Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du 4 avril 2017 à 11h00
Commission des affaires européennes

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes :

Les revendications des Espagnols étaient encore plus fortes que ce qui a été proposé par M. Donald Tusk, et je ne vois pas qui pourrait contester les orientations que ce dernier a retenues.

Gibraltar qui n'appartient pas au Royaume-Uni sortirait bien sûr de l'Union en même temps que ce dernier, mais il est prévu que l'Espagne dispose d'un droit de veto sur l'application à ce territoire des traités conclus ultérieurement entre le Royaume-Uni et l'Union. Il est vrai que le choc serait énorme pour les Britanniques et remettrait en cause une position acquise depuis 1713. Cela dit, je le répète, je n'imagine pas qu'un État membre défende les intérêts d'un pays qui a fait le choix de quitter l'Union, même s'il y aura sans doute une volonté de paramétrer le droit de veto afin qu'il soit circonscrit à la question des relations matérielles entre l'Espagne et Gibraltar.

Le rapport de la mission d'information de l'Assemblée sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations nous a donné des éléments pour avancer. J'espère que vous retrouvez dans ce que nous avons mis en place certaines de ses préconisations. Au sujet du rôle des parlements nationaux, il faut distinguer entre l'accord de retrait, qui ne requiert pas juridiquement leur consultation, et les accords sur les relations futures qui seront sans doute, en partie, mixtes : des ratifications nationales seront nécessaires dès lors que ces accords engageront à la fois l'Union et les États membres.

On a du mal à imaginer que le Royaume-Uni nous signe un chèque de 60 milliards, le 31 mars 2019. Une discussion difficile s'engagera sur l'évaluation de ce montant. Elle portera sur les passifs, et le Royaume-Uni demandera sans doute qu'elle concerne également les actifs de l'Union, ce que nous rejetons par principe. Le débat sur la méthodologie sera complexe. Nous avons demandé qu'il puisse avancer d'ici à la fin de l'année afin que nous progressions sur d'autres points.

Les modalités d'acquittement feront aussi l'objet d'une négociation. Un étalement sera sans doute prévu. L'essentiel reste pour nous que le Royaume-Uni ne laisse aucune facture impayée : il ne doit pas y avoir de coût pour les États membres. Pour le reste, l'Union a toujours su faire preuve d'imagination.

Le choix du Brexit a pour conséquence la fin des passeports financiers délivrés aux institutions financières installées à Londres. Mme May espère qu'ils seront maintenus pendant une période de transition afin d'éviter que les institutions en question se précipitent à Paris, Francfort ou Dublin. Ce n'est pas notre position aujourd'hui. En contrepartie d'un éventuel maintien du passeport financier durant plusieurs années, nous estimons que le Royaume-Uni devra respecter l'intégralité des obligations du marché intérieur, comme celles liées à la reconnaissance de la Cour de Justice ou au budget européen. Il aura sans doute beaucoup de mal à accepter de telles conditions, sauf si la pression de la City se fait sentir de manière extrêmement forte. Nous serons, en tout cas, très stricts sur le sujet.

Pour l'avenir, nous nous préparons plutôt à des régimes d'équivalences. Véhicule financier par véhicule financier, secteur par secteur, des instruments unilatéraux de l'Union seront mis en place dont nous définirons les conditions d'usage en termes de convergence réglementaire et de supervision. Ils pourront être retirés si l'Union considère que les conditions posées ne sont plus réunies. Il s'agit du moyen le plus sûr pour les Européens de se protéger d'une instabilité financière ou d'une concurrence déloyale due aux vraisemblables futures divergences de Londres par rapport aux règles européennes. Les institutions financières détestant l'incertitude, le risque qu'elles courraient de se voir retirer totalement ou partiellement ces équivalences constituent aussi le meilleur moyen de les attirer sur le continent où elles bénéficieraient du passeport financier et de toutes les garanties liées à leur présence sur le sol de l'Union européenne. Nous serons particulièrement vigilants sur ce sujet.

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