Intervention de Claude Bartolone

Réunion du 15 octobre 2014 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Bartolone, Président :

Je vous souhaite la bienvenue pour ce qui constitue une grande première pour notre Assemblée et, plus largement, pour notre démocratie.

Nous nous inspirons, en effet, des meilleures pratiques parlementaires européennes en vous accueillant aujourd'hui, Monsieur le Ministre, à la veille d'une réunion du Conseil des ministres de l'Union, au cours de laquelle vous aurez l'honneur de représenter la France. Nous allons ainsi pouvoir échanger très directement sur les positions que vous allez défendre au nom de notre pays, et je m'en réjouis.

Chacun le sait ici : l'Assemblée nationale veut travailler à raffermir l'ancrage démocratique de l'Europe. Une Europe que la crise a encore davantage éloignée des peuples ; une Europe malmenée par les extrémismes et les dogmatismes ; une Europe dont nos concitoyens semblent dangereusement se désintéresser.

Cette refondation démocratique prendra du temps. L'essentiel du combat se déroulera sur le terrain des idées, pour reconstruire une Europe des projets, tournée vers la croissance et l'emploi.

Les parlementaires nationaux sont incontournables, si l'on souhaite sincèrement rapprocher l'Europe des citoyens et les citoyens de l'Europe, si l'on souhaite réellement porter la voix des peuples à Strasbourg et à Bruxelles, et faire aimer l'Europe sur le terrain. La Représentation nationale française — c'est son devoir, mais c'est aussi son droit — veut donc prendre toute sa part dans cette refondation démocratique.

Pour jouer ce rôle, nous autres, députés, devons unir nos forces à celles de nos collègues des autres pays de l'Union. C'est pourquoi nous nous sommes tant investis dans la création et la concrétisation de la Conférence budgétaire : elle est le pendant parlementaire indispensable de la gouvernance économique européenne, qui pèse directement dans la vie de nos électeurs.

Mais nous devons aussi renforcer notre contrôle parlementaire ici-même, en France, et nous approprier les sujets à l'ordre du jour de l'Union. La pratique que nous inaugurons aujourd'hui prend donc un sens tout particulier et prometteur.

En acceptant ma proposition, que les ministres puissent être auditionnés avant leur participation aux plus importantes réunions thématiques du Conseil, le gouvernement accepte de faire avec nous un grand pas démocratique.

Ces auditions préalables font des parlements qui les pratiquent — je pense en particulier aux pays Scandinaves — des références dans le contrôle parlementaire des affaires européennes. Il n'est pas question d'aller aussi loin qu'eux — en tout cas pas pour l'instant !, en vous prescrivant un mandat de négociation. C'est pour l'heure encore trop éloigné de nos traditions constitutionnelles.

Mais le simple fait de débattre, ensemble, des positions que vous défendrez à Bruxelles, est à la fois une chance pour le Gouvernement et pour le Parlement. Pour le Gouvernement, parce qu'il pourra ainsi se prévaloir, auprès de ses partenaires, de la force de la délibération et, le cas échéant, du soutien de son Parlement. Pour les représentants nationaux, parce que ce débat leur offre l'opportunité d'infléchir les choix européens.

Réussir cet exercice ambitieux suppose toutefois que nous nous attachions à respecter quelques principes simples.

D'abord, nos discussions, libres et franches, ne devront pas compromettre la confidentialité, indispensable au succès des négociations à Bruxelles. Nous avons donc prévu qu'elles se tiennent à huis-clos, comme c'est le cas aujourd'hui.

Ensuite, il nous faudra parvenir à établir une réelle coutume, ce qui implique de reproduire cet exercice selon un rythme régulier, par exemple mensuel.

Enfin, pour que l'expérience soit pleinement utile, il importe également que vous nous teniez informés, en aval, des résultats obtenus au terme des Conseils dont nous aurons discuté.

Parlons du Conseil dont nous allons débattre aujourd'hui : je me réjouis que notre première audition soit dédiée à l'Europe sociale, c'est-à-dire aux attentes les plus immédiates de nos concitoyens.

Je sais que vous ferez le point demain, avec vos homologues, sur l'Europe 2020, et la place que doivent prendre ses objectifs sociaux dans le semestre européen de coordination des politiques économiques. Je ne crois pas préjuger la teneur de nos échanges en devinant que nous vous encouragerons à plaider, avec énergie, pour une vraie prise en considération des conséquences sociales engendrées par des choix budgétaires trop tournés vers l'austérité.

Un autre texte sera à l'ordre du jour du Conseil. Il vise à établir une plate-forme européenne de coopération, pour prévenir et décourager le travail non déclaré.

En discuter ensemble nous permettra de mesurer le poids de ce dernier sur nos économies, le manque à gagner fiscal et social qu'il induit, et d'envisager ensemble les moyens de le combattre efficacement au niveau européen, notamment s'agissant des fraudes au détachement des travailleurs. Notre Assemblée, comme vous le savez, a beaucoup travaillé sur le sujet.

Enfin, vous nous ferez connaître l'état d'avancement des chantiers décisifs que constituent le salaire minimum européen, le combat contre le chômage des jeunes et l'enrichissement des règles de gouvernance économique par des critères sociaux.

L'ordre du jour de cette première audition est particulièrement riche. Je ne prendrai donc pas plus de temps, et je conclurai simplement mon propos en vous redisant combien je suis heureux d'inaugurer cette pratique démocratique, et en vous souhaitant à tous de fructueux débats.

Je vous remercie.

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