Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 25 juillet 2012 à 15h00
Traité france-afghanistan d'amitié et de coopération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

En tout cas, les trente dernières années ont vu plusieurs guerres opposer dans des rapports complexes et évolutifs les différents peuples afghans, les tribus ou les factions et les forces directes ou indirectes de grandes puissances étrangères, sans évoquer l'argent venu successivement ou concurremment des pays arabes et de l'Occident, ni le rôle complexe et paradoxal du Pakistan voisin à qui l'Occident reproche aujourd'hui, sans doute à juste titre, d'avoir aidé les talibans – en oubliant que c'était à la demande expresse des États-Unis et avec son argent, du moins dans les premiers temps, que le Pakistan agissait. À ce sujet, je signale que, dans les zones tribales du Pakistan et d'Afghanistan, on dénombre de 400 000 à 500 000 personnes venant de pays musulmans qui, fortes de moyens importants, représentent un trouble considérable pour la paix.

Nous nous trouvons donc dans une situation d'une rare complexité à la confluence des intérêts divergents de grandes puissances géopolitiques ou financières, au coeur de conflits ethniques et de luttes d'influences culturelles et religieuses, dans une zone où se rencontrent les traditions indo-persanes, turco-mongoles et, parfois et plus récemment, arabes.

Cette complexité, cette implication des grandes puissances, cette fascination pour ce pays singulier n'est pas nouvelle. Sans remonter à Alexandre le Grand, on rappellera utilement ce que fut le Great game au dix-neuvième siècle, c'est-à-dire la rivalité anglo-russe dans cette région, ou l'influence du wahhabisme venu d'Arabie pas encore Saoudite dès le début du dix-neuvième siècle dans la frontière du Nord-ouest de l'Inde, telle qu'elle a été décrite dans le célèbre ouvrage de William Hunter The indian musalmans dès 1876.

Aujourd'hui, les troupes occidentales se retirent sans avoir véritablement pacifié le pays et, si l'on se réfère au critère classique de maîtrise du terrain à la fin du combat, on peut dire que nous avons perdu cette guerre puisque les troupes de la coalition ne tiennent que très imparfaitement une très petite partie du territoire utile de l'Afghanistan. Je ne parle évidemment pas de cette partie du pays qui n'est peuplée que par les rapaces de haut vol et par quelques animaux himalayens.

Le gouvernement du pays n'a qu'une autorité très relative et son comportement le prive de toute considération – c'est un euphémisme – de la part de la plus grande partie de la population. L'économie officielle dépend essentiellement des dépenses des troupes étrangères sur place et de l'aide internationale. On estime que plus de 95 % du PIB officiel de l'Afghanistan, qui est de l'ordre de 15,7 milliards de dollars, provient de ces deux sources. Reste l'économie parallèle de la culture de l'opium, dont on rappellera que l'Afghanistan est de très loin le premier producteur mondial avec plus de 90 % de la production mondiale – sa position dominante est toutefois en léger repli pour des raisons qui ne sont malheureusement pas honorables.

Que deviendra l'aide internationale après le retrait ? Sur le papier, elle se maintiendra à un niveau élevé, mais on peut en douter grandement lorsque l'on sait que les pays impliqués sont confrontés à la plus grave crise financière qu'ils aient jamais connue. Dans le meilleur des cas, l'aide internationale ne représentera pas le même apport que les dépenses locales des troupes étrangères puisque, pour parvenir à un tel niveau, il faudrait sans doute doubler le niveau de l'aide actuelle.

Par ailleurs, les ethnies et les factions autres que pachtounes ont reconstitué une nouvelle Alliance du Nord avec notamment le frère du regretté commandant Massoud, le général Abdul Rashid Dostom et un représentant de l'ethnie Hazara, alors que des mouvements ou des milices anti-talibans se reforment et que la rumeur se répand de négociations secrètes entre le gouvernement, le Pakistan, les États-Unis et les talibans.

On est à l'évidence confronté au risque d'un effondrement plus ou moins rapide du régime…

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