Intervention de Gilles Brégant

Réunion du 23 février 2017 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gilles Brégant, directeur général de l'ANFr :

Le rapport de l'ANFr est disponible aujourd'hui sous la forme de trois fascicules. Je vais les présenter brièvement. Ils inaugurent un rapport qui continuera, puisque Linky comporte plusieurs composantes que l'on mesure au fur et à mesure de leur disponibilité.

L'Agence des fréquences est un établissement public administratif en charge de la gestion du spectre électromagnétique en France. Elle assure, pour le compte de l'État, la bonne gestion de ce spectre, le contrôle des brouillages qui s'y produisent et l'affectation de ce spectre aux grands usagers (CSA, ARCEP, départements ministériels de la Défense ou des Transports).

L'Agence est un endroit où chaque grand émetteur doit s'être préalablement enregistré. Toutes les antennes-relais, les émetteurs de télévision, de radio ou de sécurité civile, sont déclarés à l'Agence. Cette sorte de cadastre concerne tous les émetteurs de plus de 5 Watts de puissance apparente, ce qui dépasse largement un téléphone ou une box, a fortiori un compteur Linky. Grâce à cette obligation règlementaire, nous avons une visibilité complète sur tous les émetteurs puissants, y compris les émetteurs de la Défense ; nous avons également pour mission de vérifier le niveau d'exposition du public.

Dans ce cadre, l'ANFr n'a pas de compétence sanitaire. C'est l'ANSES qui détient la compétence sanitaire. Le Gouvernement s'appuie sur les avis de l'ANSES pour proposer des valeurs limites. Ces niveaux de champ à ne pas dépasser par gamme de fréquence sont définis par décret. L'ANFr s'appuie sur ce décret. Ce décret peut évoluer sur la base des avis de l'ANSES. Pour résumer de façon imagée, l'ANFr n'est pas en charge de définir les limites de vitesse, mais de vérifier que les gens ne les dépassent pas.

Pour ce faire, nous avons la possibilité de nous appuyer sur des experts et des moyens de mesures sophistiqués. L'Agence détient une compétence en matière de métrologie des ondes pour veiller au respect des valeurs limites. L'Agence doit tenir à jour un protocole de mesure. Ce point est important. La mesure des niveaux de champ est un peu comme la mesure des températures. Les conditions de mesure doivent être réalistes, c'est-à-dire reproductibles. Elles servent de base à une accréditation réalisée par le Comité français d'accréditation (Cofrac) qui permet à des sociétés privées, accréditées, de faire des mesures de champs comparables. Ce protocole nous permet de mesurer le champ entre 100 kilohertz et 6 gigahertz. L'Agence s'astreint également à faire homologuer son propre protocole, afin de vérifier qu'il est parfaitement utilisable et efficace.

L'Agence a également une capacité de contrôle des terminaux. Nos prérogatives s'apparentent à celles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans le domaine des appareils rayonnants. Nous mesurons le DAS (Débit d'absorption spécifique) des terminaux mobiles ou émetteurs individuels, et le cas échéant, nous saisissons le juge pour des sanctions pénales.

Dans ce cadre, nous essayons de maintenir une veille sur l'internet des objets, puisque beaucoup d'émetteurs apparaissent dans l'environnement de nos concitoyens (bracelets connectés, compteurs intelligents, appareils domestiques, box, etc.).

L'Agence a découvert le dispositif Linky au début de l'année 2016. Indépendamment de ses fonctions, ce dispositif se présente sous la forme de deux boîtes, et peut-être même d'une troisième boîte. En l'occurrence, il y a la boîte verte qui est le compteur Linky lui-même, un compteur intelligent connecté en CPL ; il y a la boîte blanche qui est le concentrateur se situant dans des enceintes ENEDIS distinctes des habitations ; et puis il y a un troisième composant, totalement optionnel, qui est l'émetteur radio Linky. Cet émetteur radio ne dépend pas d'ENEDIS, il peut se brancher sur le compteur Linky. Des distributeurs d'électricité, concurrents d'ENEDIS, pourront l'enficher à terme, afin d'interagir avec les appareils du domicile. À ce stade, cet émetteur radio est en cours de développement chez différents acteurs.

Ces trois composants du dispositif Linky font l'objet de rapports, de mesures. Pour l'instant, nous avons mesuré le Linky lui-même, c'est-à-dire l'appareil vert, sans son module. À l'avenir, nous ferons un rapport sur le concentrateur.

En ce qui concerne les émissions électromagnétiques, le concentrateur et le module optionnel sont les deux composants qui intéressent le plus l'Agence, car ce sont des émetteurs radio assumés. Le concentrateur va interagir avec les appareils d'ENEDIS un peu comme un téléphone portable, le module optionnel va interagir avec les appareils de la maison.

Le compteur Linky en tant que tel n'est pas un émetteur radio, c'est un émetteur CPL qui envoie des signaux sur l'installation électrique domestique. Ces signaux sont transportés par les fils de cuivre sur l'installation domestique et ils vont avoir un effet électromagnétique de proximité, le rayonnement se produisant autour des fils électriques et autour du compteur Linky, de même que lorsqu'on utilise un appareil électrique sur son réseau domestique.

L'Agence a effectué des mesures répertoriées dans les trois fascicules. En mai 2016, dans le premier fascicule, nous avons mesuré le niveau de champ du compteur Linky de première génération (G1) en laboratoire, en émulant la production de signaux par le compteur, puisque dans les conditions d'utilisation habituelles, c'est un appareil qui émet peu, entre 35 et 90 kilohertz, c'est-à-dire en dessous du protocole de l'Agence qui commence à 100 kilohertz. Ensuite, dans le deuxième fascicule, nous avons mesuré en laboratoire avec une sonde plus précise. Nous avons également mesuré le compteur Linky de deuxième génération (G3). Enfin, nous avons fait des mesures in situ, dans des habitations, pour mieux rendre compte de l'interaction entre le compteur Linky et le réseau électrique et avoir des éléments d'appréciation du niveau de champ dans des pièces de vie (garage, palier,…).

Le bilan de ces mesures montre d'abord que le compteur Linky est un dispositif qui émet très peu. Dans les gammes de fréquence concernées, il faut mesurer les niveaux de champ électrique et de champ magnétique. Le niveau de champ électrique varie entre 0,25 et 2 volts par mètre à 20 centimètres du compteur. Ce sont des niveaux vraiment bas. Le niveau de champ décroît très rapidement avec la distance. Dans ces gammes de fréquence, le seuil fixé par décret est à 87 volts par mètres. Il n'y a donc pas de risque sanitaire. Le niveau de champ magnétique est compris entre 0,1 et 0,06 microtesla à une distance de 20 centimètres. Le seuil fixé par décret est de 6,25 microteslas. Les niveaux de champ magnétique sont donc entre 100 à 600 fois plus bas que les niveaux d'attention fixés par décret.

Le compteur Linky en tant que tel n'est donc pas un contributeur important à l'exposition électromagnétique des habitations. De plus, dans le protocole que nous avons mis en place pour la mesure de champ, on doit moyenner l'exposition sur 6 minutes. Or les émissions du Linky ont un caractère sporadique. Le temps d'émission dure moins d'une minute pour l'envoi d'une consommation journalière. Le niveau de champ est donc très faible sur 6 minutes.

Le compteur Linky, lorsqu'il est analysé comme un émetteur radioélectrique, émet donc très faiblement. Selon nous, il se situe très loin des seuils, et donc il n'est pas un élément d'exposition significative du public dans son environnement domestique.

Le premier fascicule essaie aussi de mettre en perspective les niveaux d'exposition électromagnétique d'une personne dans son habitation. Ces niveaux sont du même ordre que ceux dus aux petits appareils électriques ou électroniques de l'environnement quotidien, comparables à un chargeur de PC, une perceuse électrique sans fil ou un ancien compteur électrique. C'est inférieur à une lampe fluocompacte qui est de l'ordre de 15 volts par mètre à cette distance. C'est très inférieur à une plaque à induction qui fait plusieurs dizaines de volts par mètre à une distance habituelle dans une cuisine.

Dans les foyers, la contribution du compteur Linky à l'exposition électromagnétique est très faible. Nous continuerons à mesurer tous les dispositifs Linky. Nous allons probablement trouver des éléments électromagnétiques plus tangibles quand nous allons examiner le concentrateur. Les niveaux d'exposition seront comparables à ceux d'un téléphone portable, puisque j'imagine que cet appareil contient une carte SIM pour communiquer avec le réseau. En l'occurrence, cet appareil est très loin des individus, dans les bâtis d'ENEDIS.

Nous examinerons aussi l'émetteur radio Linky optionnel. Celui-ci communiquera sans doute via un protocole de type Wifi ou Bluetooth avec des appareils domestiques, un peu comme une box. Il est susceptible de produire un niveau de champ qui sera plus facilement mesurable.

À ce stade, ces trois premiers rapports concluent que le niveau de champ de Linky dans l'environnement domestique ne doit pas constituer un sujet d'inquiétude.

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