Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 22 février 2017 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Monsieur Dhuicq, j'ai déjà répondu à M. Fromion sur la situation au Mali. Eu égard aux gesticulations que vous avez évoquées, je vous répondrai avec humour que je n'ai pas vu de sous-marin ukrainien dans l'Atlantique nord ni de bombardier ukrainien à capacité nucléaire au large des côtes françaises… Dès lors qu'une flotte s'approche de notre propre territoire, il faut quand même pouvoir lui dire de circuler… Quant à la position de la France sur l'Ukraine, vous la connaissez : nous souhaitons le respect des accords de Minsk II tant par les acteurs du Donbass que par les autorités ukrainiennes. À cet égard, je n'ai pas senti à Munich de rupture dans les propos tenus par les différents acteurs concernés, y compris par M. Lavrov, sur l'Ukraine : tous visaient le respect intégral des accords de Minsk II. Cet objectif n'est pas facile à atteindre, on observe toujours des violations, mais il faut essayer de les respecter.

En ce qui concerne Idlib, vous me demandez ce que nous allons faire, mais nous n'y sommes pas présents : nous n'intervenons que dans les actions contre Daech et pas pour autre chose. Ensuite, nous sommes favorables à un accord de paix qui puisse régler l'ensemble de ces situations particulières, y compris celle d'Idlib. Mais si vous me parlez d'Idlib, je pourrai vous parler des forces qui menacent les Jordaniens.

Enfin, les 14 milliards d'autorisations d'engagement sont reportés pour des raisons strictement techniques. Je pourrai vous fournir une note circonstanciée sur le sujet. S'il y a bien quelqu'un de vigilant en matière budgétaire, c'est moi.

Je vous remercie de vos compliments, Madame Fioraso. La grande nouveauté de l'année 2016, c'est que le document franco-allemand que Mme von der Leyen et moi-même avons initié en septembre a d'abord été soutenu par l'Italie, l'Espagne, le Portugal et les Tchèques, puis validé par le Conseil des chefs d'État et de gouvernement en décembre, y compris par les Britanniques. Je ne détaillerai pas l'ensemble de ce document car il me faudrait pour cela une séance entière. Mais je puis vous dire que j'ai toujours été pragmatique à l'égard de l'Europe de la défense, considérant que le meilleur moyen de la faire avancer n'était pas d'en réclamer une tous les matins mais de voir, dans les différents dossiers, quels points on pouvait faire progresser ensemble. Dans le document qui a été validé par le Conseil européen figurent des éléments financiers, capacitaires et opérationnels.

Parmi les éléments opérationnels, est prévue une plus grande capacité de réactivité si une opération européenne est décidée, la capacité de planification propre – en faveur de laquelle les Britanniques eux-mêmes ont voté – et l'identification de l'Eurocorps comme creuset des actions communes.

Sur le plan financier, le document prévoit le renforcement du dispositif Athéna et la mise en place d'un dispositif d'aide au financement des forces armées que l'Union européenne aide par ailleurs comme mission EUTM. Ce dispositif CBSD (Capacity building in support of security and development) va nous permettre de financer, sur fonds européens, des équipements non létaux – jumelles, gilets pare-balles, casques, chaussures, etc. – pour les armées que nous reconstituons. Enfin, a été actée, à hauteur de 90 millions d'euros pour la période 2017-2019, « l'action préparatoire » aux dispositions de la programmation budgétaire de l'Union européenne 2020-2026 qui prévoit une capacité de financement de dépenses de recherche militaire. Cette action préparatoire comprend notamment un programme particulier en faveur de l'hélicoptère dronisé. À cela s'ajoute le Fonds européen de défense, initiative propre au président Juncker, dont le principe est affiché et dont nous essayons en ce moment de décliner les modalités.

C'est une avancée considérable ; reste à passer à la mise en oeuvre. Les principes ont certes été votés par les chefs d'État et de gouvernement mais les choses risquent de se compliquer quand il faudra les décliner aux échelons inférieurs. J'en ai fait l'expérience dès samedi matin à Munich, lorsque j'ai commencé à discuter de ces sujets avec la commissaire européenne : elle y est tout à fait favorable, mais il va falloir que nous nous associions avec les Allemands pour faire valider ces décisions rapidement. Je précise que l'Europe de la défense ne se fait pas contre l'OTAN : les propos des uns et des autres montrent bien qu'il s'agit de complémentarité et non de substitution. C'est une avancée tout à fait significative qui, j'espère, nous permettra d'engranger des succès en 2017.

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