Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du 23 février 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ANSES
  • anfr
  • appareil
  • compteur
  • fréquence
  • linky
  • électrique
  • électromagnétique

La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 23 février 2017

Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut, député, président

La séance est ouverte à 9 h 30

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport technique de l'ANFr sur « Les niveaux de champs électromagnétiques créés par les compteurs Linky » et du rapport d'expertise collective de l'ANSES sur l'« Exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants », en présence de représentants d'ENEDIS, du Centre de recherche et d'information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants (CRIIREM) et de l'Académie des technologies

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L'OPECST se réunit aujourd'hui pour étudier les rapports techniques sur l'effet des ondes électromagnétiques créées par le compteur Linky. Les commissions ont déjà travaillé sur ce sujet et ont produit plusieurs rapports. Laurence Dumont, vice-présidente de l'OPECST, a demandé par courrier à l'OPECST de se pencher sur divers aspects de cette question. L'OPECST a accepté de répondre à cette sollicitation en restant dans son domaine, celui de l'évaluation scientifique.

Deux rapports ont été réalisés : un rapport technique, en septembre 2016, par l'Agence nationale des fréquences (ANFr) et un rapport d'expertise collective, en décembre 2016, par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). L'OPECST travaille de manière régulière avec ces deux agences.

Nous avons demandé à ENEDIS d'introduire les interventions en nous présentant son produit Linky, mais c'est bien l'aspect sanitaire, évoqué dans ces deux rapports, qui nous intéressent aujourd'hui.

Notre démarche s'inscrit en complémentarité du travail déjà effectué par la mission d'information commune présidée par Jean-Paul Chanteguet, dont les rapporteurs étaient Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis et Julien Aubert, sur l'application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Dans ce cadre, une audition a été organisée le 11 mai 2016 pour entendre la première version du rapport de l'ANFr sur le même sujet.

Notre idée est de prolonger cette démarche en donnant l'occasion à l'ANFr de présenter, devant le Parlement, la version définitive de son rapport, et à l'ANSES son propre travail.

Deux personnalités compétentes techniquement vont nous faire profiter de leurs regards critiques : Pierre Le Ruz, président du Centre de recherche et d'information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants (CRIIREM) et André Aurengo, membre de l'Académie des technologies. Par souci de transparence, je précise tout de suite que M. André Aurengo préside, depuis quinze ans, le Conseil médical d'EDF, dont il a été administrateur de 1989 à 2000, et qu'il a créé le Comité d'Éthique du Conseil d'Administration d'EDF.

À l'OPECST, nous souhaitons que l'expertise soit collective, c'est-à-dire que chacun puisse donner son avis. Souvent nous constatons que le savoir s'appuie sur des opinions et que finalement la science devient une opinion comme une autre. La décision publique doit s'appuyer sur le savoir scientifique. Nous souhaitons que la science soit, autant que possible, à la base des décisions politiques.

Dans le cadre de nos auditions publiques, qui sont collectives et contradictoires, nous recherchons la vérité à travers la confrontation des points de vue. Aujourd'hui, nous sommes dans un exercice différent : il s'agit d'une présentation de rapports devant l'OPECST ; mais si des divergences doivent s'exprimer, notre réunion n'en sera que plus fructueuse.

En tant qu'élu, j'indique que les concitoyens nous interpellent en permanence au sujet du Linky. Qui a accès aux informations ? Y a-t-il des risques de piratage ? Peut-on savoir qu'une maison est fermée parce que les compteurs ne tournent pas ? Quel est l'intérêt pour le consommateur ? Certains pensent que l'intérêt est plus pour EDF. Il faut répondre à toutes ces questions.

Enfin, dans un monde où les objets connectés deviennent de plus en plus présents, on doit aussi se demander dans quelle mesure les conditions de vie de nos concitoyens sont amenées à changer.

Je salue Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, qui va co-présider cette séance.

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Je vous remercie de votre présence. Ce sujet est important. Nous l'avons évoqué sous d'autres angles au sein de la commission des affaires économiques, qui a notamment en compétence le domaine de l'énergie ; parmi ses travaux, je mentionnerai en particulier une mission d'information sur les objets connectés menée par deux parlementaires et une mission d'information sur la transition énergétique, à laquelle ont participé beaucoup de députés de la commission des affaires économiques. La restitution de celles-ci a eu lieu de façon conjointe, il y a quelques mois, au sein des deux commissions du Développement durable et des Affaire économiques.

Le compteur Linky a également fait l'objet de plusieurs auditions, avec ERDF devenu ENEDIS, avec le médiateur national de l'énergie, ainsi qu'avec des associations de consommateurs. Elles ont permis d'avoir des échanges avec les parlementaires.

Comme l'a souligné le président Le Déaut, nos concitoyens nous interrogent, et même parfois s'opposent à ce que le compteur soit installé à leur domicile. Or le texte sur la transition énergétique a marqué l'obligation de déployer les compteurs communicants sur l'ensemble du territoire en respectant un calendrier.

Les inquiétudes doivent s'exprimer. Nous sommes dans notre rôle de parlementaires lorsque nous les prenons en compte. J'espère que ces travaux d'audition permettront d'éclairer les débats, car nous voyons un certain nombre de municipalités qui prennent des délibérations pour s'opposer à l'installation, sur leur territoire, de ces compteurs.

Je remercie l'OPECST de m'avoir associée à cette réunion. Ces travaux vont permettre de compléter les travaux de la commission des affaires économiques sur la problématique sanitaire, bien que celle-ci ne constitue qu'une partie des enjeux plus globaux du sujet.

Nous allons entendre en toute transparence ces rendus d'avis. L'un a déjà été présenté dans le cadre des travaux de la mission d'information sur l'application de la loi relative à la transition énergétique.

Plus que jamais, nous devons aujourd'hui avoir des échanges sur ces sujets qui préoccupent nos concitoyens, sachant, je le confirme, que notre mission d'information sur les objets connectés a fait également apparaître une attente croissante de la population. Parfois, certains comportements sont difficilement compréhensibles, partagés entre la volonté de disposer de plus en plus de technologies nouvelles et performantes et une crainte très forte de la part d'un certain nombre de nos concitoyens.

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La parole est à ENEDIS pour une rapide présentation d'ensemble du produit Linky, afin de rappeler son objet, ce qu'il apporte concrètement aux particuliers et à la collectivité.

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Bernard Lassus, directeur du programme Linky chez ENEDIS

J'ai apporté un compteur Linky pour que chacun puisse le voir. Cet appareil est souvent relié à un concentrateur, dont j'ai également apporté un exemplaire.

En réalité, le système Linky est bien plus qu'un compteur, c'est une infrastructure que l'on met en place, incluant des systèmes d'information du distributeur jusqu'au client. Ce système communique de manière bidirectionnelle par un protocole CPL (Courant porteur en ligne) qui consiste à envoyer des informations sous forme de signal électrique dans les câbles du réseau du distributeur.

Le remplacement des compteurs d'électricité par des compteurs communicants Linky constitue un programme d'avenir, porteur d'une forte dimension industrielle et d'un enjeu économique certain pour notre pays.

Les compteurs communicants sont une réalité dans le monde. On estime qu'environ 700 millions de compteurs communicants sont déjà installés dans le monde. En 2021, ce nombre atteindra à peu près 1,3 milliard. La France participe à ce mouvement international au travers d'un projet unique par sa dimension industrielle, le but étant de changer 35 millions de compteurs sur 6 ans, ce qui représente un investissement compris entre 4,5 et 5 milliards d'euros.

En Italie, environ 31 millions de compteurs communicants ont été déployés depuis 2000 avec ce même protocole CPL, et en Espagne, à peu près 20 millions. La Chine va développer, à partir de 2018, près de 500 millions de compteurs communicants. Nous espérons qu'ils utiliseront notre protocole de communication.

En France, la dimension industrielle dépasse le seul cadre d'ENEDIS. Beaucoup d'acteurs territoriaux sont concernés. Environ 10 000 emplois sont associés à la mise en place de ce programme, à la fois dans le monde de l'énergie et du numérique : 5 000 emplois pour la fabrication, avec six usines installées ou rénovées dans des petites villes françaises, et 5 000 emplois qui seront associés à la pose. Actuellement, déjà plus de 2 000 travaillent sur le terrain.

À l'international, ce programme va permettre à la France et à ses entreprises d'acquérir une compétence. Par exemple, le groupe Cahors a déjà été choisi, suite à Linky, pour mettre en place des concentrateurs du même type que Linky en Belgique.

Où en est le programme en France ? Début février 2017, 3 millions de compteurs ont été posés. Nous sommes présents dans près de 1 800 communes. En moyenne, nos 2 000 techniciens posent 17 000 compteurs par jour.

Une chaîne communicante a été mise en place pour fournir des services et cette chaîne fonctionne. À titre d'exemple, 95 % des télé-opérations se font du premier coup, c'est-à-dire que des actions à distance, un changement de puissance ou une mise en service par exemple, se font désormais sans déranger le client chez lui. Les taux de collecte, c'est-à-dire la capacité de faire remonter les informations de consommation, sont de 98 %. Cela démontre que nous sommes performants, puisque la commission de régulation nous avait fixé un objectif de 92 %.

La durée de vie d'un compteur Linky est de 20 ans. La partie métrologie est pratiquement identique à celle des anciens compteurs. Par contre, le téléchargement à distance rend cette technologie très évolutive. En matière de cybersécurité, il est possible de faire évoluer ce compteur en fonction de la créativité des hackers.

Ce compteur respecte les normes en vigueur en termes sanitaires ou de sécurité. Nous travaillons avec l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI). En moyenne tous les six mois, nous homologuons nos dispositifs en lien avec le ministère de tutelle et l'ANSSI, pour nous assurer qu'ils sont conformes aux niveaux de sécurité requis.

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Bernard Lassus, directeur du programme Linky chez ENEDIS

Non, pour l'instant nous n'avons pas repéré d'attaque sur ce dispositif. Par contre, sachez qu'on s'y prépare tous les jours, grâce à cette capacité de télécharger des logiciels, à la fois à l'intérieur du compteur et à l'intérieur du concentrateur. Ce compteur est évolutif.

Ces bons résultats ne doivent pas cacher le fait que nous sommes en situation d'amélioration. N'oublions pas notre objectif : à terme, nous devons poser 35 millions de compteurs en France.

Les avantages pour les clients sont simples : des relevés de consommation sans dérangement, une facturation à la consommation réelle, des interventions et dépannages plus rapides, le suivi de la consommation sur internet.

Actuellement, nous n'avons pas de capteurs sur le réseau basse tension. La mise en place de 35 millions de capteurs va permettre de détecter très rapidement les pannes et donc d'intervenir plus vite. Que ce soit au niveau des tempêtes ou des problématiques de réseau, nous avons déjà des exemples concrets de rapidité d'intervention.

Concernant le suivi de la consommation, nous déployons actuellement un système sécurisé semblable à celui des banques. Chaque personne peut ouvrir un espace spécialisé sur internet pour suivre sa consommation de manière journalière, et en accord avec la Cnil, si elle émet un consentement, de manière horaire.

Ce compteur bidirectionnel permet de raccorder facilement des énergies renouvelables. Il présente aussi une protection vis-à-vis des incidents réseau. Nous avons eu des preuves de son efficacité sur ce dernier aspect.

En tant qu'entreprise de service public, tout ce que nous faisons est destiné à améliorer le service public. À ce titre, ce compteur améliore la capacité de gestion du réseau. Quand un client appelle un centre de dépannage, grâce à Linky, nous pouvons entrer en contact direct avec son compteur et faire un diagnostic en direct afin de déterminer si la panne provient du réseau ou du compteur lui-même.

Le système Linky bidirectionnel compte à la fois en consommation et en production, ce qui réduit le coût d'installation des panneaux photovoltaïques. Le gain pour la mise en place de l'autoproduction est en moyenne de 500 euros.

Linky est aussi au service des collectivités territoriales, car c'est un outil local qui permet d'agréger les données à une maille correspondant à une collectivité territoriale ou à un quartier. Nous travaillons avec beaucoup de métropoles, de communautés urbaines ou de collectivités locales, soit pour les accompagner là où l'on a installé Linky, soit dans le cadre de démonstrateurs pour accompagner des politiques de maîtrise de l'énergie, ou ne serait-ce que pour diminuer les investissements en cas de dépannage. Par exemple à Marseille, grâce aux alertes envoyées par Linky, nous avons pu détecter de manière très précise où se passait un incident, alors qu'auparavant le traitement d'un incident durait plus longtemps, nécessitant des tranchées, des changements de compteurs, etc.

Dans le cadre de la transition énergétique, ce compteur facilite non seulement la mise en place des énergies renouvelables, mais aussi la recharge de véhicules électriques et le stockage. Dans les années qui viennent, le réseau électrique sera totalement différent. Actuellement, sur le réseau de distribution, nous avons plus de 300 000 producteurs d'électricité d'énergies renouvelables. Dans quelques années, ils seront plus d'un million. Le pilotage du réseau va évoluer de l'analyse de valeurs analogiques vers la collecte de données.

Pour intégrer les énergies intermittentes, nous devons repenser les modalités de pilotage. Linky va y contribuer.

J'espère avoir esquissé les aspects positifs de la mise en place de ces 35 millions de compteurs.

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J'invite l'ANFr à présenter son rapport, en présence de Gilles Brégant, directeur général, Jean-Pierre Luguern, directeur de la stratégie, Emanuelle Conil, experte.

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Gilles Brégant, directeur général de l'ANFr

Le rapport de l'ANFr est disponible aujourd'hui sous la forme de trois fascicules. Je vais les présenter brièvement. Ils inaugurent un rapport qui continuera, puisque Linky comporte plusieurs composantes que l'on mesure au fur et à mesure de leur disponibilité.

L'Agence des fréquences est un établissement public administratif en charge de la gestion du spectre électromagnétique en France. Elle assure, pour le compte de l'État, la bonne gestion de ce spectre, le contrôle des brouillages qui s'y produisent et l'affectation de ce spectre aux grands usagers (CSA, ARCEP, départements ministériels de la Défense ou des Transports).

L'Agence est un endroit où chaque grand émetteur doit s'être préalablement enregistré. Toutes les antennes-relais, les émetteurs de télévision, de radio ou de sécurité civile, sont déclarés à l'Agence. Cette sorte de cadastre concerne tous les émetteurs de plus de 5 Watts de puissance apparente, ce qui dépasse largement un téléphone ou une box, a fortiori un compteur Linky. Grâce à cette obligation règlementaire, nous avons une visibilité complète sur tous les émetteurs puissants, y compris les émetteurs de la Défense ; nous avons également pour mission de vérifier le niveau d'exposition du public.

Dans ce cadre, l'ANFr n'a pas de compétence sanitaire. C'est l'ANSES qui détient la compétence sanitaire. Le Gouvernement s'appuie sur les avis de l'ANSES pour proposer des valeurs limites. Ces niveaux de champ à ne pas dépasser par gamme de fréquence sont définis par décret. L'ANFr s'appuie sur ce décret. Ce décret peut évoluer sur la base des avis de l'ANSES. Pour résumer de façon imagée, l'ANFr n'est pas en charge de définir les limites de vitesse, mais de vérifier que les gens ne les dépassent pas.

Pour ce faire, nous avons la possibilité de nous appuyer sur des experts et des moyens de mesures sophistiqués. L'Agence détient une compétence en matière de métrologie des ondes pour veiller au respect des valeurs limites. L'Agence doit tenir à jour un protocole de mesure. Ce point est important. La mesure des niveaux de champ est un peu comme la mesure des températures. Les conditions de mesure doivent être réalistes, c'est-à-dire reproductibles. Elles servent de base à une accréditation réalisée par le Comité français d'accréditation (Cofrac) qui permet à des sociétés privées, accréditées, de faire des mesures de champs comparables. Ce protocole nous permet de mesurer le champ entre 100 kilohertz et 6 gigahertz. L'Agence s'astreint également à faire homologuer son propre protocole, afin de vérifier qu'il est parfaitement utilisable et efficace.

L'Agence a également une capacité de contrôle des terminaux. Nos prérogatives s'apparentent à celles de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans le domaine des appareils rayonnants. Nous mesurons le DAS (Débit d'absorption spécifique) des terminaux mobiles ou émetteurs individuels, et le cas échéant, nous saisissons le juge pour des sanctions pénales.

Dans ce cadre, nous essayons de maintenir une veille sur l'internet des objets, puisque beaucoup d'émetteurs apparaissent dans l'environnement de nos concitoyens (bracelets connectés, compteurs intelligents, appareils domestiques, box, etc.).

L'Agence a découvert le dispositif Linky au début de l'année 2016. Indépendamment de ses fonctions, ce dispositif se présente sous la forme de deux boîtes, et peut-être même d'une troisième boîte. En l'occurrence, il y a la boîte verte qui est le compteur Linky lui-même, un compteur intelligent connecté en CPL ; il y a la boîte blanche qui est le concentrateur se situant dans des enceintes ENEDIS distinctes des habitations ; et puis il y a un troisième composant, totalement optionnel, qui est l'émetteur radio Linky. Cet émetteur radio ne dépend pas d'ENEDIS, il peut se brancher sur le compteur Linky. Des distributeurs d'électricité, concurrents d'ENEDIS, pourront l'enficher à terme, afin d'interagir avec les appareils du domicile. À ce stade, cet émetteur radio est en cours de développement chez différents acteurs.

Ces trois composants du dispositif Linky font l'objet de rapports, de mesures. Pour l'instant, nous avons mesuré le Linky lui-même, c'est-à-dire l'appareil vert, sans son module. À l'avenir, nous ferons un rapport sur le concentrateur.

En ce qui concerne les émissions électromagnétiques, le concentrateur et le module optionnel sont les deux composants qui intéressent le plus l'Agence, car ce sont des émetteurs radio assumés. Le concentrateur va interagir avec les appareils d'ENEDIS un peu comme un téléphone portable, le module optionnel va interagir avec les appareils de la maison.

Le compteur Linky en tant que tel n'est pas un émetteur radio, c'est un émetteur CPL qui envoie des signaux sur l'installation électrique domestique. Ces signaux sont transportés par les fils de cuivre sur l'installation domestique et ils vont avoir un effet électromagnétique de proximité, le rayonnement se produisant autour des fils électriques et autour du compteur Linky, de même que lorsqu'on utilise un appareil électrique sur son réseau domestique.

L'Agence a effectué des mesures répertoriées dans les trois fascicules. En mai 2016, dans le premier fascicule, nous avons mesuré le niveau de champ du compteur Linky de première génération (G1) en laboratoire, en émulant la production de signaux par le compteur, puisque dans les conditions d'utilisation habituelles, c'est un appareil qui émet peu, entre 35 et 90 kilohertz, c'est-à-dire en dessous du protocole de l'Agence qui commence à 100 kilohertz. Ensuite, dans le deuxième fascicule, nous avons mesuré en laboratoire avec une sonde plus précise. Nous avons également mesuré le compteur Linky de deuxième génération (G3). Enfin, nous avons fait des mesures in situ, dans des habitations, pour mieux rendre compte de l'interaction entre le compteur Linky et le réseau électrique et avoir des éléments d'appréciation du niveau de champ dans des pièces de vie (garage, palier,…).

Le bilan de ces mesures montre d'abord que le compteur Linky est un dispositif qui émet très peu. Dans les gammes de fréquence concernées, il faut mesurer les niveaux de champ électrique et de champ magnétique. Le niveau de champ électrique varie entre 0,25 et 2 volts par mètre à 20 centimètres du compteur. Ce sont des niveaux vraiment bas. Le niveau de champ décroît très rapidement avec la distance. Dans ces gammes de fréquence, le seuil fixé par décret est à 87 volts par mètres. Il n'y a donc pas de risque sanitaire. Le niveau de champ magnétique est compris entre 0,1 et 0,06 microtesla à une distance de 20 centimètres. Le seuil fixé par décret est de 6,25 microteslas. Les niveaux de champ magnétique sont donc entre 100 à 600 fois plus bas que les niveaux d'attention fixés par décret.

Le compteur Linky en tant que tel n'est donc pas un contributeur important à l'exposition électromagnétique des habitations. De plus, dans le protocole que nous avons mis en place pour la mesure de champ, on doit moyenner l'exposition sur 6 minutes. Or les émissions du Linky ont un caractère sporadique. Le temps d'émission dure moins d'une minute pour l'envoi d'une consommation journalière. Le niveau de champ est donc très faible sur 6 minutes.

Le compteur Linky, lorsqu'il est analysé comme un émetteur radioélectrique, émet donc très faiblement. Selon nous, il se situe très loin des seuils, et donc il n'est pas un élément d'exposition significative du public dans son environnement domestique.

Le premier fascicule essaie aussi de mettre en perspective les niveaux d'exposition électromagnétique d'une personne dans son habitation. Ces niveaux sont du même ordre que ceux dus aux petits appareils électriques ou électroniques de l'environnement quotidien, comparables à un chargeur de PC, une perceuse électrique sans fil ou un ancien compteur électrique. C'est inférieur à une lampe fluocompacte qui est de l'ordre de 15 volts par mètre à cette distance. C'est très inférieur à une plaque à induction qui fait plusieurs dizaines de volts par mètre à une distance habituelle dans une cuisine.

Dans les foyers, la contribution du compteur Linky à l'exposition électromagnétique est très faible. Nous continuerons à mesurer tous les dispositifs Linky. Nous allons probablement trouver des éléments électromagnétiques plus tangibles quand nous allons examiner le concentrateur. Les niveaux d'exposition seront comparables à ceux d'un téléphone portable, puisque j'imagine que cet appareil contient une carte SIM pour communiquer avec le réseau. En l'occurrence, cet appareil est très loin des individus, dans les bâtis d'ENEDIS.

Nous examinerons aussi l'émetteur radio Linky optionnel. Celui-ci communiquera sans doute via un protocole de type Wifi ou Bluetooth avec des appareils domestiques, un peu comme une box. Il est susceptible de produire un niveau de champ qui sera plus facilement mesurable.

À ce stade, ces trois premiers rapports concluent que le niveau de champ de Linky dans l'environnement domestique ne doit pas constituer un sujet d'inquiétude.

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Ce sont des conclusions qui ont le mérite de la clarté. Nous allons entendre maintenant M. Olivier Merckel, responsable de l'unité d'évaluation des risques liés aux agents physiques à l'ANSES. Je salue au passage Mme Alima Marie, notre contact régulier à l'ANSES, où elle est directrice de l'information, de la communication et du dialogue avec la société. L'OPECST a contribué à la création de cette agence dans les années 2000. Aujourd'hui elle est reconnue au niveau national pour ses expertises. Elle a été saisie sur ce sujet. Je vous demande de faire le point sur les études que vous avez menées.

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Olivier Merckel, ANSES

L'Agence est indépendante. Ses missions consistent en particulier à évaluer les risques pour la santé humaine, mais aussi pour la santé et le bien-être des animaux, la santé des végétaux. Son expertise collective fait appel à des collectifs d'experts indépendants.

En ce qui concerne les compteurs communicants, c'est la Direction générale de la santé qui nous a fait une demande initiale à la fin 2015, nous demandant une synthèse des différentes caractéristiques techniques des compteurs communicants concernant l'eau, le gaz et l'électricité. Je me contenterai aujourd'hui de présenter les compteurs d'électricité, en particulier le compteur Linky.

On nous a également demandé une synthèse des données disponibles concernant l'exposition de la population aux champs électromagnétiques pouvant être émis par l'utilisation de ces différents compteurs.

Enfin, on nous a demandé une évaluation des effets sanitaires éventuellement associés, puis de proposer des axes de recherche ou de surveillance. La mission de l'ANSES est d'appuyer les pouvoirs publics dans les processus de décision ou de modification des réglementations.

La méthodologie de cette expertise est classique. Nous avons créé un groupe de travail composé de sept experts dans différents domaines, des épidémiologistes, des physiciens, mais aussi des sociologues, l'aspect sociétal de la controverse étant extrêmement important sur ce sujet. Nous avons réalisé un certain nombre d'entretiens avec les différents acteurs de ce sujet pour intégrer le plus d'informations possible. De même, nous avons réalisé une consultation internationale pour étudier le développement de ce type de compteur à l'étranger. Enfin, partant du principe que nous n'avions pas toutes les données disponibles, en particulier concernant l'exposition au compteur Linky, nous avons établi une convention avec le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) pour faire réaliser des mesures de l'exposition des personnes, notamment au domicile.

Je dois faire un point sur la controverse. On pouvait difficilement comprendre l'environnement et les questions qui touchent à l'exposition au compteur communicant sans faire ce travail de sociologie. Je vous livre quelques éléments qui ressortent de l'analyse disponible dans le rapport d'expertise de l'Agence.

L'origine de la controverse se situe en Amérique du Nord, au Canada et dans certains États des États-Unis, là où se sont réalisés les premiers développements. L'aspect sanitaire est central dans cette controverse, mais il est environné par beaucoup d'autres problématiques que vous avez évoquées, à savoir la sécurité des données, le respect de la vie privée, les risques économiques et écologiques que ces déploiements peuvent faire courir.

En France, s'ajoute un élément important : la territorialisation de la controverse, qui est peut-être liée au mode de déploiement des compteurs Linky « en tâches de léopard » pour reprendre l'expression d'ENEDIS. L'implantation est un peu disséminée sur le territoire, et du coup, certains maires peuvent intervenir pour refuser l'implantation.

La question de la propriété des compteurs et de la responsabilité associée a pu alimenter cette controverse. Qui est finalement propriétaire ? Les maires ? Y a-t-il une délégation au syndicat d'énergie ? Etc.

Que l'on considère cette question comme nationale ou locale, on voit que l'opposition publique se recompose assez rapidement. Elle est liée à un déficit de confiance portée sur divers acteurs, peut-être dû à une absence de consultation et à un manque d'information au moment du déploiement des compteurs.

Notre analyse soulève un autre aspect très important : la dimension intrusive, qui peut être perçue par les usagers. Cet objet est, finalement, considéré comme imposé par les pouvoirs publics dans leur espace privé.

Il faut vraiment distinguer les compteurs d'électricité des autres compteurs. Dans les compteurs d'électricité, la communication est filaire. Les informations circulent sur le réseau électrique, et c'est par ce biais de la circulation du courant électrique qu'un champ électromagnétique est émis. Dans le cas des compteurs communicants radio (gaz et eau), les communications par ondes hertziennes soulèvent une problématique différente.

Nous avons eu beaucoup d'informations sur les compteurs radio, qui sont ni plus ni moins des sortes de téléphones mobiles ou d'émetteurs radioélectriques, et que l'on connaît relativement bien. En revanche, nous avons eu plus de mal à obtenir des informations sur le protocole Linky, son fonctionnement, le nombre de communications quotidiennes, etc.

Les schémas sont souvent mieux perceptibles que des mots. L'une des missions de cette expertise était de rassembler l'ensemble des données disponibles concernant l'exposition aux compteurs CPL. En décembre 2016, date de publication de ce rapport, nous n'avions pas encore les résultats des mesures réalisées par le CSTB.

Nous avons présenté différentes valeurs de champ électrique qui ont pu être mesurées par différents acteurs lors de campagnes de mesures. On y retrouve les mesures réalisées par l'ANFr en 2016, à la fois sur les compteurs G1 et G3, ainsi que les mesures réalisées par EDF.

Le tableau récapitulatif des données d'exposition aux compteurs CPL présente les valeurs de champ électrique et les valeurs de champ magnétique.

Concernant les valeurs de champ électrique, les résultats des mesures réalisées en laboratoire, à 20 cm des compteurs, dans des situations relativement normalisées, présentent une assez bonne homogénéité. A contrario, les mesures réalisées in situ dans les habitations sur des compteurs G1 présentent des différences de valeur. À cette fréquence-là, il faut savoir que la mesure du champ électrique est extrêmement compliquée, les appareils de mesure étant plus ou moins proches des compteurs. À noter que la mesure la plus élevée a été réalisée en Finlande sur un compteur CPL, qui n'est pas un compteur Linky.

Concernant les valeurs de champ magnétique, là aussi, nous observons une certaine disparité des résultats des mesures. Cela s'explique en particulier par les différentes distances des appareils de mesure. Plus on s'éloigne des compteurs ou des câbles dans lesquels circulent les communications Linky, moins le champ est important. À noter que ces mesures ont été réalisées à la fois en laboratoire et in situ dans les habitations pour les compteurs G1, et uniquement en laboratoire pour les compteurs G3. Ceux-ci seront déployés en 2017 et nous n'avons donc pas pu réaliser de mesures sur site.

Les niveaux de champ électrique ou magnétique du compteur Linky sont comparables à ceux d'autres équipements domestiques (perceuse électrique, chargeur PC, écran TV, ancien compteur…). Ceux-ci sont très faibles au regard des valeurs limites d'exposition. Reste à déterminer à quel rythme sont émises les communications Linky pour obtenir les données d'exposition globale des personnes.

Concernant les effets sanitaires des compteurs communicants, nous ne disposons pratiquement d'aucune littérature scientifique spécifique. Ce type de compteur étant extrêmement récent, c'est un sujet émergent.

Les expositions liées aux émissions de champ électromagnétique du compteur peuvent se rapprocher des courants transitoires à haute fréquence qui sont en fait générés par tout un tas d'appareils électriques ou électroniques branchés sur le réseau, ou simplement par le fait d'appuyer sur un interrupteur électrique. De ce côté-là, nous n'avons pas trouvé de données qui suggéraient l'existence d'effets sur la santé.

Néanmoins, le rapport de l'AFSSET de 2009 (ancienne Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, fusionnée au sein de l'ANSES) avait publié des données sur les effets sanitaires dans la bande de fréquences du compteur Linky qu'on appelait « les fréquences intermédiaires », entre 9 kilohertz et 10 mégahertz. Ce rapport déclare que l'analyse des études disponibles ne permettait pas de conclure définitivement quant à l'existence ou non d'effet sur la santé lié à des expositions à ce type de radiofréquences.

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Olivier Merckel, ANSES

Non, aujourd'hui il n'y a pas de données supplémentaires qui nous invitent à modifier cette conclusion.

En conclusion générale, nous rappelons notamment que le risque résulte du produit du danger intrinsèque d'un agent par son exposition. Si un danger est extrêmement fort, mais qu'on n'y est pas exposé, le risque est finalement très faible. Inversement, si l'on est beaucoup exposé à un danger très faible, alors le risque peut être élevé.

En l'occurrence, les niveaux d'exposition liés à ces compteurs communicants sont extrêmement faibles. Nous n'avons pas de données qui nous permettent aujourd'hui de dire que des effets sanitaires liés à l'exposition à ces champs électromagnétiques sont avérés.

Les conclusions, concernant les compteurs CPL, les compteurs Linky, sont qu'à court terme, aucun effet sanitaire n'est attendu. Dans la mesure où l'on ne peut jamais prouver qu'il n'y a pas de risque, les conclusions de l'Agence à long terme sont que les effets sanitaires sont peu probables.

Je rappellerais aussi que dans le domaine des compteurs communicants, il faut bien distinguer d'une part les compteurs radio (gaz et eau) des compteurs Linky, pour lesquels nos connaissances étaient limitées au moment de la publication de ce rapport, en particulier sur le protocole et les expositions associées.

Nous avons obtenu le rapport du CSTB sur les mesures réalisées notamment dans l'environnement domestique. Elles vont nous apporter un certain nombre d'informations complémentaires. Nous publierons une version révisée de l'avis publié en décembre 2016. Les conclusions sur les effets sanitaires ne seront pas fondamentalement modifiées, mais nous apporterons des conclusions très intéressantes sur le mode de fonctionnement et les expositions au compteur Linky.

L'ensemble des données que nous avons pu répertorier mettent en évidence des niveaux d'exposition très faibles, et donc une probabilité très faible que l'exposition à ce type de champ électromagnétique puisse engendrer des effets sanitaires à court ou long terme.

Nous avons formulé des recommandations en matière de caractérisation de l'exposition. Nous recommandons de poursuivre la réalisation de ces mesures. Cela a été fait à travers les travaux du CSTB que nous rendrons publics.

Nous avons signalé l'idée d'évaluer les niveaux d'exposition dans le cas d'une implantation multiple : compteurs Linky, gaz et eau. En habitat collectif, cette concentration de compteurs mériterait d'être étudiée.

D'une manière générale, nous avons assez peu de données sur les effets sanitaires de ce type de fréquences. Nous recommandons la poursuite des études les concernant.

Sur l'un des points de la controverse, nous recommandons d'étudier, de caractériser la gêne perçue par certaines personnes chez qui l'on installe ce type de compteur.

En matière d'information, il nous paraît important de fournir une meilleure information au public sur les modalités de fonctionnement actuel et futur de ce type de compteur. C'est certainement l'un des aspects qui a pu nourrir assez fortement la controverse.

Enfin, par rapport à la diffusion rapide des objets connectés, nous recommandons d'anticiper réellement ces évolutions, et surtout de prévoir dès maintenant, dans les protocoles de mesure de l'exposition de la population aux champs électromagnétiques, les conditions et les paramètres techniques qui vont permettre d'accéder rapidement à la maîtrise et à la caractérisation des expositions qui seront associées au développement des objets connectés.

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Vous dites que les effets médicaux sont peu probables, qu'il n'y a aucune littérature scientifique spécifique, que des plaques à induction ou des lampes fluocompactes ont des effets supérieurs à Linky… C'est compliqué, parce que vous séparez les gammes de fréquences. Récemment un grand journal mélangeait les gammes de fréquences en indiquant qu'il y avait des risques pour la santé. Il y a un décalage entre ce qu'on lit et le discours des experts.

M. Le Ruz, vous allez présenter le CRIIREM (Centre de recherche et d'information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants) et nous expliquer ce qu'est un centre de recherche indépendant.

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Pierre le Ruz, président du CRIIREM

Le CRIIREM est un centre de recherche qui travaille avec l'université du Maine au Mans. Organisme reconnu d'intérêt général, le CRIIREM réalise des expertises qui sont prises en compte par les tribunaux. Nous ne sommes pas accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac) parce que cela pose problème en termes d'indépendance. Nous sommes complètement indépendants parce que nous ne recevons aucune subvention d'aucun autre organisme. D'ailleurs, nous avons subi des contrôles fiscaux qui ont confirmé notre indépendance. Nous sommes non concurrentiels avec les bureaux de contrôle.

Par rapport à tout ce qui a été dit, je ferai des remarques constructives qui pourraient peut-être faire évoluer les choses. La première concerne le signal CPL (Courant porteur en ligne). Nous avons fait des mesures depuis longtemps et l'on remarque toujours la même erreur que l'on a signalée dans bon nombre de réunions. Lorsqu'on mesure ce signal, qui se situe dans la bande des radiofréquences de 10 kilohertz à 10 mégahertz, on mesure certes, d'un côté, le champ électrique en volts par mètre, mais on ne doit pas mesurer le champ d'induction magnétique en microteslas, mais plutôt en ampère par mètre. Selon les physiciens, le microtesla est réservé aux extrêmement basses fréquences, c'est-à-dire le 50 hertz. Nous l'avions déjà fait remarquer lors des mesures contradictoires que nous avions réalisées avec l'ANSES et le CSTB sur les ampoules fluocompactes.

Cela mis à part, nous sommes bien d'accord sur le fait que les niveaux sont faibles. Mais, à force de faire des erreurs et de créer des problèmes de communication, le doute est jeté et cela alimente la controverse.

Concernant les compteurs en eux-mêmes et les câbles, le courant électrique porteur est de type 50 hertz, mais aucune mesure n'a été réalisée. Or, un compteur électrique émet des extrêmement basses fréquences qui se mesurent en volts par mètre pour le champ électrique et en microteslas, dans ce cas, pour le champ d'induction magnétique. Nous l'avions signalé à l'ANFr qui nous avait répondu qu'ils n'avaient pas de compétence dans ce domaine. Le CRIIREM l'a fait. Il faudrait peut-être refaire ces mesures.

Concernant le concentrateur, s'il est positionné à côté du transformateur, il est clair que l'impact du transformateur par rapport à l'émetteur CPL est beaucoup plus important que les transmissions qui sont réalisées.

Il faudrait aussi faire des mesures sur les câbles, avec des pinces ampèremétriques spécialisées, afin d'évaluer exactement la différence produite. Il passe tout un tas de choses assez complexes dans un câble.

La compatibilité électromagnétique est un autre problème qui n'a pas du tout été abordé. Certains appareils fonctionnent avec des fréquences en kilohertz très proches de celles du CPL et peuvent dysfonctionner. Dans ce cas, il y a une obligation légale. L'article L.32 (12e) du code des postes et des communications électroniques impose la prise en compte de la sécurité, de la santé et de la compatibilité électromagnétique pour éviter les dysfonctionnements sur le matériel électrique et électronique. C'est intéressant d'utiliser des fréquences, mais celles-ci ne doivent pas entrer en contradiction avec les fréquences utilisées par les appareils électroménagers (lave-vaisselle, frigo, etc.).

Une autre remarque porte sur le G3. Il faudrait faire des mesures sur le G3, en particulier sur son champ magnétique. Dans ces fréquences-là, entre 9 kilohertz et 10 Mégahertz, le champ magnétique est parfois beaucoup plus impactant que le champ électrique.

Concernant les émetteurs radio, avant de faire des mesures, nous avons besoin d'en connaître la puissance et le gain pour faire une évaluation calculée. On pourrait peut-être l'obtenir si l'on disposait de renseignements techniques.

Concernant le buzz et la controverse dans ces affaires, nous avons déjà signalé, lors des précédentes auditions à l'Assemblée nationale, diverses maladresses, notamment vis-à-vis des agences régionales de santé (ARS) : ainsi, les documents d'information distribués par ENEDIS comportaient des erreurs monstrueuses ; on a invoqué des erreurs d'impression, mais on pouvait y lire qu'on avait mesuré 0,0001 volt par mètre. Et j'en passe… Du côté de l'ANFr, quand on fait voir à la presse une sonde qui mesure un compteur et qui n'est pas adaptée à ce type de mesure, cela crée un problème. Il y a donc un sérieux problème de communication qui aurait pu être évité.

À mon sens, ce buzz n'a pas lieu d'exister, mais il est entretenu. C'est pourquoi le CRIIREM avait proposé à ENEDIS d'organiser une réunion afin de mettre en place des mesures contradictoires avec un laboratoire indépendant. On nous a dit d'accord, mais cela n'a pas été fait. Je leur ai rappelé qu'à l'époque, nous avions fait des mesures contradictoires avec l'ANSES et le CSTB sur les ampoules fluocompactes, et que le buzz s'était arrêté. La commission de la sécurité des consommateurs avait fait un avis et tout s'était terminé.

Le problème, c'est que ces mesures contradictoires n'ont pas été mises en place. L'ADEME nous a convoqués au mois de mars 2016 pour essayer de régler ces problèmes. Ce sont des problèmes de communication, plutôt que des problèmes d'effets de champ électromagnétique sur le public. Encore faut-il affiner les mesures, l'ANSES l'a bien précisé. Le jour où l'on disposera d'un rapport établi de façon contradictoire, sur la base de protocoles correctement mis en oeuvre, en présence de tous les acteurs, il n'y aura plus de discussion possible.

En conclusion, je dirais que la communication pour les compteurs Gazpar (gaz et eau) a été bien plus adroite. Elle s'est appuyée sur un grand nombre de documents. La mise en avant du fait que le moniteur utilisé sur le compteur à gaz était un compteur Atex, c'est-à-dire anti-explosion, a permis de calmer le jeu. Nous avions à notre disposition tous les éléments techniques concernant les puissances et les gains des appareils. Lors des réunions publiques sur ce type d'appareil, il n'y a pas eu de souci particulier. Le CRIIREM avait été convoqué pour donner un avis et nous n'avions pas donné d'avis défavorable, ni pour les uns, ni pour les autres. Notre seule remarque portait sur le constat que, dans les immeubles, on a besoin de répéteurs, mais que si on avait une façon intelligente de disposer les compteurs, cela ne posait pas de problème. Quant aux concentrateurs, ils étaient posés en hauteur, avec certaines dispositions qui réglaient les difficultés. Le seul problème qui subsistait concernait le clocher des églises et les châteaux d'eau.

Le buzz s'est porté entièrement sur Linky. On a compris pourquoi au CRIIREM, quand on a découvert les problèmes de communication. Il y a de gros progrès à faire en matière de communication sur le Linky. C'est l'avis du CRIIREM. Il est clair qu'il existe d'autres appareils qui sont beaucoup plus dangereux. La confusion avec les plaques à induction, les ampoules fluocompactes et tous les autres appareils remet le buzz en route. Il faut être précis dans la communication et donner tous les éléments. C'est possible, puisqu'a priori, il n'y a pas de problème.

Le CRIIREM est reconnu comme indépendant. Lorsqu'on a fait un rapport pour la Ville de Paris en disant qu'il n'y avait pas de souci particulier, on s'est fait vilipender par les associations. Au CRIIREM, quand il y a un problème, on le dit. Quand il n'y a pas de problème, on le dit aussi. On s'est tu pendant un certain temps, car il était inutile de refaire des mesures et de les publier. Cela n'aurait rien apporté.

Un consensus est nécessaire sur le Linky. J'espère qu'à l'occasion de la réunion de l'ADEME, il y aura un consensus pour mettre en place un protocole non discutable, et éventuellement pour demander à la commission de la sécurité des consommateurs de formuler à la fin un avis général, de façon à stopper ce problème. S'agissant des rayonnements électromagnétiques, il existe des problèmes autrement plus importants que celui-là.

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Nous engagerons le débat avec nos collègues, mais cette position me paraît très sage. J'ai lu le compte rendu de la table ronde du mercredi 11 mai 2016 où vous aviez déjà déclaré cela. Je me demande pourquoi cela ne s'est pas fait. Le sujet aurait été clos et son irruption nouvelle dans certaines collectivités aurait pu être évitée.

Monsieur le Professeur Aurengo, vous vous êtes souvent exprimé sur ce sujet. Je souhaiterais avoir votre avis.

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André Aurengo, membre de l'Académie des technologies et de l'Académie nationale de médecine

J'ai trouvé que, d'une façon générale, les deux rapports dont on a parlé aujourd'hui étaient d'une extrêmement bonne qualité. Il y a peut-être des détails à corriger, mais dans l'ensemble, la qualité est très bonne pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, en ce qui concerne le rapport de l'ANSES, il s'agit d'une expertise collective. Rappelons que l'expertise collective est le degré le plus élevé de preuve que l'on peut avoir sur un sujet médical ou extra-médical. Elle fait suite à une saisine de la Direction générale de la santé qui est très claire, très factuelle. Pour avoir une bonne réponse, il faut une bonne question, et c'est le cas. L'expertise a été organisée d'une manière extrêmement professionnelle en ce qui concerne le choix des experts, les domaines couverts par les différents experts, la méthodologie, l'accord avec les normes existantes quant à la qualité de l'expertise, l'analyse des liens d'intérêt. Le rendu a été clair, sans langue de bois, dans un délai raisonnable, accompagné d'un résumé fidèle d'une quinzaine de pages pouvant être lu rapidement.

Ce rendu se doit d'aborder les aspects techniques. Je voudrais faire une première remarque au sujet des mesures. Nous sommes dans un domaine où les mesures sont extrêmement délicates. Comme il a été rappelé par les intervenants précédents, le champ électromagnétique n'est pas vraiment formé dans cette zone, c'est-à-dire qu'on n'est pas loin de l'émetteur par rapport à la longueur d'ondes utilisée. Il est donc important d'avoir des éléments comparables. Cela, je pense que l'ANFr le fait bien, avec premièrement l'édiction de normes. C'est très important qu'un juge de paix donne des protocoles et qu'il puisse éventuellement les affiner.

L'état des lieux comprend également l'analyse sociologique de la controverse, de sa naissance, de son mode de diffusion et de cristallisation. Il rappelle la situation à l'étranger, en Europe et aux États-Unis, où est née la controverse ainsi que le déploiement de ces compteurs dans le cadre de la loi et des normes en vigueur, en affirmant l'absence d'effets avérés sur la santé.

Les conclusions du rapport de l'ANSES sont très factuelles. L'ANSES ne met pas en évidence d'effets sanitaires avérés et la probabilité qu'on les mette en évidence est faible.

Je voudrais faire une seconde remarque par rapport à la formulation de type « il est peu probable qu'il y ait tel effet », ou « très improbable ». Je rappelle qu'il est impossible de prouver par un raisonnement déductif que quelque chose n'existe pas. Par contre, vous pouvez avoir une probabilité que quelque chose existe. C'est d'ailleurs de cette manière que le Centre international de recherche sur le cancer travaille. Le CIRC a classé des centaines de substances chimiques dans la catégorie « agent cancérogène » ou « agent probablement cancérogène ». La catégorie « agent non cancérogène » n'existe pas dans cette classification. Par contre, il existe une catégorie « probablement non cancérogène ». La clause de prudence l'impose.

Ce rapport s'élargit à une vision multidimensionnelle. Il ne s'est pas focalisé uniquement sur le compteur Linky ou sur les compteurs utilisés pour le gaz et l'électricité. Il aborde également les questions de vie privée, de sécurité et l'aspect intrusif.

Enfin, il propose des pistes très intéressantes quant aux études qu'il faudrait conduire, aux surveillances qu'il faudrait mettre en place, notamment des études dites « de provocation » pour les personnes qui se disent hypersensibles à ces courants porteurs en ligne. Il s'agirait de mettre ces patients face à un dispositif qui émet ou qui n'émet pas, afin de vérifier s'ils sont véritablement hypersensibles. Cela donnerait une assise rationnelle à la prise en charge médicale rigoureuse de ces personnes qui peuvent effectivement être dans un état de souffrance, de handicap.

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Merci messieurs. Vos exposés sont relativement clairs. La question de la communication a été soulevée à la fin. Nous allons ouvrir le débat.

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Franck Montaugé, sénateur

Une certaine partie de la population opposée à ce déploiement invoque trop souvent le principe de précaution en vertu d'études qui n'auraient pas conclu de manière absolue. La preuve n'est pas faite que cela ne serait pas nocif. Quelle argumentation peut-on développer face à ce type de remarque ?

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Pierre le Ruz, président du CRIIREM

Le principe de précaution n'est pas adapté à ce type de problématique. Ce principe n'est adapté qu'à l'environnement, non pas à la santé.

En revanche, concernant la gestion des risques, on peut prendre des décisions préventives. Dans ce domaine, le principe de prévention est simple : mettre les compteurs à une certaine distance. Comme pour tout autre appareil électrique ou électronique et tous les anciens compteurs, si l'on est à plus de deux mètres de ce système, le risque est extrêmement faible.

Ce principe de prévention est valable pour tous les circuits et appareils électriques utilisés dans la maison. On doit se tenir à une certaine distance d'un appareil électrique ou électronique. On ne doit pas mettre le nez sur un four à micro-ondes. Nous avons fait beaucoup de mesures à l'aide d'analyseurs de spectre et de sondes adaptés. Dans une maison, c'est du bruit de fond, sauf si l'on est sous une ligne à très haute tension ou qu'il y a un transformateur sous la chambre. Il suffit de savoir où l'on pose les compteurs et comment on les dispose. Dans les immeubles, c'est peut-être plus compliqué. Mais dans un pavillon, il suffit de poser le compteur à 25 mètres.

S'agissant des câbles électriques, il faut savoir qu'ils véhiculent bien d'autres choses que le signal CPL. Un oscillographe relève un sacré brouillard. Et je ne parle pas de ces petits appareils que l'on branche sur la box et sur le courant pour diffuser la Wifi. Tout cela est une question de gestion des risques physiques. À force de tout connecter, on en rajoute. Les porteurs de dispositifs médicaux doivent faire très attention. Dans ce cadre, la directive européenne 201335UE entrée en application au 1er janvier 2017 impose la prise en compte des porteurs de dispositifs médicaux (implants actifs et inactifs). Science & Avenir a bien indiqué que les plaques à induction ne sont pas adaptées à des porteurs de défibrillateur ou de pacemaker. C'est une question d'information. Il faut donner au public tous les éléments d'information, un certain nombre de mesures préventives à mettre en place, et cela fonctionnera. Le public prendra confiance.

Au moment du lancement du compteur Gazpar, on craignait qu'il explose. Les promoteurs du dispositif ont prévenu le public qu'il comportait un moniteur Atex anti-explosion, ont communiqué les puissances et les gains, des mesures contradictoires ont été faites. Il n'y a pas eu de buzz. Les gens ont eu la conviction que l'information était bonne, qu'on leur avait tout expliqué.

Rappelez-vous les lampes fluocompactes. Lorsque le CRIIREM a alerté sur la présence de mercure et d'un champ électrique relativement important, nous nous sommes fait traiter de tous les noms par les associations écologistes. Nous avons fait des mesures contradictoires. Nous avons monté un protocole avec l'ANSES et les fabricants, le CSTB a fait des mesures et il a pu constater qu'il y avait un champ électrique relativement important. Cette même démarche est d'ailleurs aujourd'hui suivie pour les tubes fluorescents. À mon sens, c'est une erreur de communication de dire qu'il n'y a pas de problème, que les précautions sont inutiles et qu'il est inutile d'informer le public.

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Je voudrais vous remercier d'avoir pris l'initiative de ces présentations. Ces études et éléments d'information sont importants. Au regard de la résolution sur les sciences et le progrès dans la République que l'Assemblée nationale a adoptée il y a deux jours, on voit aujourd'hui toute l'importance de la connaissance et de la diffusion de l'information.

Ma première question s'adresse à ENEDIS. Après tout ce qui a été dit, quels sont les éléments que cela conduit à mettre en oeuvre dans vos process d'installation et de suivi, afin de lever les doutes qui persistent encore ? Quels enseignements tirez-vous de ces échanges de points de vue en termes d'installation de ces compteurs ?

L'ANSES souligne, dans ses recommandations, qu'il y a nécessité d'évaluer le niveau de concentration des compteurs. À quoi pensez-vous plus concrètement ? Le problème diffère évidemment selon que l'on considère un habitat individuel ou un immeuble collectif. En tant qu'élu d'un secteur plus urbain, je dois prendre en compte les inquiétudes des administrés, et je suis interpellé par votre recommandation.

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Olivier Merckel, ANSES

Sur cette question de la concentration des compteurs, je vais faire une analogie avec les antennes-relais. C'est quelque chose que l'on a exprimé depuis longtemps. Il faut faire attention à la concentration des expositions, de la même manière que l'on a préconisé des formes de mutualisation des sites d'antennes-relais pour éviter la concentration de rayonnements à certains endroits.

Il nous semble important d'anticiper, de prévoir et de contrôler l'installation de différents types de compteurs (qu'ils utilisent le CPL ou la radio pour l'eau et le gaz) dans les gaines techniques des immeubles. L'objectif est de ne pas créer des points d'exposition beaucoup plus importants avec plusieurs, voire des dizaines de compteurs au même endroit. Les schémas de déploiement et d'installation des compteurs doivent le prendre en considération.

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Bernard Lassus, directeur du programme Linky chez ENEDIS

Lorsqu'on a commencé le déploiement, très vite on a identifié deux types de problème. Un problème d'information et un problème que je qualifierais d'irrationnel. Car il faut faire avec une approche « idéologique » que j'ai retrouvée en rencontrant mes collègues d'Hydro-Québec ou des utilities aux États-Unis. Quelle que soit l'information mise à leur disposition, les personnes concernées ne changeaient pas du tout leur position. Il ne faut pas l'oublier.

Avec ma collègue Gladys Larose, ici présente, nous avons fait des dizaines de réunions sur le terrain. Nous n'avons pas la même connaissance que vous du tissu local, mais je peux vous dire qu'on commence à en avoir une assez bonne vision.

Que faire pour essayer de gérer au mieux la situation ? Nous travaillons en amont, à partir de la carte de déploiement. Généralement, six mois à l'avance, voire un peu plus, nous prenons contact avec les élus locaux pour essayer de bâtir le dispositif de concertation qui leur semble le plus adapté à la situation régionale. Ce dispositif est à chaque fois différent, en ce qui concerne la manière de se concerter, de discuter, de concevoir des systèmes de dialogue et de débat. Il est essentiel qu'il soit adapté à chaque élu, à chaque lieu. On le voit au niveau du déploiement. Il y a des régions entières où la mise en place du compteur ne pose aucun problème.

Le travail qui a été réalisé par l'ANFr et les déclarations faites par les différents experts ont permis de ramener un peu de sérénité dans ce débat, de même que le travail que nous faisons avec l'ANSSI et la CNIL sur la protection des données. Nous essayons de mettre en place des argumentaires qui répondent aux attentes des citoyens, des consommateurs, et leur apportent les éléments d'information les plus rassurants.

Grâce à l'ensemble des informations que l'on fournit dans le cadre de ces concertations, qui sont généralement gérées par l'élu local, la situation s'apaise et le déploiement continue.

Par contre, et j'espère ne pas vous choquer, il y a certaines personnes que nous n'arriverons jamais à convaincre. Je pense même qu'elles font de leur opposition un véritable business. Pourtant, nous leur ouvrons l'accès à tous nos chiffres, toutes nos études. Nous avons pris contact avec certaines d'entre elles pour mettre au point des protocoles. Je pourrais montrer toutes les analyses, tous les protocoles, tout ce que vous voulez.

Nous sommes une entreprise du local. Vous le voyez bien dans la gestion des coupures liées aux tempêtes. Nous essayons de communiquer au mieux. Je vais prendre un exemple. L'ONG Next-up nous a tout de suite attaqués en proférant des contrevérités qui venaient notamment d'Amérique du Nord. Quels que soient les éléments rationnels que vous apportez dans le dialogue, vous êtes confrontés à l'irrationalité pure. C'est une posture très difficile à combattre. C'est aussi l'avis de mes collègues d'Hydro-Québec et d'Amérique du Nord. En Italie, lorsqu'Enel a commencé à déployer des compteurs dans les années 2000, les mêmes difficultés ont surgi. Pourtant, Enel a installé, à ce jour, 31 millions de compteurs et commence à déployer la deuxième génération sans aucun problème.

Je vous assure que nous essayons de prendre les choses le plus en amont possible. Nous avons retravaillé tous nos éléments de communication, en les rendant plus simples, en s'appuyant sur des groupes de consommateurs, de citoyens. Nous avons rencontré les élus et les promoteurs.

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L'OPECST est chargé d'une évaluation scientifique et technologique. Nous bénéficions ce matin d'expertises d'organismes du service public, l'ANFr et l'ANSES, avec qui nous travaillons de manière régulière. Leurs conclusions vont globalement dans votre sens. Le CRIIREM, une organisation indépendante, dit à peu près la même chose, analyse les causes du débat et propose une solution pour mettre tout le monde d'accord. Le Pr Aurengo, de l'Académie des technologies, dit à peu près la même chose. Finalement, cette évaluation nous paraît simple.

Ce que l'on demande, et qui a déjà été demandé il y a un an, c'est une étude sur un certain nombre de points qui ont été identifiés. Le Pr Aurengo et M. Le Ruz sont à peu près du même avis à ce sujet. Pourquoi ne le fait-on pas ? Cela permettrait à l'OPECST et aux commissions du développement durable et des affaires économiques de donner un avis convergent de manière très forte.

La discussion de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte a confirmé que les compteurs communicants avaient un certain nombre d'avantages, notamment de permettre de gérer l'effacement de consommation électrique qui va aider à régler nos problèmes d'approvisionnement. Anne-Yvonne Le Dain a beaucoup travaillé sur ce sujet. Pour la première fois en 2016, la France a importé de l'électricité. Cela signifie que l'on a intérêt à faire des économies d'énergie. Ces compteurs vont nous y aider, à condition que le citoyen soit rassuré.

Le Pr Aurengo l'a rappelé : en médecine, en science, on est obligé de parler de probabilités, on ne peut pas dire que c'est certain. Le citoyen a du mal à accepter l'idée que ce n'est pas sûr, que le risque zéro n'existe pas ; lui entend le contraire, il traduit que le risque existe. C'est pourquoi on doit à la fois traiter le risque scientifiquement et objectivement, et traiter la perception du risque.

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Gilles Brégant, directeur général de l'ANFr

Au sujet des mesures de champ, l'ANFr propose un dispositif qui permet à tout un chacun, sous réserve d'un contreseing par un élu ou une association, de faire faire gratuitement des mesures de champ dans la gamme de fréquences du protocole 100 kilohertz à 6 gigahertz. Cela permet d'avoir une objectivation du champ dans son habitation, ou devant chez soi, sur la voie publique. L'ANFr effectue en moyenne 2 000 à 3 000 mesures par an dans ce cadre. Elles sont toutes répertoriées sur notre site web cartoradio.fr, qui publie l'implantation des antennes-relais, de tous les émetteurs importants, et aussi les mesures constatées. Cela permet aussi de voir quels sont les principaux contributeurs au champ.

L'ANFr souhaite faire évoluer son protocole. Le dispositif Linky travaille dans une bande de fréquences commençant à 35 kilohertz et notre protocole commence à 100 kilohertz. Nous allons faire évoluer notre protocole en dessous de 35 kiloHerz pour que l'effet potentiel du compteur Linky soit visible dans ces mesures, que des laboratoires certifiés puissent effectivement faire des mesures à tout endroit, et que n'importe quelle entité puisse commander des mesures. Cela devrait mettre fin aux petites controverses évoquées par M. Le Ruz.

Je voudrais indiquer à M. Le Ruz qu'une mesure en ampère par mètre ou en microteslas ne change en rien à la nature de la mesure. Nos instruments de mesure sont étalonnés en ampère par mètre, mais nous convertissons les résultats obtenus en microteslas pour des raisons de lisibilité par rapport aux textes, lesquels disent d'ailleurs que les deux unités sont possibles.

M. Le Ruz a également évoqué une controverse mettant en jeu un étiquetage. Il se trouve qu'une mesure avait été faite à Gap et que le journal local avait pris en photo les appareils de mesure. Comme ces appareils avaient été utilisés peu avant pour des mesures Cofrac, leur étiquette indiquait la limite Cofrac qui commence à 100 kiloHertz. Évidemment, la sonde couvrait un spectre commençant beaucoup plus bas et nous avons fourni les documents techniques l'attestant.

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Pierre le Ruz, président du CRIIREM

Je suis désolé de vous contredire. Les sondes destinées à mesurer les champs électriques ne sont pas sphériques, mais iconiques. Et donc cette sonde n'était pas la bonne sonde. On m'a dit que c'était une erreur de journaliste.

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Gilles Brégant, directeur général de l'ANFr

Je retiens que pour M. Le Ruz, la communication est importante. Lui aussi a aussi un rôle dans cette communication. À chaque fois qu'il évoque le problème, il crée une controverse qui remet la situation à zéro...

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Pierre le Ruz, président du CRIIREM

Ce n'est pas moi qui ai fait l'erreur ! Si vous ne l'aviez pas faite, il n'y aurait pas eu de buzz sur le net.

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Gilles Brégant, directeur général de l'ANFr

Il n'y a pas eu d'erreur. J'observe que nous touchons là à la question très actuelle des rumeurs propagées sur internet : les fake news sont à la mode. Les réseaux sociaux sont extrêmement actifs, ils diffusent beaucoup d'informations. Et ces informations portent en l'occurrence sur un environnement assez méconnu de nos concitoyens. Il n'y a pas de formation initiale qui permette de comprendre ce qu'est une onde électromagnétique. Nous en souffrons à l'ANFr. Les gens ne connaissent pas les ondes électromagnétiques. Ils ont peut-être vu des circuits RLC au lycée (circuits linéaires contenant une résistance électrique R, une bobine L et un condensateur C), mais ils n'ont pas bien compris comment cela fonctionnait. Pour quasiment tous les Français, ce domaine est assez hermétique. C'est un terrain laissé en friche par l'éducation. La formation se fait au coup par coup, par l'irruption de sujets tels que les antennes-relais ou le compteur Linky, et par des poussées de préoccupations concernant l'environnement électromagnétique.

J'invite les parlementaires et tous les gens qui nous écoutent à venir visiter l'ANFr. Dans une de nos démonstrations, nous balayons le spectre à l'aide d'analyseurs de spectre, et nous regardons ce qui crée du champ dans un environnement. C'est parfois contre-intuitif.

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Ces domaines touchent des aspects scientifiques qui utilisent un vocabulaire et des mesures qui ne sont pas toujours faciles à comprendre. Former les Français à la compréhension d'une unité comme l'ampère par mètre est inconcevable. Comment faire en sorte que les gens ne s'inquiètent pas ? Ne pas mentir est la seule solution. On ne doit pas être dans une logique de gourou qui consisterait à dire : « Circulez, y'a rien à voir » ou « Tout est problème, mais on va le résoudre… Je vous assure un service exceptionnel dont vous avez besoin et que vous me demandez ». Ce serait de l'injonction.

Les polémiques concernent des minorités mais nous devons les prendre en compte. Ils concernent des sujets techniques et donc il faut prouver, et le dire, afin que plus personne ne répande des énormités. La simplicité d'un message peut heurter des scientifiques ou des ingénieurs, mais un message simple présente l'avantage de passer. Le monde de la technologie a un vrai travail à faire sur sa présence médiatique pour qu'elle soit intéressante et intelligente.

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Je suis d'accord. Il n'y a pas que les compteurs qui doivent être intelligents.

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Entre la réalité des choses et leur perception, il y a parfois un gouffre. Parfois ce gouffre s'agrandit. Nous reconnaissons vos efforts importants de communication, y compris sur le terrain avec l'ensemble des élus. Mais vous l'avez dit, celui qui ne veut pas entendre n'entendra pas. Et parce que vous êtes juge et partie dans le déploiement, on vous mettra à charge une communication qui vous arrange.

On ne peut donc pas en rester au mode de communication actuel. Il a été proposé d'essayer de dépassionner le débat par l'objectivation d'une information sur la réalité des choses, par des acteurs indépendants. Je crois que ce serait le meilleur moyen de clore ce débat malsain, prémisse de blocages voire d'interdictions futurs. Vous en payez les pots cassés aujourd'hui.

Il faut aller plus loin dans la communication. J'entends bien que vous posez 17 000 compteurs par jour. L'opposition est marginale. Mais cette résistance à la marge fait beaucoup de bruit, ce qui a pour effet de décrédibiliser à la fois ENEDIS et tous les acteurs, autorités politiques ou organismes, qui sont en capacité de donner des avis éclairés et fiables sur le sujet. Un pas supplémentaire doit fait être en matière de communication, afin de disposer du recul nécessaire et de montrer à nos concitoyens, tous nos concitoyens, y compris ceux qui pourraient être de mauvaise foi, la réalité des choses.

Cette adaptation de la stratégie de communication ne peut pas impliquer seulement ENEDIS. Comment peuvent y être associés l'OPECST ou la commission des affaires économiques au Parlement, pour aller dans cette direction qui sera la seule façon de clore ce chapitre ?

La commission des affaires économiques a voté la loi sur la transition énergétique, elle est donc favorable à l'accompagnement de ce processus.

S'il apparaît d'autres dysfonctionnements au niveau du compteur, ce sera un autre débat. Il ne faut pas tout mélanger. Tout appareil dans une maison peut avoir des dysfonctionnements.

Aujourd'hui, de nombreux titres font la une des journaux : « L'arrivée du compteur inquiète les usagers dans certains départements. » « Les opposants à Linky se rassemblent. » « Linky n'a pas fini d'inquiéter… » Vous essayez de répondre à ces interrogations et ces attaques. Il faut passer à une autre dimension.

Merci à vous tous. Ces débats permettent à nos concitoyens de remettre les choses à leur juste niveau.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je citerai, en conclusion, une phrase de Bertrand Russell, mathématicien, philosophe, prix Nobel de littérature, qui a dit : « La science n'a jamais tout à fait raison, mais elle a rarement tout à fait tort, et, en général, elle a plus de chance d'avoir raison que les théories non scientifiques. Il est donc rationnel de l'accepter à titre d'hypothèse. »

La séance est levée à 11 h 30