l'hydrogène, celui-ci est produit dans nos cellules, par réduction des acides que nous fabriquons, puis transporté avant de se transformer en électron H+, lequel est capté par d'autres molécules contenant des atomes de fer, la différence de potentiel produisant finalement de l'énergie. Ma quatrième question porte sur une éventuelle expertise de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) sur la sécurité de l'hydrogène. Enfin ma dernière question concerne le temps de recharge d'un véhicule à hydrogène. Il y a quelques années, dans le cadre du rapport que vous avez mentionné, j'avais noté un temps de l'ordre de sept minutes. S'il n'a pas changé, n'est-il pas rédhibitoire, compte tenu des exigences de la vie moderne?

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Je vais essayer de répondre en partie. Concernant notre retard par rapport au Japon et à l'Allemagne, il faut rappeler que si ces pays ont décidé d'investir dans l'hydrogène énergie, c'est pour répondre à des besoins qui leur étaient spécifiques : pour le Japon, la nécessité d'acquérir une certaine forme d'indépendance énergétique, notamment vis-à-vis du pétrole, et, pour l'Allemagne, le besoin de stocker l'énergie produite en surplus par l'éolien et le solaire, pour ensuite la réutiliser, notamment en développant les applications de l'hydrogène dans les transports. Ces pays se sont aussi interrogés sur la façon dont ils valoriseraient leur savoir-faire à l'exportation.

Nous disposons malgré tout d'une avance, en termes de recherche, dans certaines niches, par exemple l'utilisation de micro-organismes pour la production d'hydrogène à partir de la biomasse, ou encore avec l'électrolyse à haute température, à partir de centrales thermiques. Un certain nombre de développements possibles concernent les utilisations locales de l'hydrogène. Nous disposons donc bien, en France, de certaines potentialités technologiques, distinctes de celles déployées dans les pays susmentionnés ; mais si nous ne donnons pas un signal aux entreprises en montrant notre volonté de les développer sur notre territoire, notamment en simplifiant leurs conditions de mise en oeuvre, celles-ci préféreront le faire à l'étranger, comme nous l'avons constaté avec des fers de lance tels qu'Air Liquide ou Total. Si l'INERIS ne s'est pas penchée sur la question des normes de sécurité dans le domaine de l'hydrogène, c'est faute de la définition d'une réelle stratégie de développement des usages énergétiques de l'hydrogène. Au contraire, en Allemagne, l'hydrogène relève d'une législation transverse sur les combustibles gazeux, ce qui permet à ce pays de bénéficier d'une bien meilleure réactivité en termes d'adaptation réglementaire.

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Jean-Marc Pastor -

Je voudrais répondre sur les utilisations directes de l'hydrogène. Elles concernent la mobilité – avec les transports terrestres individuels ou collectifs, les transports maritimes ou aériens –, l'utilisation stationnaire, en co-génération ou pour le secours d'alimentation, enfin l'utilisation embarquée, pour recharger un téléphone, une tablette ou un ordinateur portable. En France nous disposons d'un réseau de PME qui proposent des solutions dans ces différents domaines, mais qui sont obligées de chercher des marchés à l'étranger.

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Quelle est la position de M. Pierre-René Bauquis, ancien directeur de la stratégie du groupe Total et membre du comité d'expert de votre étude?

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M. Pierre-René Bauquis est réservé quant à l'idée d'un usage de l'hydrogène dans les transports, en substitution des produits pétroliers. Par contre, il considère intéressantes les perspectives de développement dans le domaine des matériaux résultant des recherches sur l'électrolyse de l'hydrogène. Il estime par ailleurs que cette dernière pourrait permettre de mieux exploiter notre patrimoine nucléaire.

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Votre comité d'experts comporte-t-il un ou plusieurs chercheurs ?

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Jean-Marc Pastor -

Oui, un chercheur du CNRS, M. Michel Latroche.

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Convient-il de modifier la loi pour permettre de développer ces nouveaux usages de l'hydrogène?

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Jean-Marc Pastor -

Il faut avant tout une décision politique du Gouvernement en faveur du développement de cette nouvelle filière. Celle-ci peut se traduire par la proposition d'une loi cadre, éventuellement suivie d'une loi de programme. La priorité est donc d'interpeller le Gouvernement à ce sujet, quitte à ce qu'une loi suive.

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Il serait donc nécessaire d'interroger le Gouvernement à ce sujet, par exemple à l'occasion d'une audition publique. D'autre part, il faudrait aussi, dans le cadre de votre rapport définitif, faire le point sur les opportunités technologiques, en fonction de celles développées à l'étranger.

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Il serait aussi intéressant d'avoir plus de précisions sur les prévisions de développement de ce vecteur dans les autres pays.

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Bruno Sido -

Je constate qu'il n'y a plus de question et mets aux voix les orientations définies par ce point d'étape.

(Approbation à l'unanimité des membres présents)

La séance est levée à 18 h 45