Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du 4 avril 2017 à 11h00
Commission des affaires européennes

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes :

Monsieur le député, je partage votre analyse : dans un grand nombre de domaines, les conséquences du Brexit seront considérables pour le Royaume-Uni. Ma propre mère vit en Angleterre où elle constate que Mme May « n'a pas encore totalement défriché le front du déni », pour s'exprimer en termes diplomatiques. En clair, les Britanniques ne savent pas ce qui les attend.

On peut espérer que les conséquences extrêmement lourdes du Brexit ne remettront pas en cause l'intégrité du Royaume-Uni, mais ce n'est pas évident. Quoi qu'il arrive, ses effets seront majeurs en matière économique, et ils seront radicaux s'agissant de la place de ce pays dans le monde. Le Royaume-Uni a choisi un « recouvrement de sa souveraineté » qui l'amènera nécessairement à perdre cette dernière s'il veut continuer à commercer avec l'Union européenne ou avec une autre grande région du monde, car il devra s'adapter aux règles définies par d'autres.

Cette sortie de l'Union permet de se rendre compte des bénéfices tirés des règles édictées en son sein, de la confiance qu'elles suscitent, des protections qu'elles assurent, et des avantages économiques qu'elles procurent. La perception et l'analyse des États membres changeront lorsqu'ils constateront les conséquences de la perte de ces bénéfices pour un pays qui aujourd'hui n'appartient ni à la zone euro ni à l'espace Schengen. On peut faire le pari qu'à la fin du processus, le Royaume-Uni choisira de rester « accroché » à l'Union européenne plutôt que d'opter pour une dérégulation généralisée qui l'amènerait à se couper de nombreux partenaires, ou de s'ancrer à d'autres régions du monde. C'est en tout cas ce qu'il est possible d'espérer pour l'Union, même si le statut du Royaume-Uni en est diminué.

C'est en Irlande du Nord que l'impact du Brexit s'est fait sentir le plus rapidement. Le Gouvernement de l'Irlande du Nord était tombé avant même que le Royaume-Uni n'annonce officiellement sa volonté de quitter l'Union, et le Premier ministre irlandais est aujourd'hui déstabilisé. Si la situation n'est pas gérée, on pourrait voir réapparaître les conditions qui avaient abouti à des années de conflit. N'oublions pas que Mme May est d'abord anglaise !

Cette dernière remarque vaut aussi pour la situation en Écosse. La Cour suprême britannique a permis d'éviter que Mme May se trouve dans l'obligation de demander l'accord de chacune des nations du Royaume-Uni avant que soit notifiée la décision de retrait de l'Union. La chef du gouvernement britannique a toutefois entrepris un travail politique de conviction en se rendant en Irlande du Nord, au Pays de Galles, et en Écosse. Ces déplacements expliquent que l'annonce du retrait de l'Union ait été retardée de quelques jours, comme vous l'indiquiez, monsieur le député. En Écosse, Mme May aurait informé la Première ministre qu'il n'était pas exclu que le Gouvernement et le Parlement britanniques autorisent un jour un référendum écossais, en indiquant cependant qu'elle ne souhaitait pas qu'il se déroule pendant les négociations de retrait, contrairement à ce que Mme Sturgeon avait demandé.

Que l'Écosse déclare son indépendance avant ou après la sortie du Royaume-Uni de l'Union, il reste qu'elle devra ensuite adhérer à l'Union si tel est son souhait, et cela sera extrêmement complexe en raison de la nécessité d'obtenir l'accord unanime des vingt-sept dont l'Espagne.

S'agissant de Gibraltar, les vingt-six seront solidaires de l'Espagne. Ce sera en quelque sorte une revanche sur le traité d'adhésion de l'Espagne : à l'époque de sa négociation, les Britanniques avaient imposé leurs vues à l'Espagne, qui souhaitait rejoindre la Communauté économique européenne, sur la façon d'intégrer Gibraltar au marché intérieur européen. C'est un retour de l'histoire !

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