Intervention de Pierre le Ruz

Réunion du 23 février 2017 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre le Ruz, président du CRIIREM :

Le CRIIREM est un centre de recherche qui travaille avec l'université du Maine au Mans. Organisme reconnu d'intérêt général, le CRIIREM réalise des expertises qui sont prises en compte par les tribunaux. Nous ne sommes pas accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac) parce que cela pose problème en termes d'indépendance. Nous sommes complètement indépendants parce que nous ne recevons aucune subvention d'aucun autre organisme. D'ailleurs, nous avons subi des contrôles fiscaux qui ont confirmé notre indépendance. Nous sommes non concurrentiels avec les bureaux de contrôle.

Par rapport à tout ce qui a été dit, je ferai des remarques constructives qui pourraient peut-être faire évoluer les choses. La première concerne le signal CPL (Courant porteur en ligne). Nous avons fait des mesures depuis longtemps et l'on remarque toujours la même erreur que l'on a signalée dans bon nombre de réunions. Lorsqu'on mesure ce signal, qui se situe dans la bande des radiofréquences de 10 kilohertz à 10 mégahertz, on mesure certes, d'un côté, le champ électrique en volts par mètre, mais on ne doit pas mesurer le champ d'induction magnétique en microteslas, mais plutôt en ampère par mètre. Selon les physiciens, le microtesla est réservé aux extrêmement basses fréquences, c'est-à-dire le 50 hertz. Nous l'avions déjà fait remarquer lors des mesures contradictoires que nous avions réalisées avec l'ANSES et le CSTB sur les ampoules fluocompactes.

Cela mis à part, nous sommes bien d'accord sur le fait que les niveaux sont faibles. Mais, à force de faire des erreurs et de créer des problèmes de communication, le doute est jeté et cela alimente la controverse.

Concernant les compteurs en eux-mêmes et les câbles, le courant électrique porteur est de type 50 hertz, mais aucune mesure n'a été réalisée. Or, un compteur électrique émet des extrêmement basses fréquences qui se mesurent en volts par mètre pour le champ électrique et en microteslas, dans ce cas, pour le champ d'induction magnétique. Nous l'avions signalé à l'ANFr qui nous avait répondu qu'ils n'avaient pas de compétence dans ce domaine. Le CRIIREM l'a fait. Il faudrait peut-être refaire ces mesures.

Concernant le concentrateur, s'il est positionné à côté du transformateur, il est clair que l'impact du transformateur par rapport à l'émetteur CPL est beaucoup plus important que les transmissions qui sont réalisées.

Il faudrait aussi faire des mesures sur les câbles, avec des pinces ampèremétriques spécialisées, afin d'évaluer exactement la différence produite. Il passe tout un tas de choses assez complexes dans un câble.

La compatibilité électromagnétique est un autre problème qui n'a pas du tout été abordé. Certains appareils fonctionnent avec des fréquences en kilohertz très proches de celles du CPL et peuvent dysfonctionner. Dans ce cas, il y a une obligation légale. L'article L.32 (12e) du code des postes et des communications électroniques impose la prise en compte de la sécurité, de la santé et de la compatibilité électromagnétique pour éviter les dysfonctionnements sur le matériel électrique et électronique. C'est intéressant d'utiliser des fréquences, mais celles-ci ne doivent pas entrer en contradiction avec les fréquences utilisées par les appareils électroménagers (lave-vaisselle, frigo, etc.).

Une autre remarque porte sur le G3. Il faudrait faire des mesures sur le G3, en particulier sur son champ magnétique. Dans ces fréquences-là, entre 9 kilohertz et 10 Mégahertz, le champ magnétique est parfois beaucoup plus impactant que le champ électrique.

Concernant les émetteurs radio, avant de faire des mesures, nous avons besoin d'en connaître la puissance et le gain pour faire une évaluation calculée. On pourrait peut-être l'obtenir si l'on disposait de renseignements techniques.

Concernant le buzz et la controverse dans ces affaires, nous avons déjà signalé, lors des précédentes auditions à l'Assemblée nationale, diverses maladresses, notamment vis-à-vis des agences régionales de santé (ARS) : ainsi, les documents d'information distribués par ENEDIS comportaient des erreurs monstrueuses ; on a invoqué des erreurs d'impression, mais on pouvait y lire qu'on avait mesuré 0,0001 volt par mètre. Et j'en passe… Du côté de l'ANFr, quand on fait voir à la presse une sonde qui mesure un compteur et qui n'est pas adaptée à ce type de mesure, cela crée un problème. Il y a donc un sérieux problème de communication qui aurait pu être évité.

À mon sens, ce buzz n'a pas lieu d'exister, mais il est entretenu. C'est pourquoi le CRIIREM avait proposé à ENEDIS d'organiser une réunion afin de mettre en place des mesures contradictoires avec un laboratoire indépendant. On nous a dit d'accord, mais cela n'a pas été fait. Je leur ai rappelé qu'à l'époque, nous avions fait des mesures contradictoires avec l'ANSES et le CSTB sur les ampoules fluocompactes, et que le buzz s'était arrêté. La commission de la sécurité des consommateurs avait fait un avis et tout s'était terminé.

Le problème, c'est que ces mesures contradictoires n'ont pas été mises en place. L'ADEME nous a convoqués au mois de mars 2016 pour essayer de régler ces problèmes. Ce sont des problèmes de communication, plutôt que des problèmes d'effets de champ électromagnétique sur le public. Encore faut-il affiner les mesures, l'ANSES l'a bien précisé. Le jour où l'on disposera d'un rapport établi de façon contradictoire, sur la base de protocoles correctement mis en oeuvre, en présence de tous les acteurs, il n'y aura plus de discussion possible.

En conclusion, je dirais que la communication pour les compteurs Gazpar (gaz et eau) a été bien plus adroite. Elle s'est appuyée sur un grand nombre de documents. La mise en avant du fait que le moniteur utilisé sur le compteur à gaz était un compteur Atex, c'est-à-dire anti-explosion, a permis de calmer le jeu. Nous avions à notre disposition tous les éléments techniques concernant les puissances et les gains des appareils. Lors des réunions publiques sur ce type d'appareil, il n'y a pas eu de souci particulier. Le CRIIREM avait été convoqué pour donner un avis et nous n'avions pas donné d'avis défavorable, ni pour les uns, ni pour les autres. Notre seule remarque portait sur le constat que, dans les immeubles, on a besoin de répéteurs, mais que si on avait une façon intelligente de disposer les compteurs, cela ne posait pas de problème. Quant aux concentrateurs, ils étaient posés en hauteur, avec certaines dispositions qui réglaient les difficultés. Le seul problème qui subsistait concernait le clocher des églises et les châteaux d'eau.

Le buzz s'est porté entièrement sur Linky. On a compris pourquoi au CRIIREM, quand on a découvert les problèmes de communication. Il y a de gros progrès à faire en matière de communication sur le Linky. C'est l'avis du CRIIREM. Il est clair qu'il existe d'autres appareils qui sont beaucoup plus dangereux. La confusion avec les plaques à induction, les ampoules fluocompactes et tous les autres appareils remet le buzz en route. Il faut être précis dans la communication et donner tous les éléments. C'est possible, puisqu'a priori, il n'y a pas de problème.

Le CRIIREM est reconnu comme indépendant. Lorsqu'on a fait un rapport pour la Ville de Paris en disant qu'il n'y avait pas de souci particulier, on s'est fait vilipender par les associations. Au CRIIREM, quand il y a un problème, on le dit. Quand il n'y a pas de problème, on le dit aussi. On s'est tu pendant un certain temps, car il était inutile de refaire des mesures et de les publier. Cela n'aurait rien apporté.

Un consensus est nécessaire sur le Linky. J'espère qu'à l'occasion de la réunion de l'ADEME, il y aura un consensus pour mettre en place un protocole non discutable, et éventuellement pour demander à la commission de la sécurité des consommateurs de formuler à la fin un avis général, de façon à stopper ce problème. S'agissant des rayonnements électromagnétiques, il existe des problèmes autrement plus importants que celui-là.

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