Intervention de Arnaud Leroy

Réunion du 14 octobre 2014 à 14h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy :

La proposition de résolution européenne que je souhaite vous présenter a pour objet le second paquet énergie-climat, dont les lignes directrices vont être discutées au cours du prochain Conseil européen des 23 et 24 octobre à partir de la communication de la Commission européenne de janvier 2014.

Je voudrais d'abord vous présenter plusieurs éléments issus de sondages, qui s'avèrent intéressants à plusieurs égards. D'après un sondage Eurobaromètre datant de septembre 2014, 95 % des 28 000 résidents de l'Union européenne interrogés jugent importante la protection de l'environnement, et d'après un sondage Eurobaromètre spécial sur le changement climatique publié le 3 mars 2014, donc assez récent, neuf Européens sur dix estiment que le changement climatique est un problème grave. En outre, quatre citoyens européens sur cinq reconnaissent que la lutte contre le changement climatique et l'amélioration de l'efficacité énergétique sont susceptibles de dynamiser l'économie et l'emploi. Bien sûr, on ne peut gouverner au gré des sondages, mais il faut noter que nous avons pendant longtemps éprouvé de grandes difficultés à pénétrer dans les foyers européens avec ces thèmes. Aujourd'hui, les citoyens semblent mûrs sur ces sujets pour que nous accordions nos ambitions à de nouvelles attentes, et la vieille opposition entre la croissance économique et la lutte contre le changement climatique semble un dogme prêt à vaciller. Les chiffres cités, tout comme le nombre de manifestants ayant pris part aux récentes Marches pour le climat sont éloquents : ils nous invitent à adopter les objectifs les plus ambitieux pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique.

La communication de la Commission du 22 janvier 2014, qui faisait le bilan de l'application du premier paquet énergie-climat adoptée à partir de 2008 sous la présidence française, s'inscrit dans la continuité des engagements européens pris depuis la ratification du protocole de Kyoto. Mais elle cherche également à concilier de manière encore plus profonde les engagements climatiques de lutte contre le réchauffement (dont les rapports consécutifs du GIEC soulignent l'urgence croissante) et l'opportunité unique d'une croissance nouvelle que comporte la transition énergétique. J'invite sur ce point précis à regarder les annonces faites par les entreprises en marge du sommet sur le climat de Ban Ki Moon, de nombreuses sociétés européennes et mondiales demandant un prix du carbone. Il est important de garder ces éléments en tête alors que nous nous apprêtons à discuter du budget et que nous sommes inquiets du devenir de la contribution énergie-climat dans notre droit.

Cette communication propose un nouveau cadre stratégique pour un second paquet énergie-climat couvrant la période 2020-2030.

Il faut rappeler que le premier paquet énergie-climat avait fixé trois objectifs chiffrés pour la politique de l'énergie à l'horizon 2020 : une réduction des émissions de CO2 de 20 % par rapport à 1990 ; une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée ; une réduction de 20 % de la consommation énergétique par rapport aux projections faites en 2007 (objectif qui n'était assorti d'aucune valeur juridiquement contraignante).

Parmi les résultats significatifs enregistrés depuis 2008, car il est important d'évaluer ce qui a pu être fait, la Commission européenne souligne que les émissions de GES ont diminué de 18 % par rapport à leur niveau de 1990 (avec des projections de réduction de 24 % et 32 % à attendre pour 2020 et 2030 sur la base des politiques actuelles) ; que la part des énergies renouvelables devrait s'établir à 21 % en 2020 et à 24 % en 2030 ; que l'intensité énergétique de l'Union européenne a diminué de 24 % entre 1995 et 2011 (30 % pour l'industrie) alors que l'intensité carbone baissait de 28 % entre 1995 et 2010. Je vous donne ces chiffres car il faut les mettre en perspective avec l'évaluation réalisée ici-même, à l'Assemblée nationale au sein du Comité d'évaluation et de contrôle, sur le fondement d'un rapport de la Cour des comptes. Une des premières recommandations de ce rapport était de substituer la notion d'empreinte carbone à celle d'émission de gaz à effet de serre, afin d'éviter les phénomènes cachés de fuite de carbone. Certaines activités polluantes sont externalisés et leurs émissions non prises en considération. Il faudra corriger cela pour avoir une politique climatique réellement efficace.

Le premier paquet énergie-climat a donc eu un effet significatif pour contribuer à ce que la politique énergétique européenne réponde au triple défi d'assurer la compétitivité de l'économie de l'Union, de contribuer à une lutte efficace contre le changement climatique et de garantir la sécurité de l'approvisionnement énergétique. Nous devons aujourd'hui aller plus loin.

La communication de la Commission européenne de janvier 2014 vise à poursuivre ce mouvement en reprenant l'objectif d'une diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre déjà contenu dans la feuille de route adoptée par la Commission de 2011 (« Vers un secteur énergétique sûr, compétitif et "décarboné" »), ce qui montre que nous stagnons en termes d'ambition. Elle porte à 27 % la part des énergies renouvelables qui doit être atteinte pour 2030. Ces deux objectifs devraient être contraignants, contrairement à celui d'efficacité énergétique, qui demeurerait un objectif indicatif. Je regrette que la France n'ait pas été plus à l'offensive sur cette question, car il s'agit d'un enjeu important. L'efficacité énergétique est aussi le prisme, pour revenir à ce que je disais au début de mon intervention, par lequel aborder la question de la lutte contre le réchauffement climatique dans les foyers. Comme on le sait bien, l'énergie la plus sûre et la moins chère est encore celle que l'on ne dépense pas. Il faut continuer dans cette voie, d'un point de vue économique la France a des atouts à faire jouer sur ce terrain, et les grandes sociétés sont demandeuses de tels objectifs contraignants.

Nous sommes favorables à cette proposition qui offre un cadre cohérent et ambitieux, à condition que les différents objectifs annoncés ne soient pas revus à la baisse lors des futures négociations européennes. Il nous semble en outre indispensable que l'Union aille plus résolument vers une Union de l'énergie capable de concilier le souci environnemental et le développement des réseaux dans la lignée des objectifs de la stratégie Horizon 2020. Cette Union de l'énergie nous apparaît comme le vecteur d'un renouveau industriel pour l'Europe, susceptible de créer des emplois et d'être une source d'innovations européennes. Et j'ajouterais, d'être un bouclier face à l'instabilité de nos approvisionnements énergétiques.

L'Europe se doit de rester le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique en adoptant des objectifs exemplaires. La Commission sur le point d'être investie devra porter ce nouvel élan avec détermination et éviter tout retour en arrière qui compromettrait la clarté du signal envoyé aux divers acteurs pour un engagement en faveur de la transition énergétique. Dans cette perspective, le Conseil européen des 23 et 24 octobre, quelques semaines avec le Conférence de Lima, constituera donc une étape significative sur le chemin qui mènera l'Europe à un possible accord climatique mondial en 2015, car je pense qu'il faut avoir conscience qu'un échec à Lima aurait des conséquences sur la présidence française qui prendra la suite de la présidence péruvienne dans les négociations internationales. C'est pourquoi je vous propose aujourd'hui d'adopter une résolution européenne soutenant des objectifs ambitieux et appelant à progresser plus rapidement sur le chemin d'une Union de l'énergie, autrement appelée Communauté de l'énergie.

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