Monsieur le Secrétaire général, je vous remercie d'avoir accepté cette invitation commune à nos deux commissions. Depuis que vous avez été nommé, en octobre 2010, vous avez eu la lourde tâche de construire une nouvelle administration, en rassemblant des compétences issues des services de la Commission européenne, du Conseil et des administrations nationales, le tout dans un contexte international particulièrement troublé et marqué par une crise économique, financière et politique.
Au-delà de l'actualité immédiate – notamment l'Ukraine et l'Irak, qui étaient à l'ordre du jour du dernier conseil Affaires étrangères –, l'heure est à la fois au bilan et aux perspectives, à la veille du renouvellement des instances dirigeantes de l'Union européenne.
Pour ce qui est du bilan, il est contrasté. De véritables réussites sont à mettre au crédit de Mme Ashton – je pense notamment au Kosovo ou aux négociations avec l'Iran. Sur d'autres dossiers, la Haute représentante a peiné à rendre visible l'action de l'Union – je pense notamment au voisinage du Sud, depuis l'échec de l'Union pour la Méditerranée (UpM), alors que nous sommes avec ces pays moins en relation de voisinage que de cohabitation, au conflit israélo-palestinien, où l'Europe est plus que discrète, ou encore à la Syrie. L'Union s'est également montrée peu ou mal outillée pour réagir rapidement et efficacement aux crises.
Par ailleurs, la création d'un service diplomatique européen a suscité autant d'espoirs que de critiques. On a le sentiment que le SEAE n'a pas toujours reçu l'impulsion politique qui lui aurait été nécessaire pour s'affirmer en qualité de véritable service diplomatique européen. Vous nous direz dans quelle mesure sa réorganisation, ainsi que celle des délégations de l'Union, est en mesure de l'aider à prendre son essor au service des objectifs ambitieux de la politique extérieure et de sécurité commune.
Cela dit, rien ne nous empêche d'imaginer une Europe capable de développer sa propre vision et de regagner en influence au plan mondial. La question est simple, la réponse évidemment complexe car il s'agit de la trouver à vingt-huit : quels sont les objectifs stratégiques sur lesquels nous voulons nous concentrer à l'avenir et comment se donner les moyens de les atteindre ?
J'identifie pour ma part quelques chantiers incontournables sur lesquels il nous sera précieux d'avoir votre éclairage.
Parmi les leçons de la crise ukrainienne figure la nécessité de réviser notre politique orientale et, plus largement, notre politique de voisinage, qui a pêché par un certain eurocentrisme et un manque de clarté dans ses objectifs. Si nous devions nous recentrer sur quelques objectifs politiques dans notre voisinage, quels seraient-ils ? Comment articuler cette politique avec un partenariat ambitieux avec ces deux voisins incontournables que sont la Russie et la Turquie ?
Autre dossier prioritaire à mes yeux, le renforcement de notre puissance militaire. Une politique étrangère européenne supposerait non seulement une analyse et une gestion communes des crises, y compris, si nécessaire, avec une composante militaire, mais aussi une même approche des menaces latentes et des risques à moyen et long terme. Les déclarations en ce sens d'éminentes figures politiques allemandes lors la Conférence sur la sécurité de Munich permettent-elles, selon vous, d'espérer des avancées, ne serait-ce que dans la mise en oeuvre des conclusions du Conseil de décembre 2013, certes modestes mais qui ont le mérite d'être concrètes ?
Troisième priorité, celle d'une doctrine commune, à la fois politique et économique, à l'égard des grands émergents d'Asie et d'Amérique latine, mais aussi d'Afrique, continent fort de promesses, et de risques – faut-il rappeler que la majorité des opérations extérieures de l'Union s'y déploient ? Sur ce point, il faut avouer que la France est un peu seule et que nous avons du mal à identifier la stratégie de l'Union.