La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, le dernier recensement agricole atteste la disparition d'un quart des paysans au cours des dix dernières années, soit cinquante exploitations en moins chaque jour.
Avec la fragilisation de ses acteurs ruraux, on assiste à la fracture irréversible du monde agricole : d'un côté, la désertification et la déprise agricole, de l'autre, des exploitations toujours plus grandes, spécialisées et de plus en plus gourmandes en pesticides, pétrole et autres intrants.
La politique agricole actuelle est devenue le nouvel Eldorado des spéculateurs, sans qu'on se soucie de répondre aux besoins alimentaires, sociaux et environnementaux. J'en veux pour preuve la scandaleuse distribution de dérogations qui autorisent les épandages de pesticides par voie aérienne dans les champs pendant l'été. Alors que ces dérogations devraient être exceptionnelles, elles sont devenues la règle. Les produits utilisés comportent des matières dangereuses pour la santé humaine, animale et pour la biodiversité.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une prochaine loi agricole, aussi je vous interroge sur ses ambitions. Envisagez-vous de donner une véritable orientation à cette loi ou sera-t-elle un texte déclinant un cadre européen pour la PAC ? Comptez-vous lancer un débat ouvert et décentralisé d'orientation agricole et alimentaire dans les prochaines semaines ?
Le monde rural ne pourra se contenter d'une loi réglant les affaires courantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Madame la députée, vous m'avez interpellé sur le sens que nous devions donner à la fois à la réforme de la politique agricole commune en cours de négociation au niveau européen et au projet, que nous devrons porter ensemble, d'une loi-cadre pour l'avenir de l'agriculture, de l'agroalimentaire, et j'ajoute, de la forêt.
Quels sont les objectifs ? Assurer à notre agriculture la capacité d'être performante tant économiquement qu'écologiquement.
S'agissant des épandages, des dérogations différentes ont été données selon les départements. Mon objectif sera de les harmoniser et de faire en sorte que, au fur et à mesure que nous trouverons des alternatives, nous finissions par nous passer de ces épandages aériens de produits chimiques.
Quant à la négociation, elle sera ouverte dès le 7 septembre, avec un comité de suivi de la réforme de la politique agricole commune qui permettra de réunir l'ensemble des organisations professionnelles, des organisations non gouvernementales mais aussi des régions, puisque l'objectif est de régionaliser le deuxième pilier de la politique agricole commune. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, alors que PSA a annoncé la semaine passée 8 000 suppressions d'emplois en France et la fermeture de son usine d'Aulnay-sous-Bois, le Président de la République a affirmé : « l'État ne laissera pas faire », et a accusé la direction de « mensonge ».
Au-delà des simples déclarations d'intention du Gouvernement, vous avez affirmé hier ici même que le coût du travail n'était pas un problème. En réalité, alors que les salariés sont déjà confrontés à la crise du secteur automobile et aux restructurations, vous leur infligez une double peine en mettant fin aussi aux heures supplémentaires défiscalisées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Non seulement le collectif budgétaire que vous venez d'adopter ne prévoit rien pour faire baisser les charges qui pèsent sur le travail et la compétitivité, mais en plus vous amputez le pouvoir d'achat des salariés.
Le gouvernement Fillon peut être fier de son plan de relance du secteur automobile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui se montait à 6 milliards. Ce plan que vous fustigez tant a permis en 2008, lorsque le secteur automobile connaissait de grandes difficultés, de relancer l'acquisition par les ménages de quatre millions de véhicules neufs peu polluants grâce à des mesures telles que le dispositif bonus-malus ou la prime à la casse. Qu'auriez-vous dit si nous n'avions rien fait à cette époque !
Des engagements ont été négociés entre PSA et le Gouvernement, qui prévoiraient la relocalisation d'activités logistiques sur le site d'Aulnay-sous-Bois. Or nous avons en Haute-Saône le quatrième plus gros site de PSA, qui regroupe essentiellement les activités logistiques du groupe. Pouvez-vous nous indiquer si les engagements de PSA prévoient effectivement la relocalisation d'une activité logistique à Aulnay, et si cela pourrait avoir un impact sur des sites comme celui de Vesoul ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous évoquez le plan que le gouvernement précédent avait imaginé pour l'automobile française. Des milliards pour les deux constructeurs sous forme de prêts, qui ont été remboursés ; quelques milliards pour les banques des constructeurs, qui ont été remboursés ; plus d'un milliard pour la prime à la casse ; beaucoup d'argent pour les constructeurs étrangers… et aujourd'hui, voyez dans quel état se trouve l'industrie automobile française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous évoquez ensuite le coût du travail (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce débat, nous le regardons en face. D'ailleurs, puisque vous évoquez souvent le modèle allemand, laissez-moi vous rappeler que les syndicats allemands de la métallurgie ont obtenu des accords visant à travailler 32 heures (Exclamations sur les mêmes bancs), qu'ils viennent d'obtenir des augmentations de salaire de 3 à 4 % et que tous les constructeurs français, quels qu'ils soient, répètent avec l'honnêteté qui les caractérise, dans un débat qui ne doit pas être ce que vous voulez en faire, qu'en vérité le coût du travail concerne 8 à 15 % du prix de revient d'une voiture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous parle en toute franchise. Le Premier ministre a demandé à M. Gallois, l'ancien président d'EADS, qui ne mâche pas ses mots et a des convictions qui seront très utiles au débat public, d'y travailler. Nous regardons en face la question du coût du travail. Mais nous voulons la considérer sous tous ses aspects parce que, dans la compétitivité d'une base industrielle comme la France, il n'y a pas que le coût du travail, mais aussi le coût du capital ou le prix de l'énergie. Ayons une vue globale, montrons-nous intelligents collectivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
PSA
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif. J'y associe mes collègues Jean-René Marsac et Daniel Goldberg, ainsi que tous les élus d'Ille-et-Vilaine et de Seine-Saint-Denis.
Le vaste plan de restructuration du groupe PSA à Rennes et Aulnay-sous-Bois est une véritable tragédie humaine, sociale et économique pour notre pays et nos territoires. Ces sites drainent des milliers d'emplois, directs et indirects. Il y a aujourd'hui autant de familles dont l'horizon s'est assombri.
Vous-même, monsieur le ministre, et le Gouvernement vous êtes saisis du dossier avec une réactivité et une mobilisation à la hauteur des enjeux (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
À l'urgence économique et sociale, vous apportez une réponse politique à la hauteur du choc ressenti par les familles concernées. Vous avez, avec le Président de la République, mis chacun devant ses responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), obligeant le groupe PSA à prendre des engagements en faveur du dialogue social et du respect dû aux salariés.
Aux donneurs de leçons, je rappelle cette vérité incontestable : qu'a fait la droite entre 2006 et 2011, lorsque le site de Rennes est passé de 11 800 à 5 600 salariés ? Rien ! Mais il y a eu les aides accordées à la filière automobile sans contrepartie durant toutes ces années, les 6 milliards de prêts à la filière à taux préférentiel, les crédits d'impôts, les exonérations de cotisations…
Aujourd'hui, il est temps de stopper cette spirale. La résignation et le laisser-faire ne sont pas dans la vision que porte la majorité parlementaire.
Monsieur le ministre, je sais que vous refusez tout défaitisme face à l'injustice. À Rennes comme à Aulnay, les salariés et leurs familles, mais également les collectivités locales, attendent votre intervention. Pouvez-vous nous présenter les lignes majeures de votre plan automobile et son calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. C'était téléphoné !
Le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République se sont en effet exprimés sur la situation de PSA. Le groupe connaît des difficultés que nous mesurons. L'expert M. Sartorius rendra très prochainement son rapport (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui sera bientôt public et nous permettra de mesurer avec précision le bien-fondé des mesures aujourd'hui demandées par PSA. Il sera au travail aux côtés des organisations syndicales. Mais surtout, nous veillerons à ce que PSA examine avec loyauté toutes les alternatives aux destructions d'emplois qui touchent aujourd'hui des milliers de familles.
Pour ce qui est du plan de soutien à la filière automobile, nous mobilisons la nation tout entière autour d'une voiture propre et populaire, accessible à toutes les bourses (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La voiture électrique, c'est l'invention des Français pour le reste du monde. La voiture hybride, c'est la nouvelle frontière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) avec de nouveaux usages pour de nombreux citoyens, quel que soit leur niveau de revenu. Nous les soutenons en doublant les bonus, qui seront d'ailleurs financés par les malus sur les voitures les plus polluantes.
Mais surtout, ce plan comporte des contreparties (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Car il est nécessaire de demander des efforts aux constructeurs, au même titre qu'aux contribuables eux-mêmes (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est cette stratégie donnant-donnant qui est notre ligne politique de relance pour l'automobile française. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. J'y associe ma collègue Virginie Duby-Muller.
Hier, monsieur le Premier ministre, votre ministre de l'écologie et de l'énergie s'est livrée à une séance de désinformation particulièrement désagréable en répondant à notre collègue Josette Pons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) À l'écouter, les responsables d'organisations environnementales n'auraient pas été reçues pendant le quinquennat précédent. Je ne peux pas croire que Mme la ministre souffre déjà de troubles de la mémoire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Faut-il rappeler que c'est sous l'égide de Nicolas Sarkozy et de Jean-Louis Borloo que s'est déroulé le Grenelle de l'environnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Faut-il rappeler que cette concertation était sans précédent et qu'elle a débouché sur deux textes législatifs majeurs ? Faut-il rappeler que, ces cinq dernières années, la cause de l'environnement a plus progressé qu'en vingt ans de socialisme ? (Applaudissements sur les mêmes bancs. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Votre ministre a encore été frappée d'amnésie ensuite, au sujet des gaz de schiste. L'année dernière, vous n'avez pas voté la loi Jacob interdisant la fracturation hydraulique. Cette loi était pourtant une première en Europe. Pire : vous l'avez combattue.
Aujourd'hui, après avoir rencontré votre gouvernement, et à la suite du limogeage de votre précédente ministre de l'environnement, les ONG éprouvent une inquiétude légitime, que nous partageons. On peut s'étonner, d'ailleurs, du silence actuel des Verts : après une campagne législative pendant laquelle ils ont sonné le tocsin, leur silence est aujourd'hui assourdissant.
Dans l'Isère, ma circonscription est directement concernée par deux dossiers : le permis de Valence et le permis de Montfalcon. Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pouvez-vous faire connaître à la représentation nationale votre position précise sur ces deux sujets et, plus généralement, sur les permis d'exploration ? Allez-vous, oui ou non, refuser de les accorder ? Surtout, quand allez-vous le faire ? Ou bien doit-on considérer qu'avec le gaz de schiste, le reniement, c'est maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Monsieur le député, au cours des cinq années du précédent quinquennat, le Premier ministre n'a pas une fois, je le rappelle, reçu à Matignon les organisations non gouvernementales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je me souviens aussi d'un ancien Président de la République qui a terminé son quinquennat en disant : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, a la volonté non seulement – c'est en effet un acquis du Grenelle de l'environnement – d'organiser, avec la conférence environnementale, une grande concertation, mais aussi d'inscrire son action dans la durée pour organiser un changement profond, la transition écologique. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Quant à la loi Jacob, elle n'a été votée que parce qu'il y a eu une révolte citoyenne sur un certain nombre de territoires pour lesquels le précédent gouvernement avait délivré des permis d'exploration et d'exploitation des gaz de schiste. C'est parce que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi qu'une autre a été votée, celle déposée par M. Jacob.
Les permis sur lesquels vous m'interrogez, monsieur le député, ont été délivrés par le précédent gouvernement. Notre gouvernement, lui, mènera à bien la réforme du code minier, pour que la République soit dotée d'un code minier conforme à la Constitution, qui prévoit l'information préalable avant toute décision ayant un impact environnemental. Voilà la réforme qu'il faudra mener à bien avant la fin de l'année ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la réussite éducative.
Sur nos territoires, dans nos circonscriptions, nous voyons chaque année, madame la ministre déléguée, de très nombreux jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune qualification. Ces jeunes voient tracée devant eux, pour leur vie future, la seule voie de l'échec.
Comment notre République peut-elle laisser 150 000 jeunes de côté tous les ans ? Comment cela se fait-il ?
L'école, pilier de la République, ne réduit plus les inégalités. Au contraire, dans un grand nombre de cas, elle les accentue. L'orientation est le plus souvent subie, non choisie, et elle conduit au décrochage scolaire, notamment dans les filières professionnelles. De même, les représentations sociales dévalorisent parfois certaines filières professionnalisantes, dont on se détourne trop vite, alors qu'elles peuvent offrir de véritables débouchés professionnels.
Enfin, on a parfois le sentiment d'un certain cloisonnement entre l'école et les autres acteurs de l'éducation des enfants que sont les familles, les associations et les collectivités territoriales. Or ce cloisonnement ne peut être qu'un obstacle à la réussite de tous les élèves.
Madame la ministre déléguée, votre nomination et l'intitulé même de votre ministère, qui est créé pour la première fois, donnent beaucoup d'espoir aux familles et à de nombreux jeunes. Dès lors, pouvez-vous nous éclairer sur votre action et nous expliquer en quoi elle sera partie intégrante de la refondation de l'école engagée par Vincent Peillon ? L'outre-mer attend beaucoup de vous, madame la ministre déléguée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.
Je vous remercie, monsieur le député, de me poser cette question car, comme vous le signalez à juste titre, effectivement, notre école ne parvient pas à assurer la réussite de tous ses élèves. La période récente a été particulièrement dramatique. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous l'avez dit, 120 000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme chaque année. Les inégalités s'accentuent, notamment dans les territoires délaissés de la République, qu'ils soient urbains ou périurbains. Les enquêtes internationales récentes sont très sévères pour nos résultats.
Cette situation pèse de manière dramatique sur l'avenir professionnel des jeunes concernés et angoisse leurs familles, notamment dans des départements comme le vôtre. Cependant, depuis que nous avons commencé, avec Vincent Peillon, cette concertation sur la refondation de l'école, nous voyons que notre système comporte aussi de nombreuses richesses et que de nombreuses initiatives sont prises. Nous devons tout faire pour qu'il fonctionne mieux – l'école joue un rôle central pour certains apprentissages essentiels pour les jeunes –, au besoin en recourant à des pédagogies différenciées. Divers dispositifs ont été mis en place récemment, qu'il nous faut évaluer ; ils concernent notamment l'éducation prioritaire.
La notion de réussite éducative va cependant bien au-delà. Elle concerne l'enfant dans sa globalité. Je constate, à l'occasion de mes déplacements, que de nombreuses initiatives sont prises sur le terrain par les enseignants, les parents d'élèves, les associations et les élus ensemble.
Mon action sera donc interministérielle. Je travaillerai avec le ministre de la ville sur la place de l'éducation dans les zones sensibles, avec la ministre déléguée Marie-Arlette Carlotti sur le handicap et avec la ministre de la famille. Comme vous le voyez, c'est un travail formidable que nous devons valoriser avec les élus et les collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, vous êtes venu, lors des primaires du parti socialiste, dans le Haut Jura, à Saint-Claude, rencontrer les salariés de MBF-Technologies. C'était une autre époque. Cette entreprise prévoit à présent 180 licenciements pour satisfaire aux conditions du repreneur. Ces 180 salariés sont les victimes d'une activité industrielle intrinsèquement liée à la filière automobile.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est votre héritage !
Nombre de mes collègues sont, comme moi, légitimement inquiets quant à l'avenir de cette filière dont le poids économique est considérable dans nos territoires, comme à Aulnay, à Rennes, en Franche-Comté – mon collègue l'a rappelé tout à l'heure – et ailleurs.
Vous avez pu mesurer, monsieur le ministre, qu'adresser systématiquement des invectives aux dirigeants d'entreprise n'est pas la solution la mieux adaptée à la reconquête industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous annoncez, après une très longue réflexion, un plan spécifique à la construction automobile. Or, sur un million de voitures vendues en France depuis le 1er janvier 2012, seuls 1,2 % sont des véhicules propres. Comment un bonus pour les véhicules propres permettrait-il donc de préserver l'emploi actuel ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, comment concilierez-vous à la fois le maintien de l'emploi et la compétitivité de nos entreprises, alors même que vous avez abrogé la TVA anti-délocalisation, ou « TVA emploi » comme j'aimais à l'appeler, qui aurait dû entrer en application dès le mois d'octobre 2012 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.
Je me souviens en effet, madame la députée, des salariés de Saint-Claude, dans le Haut Jura, que j'ai rencontrés sur place. Ils se sentaient d'ailleurs bien seuls, quand je m'y suis rendu pour écouter leurs doléances ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'y suis retourné comme ministre, et j'ai reçu les salariés de Saint-Claude à Montbéliard, aux côtés de mon ami Pierre Moscovici, alors que nous rendions visite à des entreprises de l'industrie automobile en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette affaire aurait pu se terminer sans qu'aucun emploi soit préservé dans le Haut Jura. Mais nous avons décidé, réunis autour d'une table avec les salariés, de sauver l'entreprise en la confiant à un repreneur. Le repreneur doit ouvrir à l'entreprise d'autres marchés que le marché français, afin d'assurer un avenir à cette région rurale et montagnarde qu'est le Haut Jura.
Vous évoquez je ne sais quelles invectives que j'aurais lancées. Je dirai plutôt qu'il faut adresser des compliments au repreneur qui a fait l'effort d'investir dans cette région du Jura, aux salariés qui ont accepté une part du sacrifice, et à tous ceux qui ont entouré ces salariés pour défendre, ensemble, nos sites et nos outils industriels. Vous en faites partie. Une entreprise, même sous-traitante, n'est jamais condamnée par avance à l'abandon.
Cette tâche nous appartient : mettons-nous donc autour de la table et travaillons ensemble. Vous verrez qu'ainsi les choses s'arrangeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)
Ma question s'adresse à M. le ministre des outre-mer.
La multiplicité des interventions relatives à la vie chère dans les outre-mer rappelle la gravité de ce problème, ainsi que les attentes – ou plutôt l'impatience – de nos compatriotes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La vie chère est une question ancienne et récurrente. Faute de solution, elle est devenue insupportable. C'est désormais, au-delà des océans, le combat commun de tous les outre-mer. Partout les mêmes situations de monopole, d'oligopole, de rente, d'abus de position dominante, de marges abusives. Partout la même opacité. Partout la même exaspération et la même révolte.
Les carburants et les produits alimentaires sont devenus les symboles du combat contre la vie chère. À la Réunion, se nourrir coûte nettement plus cher qu'en France continentale : les prix y sont plus élevés de près de 37 % en moyenne. Pour certains produits courants, ils sont multipliés par deux, voire plus.
La situation n'est guère meilleure pour les dépenses dites contraintes, celles qui sont consacrées aux services de téléphonie, aux assurances, aux banques, ou encore aux différents moyens de transport, aériens, maritimes ou routiers.
Tout le monde est bien convaincu que ni l'éloignement ni l'étroitesse des marchés ne peuvent à eux seuls expliquer cette avalanche de surcoûts. Cette réalité, qui frappe encore plus durement les plus modestes, n'est donc nullement une fatalité.
Le temps des réponses provisoires est terminé. Les prix doivent baisser de manière durable. En inscrivant la lutte contre la vie chère parmi ses priorités, le Gouvernement entend apporter des réponses structurelles à un problème qui a fini par dépasser la seule sphère économique et menace tout l'équilibre de nos sociétés.
Le temps de l'action est arrivé. Monsieur le ministre, nous écoutons vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vous avez raison : le temps de l'action est arrivé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pendant dix ans, rien n'a été fait. Nous allons maintenant agir et nous attaquer aux causes structurelles de la vie chère. Partout dans les outre-mer, la vie est plus chère de 30 % à 60 %. Cela s'explique par un certain nombre de situations : oligopoles, cartellisation, ententes collusives. Nous le savons : il faudra s'attaquer à ces causes-là.
C'est la raison pour laquelle ce matin, au conseil des ministres, une communication sur la politique de lutte contre la vie chère dans les outre-mer a été présentée, à la demande du Premier ministre. Le Premier ministre recevra demain soir tous les parlementaires d'outre-mer pour évoquer – entre autres – ce sujet-là.
Quelle est la nouvelle philosophie à l'oeuvre ? Jusqu'ici, la méthode retenue a été de contrôler et d'encadrer les prix. C'est parfois nécessaire et utile, mais ce n'est pas suffisant. Des marchés resteront encadrés, comme celui du carburant, mais il faudra introduire plus de concurrence dans tous les secteurs, conformément au droit national et européen. Il faudra faire tomber toutes les barrières à l'entrée, interdire autant que possible les exclusivités sur les marques, les produits, et les territoires. Comment accepter que soit prélevé un tribut de 30 % à 60 % sur les produits qui quittent, par exemple, Le Havre, aboutissant aux prix que vous connaissez dans les outre-mer ?
Notre action prendra trois formes. Elle portera sur la législation, sur la réglementation, et surtout sur la négociation avec les entreprises. Nous engagerons l'action de l'État en respectant les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, c'est en mon nom personnel, mais aussi au nom de mes excellents collègues Alain Marsaud et Claudine Schmid, que je pose cette question à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.
Une mauvaise surprise attend les parents des 7 000 élèves français (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et RRDP)… Il est étonnant que, dès que l'on parle des Français de l'étranger, cela vous excite à gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) Ce ne sont pas des privilégiés, contrairement à ce que vous croyez !
Une mauvaise surprise, disais-je, attend ces parents d'élèves. Ils sont partis avec des frais de scolarité réduits et ils vont revenir avec des frais de scolarité totalement rétablis !
Mes chers collègues, la majorité de Nicolas Sarkozy a mis en place, pendant ces cinq dernières années, la prise en charge des frais de scolarité pour les élèves français des lycées à l'étranger. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Dans le même temps, les bourses accordées à ces élèves ont été augmentées de 80 %. (« C'est faux ! » sur les mêmes bancs.)
Les Français de l'étranger, contrairement à ce que semblent faire croire vos cris de protestation, ne sont pas des privilégiés. Pour la plupart, ils paient eux-mêmes leurs frais de scolarité.
Vous le leur direz !
Leur présence est nécessaire à notre influence culturelle et linguistique, mais aussi à nos entreprises dans ces périodes de déficit du commerce extérieur. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Ma question est simple, madame la ministre : accepteriez-vous au moins de repousser l'application de cette réforme d'une rentrée scolaire ? Les parents d'élèves qui découvrent qu'ils vont devoir payer, pour certains, selon les lycées – et vous le savez car vous connaissez le dossier –, parfois jusqu'à 10 000 euros de frais de scolarité, vont-ils, enfin, obtenir un délai ? Quel message notre assemblée envoie-t-elle quand, dans la même nuit, elle trouve de l'argent pour supprimer la franchise en faveur des étrangers sans papiers en France et elle fait payer les Français de l'étranger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.
Monsieur le député, je vous remercie de me poser cette question qui me donne l'opportunité de clarifier le sens de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité pour les enfants français scolarisés dans des établissements français à l'étranger. Vous conviendrez que le Président de la République tient ses promesses (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – « Ah oui ! » sur les bancs du groupe UMP) puisque c'est un engagement qu'il avait pris pendant la campagne présidentielle.
Cette prise en charge était triplement injuste. Injuste parce qu'elle était attribuée aux familles sans conditions de ressources.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ?
Injuste parce qu'elle ne concernait qu'une minorité de lycéens : 7 800 sur les 115 000 lycéens (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…tout en mobilisant plus du quart de la dotation de soutien aux élèves. Injuste, enfin, parce qu'elle a entraîné une hausse des frais d'inscription pour la grande majorité des familles, notamment pour celles ayant des enfants scolarisés dans le primaire et au collège.
La mesure de suppression a été adoptée par l'Assemblée nationale la semaine dernière.
Si le Sénat l'adopte cette semaine, elle s'appliquera dès la rentrée de septembre prochain pour les pays du rythme nord et en janvier 2013 pour ceux du rythme sud.
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est scandaleux !
À la prochaine rentrée, toutes les mesures d'encadrement et d'accompagnement nécessaires seront mises en place pour les familles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les postes consulaires ont reçu des instructions pour examiner au cas par cas, en collaboration avec l'AEFE, toutes les situations délicates.
Dans l'esprit du Gouvernement, la suppression de la prise en charge constitue la première étape d'une réforme plus globale de l'aide à la scolarité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous serez directement associé, monsieur le député, ainsi que les élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, à la concertation que nous lancerons dès le mois de septembre. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Si la gauche avait tort, nous n'aurions pas eu huit députés sur les onze qui viennent d'être élus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues de l'opposition, vous avez insisté pour qu'il y ait une deuxième séance de questions d'actualité cette semaine.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, la zone euro est à nouveau soumise à des tensions sur le marché des dettes souveraines. Celles-ci concernent en particulier l'Espagne, qui éprouve de plus en plus de difficultés à se financer à des taux acceptables, malgré des efforts considérables pour assainir son économie et des sacrifices importants de la part des Espagnols, malgré, également, des signes de reprise économique dans ce pays.
Face à cette situation, il n'y a que deux réponses possibles : la croissance : elle seule permettra le retour de la confiance ; la solidarité financière entre les pays européens, condition de la survie de la zone euro. Ces solutions ont été retenues lors du dernier Conseil européen, à l'initiative de la France et du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est une véritable réorientation de la réponse européenne à la crise…
…qui a été obtenue lors de ces sommets, puisqu'il y a eu aussi un sommet de la zone euro.
Certes, les difficultés restent présentes et nul ne peut s'en étonner. Mais nous disposons désormais d'un cadre qui doit permettre de les surmonter.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est l'application des mesures prises par le Conseil européen ?
Vous avez, par ailleurs, reçu le ministre des finances espagnol. Pouvez-vous nous faire part de la teneur de vos discussions et nous indiquer quelles sont les initiatives possibles pour stabiliser la situation de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Monsieur le député, vous m'interrogez sur la situation de la zone euro et sur l'action du Gouvernement pour la stabilisation de notre monnaie unique. Soyons conscients que nous traversons une crise d'une grande gravité (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP), qui concerne plus particulièrement l'Espagne, mais qui touche l'ensemble de la zone. Des économies extrêmement stables comme celle de l'Allemagne ont été menacées d'une surveillance négative au prétexte qu'il existait un risque de contagion. Soyons donc responsables face à cela et ne faisons pas de ce sujet grave un sujet de division.
Le Conseil européen a construit, vous l'avez dit, une réponse que je crois solide et crédible. Elle passe d'abord par la croissance. Sur ce volet, la mise en oeuvre avance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Avant-hier, nous avons obtenu que la BEI adopte l'augmentation de capital de 10 milliards d'euros. Les project bonds sont en route. La taxe sur les transactions financières a été votée et augmentée par cette assemblée.
Il existe un autre volet : la stabilité financière est indispensable. Nous devons avancer vers la supervision bancaire qui permettra, ensuite, de recapitaliser directement les banques, et notamment les banques espagnoles.
J'ai en effet rencontré le ministre de l'économie et des finances, M. de Guindos. Je l'ai assuré de notre soutien. Il partage nos positions. Je veux dire ici, à l'Assemblée nationale, que le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont la conviction que le plan adopté les 28 et 29 juin est le bon. Nous souhaitons qu'il soit mis en oeuvre rapidement et fermement. C'est là que se trouve la solution. Vous pouvez compter sur notre détermination pour trouver les solutions structurelles et pour faire avancer la zone euro ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Pierre Aylagas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'intérieur, le département des Pyrénées-Orientales et la Catalogne subissent depuis le week-end dernier un dramatique incendie, qui a déjà fait plusieurs victimes et dévasté des milliers d'hectares. Les images de centaines de personnes confinées chez elles dans une attente angoissée ou tentant de fuir les flammes sont terribles.
Il nous faut tout d'abord saluer le travail exemplaire des pompiers et de toutes les forces de sécurité en présence qui, dans des conditions difficiles et avec un engagement héroïque, travaillent d'arrache-pied pour protéger les populations et venir à bout des incendies.
Les flammes et le vent qui les attise ne connaissent pas les frontières, et ce qui affecte un versant des Pyrénées affecte l'autre, sur le plan matériel comme sur le plan humain, tant les liens sont forts, étroits, quotidiens entre les Catalans du Nord et les Catalans du Sud. Voilà pourquoi le projet PRINCALB, prévention des incendies forestiers transfrontaliers dans les Albères et le Cap de Creus, mis en place sur 2009-2011 puis en 2012 par la Generalitat de Catalunya, la région Languedoc-Roussillon et le département des Pyrénées-Orientales, a constitué une avancée remarquable en termes d'aménagement du territoire. On voit bien d'ailleurs que, là où des aménagements ont été réalisés, le feu a pu être contrôlé et que, là où ils n'avaient pu encore l'être, l'incendie s'est déployé.
Il nous faut renforcer la coopération transfrontalière dans cette zone à risque. Le projet PRINCALB, projet interrégional qui concerne la prévention, est certes essentiel, mais il doit être doublé d'un programme stratégique commun d'État à État. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que cette coopération entre la France et l'Espagne soit la plus efficace possible ?
Monsieur le député, je souhaite tout d'abord, au nom du Premier ministre et du Gouvernement, dire aux familles des quatre victimes, dont trois de nos compatriotes, ayant péri dans cet incendie en Catalogne toute notre compassion.
À l'heure où nous parlons, le feu du Perthus est maîtrisé, mais la vigilance, évidemment, s'impose. Il a parcouru plus de 15 000 hectares, essentiellement du côté espagnol. Au plus fort du sinistre, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile, 450 sapeurs-pompiers français, appuyés par sept avions bombardiers d'eau, ont été engagés. La coordination entre les deux gouvernements et avec la Généralité de Catalogne a bien fonctionné, nous en avons parlé d'ailleurs avec Arnaud Leroy, qui, en tant que député des Français d'Espagne, a suivi la situation.
Ce type de mécanisme doit être prolongé. Je salue le travail de notre sécurité civile, dont le modèle intéresse l'ensemble de nos voisins, et je salue le courage et l'engagement des soldats du feu de nos deux pays, et notamment du nôtre. (Applaudissements.) Vous savez combien, dans cette période où la pression incendiaire est exceptionnelle, en particulier dans votre département, ils ont besoin de notre soutien. Je me rendrai dans les Pyrénées-Orientales la semaine prochaine pour le leur témoigner.
Nous devons les appuyer. Le Premier ministre sait que, pour les arbitrages financiers du projet de loi de finances pour 2013, il y a une priorité : permettre aux sapeurs-pompiers de France et à la sécurité civile d'avoir les moyens nécessaires pour lutter contre les feux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur de nombreux bancs du groupe UDI.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous faire part de l'inquiétude de nos concitoyens quant à l'avenir de la filière nucléaire. Le marchandage politicien que vous avez conclu avec les Verts (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), sacrifiant vingt-quatre réacteurs en échange de vingt-quatre circonscriptions législatives, menace les 400 000 travailleurs de la filière. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Dans ma circonscription, 4 200 emplois sont intimement liés à l'avenir de la centrale de Gravelines. Permettez-moi de m'interroger sur cet accord puisque, pas plus tard que la semaine dernière, la diplomatie française a vanté le nucléaire français à l'étranger.
Par ailleurs, le rapport de la commission d'enquête du Sénat, rendu public le 18 juillet, annonce une augmentation de la facture d'électricité de l'ordre de 50 % d'ici à 2020.
Je n'ignore pas qu'une partie de cette augmentation est liée aux programmes de maintenance et de travaux de sécurité nécessaires à la sauvegarde de nos centrales.
Néanmoins, le rapport précise bien que le nucléaire reste l'énergie la plus compétitive. Actuellement, EDF revend le mégawattheure 37 euros aux ménages, ce qui est nettement inférieur aux 220 euros du coût de l'éolien en mer ou aux 370 euros de celui du photovoltaïque.
À l'heure où la facture d'énergie augmente pour les ménages, vous persistez à réduire le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires.
Comment les familles et les entreprises pourront-elles faire face à cette nouvelle augmentation que vous allez mettre en place avec la fermeture de plusieurs réacteurs ?
La raréfaction des ressources énergétiques ne fait plus débat. S'il est vrai que la France doit amorcer une transition vers un bouquet énergétique associant nucléaire et énergies renouvelables, l'essentiel est d'assurer notre indépendance énergétique. Pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur l'avenir de la filière nucléaire en France ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Monsieur le député, les enjeux de la transition énergétique mériteraient que nous puissions tous nous rassembler. Le débat a lieu dans tous les pays d'Europe et il a été largement posé devant les Français par François Hollande dans la campagne présidentielle. Le Président de la République a pris des engagements devant les Français (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP), ils seront tenus.
Il n'a jamais été question de sortir du nucléaire, l'engagement était d'en réduire la part dans la production d'électricité de 75 % à 50 % à l'horizon 2025. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP, dont de nombreux députés se lèvent et pointent le doigt vers les députés Verts.) Tous les emplois de la filière nucléaire seront maintenus. La gestion des déchets et le démantèlement est une filière industrielle que nous devons développer.
Un grand débat sur la transition énergétique va s'engager, qui nous permettra de mettre sur les rails une loi de programmation pour la transition énergétique et de soutenir massivement le développement des énergies renouvelables, développement que vous avez affaibli en changeant sans cesse les règles (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), déstabilisant des filières industrielles auxquelles nous croyons et dont notre économie a besoin.
Quant au pouvoir d'achat des Français, c'est pour le protéger que le Premier ministre et le Gouvernement ont pris la décision de limiter la hausse du gaz et celle de l'électricité au niveau de l'inflation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse au ministre des outre-mer. Elle porte sur la vie chère, fléau aigu et persistant dans nos régions.
La crise frappe durement notre économie. Depuis de nombreuses années, les populations des outre-mer protestent contre la vie chère : 2009 s'est caractérisée par une explosion sociale d'envergure pour un pouvoir d'achat plus juste et 44 jours de grève en Guadeloupe et Martinique ; en 2011, la tension sociale s'est propagée à Mayotte ; en début d'année 2012, la contestation s'est déclarée à La Réunion.
Comme le titrait récemment un quotidien national : « À La Réunion, se nourrir coûte 36 % plus cher qu'en métropole ».
Ces écarts de prix entre les DOM et la métropole s'expliquent par la cherté de l'alimentation, premier poste de consommation des ménages. En Guadeloupe, + 34 % par rapport à la métropole, en Guyane, + 49 % : voici les taux exorbitants qui pèsent sur le panier de la ménagère.
Le différentiel de prix des produits alimentaires et des services varie de 30 à 70 %. Un produit quittant l'hexagone est frappé d'un surcoût de 30 à 70 % auquel s'ajoutent le transport, l'assurance, les taxes, le stockage et les marges de distribution.
Monsieur le ministre, comme vous, j'ai dénoncé à de nombreuses reprises les causes de la vie chère, qui trouve ses origines dans des positions monopolistiques défavorables à notre économie.
En 2009, lors du vote de la loi pour le développement économique des outre-mer, j'ai insisté sur la mise en oeuvre d'un système plus adapté à la réalité ultramarine, en m'appuyant sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le Président de la République s'est engagé à lutter sans concession contre les monopoles et les marges abusives et à favoriser la concurrence, notamment en combattant les exclusivités accordées aux agences de marques.
Monsieur le ministre, face aux intérêts puissants et anciens qui s'expriment sous nos latitudes, quelles actions entendez-vous mener pour traduire l'engagement présidentiel ?
Madame la députée, je vous confirme la détermination du Gouvernement à lutter résolument contre les causes de la vie chère. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je vous confirme aussi que M. le Premier ministre recevra dans quelques minutes l'ensemble des députés d'outre-mer pour évoquer notamment cette question.
Je vous rappelle également notre vision et notre philosophie : elle repose d'abord sur la concertation ; ensuite, après une période raisonnable de consultation, nous passerons, s'il le faut, par la loi ou une décision réglementaire.
Dans le domaine du commerce alimentaire, nous renforcerons les pouvoirs de l'autorité de la concurrence. Par exemple, nous interdirons ou nous rendrons plus difficiles les agences de marques ainsi que les exclusivités de produits et de territoires ; nous abaisserons les seuils de chiffre d'affaires permettant de contrôler les entreprises et de diligenter les investigations nécessaires ; nous n'hésiterons pas à revoir le décret de novembre 2010 sur le prix des carburants. Par ailleurs, je reçois demain M. Stéphane Richard, PDG de France Télécom, afin d'évoquer les téléphonies mobile et fixe. Nous examinerons aussi la situation dans le transport aérien et le transport maritime. Il y a dans ce dernier secteur un monopole pour lequel nous devons élucider et comprendre le mécanisme de formation des prix. Il s'agit donc d'un long chantier.
Nous devons aussi renforcer ou accompagner l'émergence d'un contre-pouvoir des consommateurs. Nous devons octroyer quelques pouvoirs supplémentaires aux collectivités, sans sombrer dans la bureaucratie. Des choses intéressantes sont déjà mises en oeuvre sur place. Nous n'hésiterons pas à généraliser ces expérimentations. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, vous pouvez remercier Jean-Louis Borloo.
Oui, vous pouvez le remercier car le plan automobile présenté ce matin est un remake du pacte automobile, initié dès 2009. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Renforcement du bonus-malus, hausse de la prime en faveur de l'achat des véhicules électriques et hybrides, commande publique massive de véhicules propres, déploiement de bornes de recharge sur tout le territoire et mobilisation des crédits des investissements d'avenir : toutes ces mesures ont été mises en place par Jean-Louis Borloo.
Les députés du groupe UDI se félicitent que vous repreniez à votre compte, en les amplifiant, les dispositifs mis en place par le précédent gouvernement, validant ainsi a posteriori la politique de celui-ci, pourtant sévèrement critiquée à l'époque. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Je pense notamment au bonus-malus, que vous présentez aujourd'hui comme l'alpha et l'oméga de votre plan automobile.
À l'image de votre conférence environnementale qui est en réalité un Grenelle numéro 3, vous prouvez que vous n'avez pas beaucoup d'imagination mais que vous êtes capable de puiser dans les bonnes références. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.) Ce plan est annoncé, nous en prenons acte.
L'urgence pour l'État est désormais d'être aux côtés des salariés de PSA, à travers le déploiement de tous les outils dont vous disposez pour éviter les suppressions d'emplois en développant l'activité partielle. Prenez l'exemple de nos voisins qui financent, en collaboration avec les partenaires sociaux, le temps de formation et de qualification indispensable à la reprise d'activité des salariés concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Votre plan n'est pas très précis sur ce point.
Enfin, pour prévenir une nouvelle crise de la filière, il est indispensable de réduire les coûts de production de nos usines par le biais d'une baisse massive du coût du travail. M. Montebourg, partisan du coup d'éclat permanent, balaye cette question d'un revers de main. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le Premier ministre, quand et comment allez-vous prendre les mesures visant à faire baisser le coût du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous évoquez l'équilibre général du plan de soutien à la filière automobile que nous défendons. Nous avons pris, c'est vrai, des mesures qui avaient déjà été envisagées par nos prédécesseurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ces mesures, comme le bonus-malus, nous avons décidé de les amplifier, en les doublant pour certaines d'entre elles et en les augmentant de plus de 35 % pour d'autres.
Nous souhaitons amener les Français à changer d'attitude vis-à-vis de l'automobile et à adopter les véhicules électriques et les véhicules hybrides. Nous souhaitons les convaincre que cela va réellement changer leur vie et surtout les libérer de la dépendance énergétique et de la vie chère due au prix de l'essence.
Concernant les bornes de recharge que nous aurions dû trouver dans toutes nos villes, l'argent qui était prévu dans le grand emprunt pour les financer n'a pas été dépensé. Les bornes de recharge, nous les cherchons toujours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons par ailleurs demandé à l'Union européenne de déclencher la clause de sauvegarde sur les importations massives de véhicules en provenance de Corée du Sud qui, aujourd'hui, déstabilisent le marché européen. L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Corée a été naïvement conclu l'année dernière, et aujourd'hui nous sommes confrontés à une augmentation de 1 000 % sur le marché des petites cylindrées diesel. Dans le même temps, nos constructeurs viennent nous voir en expliquant qu'ils ne peuvent pas faire face à la concurrence déloyale.
Vous voyez donc que le plan que vous évoquez restait à faire ! Je vous remercie néanmoins d'avoir rendu hommage à ce plan, car nous espérons chaque année en discuter avec vous, évaluer l'usage de l'argent public et contrôler les contreparties demandées. S'il faut aller plus loin, je sais pouvoir compter sur vous pour amplifier encore notre action. Merci. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue de la Loire, François Rochebloine, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, la Loire est une grande région de production laitière. En 2010, dernières données connues avec certitude, elle a produit 344 millions de litres de lait, soit 22,5 % de la production de Rhône-Alpes, ce qui en fait le premier département producteur de la région.
Aujourd'hui, la situation des producteurs de lait du Forez illustre les grandes difficultés de cette filière d'excellence qu'est la production laitière en zone de montagne. La coopérative des Monts du Forez, qui regroupe soixante-quinze producteurs et leurs familles, doit affronter d'immenses difficultés suite au dépôt de bilan de la société Forez Fourme. Il ne s'agit pas d'un simple bilan comptable, mais bien de l'avenir de ces familles, qui espèrent que nous saurons trouver les bonnes solutions pour préserver leur travail, afin qu'elles ne basculent pas dans la précarité.
Monsieur le ministre, vous avez rencontré les producteurs le 28 juin dernier. Des pistes ont été évoquées mais, devant l'urgence de leur situation, ils attendent des réponses plus précises et plus concrètes, que, je l'espère, vous saurez leur apporter.
Au-delà de cet exemple qui me tient particulièrement à coeur, nous devons réfléchir aux difficultés structurelles de cette filière spécifique. Le coût de la collecte représente, dans le cadre des évolutions de la PAC, un lourd handicap au maintien de la production laitière en milieu de montagne. La volatilité des prix ôte toute sécurité aux producteurs, qui ne peuvent plus compter sur des ressources stables leur permettant de vivre dignement de leur travail. Songez qu'en juin les 1 000 litres de lait s'échangeaient au cours de 110 euros seulement !
Nous devons aussi répondre aux attentes des consommateurs par la création d'un label de qualité « Origine Montagne » et par une plus grande transparence au niveau des prix pratiqués par la grande distribution.
Monsieur le ministre, quelles sont donc, au-delà des paroles, les solutions rapides que pense mettre en place le Gouvernement afin que le destin de la coopérative des Monts du Forez, mais aussi de toute cette filière, ne soit pas inéluctable et que des milliers d'emplois ne soient pas mis en danger ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Vous m'interrogez, monsieur le député, sur la production laitière dans les zones de moyenne montagne ou de montagne. C'est une question d'actualité, avec les difficultés que rencontre votre coopérative. J'ai reçu les exploitants et les producteurs, pour trouver une solution. Un médiateur a été nommé. Il faut permettre à ces producteurs de continuer à produire et à transformer leur production.
Le second point est plus structurel. Que faut-il faire pour garantir dans ces zones une production laitière qui représente de l'emploi et de la valeur ajoutée ? C'est à la fois sur la question de la politique agricole et du maintien des aides spécifiques aujourd'hui données qu'il faudra travailler.
Ensuite, vous l'avez évoqué, il faut permettre l'organisation collective de ces producteurs, avec des objectifs de production et de filière de qualité pour ces zones spécifiques qui ont besoin à la fois de maintenir cette activité, de la développer et d'assurer la segmentation et la différenciation de leurs produits,…
…nécessaires à la valorisation de ce travail essentiel qu'est la production laitière en zone de montagne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, l'écroulement industriel français depuis dix ans a réduit la part de l'industrie à moins de 13 % du PIB. Le quinquennat précédent s'est achevé avec la multiplication des plans sociaux retardés et la fermeture programmée de sites de production. Pourtant, l'industrie représente toujours 80 % des échanges internationaux. C'est la clé de l'équilibre des comptes extérieurs et de l'emploi.
Aujourd'hui, le débat sur le coût du travail et, appelons un chat un chat, le salaire indirect, se focalise sur quelques points de pourcentage de cotisation alors que les écarts salariaux entre notre pays et les nouveaux pays industrialisés sont de l'ordre d'un à dix.
Les parités de change et donc les politiques monétaires sont au coeur de la compétitivité industrielle. Après quelques années de parités plus réalistes – je pense à la période où nous avions 0,8 dollar pour 1 euro –, la surévaluation de l'euro depuis 2002 participe à une perte de compétitivité.
Nous ne devons pas nous laisser attendrir par des titres de journaux qui s'effraient de 1,20 dollar pour 1 euro, quand Airbus annonce l'ouverture d'une usine d'assemblage d'A320 en Alabama. Airbus part travailler en zone dollar.
La réorientation de la politique monétaire sera bien plus efficace et moins onéreuse, socialement et financièrement, que tous les plans d'austérité en Europe. C'est pourquoi la politique monétaire, qui est au coeur de la compétitivité, mérite une attention particulière. Le Président de la République ayant pris l'engagement d'une réorientation de la construction européenne, en abordant…
Plusieurs députés du groupe UMP. Terminé !
…ces négociations au niveau international, quelles sont, monsieur le ministre, les mesures prises ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Personne ne peut nier, monsieur le député, que l'appréciation de l'euro au cours de la décennie 2000 ait pesé sur la compétitivité française, notamment sur l'industrie. Nous ne croyons toutefois pas qu'il s'agisse là d'un facteur unique, puisque nous réalisons 50 % de nos échanges avec la zone euro et que d'autres pays, tels que l'Allemagne, avec la même crise, la même monnaie, ont dégagé des excédents extérieurs considérables. C'est dire qu'il faut également insister sur la compétitivité hors prix.
Je souhaite souligner, comme vous, que l'euro est sur une tendance clairement à la baisse : il a perdu 7 % vis-à-vis de la monnaie américaine, pour s'établir à environ 1,20 dollar. Ces évolutions sont liées aux tensions dans la zone euro, que j'ai évoquées, et elles sont plutôt positives puisqu'elles permettent de compenser les ralentissements du commerce mondial.
Je ne crois toutefois pas que la volatilité excessive des cours de change soit la solution. C'est dans le cadre des institutions internationales, notamment du G20, où des avancées timides ont été obtenues, qu'il faut agir. Je veux vous assurer que nous ne relâcherons pas la pression.
Plus largement, comme vous l'avez souligné, François Hollande a obtenu des avancées importantes pour la réorientation de la construction européenne, lors du Conseil européen des 28 et 29 juin, entraînant, je le redis, l'ensemble de l'Europe et de ses institutions. Il nous faut à présent, je le redis aussi, accélérer fortement la mise en oeuvre de ces décisions, et le rôle de la Banque centrale européenne sera à cet égard très important. Elle joue un rôle plus complet qu'on ne le dit parfois.
Soyez enfin assuré que la compétitivité, dans ses différentes dimensions, par les prix, hors prix, par le financement, par l'industrie, sera au coeur de la politique du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Monsieur le député, nous vous entendons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Politique monétaire et compétitivité
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)
L'ordre du jour appelle la prestation de serment de cinq juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République.
M. Jean-Luc Warsmann m'ayant fait savoir qu'il ne pouvait être présent aujourd'hui, sa prestation de serment aura lieu ultérieurement.
Aux termes de l'article 2 de la loi organique sur la Cour de justice de la République, les juges parlementaires « jurent et promettent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats ».
Je prie Mmes et MM. les juges de bien vouloir se lever à l'appel de leur nom et, levant la main droite, de répondre par les mots : « Je le jure ».
Pour les juges titulaires, j'appelle :
M. Philippe Houillon. (M. Philippe Houillon se lève et dit : « Je le jure. »)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. (M. Jean-Yves Le Bouillonnec se lève et dit : « Je le jure. »)
Mme. Nathalie Nieson. (Mme Natalie Nieson se lève et dit : « Je le jure. »)
M. Jean-Jacques Urvoas. (M. Jean-Jacques Urvoas se lève et dit : « Je le jure. »)
Mme. Clotilde Valter. (Mme Clotilde Valter se lève et dit : « Je le jure. »)
Pour les juges suppléants, j'appelle :
Mme. Marie-Françoise Bechtel. (Mme Marie-Françoise se lève et dit : « Je le jure. »)
M. Jean-Yves Caullet. (M. Jean-Yves Caullet se lève et dit : « Je le jure. »)
Mme. Valérie Corre. (Mme Valérie Corre se lève et dit : « Je le jure. »)
M. Francis Hillmeyer. (M. Francis Hillmeyer se lève et dit : « Je le jure. »)
M. Pierre Morel-A-L'Huissier. (M. Pierre-Morel-A-L'Huissier se lève et dit : « Je le jure. »)
M. Dominique Raimbourg. (M. Dominique Raimbourg se lève et dit : « Je le jure. »)
Acte est donné par l'Assemblée nationale des serments qui viennent d'être prêtés devant elle.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifié, en application de l'article 103 du règlement, de cinq projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux. (nos 6, 93 ; 7, 126 ; 9, 88 ; 10, 95 ; 12, 94).
Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d'entre eux, en application de l'article 106 du règlement.
L'ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d'Afghanistan.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement, en application de l'article 53 de la Constitution, vous soumet aujourd'hui, après l'avoir soumis au Sénat, qui l'a adopté à l'unanimité moins l'abstention d'un groupe, le projet de loi autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération qui a été signé entre la France et l'Afghanistan fin janvier 2012. Le Sénat, en votant ce texte la semaine dernière, a ainsi marqué la première étape du processus de ratification.
Avant de vous exposer le pourquoi de ce traité, puis les moyens concrets de sa mise en oeuvre, je tiens à rappeler qu'il s'agit non seulement du premier traité de l'histoire des relations franco-afghanes, qui datent de près d'un siècle, mais plus largement du premier traité signé par l'Afghanistan avec un État extérieur à la région. Ce texte est donc précurseur. Il a ouvert la voie à d'autres partenariats, signés récemment ou en préparation, entre l'Afghanistan et des États tiers, ou avec des organisations internationales. Il offre un cadre stable et prévisible à notre relation, ce qui est essentiel : ceux qui m'ont aidé à préparer ce discours ont ainsi trouvé – c'est toujours important – cette citation de Balzac, d'ailleurs assez paradoxale dans un discours sur un traité international : « Ce qui rend les amitiés indissolubles est un sentiment qui manque à l'amour : la certitude. ». (Murmures.)
J'en viens d'abord au pourquoi de ce traité.
Signé le 27 janvier, donc par mon prédécesseur, pour une durée de vingt années, il a pour objectif, selon l'article 1er, un « partenariat équilibré qui contribue à l'indépendance, à la sécurité et au développement » de l'Afghanistan. La raison d'être du traité est donc double : d'une part, il accompagne le désengagement des troupes combattantes françaises, et, d'autre part, il assure la continuité d'un soutien français à l'Afghanistan sous une forme axée sur la coopération civile, ce qui est essentiel. Si la présence militaire de la France sous forme de troupes combattantes va se terminer, la coopération civile, en revanche, va se développer.
Le désengagement des forces combattantes françaises d'ici au 31 décembre 2012 a été décidé par le Président de la République. Il est en cours. Il ne s'agit pas d'un retrait total de notre pays, au contraire, puisque le traité pérennise sous une forme civile l'engagement à long terme de la France.
L'Afghanistan est entré dans une phase de transition qui a été lancée conjointement par la communauté internationale et par les autorités afghanes, sous l'égide des Nations unies et de l'OTAN. Ce processus, qui doit s'achever fin 2014, prévoit le transfert progressif des responsabilités de sécurité aux forces afghanes. Pour nous, qui sommes encore pour une part en Surobi et en Kapisa, c'est chose faite. Je profite d'ailleurs de ce moment pour rappeler que depuis le début de notre intervention en 2001, nous avons perdu quatre-vingt-sept de nos soldats. Il faut bien sûr, et je suis sûr que toute l'assemblée sera à l'unisson, rendre hommage au courage dont ils ont fait preuve ainsi que leurs camarades, et à leur sacrifice.
Le départ progressif de nos troupes ne doit pas faire oublier le travail accompli pour aider le peuple afghan dans son combat pour la liberté et la démocratie.
Sur le plan institutionnel, les changements intervenus dans la décennie écoulée – Constitution de 2004, reconstitution des administrations centrale et locale, mise en place d'un Parlement –, doivent être soutenus et poursuivis par une contribution civile dont le traité donne les moyens. Il contribue en effet, par des moyens concrets, à la stabilité – c'est du moins notre espoir – d'un pays dont l'importance stratégique est évidente.
Quand l'engagement militaire de la France avait été décidé en septembre 2001, il répondait à des finalités particulières sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais, depuis lors, la situation a évidemment beaucoup changé, et le sens s'en était sinon perdu, en tout cas déformé au fil du temps. Ce sera donc le sens de notre engagement politique et civil en Afghanistan et dans la région à partir de maintenant que d'axer celui-ci sur la coopération civile, avec comme objectif de permettre, après des décennies de conflit et d'instabilité qui ont favorisé la montée du radicalisme et de l'obscurantisme, le retour à la paix que nous souhaitons tous pour l'Afghanistan et pour ses voisins.
La recherche de solutions durables à la crise afghane passe par une stratégie intégrant la dimension régionale du problème – c'est un point sur lequel j'ai eu un débat au Sénat et je pense que tout le monde en sera d'accord. L'Afghanistan, depuis des lustres, a servi de théâtre aux rivalités régionales et internationales, qui ont exacerbé ses tensions intérieures. La France appuie le processus de coopération lancé à Istanbul en novembre 2011, qui est parvenu à insuffler une certaine dynamique en faveur de la sécurité à tous les pays du coeur de l'Asie.
Nous connaissons aussi bien sûr, puisque personne ici n'est naïf, les risques que les foyers d'instabilité en Afghanistan font peser sur les États voisins : les groupes terroristes ne connaissent pas de frontières ; les réseaux de la drogue déstabilisent les structures politiques, économiques et sociales ; les factions qui remettent en cause l'intégrité territoriale de l'Afghanistan menacent aussi l'intégrité territoriale de ses voisins.
Face aux fléaux du terrorisme et de la drogue, au lieu de jouer de façon rivale, il faut favoriser la coopération régionale et les mesures de confiance. C'est d'ailleurs dans l'intérêt de tous les pays de la région, qu'il s'agisse du Pakistan, de l'Inde, de l'Iran, de la Chine, de la Russie ou des États d'Asie centrale.
Nous partageons donc l'approche proposée aujourd'hui par l'Afghanistan qui prévoit l'adoption à terme de mesures concrètes et contraignantes pour la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la drogue et la gestion des catastrophes naturelles, des infrastructures et du commerce régional.
À long terme, l'objectif de cette coopération régionale est de permettre le désenclavement de l'Afghanistan, ce qui favorisera son développement économique, mais aussi celui de l'ensemble de la région.
Le traité que nous vous soumettons fixe les contours de la coopération souhaitée par nos deux pays. Comme je l'ai indiqué début juillet à la conférence de Tokyo sur l'aide civile à l'Afghanistan, notre action sera guidée par trois principes.
Il s'agira, en premier lieu – ainsi que nous l'avions évoqué lors d'une conversation avec Hamid Karsai, François Hollande et Jean-Yves Le Drian lorsque nous nous sommes rendus à Kaboul –, de favoriser le passage d'une économie et une société de guerre à une économie et une société de paix. C'est fondamental, car tout, en Afghanistan, est aujourd'hui tourné vers l'économie de guerre, et cette transition ne peut se faire spontanément. Le développement économique et social de l'Afghanistan est la première condition d'un retour durable à la paix et à la stabilité. C'est pourquoi le coeur de notre engagement doit être la coopération civile.
C'est aussi dans cet esprit que la France appuie un processus de paix conduit par les Afghans eux-mêmes et associant toutes les composantes de la société afghane : gouvernement, opposition légale, société civile. Même si cela est très difficile, la réconciliation nationale devra également s'adresser aux insurgés prêts à rompre tout lien avec Al Qaida, à renoncer à la violence et à respecter la Constitution.
En second lieu, la France va s'engager de façon significative. Une simple sommation révèle que l'aide à l'Afghanistan dans le cadre de ce traité augmentera de 50 %, pour atteindre plus de 300 millions d'euros sur la période 2012-2016, ce qui représente beaucoup d'argent.
Cette augmentation servira à conduire des projets qui profiteront directement – j'y insiste – à la population afghane avec des programmes concrets, à l'image de l'extension prochaine de l'Institut médical français pour l'enfant, que certains d'entre vous ont certainement eu l'occasion de visiter. Ce projet magnifique disposera désormais – une première en Afghanistan – d'un service de santé maternelle et néonatale qui contribuera à améliorer les conditions de vie des femmes ; il a été rendu possible grâce à la fondation Aga-Khan, que je salue pour le travail remarquable qu'elle accomplit là-bas, et à l'association « La Chaîne de l'espoir », au sein de laquelle des professeurs de médecine accomplissent un travail superbe.
Dernier principe, cette aide ne sera pas un chèque en blanc. Elle sera conditionnée – point que certains de vos collègues au Sénat ont trouvé excellent et d'autres insuffisants – à la réalisation par les Afghans des engagements qu'ils ont pris devant la communauté internationale lors de la conférence de Tokyo. Ce sera le cas en particulier dans trois domaines clés.
Je pense d'abord à la bonne gouvernance. La lutte contre la corruption, en particulier – ce qui n'est pas là-bas un vain mot ou une vaine tâche – constitue une priorité, sur laquelle nous attendons des mesures fortes de la part du gouvernement afghan. C'est une contrepartie indispensable de l'effort demandé aux contribuables français. Nous serons très fermes sur ce point, et je ne doute pas du soutien de l'Assemblée.
Les engagements pris en matière de démocratie devront également être tenus. Des élections présidentielles et parlementaires sont prévues en 2014 et 2015. Nous devrons veiller, avec nos partenaires internationaux, à ce qu'elles se déroulent dans des conditions équitables et transparentes.
Par ailleurs, nous accorderons une grande attention à l'évolution de la situation des droits de l'Homme, en particulier des femmes et des minorités. Des progrès ont été accomplis, en matière de liberté d'expression, mais aussi s'agissant des droits sociaux tels que l'accès à la santé ou à l'éducation. Mais vous avez sans nul doute présents à l'esprit les assassinats abjects, il y a deux semaines, d'une femme afghane, commis en public par les talibans, et d'une responsable provinciale des droits de la femme pour le gouvernement afghan, qui rappellent à quel point la situation des femmes demeure souvent dramatique.
Notre pays devra, comme les autres – encore que le nôtre a un rôle particulier compte tenu de sa tradition et de ses principes – faire preuve d'une grande vigilance s'agissant des droits des femmes, particulièrement en matière d'accès à la justice, à la santé et à l'éducation et de prévention des violences qui leur sont faites.
Tel est le sens du traité qui vous est soumis pour ratification aujourd'hui : redonner aux Afghans – aux autorités gouvernementales, à la population et à la société civile – les clés de leur destin, tout en leur accordant un appui sur le long terme. Sa ratification, du côté afghan, devrait intervenir dans les semaines qui viennent.
Concernant à présent non plus le pourquoi du traité, mais les modalités de sa mise en oeuvre, celle-ci s'opérera par le biais d'actions concrètes articulées autour de quelques coopérations prioritaires : coopération en matière de santé, avec l'extension de l'Institut médical français pour l'enfant, afin d'en faire un centre hospitalo-universitaire généraliste, et la mise en oeuvre de projets expérimentaux de télémédecine – plus de cent mille personnes ont déjà bénéficié des installations existantes, ce qui est remarquable ; coopération en matière éducative avec les lycées de bonne qualité que nous avons là-bas et, dans l'enseignement supérieur, avec la création d'une école des mines et de géologie que justifie l'importance des minerais dans la région ; coopération agricole en matière d'irrigation et d'enseignement en soutenant la mise en place d'un réseau de lycées techniques agricoles et la création d'un laboratoire de contrôle de la qualité ; coopération culturelle : nous formons depuis longtemps des archéologues afghans, assurons les fouilles à Bâmiyân et à Mes Aynak et contribuons à la création de musées afghans.
La coopération s'étendra également à deux autres domaines : d'une part, nous contribuerons au développement des infrastructures et du secteur minier ; d'autre part, une action spécifique est prévue au-delà de 2014, si la sécurité de nos personnels est assurée, pour le développement économique de la Kapisa et de la Surobi, où ont été déployées la task force La Fayette et notre équipe d'experts civils.
Enfin, une coopération sera maintenue dans les domaines de la défense et de la sécurité. S'il n'y aura plus, évidemment, de troupes combattantes, des coopérants français seront présents à l'état-major et dans des écoles militaires afin de conseiller les instructeurs afghans.
Notre action ne vise pas, faut-il le rappeler, à fournir une aide sur une période indéfinie, mais à donner les moyens aux Afghans de valoriser eux-mêmes leurs atouts, ce qui implique, outre l'aide au développement, la promotion des échanges économiques, qui constituera donc un pilier de notre action. L'Afghanistan dispose en effet, même si les circonstances récentes nous l'ont fait oublier, d'un potentiel économique réel, grâce en particulier à ses abondantes matières premières.
Le gouvernement français doit donc, avec les organisations professionnelles, encourager nos entreprises à participer à la valorisation des richesses du territoire afghan, notamment de son sous-sol.
Ainsi est-il prévu une coopération entre le BRGM et son équivalent afghan. En collaboration avec le MEDEF, nous avons réuni des entreprises intervenant dans le secteur minier pour les sensibiliser aux possibilités offertes par ce pays. Ces perspectives feront l'objet d'une coordination avec la fondation Aga-Khan, dans la perspective d'investissements dans le nord de l'Afghanistan, où la sécurité est la moins problématique. Certaines entreprises se sont d'ores et déjà positionnées sur des projets concernant la cimenterie, le charbon ou encore l'exploitation gazière.
Dans la mesure où notre coopération est fondée sur les besoins et les priorités identifiés par les autorités afghanes, nous veillerons à garantir une réciprocité dans les engagements. L'Afghanistan s'engage ainsi : à lutter par tous les moyens dont il dispose contre les menaces émanant de son territoire à l'encontre de la France ou des intérêts français ; à développer la coopération entre services antiterroristes et antidrogue, ce dernier fléau étant loin d'avoir été éradiqué …
M. Myard, comme moi, n'est pas un homme d'illusion : 90 % de la production mondiale provient en effet de là-bas.
…à accorder pour l'AFD et nos ONG des exemptions fiscales et douanières ; enfin, à promouvoir l'enseignement du français dans le secondaire et le supérieur.
Un point important a fait l'objet de demandes légitimes de la part de vos collègues sénateurs. Il s'agit du suivi de cette mise en oeuvre, au-delà de la ratification. Des mécanismes de suivi régulier ont été prévus, selon des procédures que nous avons voulues le moins lourdes possible. Ainsi, trois commissions mixtes se réuniront une fois par an, alternativement à Paris et à Kaboul : l'une pour le suivi des programmes de coopération, l'autre pour l'aspect politico-stratégique, et la dernière pour la sécurité intérieure. De plus, nous mènerons un dialogue avec la société civile afghane, en particulier avec les associations de femmes et avec la Commission afghane indépendante des droits de l'homme, afin d'évaluer la mise en oeuvre des engagements pris.
Concrètement, s'il s'agit aujourd'hui de ratifier un texte, le traité se traduira par des engagements budgétaires. Chaque année, mesdames et messieurs les députés, vous serez donc conduits à nous demander si les choses ont été respectées tant du côté afghan que du nôtre. Cette coopération, très souhaitable en elle-même, sera ainsi mesurée à l'aune des résultats obtenus.
Les années à venir seront décisives. La communauté internationale doit rester présente, mais d'une autre façon. Cela étant, je ne vous ferai pas l'injure de douter de votre lucidité : des risques existent. Il suffit d'avoir suivi l'histoire de cette région ou de s'y rendre, fût-ce brièvement, pour le savoir.
C'est pourquoi nous devons poursuivre, sur la base de ce traité et de nos engagements internationaux, notre action politique aux côtés des représentants de toutes les composantes de la société afghane afin de contribuer à garantir un avenir le plus stable et le plus apaisé possible pour les Afghans.
Le Parlement afghan devrait, je le répète, ratifier ce traité dans les semaines à venir et la ratification de ce traité par les deux parlements sera une étape très importante dans les relations entre nos deux pays.
Je vous proposais tout à l'heure une citation de Balzac, que je ne connaissais pas – et que j'ai d'ailleurs oubliée depuis… Permettez-moi de vous en soumettre une, qui vaut dans beaucoup de circonstances de la vie. Turgot, qui était un grand esprit a dit : « Il n'y a pas de politique sans risque, mais il y a des politiques sans chance. » C'est une formule à méditer.
Je ne dis pas que la politique engagée en Afghanistan soit sans risque – il y en a toujours, surtout quand l'on connaît l'histoire de ce pays et des pays circonvoisins. Mais, alors que dans les dernières années aucune chance de paix ne se dessinait, aujourd'hui cette chance nous est offerte ; il s'agit grâce à vous de la saisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, je n'ai pas la même culture que vous, et faute de citation à vous proposer, je limiterai mon propos aux travaux de la commission des affaires étrangères.
Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis était attendu puisque la fin de notre présence militaire en terre afghane se profile. Il organise les coopérations entre la France et l'Afghanistan dans des domaines essentiels au développement futur de l'État et du peuple afghan. Après onze ans d'une présence très exceptionnelle en Afghanistan, le temps est maintenant venu pour la France de redéfinir notre relation avec ce pays.
La récente décision prise par le Président de la République de retirer nos troupes combattantes d'ici à la fin de l'année s'inscrit dans le cadre du processus de transition entrepris en 2010 et rendu alors indispensable face à l'impasse dans laquelle se trouvait la coalition.
La faute n'en revient certainement pas à nos soldats ; vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, quatre-vingt-sept d'entre eux ont perdu la vie en Afghanistan et 700 y ont été blessés. La commission des affaires étrangères n'a pas manqué, hier, de leur rendre unanimement un hommage solennel et ému.
La décision du Président de la République a été expliquée à nos alliés qui l'ont parfaitement comprise. Elle a été approuvée par le gouvernement afghan. Le retrait, dans ces conditions, de nos forces combattantes a commencé.
Ce retrait – pour illustrer l'éthique qui est celle de la République – ne signifie naturellement pas un abandon du peuple afghan. L'Afghanistan a besoin d'aide. Nous connaissons tous sa fragilité : l'espérance de vie des Afghans est aujourd'hui de quarante-quatre ans à peine ; la violence et la corruption y sont partout présentes ; un grand nombre de droits fondamentaux y sont quotidiennement bafoués.
La France ne doit pas pour autant ne pas être fière des résultats de sa présence depuis onze ans en Afghanistan.
Des progrès ont été accomplis. Le pays est désormais doté d'une constitution. Une armée et des forces de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'hommes ont été mises en place. Certes, leur État est loin d'être parfait, mais n'oublions pas que nous sommes partis de zéro en la matière.
L'enseignement a, lui aussi, progressé, notamment celui des jeunes filles – il était inexistant sous les talibans. Pour ce qui est de la santé, 90 % des enfants sont aujourd'hui vaccinés contre la poliomyélite, contre à peine un quart avant l'intervention de la coalition. Aujourd'hui, 85 % de la population a accès à un dispensaire médical, ce qui est fondamental pour la santé non seulement physique, mais également morale de la population, contre 9 % seulement en 2002.
L'aide internationale a obtenu des résultats importants. Elle ne doit évidemment pas être interrompue, et tel est le souci de la France. C'est dans cette perspective que le traité franco-afghan qui nous est soumis revêt une très grande utilité.
Ce texte envisage plusieurs projets et actions, le détail de leur mise en oeuvre étant renvoyé à des programmes de cinq ans. Le premier de ces programmes directement applicable a été signé le 27 janvier 2012, en même temps que le traité, et neufs secteurs de coopération sont envisagés.
Le premier, bien entendu, concerne la défense. La France s'y est particulièrement investie depuis dix ans, en particulier au niveau de la formation des soldats.
Le deuxième secteur couvert par le traité du 27 janvier 2012 est la coopération en matière de sécurité intérieure, domaine qui se rattache tout naturellement à celui de la défense. La France s'engage à aider l'Afghanistan à créer une gendarmerie – nous avons en effet une très grande tradition dans ce domaine. Elle poursuivra ses missions de formation en matière de police judiciaire, de lutte contre la criminalité organisée et les trafics.
L'enjeu est d'importance, notamment en matière de lutte contre la drogue, laquelle entrave sérieusement le développement de l'économie afghane et mine les efforts de reconstruction du pays.
Le troisième secteur couvert par le traité franco-afghan est l'agriculture. Jusqu'à présent, ce secteur a été le principal bénéficiaire de l'aide bilatérale apportée par la France, qui est elle-même une nation de grand savoir en matière agricole.
Afin de poursuivre cette coopération, il est notamment envisagé d'aider l'Afghanistan à créer un réseau de lycées techniques agricoles et de mettre en place un plan d'aide à la création de coopératives agricoles.
La santé est le quatrième domaine couvert par le traité d'amitié. Les objectifs sont ambitieux. Ils visent à aider l'Afghanistan à sortir de la situation sanitaire médiévale dont souffre son peuple. Il est prévu que l'Institut médical français pour l'enfant – un beau symbole –, créé en 2006 à partir de fonds privés et soutenu par la France, joue un grand rôle en la matière.
Le traité évoque ensuite l'éducation et la recherche. C'est un domaine emblématique de la coopération franco-afghane, tout comme l'est celui de la culture et de l'archéologie. L'accent est en particulier mis sur l'enseignement de la langue française, ainsi que sur les lycées Esteqlal et Malalaï de Kaboul. Pendant des décennies, ces établissements prestigieux ont, le premier depuis 1922 ou 1923, formé l'élite francophone de l'Afghanistan.
En matière de culture et d'archéologie, le traité souligne la nécessité de faciliter les activités de l'Institut français d'Afghanistan – qui joue un grand rôle pour le prestige de notre pays, non seulement en Afghanistan, mais dans le monde – et de la Délégation archéologique française en Afghanistan, fondée, elle aussi, en 1922 par le biais d'emphytéoses d'une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans.
L'administration et l'État de droit forment le septième secteur de coopération cité par le traité. Les coopérations menées jusqu'à ce jour par la France seront maintenues. C'est notamment le cas s'agissant du parlement afghan. Depuis 2004, ce dernier entretient des relations avec notre assemblée. Il y a à peine un mois, deux de nos administrateurs étaient à Kaboul pour assurer des formations de rédaction de textes de lois et de sensibilisation aux enjeux des réformes électorales.
Huitième secteur de coopération entre la France et l'Afghanistan : les infrastructures.
La France a particulièrement aidé ce pays dans ce domaine : c'est le cas notamment en Kapisa et dans le district de Surobi où nos combattants se trouvaient et où la France a gardé des responsabilités particulières. Il est envisagé que notre pays poursuive les actions menées sous son égide.
Enfin, le dernier secteur de coopération cité par le traité est l'économie. Il y a là une marge de manoeuvre importante : les relations commerciales franco-afghanes sont aujourd'hui marginales. Pourtant, l'Afghanistan est susceptible d'offrir des perspectives intéressantes dans le secteur de la construction – on peut l'imaginer tant pour ce qui est de la construction que de la reconstruction dans un pays en guerre –, des hydrocarbures – dont le pays est riche – ou de l'eau qui est évidemment nécessaire.
Le secteur minier, souvent cité parmi les principales opportunités du pays, a déjà été largement préempté par l'Inde et la Chine, principaux consommateurs de minerais dans le monde. En échange de ses engagements, la France a obtenu les traditionnelles exemptions fiscales, inviolabilités et immunités de juridictions qui bénéficieront à ses coopérants. L'Afghanistan s'est bien évidemment engagé à lutter contre toute menace émanant de son territoire et visant nos intérêts, mais aussi à coopérer en matière de lutte contre la drogue et le terrorisme. Il est indispensable que ces objectifs soient officiellement rappelés et endossés par les plus hautes autorités afghanes. Si notre pays entend demeurer au côté de l'Afghanistan, il serait inconcevable de continuer dans cette voie s'il redevenait un sanctuaire du terrorisme international ou si ses gouvernants décidaient d'entrer dans un intolérable double jeu à nos dépens.
Je viens de vous décrire succinctement un traité ambitieux, mais comme nous tous ici, je n'ai pas de certitude quant aux conditions dans lesquelles il sera mis en oeuvre. Nous devrons notamment affronter une situation budgétaire tendue chez nous.
La deuxième ombre qui pèse sur le traité, c'est la violence. Sur ce point, la situation sécuritaire de l'Afghanistan s'est considérablement dégradée depuis 2006.
Enfin, on peut se poser la question cruciale de savoir si l'Afghanistan parviendra à surmonter le départ de la coalition en 2014. Peut-on espérer que l'Afghanistan réussira à progresser vers une relative normalité et à s'éloigner du modèle du narco-État vers lequel il a tant dérivé ?
La réponse à ces questions dépend beaucoup de l'Afghanistan, mais aussi de son voisin le Pakistan, qui ne doit plus être un manipulateur, mais désormais saisir la chance historique de devenir un facilitateur et de contribuer à la stabilisation et à la pacification de la région dans son propre intérêt.
En dépit de ces doutes sur l'avenir, la commission des affaires étrangères a estimé que le traité que nous examinons cet après-midi peut constituer un cadre positif pour l'avenir des relations franco-afghanes et conforme aux idéaux de la République et au comportement attendu de la France. Elle a donc adopté le projet de loi autorisant sa ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées.
, rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, chargé du développement, mes chers collègues, voilà plusieurs années que je suis tout particulièrement notre engagement militaire en Afghanistan. Je me suis rendu à quatre reprises sur ce théâtre entre 2008 et 2011, notamment à la suite de l'embuscade d'Ouzbine, pour partager le quotidien du 8e RPIMA de Castres, ou encore dans le cadre d'une mission d'information sur les actions civilo-militaires menées avec notre collègue Guy Chambefort, que je salue.
C'est donc avec un intérêt tout particulier que j'ai travaillé sur ce projet de traité, même si je regrette que l'Assemblée nationale dispose de si peu de temps – quinze jours – pour étudier un sujet aussi crucial, alors que la partie afghane semble, elle, prendre son temps pour le ratifier.
Outre l'envoi dès 2002 de ses forces spéciales, la France a pris une part active à la formation de l'armée nationale afghane. Elle contribue fortement à l'objectif des autorités afghanes et de l'OTAN de former 150 000 hommes. Le dispositif EPIDOTE nous permet d'entraîner directement les élites militaires et les futurs officiers. Notre pays a également initié un programme de formation de la police de l'ordre public afghane, qui pourrait s'apparenter à terme à une force de gendarmerie mobile afghane.
Parallèlement aux actions de formation, la France est également présente au combat. En 2008, au sommet de Bucarest, elle a pris la responsabilité de la Kapisa, à l'est de Kaboul. Il s'agit d'une région clé, qui verrouille l'accès à la capitale. Dans le même temps, notre pays a également reçu la responsabilité du district de la Surobi, une zone difficile, contiguë à la Kapisa. C'est dans ce secteur, dans la vallée d'Ouzbine, que dix soldats, dont huit du 8e RPIMA de Castres si cher à mon coeur, sont tombés dans une embuscade.
Au final, notre investissement a donné de bons résultats : formation de 25 000 soldats et de 8 000 policiers, sécurisation de l'accès à Kaboul, développement humain en termes d'éducation et de santé – cela a été dit – et d'infrastructures, au travers des routes etc.
Sur le plan budgétaire, cette intervention a représenté plusieurs centaines de millions d'euros de surcoût OPEX.
Surtout, la France a payé le prix du sang : quatre-vingt-sept de nos soldats y sont morts et plus de 700 ont été grièvement blessés. Qu'il leur soit ici rendu hommage.
Le nouveau Président de la République a décidé d'accélérer le retrait de nos troupes. Les forces combattantes auront quitté le territoire afghan en 2012 et les autres seront de retour en France d'ici fin 2014. Bien que j'aie désapprouvé cette décision, elle a été validée par le suffrage universel et le retrait est aujourd'hui en marche. Le traité accompagne le nouveau partenariat que nous devons maintenant construire.
Les questions de défense et de sécurité n'occupent qu'une partie du texte, plus précisément son article 3. Le traité organise trois commissions mixtes, permettant une concertation régulière à haut niveau dans ces deux domaines. Il préconise la mise en place de coopérants auprès des autorités ; des efforts de formation en Afghanistan et en France ; un partenariat renforcé dans les domaines de sécurité ; le fonctionnement de l'hôpital militaire de l'OTAN à Kaboul, au moins jusqu'en 2014 ; enfin, une contribution au laboratoire européen de lutte contre les engins explosifs improvisés.
Ces préconisations correspondent à un travail déjà engagé et planifié jusqu'en 2016. Toutefois, je tiens à exprimer solennellement mon inquiétude quant à leur financement, dont le coût est estimé à 88 millions d'euros d'ici à 2016.
Si, globalement, toutes les actions pourront être financées en interministériel par le BOP OPEX – le budget opérationnel de programme des OPEX – jusqu'au retrait définitif de nos troupes, c'est-à-dire en 2014, rien ne semble clairement défini concernant les années suivantes.
Comme tous les autres domaines mis en avant dans le traité dont l'agriculture, l'éducation ou encore l'archéologie, la coopération en matière de défense et de sécurité relèvera de l'action extérieure de l'État et devra être financée par le ministère des affaires étrangères, ainsi que par l'Agence française de développement.
Les perspectives d'évolution des forces de sécurité afghanes – armée et police – sont inquiétantes. En particulier, j'ai relevé que la coalition s'efforçait d'atteindre l'objectif de 350 000 personnels en uniforme à la fin de cette année, tout en planifiant une décroissance de ces mêmes effectifs pour atteindre 228 000 en 2015. Cela me semble extrêmement préoccupant, car nous ne savons pas ce que deviendront les 120 000 personnels mis de côté. Ne seront-ils pas tentés de succomber aux sirènes financières de la rébellion ?
Autre point d'inquiétude majeur, le financement des soldes. En effet, les États-Unis considèrent que nous devons les aider à financer les soldes des soldats et des policiers au cours de la décennie. Ils en estiment le coût actuel à 4,1 milliards de dollars par an et souhaitent que la France prenne en charge au moins 10 % de cette somme entre 2015 et 2017, soit plus d'un milliard d'euros en tout. Cela n'est ni possible ni acceptable. Dans la conjoncture difficile que nous connaissons, la France a déjà fait beaucoup pour la coalition et le redressement de l'Afghanistan.
Elle ne saurait, en outre, se substituer à des bailleurs tels que l'Union européenne, dont elle est l'un des premiers contributeurs,…
…ou les pays non engagés militairement, comme le Japon et les pays du Golfe, qui, eux, n'ont pas payé le prix du sang.
Au moment où nous nous attendons à une forte baisse des crédits de défense, il serait difficilement compréhensible que nous financions chaque année l'armée afghane avec l'équivalent d'un programme d'armement.
J'aurai donc, monsieur le ministre, deux questions précises : le budget de la défense sera-t-il mis à contribution pour financer la coopération avec l'Afghanistan au-delà de 2014 ? La France va-t-elle répondre favorablement à la demande des États-Unis de financer les soldes des soldats et policiers ? Si oui, dans quelle proportion ? Je ne vous cache pas que ces deux points préoccupent particulièrement la Commission de la défense.
Il n'en reste pas moins que ce traité permet de faire évoluer les relations franco-afghanes en prenant acte du retrait de nos forces et en passant d'une aide essentiellement militaire à une coopération à dominante civile. Le processus est difficile et demande une volonté politique forte.
Il nous faut encourager cette démarche. La commission de la Défense a donc émis un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.).
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la ratification de ce traité va consacrer l'entrée des relations franco-afghanes dans une étape nouvelle, celle d'un partenariat sur le long terme et de coopérations essentiellement civiles pour contribuer au développement économique et social de l'Afghanistan.
La communauté internationale et les autorités afghanes ont décidé ensemble un processus de transfert progressif des responsabilités de sécurité au gouvernement afghan. C'est dans ce contexte que le Président de la République a ordonné le retrait de nos troupes combattantes d'Afghanistan d'ici à la fin de l'année.
Cette décision, comprise par nos alliés et approuvée par le gouvernement afghan, était attendue. Elle était aussi nécessaire, car la stratégie d'implication militaire supplémentaire décidée à partir de 2008 conduisait à une impasse.
Je tiens, à mon tour, après le ministre et nos rapporteurs, à rendre hommage à nos soldats, qui ont fait preuve d'un engagement sans faille et d'un courage admirable. En effet, quatre-vingt-sept d'entre eux y ont perdu la vie et plus de 700 y ont été blessés, souvent avec des séquelles très lourdes.
La transition définie en 2010 et accélérée par le Président de la République ne signifie pas, bien sûr, abandon. L'Afghanistan doit être aidé et la France n'entend pas se dérober. Les femmes afghanes, en particulier, doivent continuer à être soutenues sans interruption par la communauté internationale et par notre pays. Je remercie le ministre d'avoir insisté sur ce point.
Le traité de coopération et d'amitié constituera l'instrument privilégié de cette aide. Le ministre des affaires étrangères et nos rapporteurs nous en ont décrit les principaux apports, je n'y reviendrai pas. Ce qui importe maintenant, c'est sa mise en oeuvre, qui ne sera possible que si certaines conditions sont réunies.
Cela passe d'abord par une réussite du processus de réconciliation engagé, à partir de 2010, par le président Karzaï. Un cadre a été établi avec des lignes rouges et des contacts ont été pris avec certains membres de l'insurrection. Le chemin est difficile, il n'en constitue pas moins la voie la plus probable vers la stabilisation de ce pays.
Les résultats dépendront également des pays voisins de l'Afghanistan. En effet, la paix dans la région ne sera possible que le jour où tous les acteurs auront compris qu'il est de leur intérêt d'avoir un Afghanistan stable.
Je pense d'abord, bien sûr, au Pakistan qui, nous le savons tous, entretient des relations difficiles avec son voisin afghan…
… et porte une responsabilité certaine dans les soubresauts que ce dernier éprouve. Il importe désormais que ce pays puisse vivre libéré de l'obsession d'être pris en tenaille entre l'Inde et l'Afghanistan. Les deux États ont de solides intérêts croisés.
Le Pakistan est le principal partenaire de l'Afghanistan et la voie de transit naturelle pour les exportations et importations afghanes, comme l'a d'ailleurs consacré un accord entre les deux pays signé en février 2011. La balle est aujourd'hui dans le camp du Pakistan. Évidemment, les problèmes à prendre en compte sont encore nombreux et complexes, mais jamais l'Afghanistan ne sera en paix si le Pakistan ne le veut pas.
Quant à l'Inde, elle cultive traditionnellement des relations étroites avec Kaboul, symbolisées par le partenariat stratégique conclu entre les deux pays en octobre 2011. L'Inde, nous le savons, est très active sur le plan minier. Elle apporte également une aide importante et diversifiée, qui pourrait utilement croître au fur et à mesure du retrait de la présence internationale sur le sol afghan.
Mais cette perspective suscite des crispations des grandes puissances environnantes, notamment du Pakistan, de la Russie et de la Chine. Il y a là un risque de déstabilisation supplémentaire auquel il convient d'apporter la plus grande attention.
La Russie et la Chine ont bien sûr un rôle important à jouer. La première entretient aujourd'hui des relations plutôt distantes avec l'Afghanistan ; elle n'en est pas moins incontournable, aux côtés des républiques d'Asie centrale, en particulier pour la lutte contre le trafic de drogue ou le terrorisme.
Quant à la Chine, elle a le plus grand intérêt à la stabilité de l'Afghanistan, elle qui a conclu, à la mine de cuivre d'Aynak, le plus gros investissement jamais réalisé dans ce pays.
Enfin, n'oublions pas l'Iran, qui peut contribuer à la stabilité afghane. Comme nos collègues Jean Glavany et Henri Plagnol l'ont souligné il y a trois ans, dans un rapport d'information de la commission des affaires étrangères, il est impératif d'intégrer l'Iran dans le processus de paix. Certes, la chose est encore moins évidente aujourd'hui, mais on ne peut l'occulter pour autant.
Tous les voisins de l'Afghanistan ont aujourd'hui un intérêt objectif à sa stabilité. Il appartient à la communauté internationale de veiller à ce que tous les partenaires puissent intégrer cette préoccupation.
Le retrait de la présence militaire internationale et de celle de notre pays n'équivaut pas à un abandon, je le redis. C'est le sens de notre démarche, que vous approuverez, je l'espère, en autorisant la ratification du traité qui nous est soumis (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.
J'ai le sentiment que nous menons ce débat dans une certaine hypocrisie et peut-être beaucoup de naïveté, tant le principe de réalité est contradictoire avec les objectifs de ce traité, qui sont bien évidemment pétris de bonnes intentions (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.).
Nous, écologistes, nous nous sommes continuellement opposés à ce qui se passe depuis 2001, en protestant contre l'envoi de troupes militaires françaises en Afghanistan et contre le fait que l'Assemblée nationale n'ait été consultée qu'après la décision du Gouvernement, alors que notre représentation nationale devrait pouvoir donner son avis sur la projection de troupes à l'extérieur de notre territoire.
Nous avons donc toujours tenu une position cohérente, que je vais essayer à cette tribune de défendre.
Nous avons en effet toujours défendu l'idée que la guerre est à la fois un échec militaire, un échec politique et un échec stratégique.
La guerre est un échec militaire, il suffit de regarder l'état de l'Afghanistan aujourd'hui pour s'en persuader. Nous célébrons les vertus du président Karzaï, mais il ne règne aujourd'hui que sur Kaboul, voire sur une petite partie de Kaboul. Nous savons que les seigneurs de guerre ont repris le pouvoir et que l'Afghanistan est redevenu le premier producteur de pavot au monde. Nous savons surtout que ce n'est pas la solution militaire qui pouvait apporter l'apaisement à l'Afghanistan, mais une conférence régionale, sous l'égide de l'ONU, associant les deux pays qui ont besoin de l'Afghanistan comme une sorte d'arrière-cour pour le combat qu'ils mènent, l'Inde et le Pakistan. Ces deux pays étant dotés de l'arme nucléaire, on ne peut pas traiter l'Afghanistan uniquement par la solution militaire.
Nous avons raison d'exprimer notre compassion vis-à-vis des quatre-vingt-sept militaires décédés et des 700 blessés, mais pourquoi et à quel prix ?
L'intervention militaire en Afghanistan est bien un échec politique. La première intervention, voulue par les Américains en réponse à la catastrophe des Twin Towers…
…et qui visait à éradiquer le terrorisme, n'a finalement servi à rien, puisque ce même terrorisme se réfugie aujourd'hui dans les zones tribales frontalières du Pakistan, dont le régime militaire mène un double jeu.
En conséquence, ce principe de réalité, que j'évoquais au début de mon intervention, laisse extrêmement songeur quant à l'avenir de l'Afghanistan. Comme d'habitude dans ce type de situation, ce sont les populations civiles qui en seront les premières victimes et qui, malheureusement, vont le payer très cher.
Ce pays est un pays blessé, qui vit dans la douleur depuis l'intervention russe sur le territoire afghan et il y a fort à parier que nous aurons encore beaucoup de difficultés à y apporter la pacification.
Ce traité, bien sûr, chacun d'entre nous va se dire prêt à le signer, tant les relations entre la France et l'Afghanistan, déjà évoquées, sont historiques. Je pense en particulier au lycée de Kaboul, mais aussi à ce qui a été détruit par les talibans : le cinéma et la bibliothèque de Kaboul. Toutes ces atteintes à la culture ne sont pas de bons signes pour l'avenir de l'Afghanistan.
L'intervention est donc un échec militaire – cinq soldats de l'OTAN ont encore été tués la semaine dernière – et un échec politique – souvenons-nous que les très proches du président Karzaï ont été assassinés il n'y a pas très longtemps. C'est, enfin, un échec stratégique, puisqu'on ne choisit pas la voie de la diplomatie en associant le Pakistan et l'Inde, mais la voie militaire, qui est dévastatrice.
Quant au traité lui-même, quelques articles peuvent nous inciter à le voter, tel l'article 3, qui prévoit l'institution d'une gendarmerie et la lutte contre la corruption.
C'est franchement risible quand on voit le niveau de la corruption dans ce pays – et la faiblesse de ce traité pour la combattre –, tant les multinationales du crime y sont à l'oeuvre et tant la culture du pavot, de la même manière qu'en Colombie, arrose l'ensemble du monde.
L'article 4 est plus intéressant puisqu'il concerne l'agriculture. L'Afghanistan est en effet un pays de petite agriculture, dans des zones très difficiles. Il faut donc aider les paysans à sortir de la dépendance du pavot, dont ils sont aujourd'hui dépendants comme les paysans colombiens le sont de la culture du coca. La priorité doit surtout être de permettre à l'Afghanistan et à son agriculture d'assurer l'autosuffisance du pays. Nous en sommes encore loin.
Les articles 5, 6 et 8 traitent principalement de l'accès aux soins, de l'éducation et de la question des femmes. Souvenons-nous de la disparition de la principale défenseure du droit des femmes, Hanifa Safi, et de l'assassinat, il y a quelques semaines à peine, d'une femme accusée d'adultère. La condition des femmes afghanes – il n'est pas besoin de le rappeler ici – est extrêmement difficile. Nous devons rendre hommage à leur courage. Certaines d'entre elles siègent au Parlement afghan, mais avec beaucoup de difficultés. Quand l'on examine au plus près la réalité de la vie des femmes en Afghanistan, on leur doit d'être solidaires et au plus près de leur très difficile combat.
Lors de la précédente législature, nous avions reçu à l'Assemblée nationale des représentantes de la cause des femmes en Afghanistan et nous avions pu toucher du doigt la gravité de la situation de ces dernières dans ce pays.
L'article 9 concerne les ressources afghanes, en particulier l'eau. L'eau est un bien commun, pas seulement une marchandise – cela est vrai au-delà de l'Afghanistan. Mais évitons d'ouvrir la porte aux seules grandes entreprises qui, même si elles ne font pas de greenwashing, s'engraisseront sur le dos des Afghans. Après dix ans de guerre, les pollutions des nappes phréatiques sont massives, l'essentiel des forêts afghanes a été détruit et de nombreuses zones impropres à la culture mobiliseront des moyens considérables pour leur dépollution.
Voilà encore l'un des effets de la guerre ! Au-delà de l'échec stratégique, militaire et politique que j'évoquais, cette guerre est donc aussi un échec en termes d'environnement.
Au nom des écologistes, je ne peux à cet égard que me plaindre du fait que les questions d'environnement soit quasiment totalement absente du traité d'amitié et de coopération dont nous discutons. Si nous avions voulu aider les Afghans de la meilleure manière, cela aurait pourtant dû aussi passer par cette voie. Dans ce pays d'accès difficile, la nature rétive doit chaque jour être maîtrisée. Nous aurions dû avoir pour priorité de traiter la question environnementale, ce qui ne sera pas le cas puisque nous devons discuter du traité en l'état.
En émettant toutes les réserves que je viens de vous présenter, les écologistes voteront, sans aucune illusion, le projet de loi autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d'Afghanistan. Ils le feront en sachant pertinemment que la France cherche à s'attribuer le beau rôle, peut-être même à se donner bonne conscience, alors qu'en matière de relations internationales, dans un pays saigné par la guerre,…
…la bonne conscience ne suffit pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
L'Alliance atlantique a décidé, lors de son sommet de Chicago, que la totalité des forces qu'elle avait engagé militairement aurait quitté l'Afghanistan à la fin de l'année 2014.
Ainsi que vous le savez, la France a décidé de retirer ses forces combattantes à la fin de l'année 2012. Pour autant, pour nous comme pour d'autres nations de l'Alliance, la présence de personnels militaires et civils se prolongera dans ce pays et l'objet de ce traité consiste à définir les objectifs et les conditions de cette coopération.
À cet effet, les dispositions prévues sont classiques et, sans qu'il soit utile de mener une étude comparative, on peut penser qu'on les retrouverait au mot près dans bien des traités de ce type passés par la France avec des pays amis du monde entier. Mais ce qui n'est pas classique du tout dans cette affaire, c'est précisément l'Afghanistan.
L'histoire de ce pays est telle que le mot de paix ne peut lui être appliqué, sauf peut-être pour une partie du siècle dernier, et encore avec beaucoup de nuance, sous le règne du regretté roi Zaher Shah.
Je crois tout de même qu'il serait bien difficile d'utiliser le mot « paix » pour qualifier l'histoire de l'Afghanistan depuis 2 000 ans.
En tout cas, les trente dernières années ont vu plusieurs guerres opposer dans des rapports complexes et évolutifs les différents peuples afghans, les tribus ou les factions et les forces directes ou indirectes de grandes puissances étrangères, sans évoquer l'argent venu successivement ou concurremment des pays arabes et de l'Occident, ni le rôle complexe et paradoxal du Pakistan voisin à qui l'Occident reproche aujourd'hui, sans doute à juste titre, d'avoir aidé les talibans – en oubliant que c'était à la demande expresse des États-Unis et avec son argent, du moins dans les premiers temps, que le Pakistan agissait. À ce sujet, je signale que, dans les zones tribales du Pakistan et d'Afghanistan, on dénombre de 400 000 à 500 000 personnes venant de pays musulmans qui, fortes de moyens importants, représentent un trouble considérable pour la paix.
Nous nous trouvons donc dans une situation d'une rare complexité à la confluence des intérêts divergents de grandes puissances géopolitiques ou financières, au coeur de conflits ethniques et de luttes d'influences culturelles et religieuses, dans une zone où se rencontrent les traditions indo-persanes, turco-mongoles et, parfois et plus récemment, arabes.
Cette complexité, cette implication des grandes puissances, cette fascination pour ce pays singulier n'est pas nouvelle. Sans remonter à Alexandre le Grand, on rappellera utilement ce que fut le Great game au dix-neuvième siècle, c'est-à-dire la rivalité anglo-russe dans cette région, ou l'influence du wahhabisme venu d'Arabie pas encore Saoudite dès le début du dix-neuvième siècle dans la frontière du Nord-ouest de l'Inde, telle qu'elle a été décrite dans le célèbre ouvrage de William Hunter The indian musalmans dès 1876.
Aujourd'hui, les troupes occidentales se retirent sans avoir véritablement pacifié le pays et, si l'on se réfère au critère classique de maîtrise du terrain à la fin du combat, on peut dire que nous avons perdu cette guerre puisque les troupes de la coalition ne tiennent que très imparfaitement une très petite partie du territoire utile de l'Afghanistan. Je ne parle évidemment pas de cette partie du pays qui n'est peuplée que par les rapaces de haut vol et par quelques animaux himalayens.
Le gouvernement du pays n'a qu'une autorité très relative et son comportement le prive de toute considération – c'est un euphémisme – de la part de la plus grande partie de la population. L'économie officielle dépend essentiellement des dépenses des troupes étrangères sur place et de l'aide internationale. On estime que plus de 95 % du PIB officiel de l'Afghanistan, qui est de l'ordre de 15,7 milliards de dollars, provient de ces deux sources. Reste l'économie parallèle de la culture de l'opium, dont on rappellera que l'Afghanistan est de très loin le premier producteur mondial avec plus de 90 % de la production mondiale – sa position dominante est toutefois en léger repli pour des raisons qui ne sont malheureusement pas honorables.
Que deviendra l'aide internationale après le retrait ? Sur le papier, elle se maintiendra à un niveau élevé, mais on peut en douter grandement lorsque l'on sait que les pays impliqués sont confrontés à la plus grave crise financière qu'ils aient jamais connue. Dans le meilleur des cas, l'aide internationale ne représentera pas le même apport que les dépenses locales des troupes étrangères puisque, pour parvenir à un tel niveau, il faudrait sans doute doubler le niveau de l'aide actuelle.
Par ailleurs, les ethnies et les factions autres que pachtounes ont reconstitué une nouvelle Alliance du Nord avec notamment le frère du regretté commandant Massoud, le général Abdul Rashid Dostom et un représentant de l'ethnie Hazara, alors que des mouvements ou des milices anti-talibans se reforment et que la rumeur se répand de négociations secrètes entre le gouvernement, le Pakistan, les États-Unis et les talibans.
On est à l'évidence confronté au risque d'un effondrement plus ou moins rapide du régime…
… ou à celui de voir se reconstituer une situation de guerre civile durable ressemblant étrangement à celle qui a précédé l'invasion des alliés occidentaux. Les acteurs ne sont pas exactement les mêmes, la plupart sont morts, mais on retrouve parfois les mêmes noms à la tête de différentes factions. Dans un tel contexte, les dispositions de ce traité peuvent paraître quelque peu irréelles.
Sur le fond, il s'agit d'oeuvrer au développement sous diverses formes et de former les forces armées et la police de ce pays.
En matière de développement, sans être pessimiste, on peut imaginer un effondrement de la contribution globale de l'Occident, directement ou indirectement, ou à tout le moins une diminution drastique. Or on ne voit pas comment ce pays pourra rapidement retrouver une autre voie de développement. On peut penser aux mines, celles de lapis-lazuli sont magnifiques, et le sol afghan recèlerait des réserves d'hydrocarbures et d'autres ressources. Mais, malgré l'implication actuelle de nombreux pays et l'aide internationale, il est clair qu'une telle évolution ne sera ni simple ni rapide.
La production d'opium n'est même plus une solution puisque les seigneurs de la guerre afghans ont déjà constaté l'effondrement des cours de cette denrée imputable à la croissance effrénée de la production afghane. Ils en ont tiré les conséquences en contingentant la production, ce qui explique son léger repli.
Pour ce qui est de la formation des forces afghanes, je suppose que nous n'avons pas pour projet de leur apprendre l'art de la guerre qu'ils pratiquent depuis près de trois mille ans avec à leur actif le fait d'avoir combattu durablement, et avec succès, contre Alexandre le grand, Gengis Khan et leurs descendants respectifs, les Britanniques, les Soviétiques et, entre-temps, quelques autres dont les Iraniens, les Moghols de l'Inde et même les Bengalis !
Quant à leur apprendre le droit universel, les procédures juridiques et ce qui va avec, c'est un projet louable, mais il faut le relativiser puisque les autorités que je viens de citer s'y sont essayées pendant quelques siècles, chacune avec les péripéties et l'échec final que l'on connaît. Jusqu'à plus ample informé, le seul code juridique qui s'applique véritablement dans les zones tribales pachtounes en Afghanistan et dans les FATA – les zones théoriquement administrées par le gouvernement central du Pakistan –, reste ce que l'on appelle le pashtounwalli, c'est-à-dire l'équivalent local du bushido japonais.
Michel Vauzelle a, dans son excellent rapport, évidemment pointé et analysé toutes les difficultés que je vous ai brièvement exposées. Il l'a fait avec un esprit plus subtil et une présentation plus nuancée que la mienne – ce qui n'est d'ailleurs pas très difficile. (Sourires.) Néanmoins, sa conclusion est d'une clarté limpide : nous ne pourrons poursuivre l'action de coopération envisagée par ce traité que si la sécurité de nos coopérants est assurée. C'est la raison pour laquelle il demande, ce que l'on ne saurait trop approuver, que la représentation nationale, en particulier votre commission des affaires étrangères continuent à suivre cette affaire de près dans la durée.
Suivant et faisant siennes les conclusions du rapport, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur de la ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce traité d'amitié et de coopération entre la France et l'Afghanistan est ambitieux, mais sa mise en oeuvre n'est pas garantie.
Le retrait anticipé de nos troupes combattantes par rapport au calendrier initial a été une décision salutaire du Président de la République, François Hollande. Pendant de longues années, notre groupe politique était le seul à réclamer ce retrait. Le Parlement, cependant, aurait dû être associé à cette décision importante. Il reste des progrès à faire pour améliorer les prérogatives des parlementaires en matière de défense. Les décisions en la matière relèvent encore trop du seul Président de la République.
J'aurai bien sûr une pensée pour tous nos soldats tombés dans l'accomplissement de leur mission, pour tous les blessés, mais aussi pour toutes les victimes civiles et militaires afghanes de ce conflit, un conflit toujours patent. L'explosion, la semaine dernière, de vingt-deux camions de ravitaillement de l'OTAN, causée par une bombe posée par des talibans, montre que le sang coule et coulera encore dans ce pays. La paix est loin d'être gagnée.
Le développement économique et social de l'Afghanistan en est la condition de fond. Nous souhaitons donc que le pari du développement de ce pays soit remporté. Pour ce faire, il faudra, pour commencer, que ce pays retrouve un État stable. C'est la condition absolue de la réussite.
S'agissant des moyens, la conférence de Tokyo a permis d'obtenir une aide civile importante. Il est prévu que notre aide augmente de 50 %, pour atteindre 300 millions d'euros sur la période 2012-2016. Surtout, l'effort de la France devra être employé à bon escient et profiter le plus directement possible à la population – j'insiste beaucoup sur ce point. J'ai cru comprendre que c'était la volonté du Gouvernement français, il faudra être vigilant sur ce point.
La lutte contre la corruption, les trafics de drogue et contre le terrorisme doit être poursuivie. De la même manière, la démocratie, les droits des femmes, le respect des minorités doivent s'imposer avec force.
Nous approuvons tout ce qui va dans le sens du développement social, agricole, culturel, de l'enseignement, de la santé ainsi que de la protection du patrimoine archéologique. Les projets sont généreux et volontaristes, mais leur mise en oeuvre se heurtera aux dures et complexes réalités afghanes.
Le domaine économique soulève plus de questions. Monsieur le ministre, vous connaissez les risques d'une relation économique déséquilibrée. Toute coopération doit être mutuellement avantageuse, se tisser d'égal à égal, sous peine d'être rejetée tôt ou tard par les populations.
Or, d'après le traité, les autorités afghanes devront prendre les mesures nécessaires pour faciliter les investissements français et les activités de nos entreprises. Mais la réciproque est-elle vraie ?
Nous ne voulons surtout pas nous situer du côté des intérêts économiques français, mais plutôt considérer les problèmes dans leur globalité. Il est écrit que le traité permettra à nos entreprises de disposer de plus larges possibilités pour bénéficier du potentiel économique de l'Afghanistan, en particulier dans les secteurs des hydrocarbures et des minerais. Mais comment les profits serviront sur place au peuple afghan ? Comment seront-ils redistribués ? Comment seront-ils taxés ? Seront-ils rapatriés dans « des mallettes diplomatiques » afin de remplir sans amputation les coffres des actionnaires ?
Enfin, l'accroissement du volume des échanges commerciaux entre la France et l'Afghanistan est recherché. Mais quelle garantie avons-nous que les termes des échanges soient équilibrés afin d'assurer un développement équitable aux deux pays ? J'ai donc des craintes s'agissant de la coopération économique.
Ce traité marque incontestablement l'évolution de notre soutien du militaire au civil. On pourrait se satisfaire de ce changement de stratégie apparente, mais le texte comporte néanmoins un volet important de défense et de sécurité.
La présence de nos troupes ne répondait plus aux objectifs initiaux de la coalition. Quand l'armée et la police afghanes pourront-elles prendre le relais ? La pléthorique armée proche du président Karzaï assure un emploi et un revenu à une population démunie ; elle coûte cher et n'est pas à la hauteur des enjeux opérationnels de sécurité.
Le désengagement militaire américain n'est pas total, à Tokyo, la secrétaire d'État des États-Unis a officialisé pour l'Afghanistan le statut d'« allié majeur non-membre de l'OTAN », qui n'a rien d'anodin.
Même si la situation sécuritaire se stabilisait, il faudrait de toute façon aider l'État afghan, soutenu à bout de bras par les Américains. La conférence de Tokyo a estimé que plus de la moitié de l'aide budgétaire à venir devrait correspondre aux crédits nécessaires à l'armée et à la police. Cela en dit long sur l'état du pays.
Il faudrait être plus exigeant sur la gouvernance. La population afghane n'a guère bénéficié de l'aide internationale. Selon la banque mondiale, seulement 25 % de cette manne restent dans le pays. La qualité et la répartition de l'aide sont des critères essentiels. Les exigences en la matière sont insuffisantes pour lutter contre les trafics. Il faut aider à mettre sur pied une véritable administration. De ce point de vue, je suis sceptique sur les moyens financiers qui seront effectivement consacrés à la formation des cadres de l'administration et des professeurs.
Pour conclure, je dirai que la solution ne peut être que politique et diplomatique.
Le départ de nos troupes de combat se traduira par une période d'incertitude. Il faut réintégrer pleinement l'ONU dans la situation : elle doit reprendre le mandat qu'elle avait confié à la Force internationale d'assistance à la sécurité. À la France de proposer l'organisation d'une conférence régionale réunissant Iran, Pakistan, Inde, Chine ou encore la Turquie, parrainée par les États-Unis et l'Union européenne. Créons un nouveau cadre multilatéral sans répéter les erreurs du passé.
Tous les chantiers devront être menés simultanément, ce qui complique la tâche. Il faut à tout prix éviter le retour des extrémistes talibans et, bien entendu, abroger ce traité au cas où, par malheur, ils accéderaient au pouvoir.
Nous avons une responsabilité vis-à-vis du peuple afghan. Par conséquent, même si nous ne sommes pas convaincus par le fait de s'engager aussi rapidement dans une coopération aussi incertaine, avec un régime loin d'être stabilisé, et avec une vision de la coopération économique qui semble entièrement tournée vers la satisfaction du capitalisme français, le groupe GDR s'abstiendra.
En effet, nous souhaitons donner une chance à la paix et ne pas jouer les Cassandre alors que nous assumions pratiquement seuls, depuis des années, le choix de retirer nos troupes de combat.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui autorise la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la France et l'Afghanistan. Le Gouvernement a souhaité inscrire ce texte en session extraordinaire. Il en a demandé l'examen prioritaire. En procédant de la sorte, il a doublement bien fait.
Au-delà de l'amitié, au-delà des liens anciens établis par la France avec l'Afghanistan, qui doivent bien sûr être rappelés, il y a en effet un autre enjeu. Vous le connaissez tous, c'est celui de mettre un terme à un conflit décennal dans lequel nos soldats et nos armées ont été engagés. Cet enjeu, c'est celui de la paix, c'est celui du futur d'un peuple qui nous est cher, le peuple afghan. C'est aussi celui du bilan du combat contre le terrorisme, contre l'organisation Al Qaida qui avait là son refuge, et qui de là avait planifié l'attentat qui aux États-Unis a fauché des centaines de vies le 11 septembre 2001.
Pour toutes ces raisons, ce traité est important. Il signale une évolution et se propose d'organiser l'avenir d'une région du monde particulièrement fragile et instable. Il clôt une période ouverte à l'automne 2001 au lendemain des attentats de New York et de Washington. Il met un terme au travail sur le terrain afghan effectué avec efficacité par nos armées.
Il convient de rappeler ici, dans l'enceinte démocratique de l'Assemblée nationale, que, loin de chez eux et loin de chez nous, plusieurs dizaines de nos soldats, quatre-vingt-sept exactement, l'ont payé de leur vie. Ils sont morts pour nous, et 700 ont été blessés pour que jamais plus il n'y ait de 11 septembre 2001. Des milliers d'autres, aviateurs, chasseurs alpins, fusiliers marins, légionnaires, tirailleurs, ont donné le meilleur d'eux-mêmes depuis plus de dix ans, risqué leur vie, pour que nous puissions vivre en paix, en France, en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. N'oublions pas ceux qui sont tombés pour que nous puissions continuer à vivre au quotidien, n'oublions pas plus ceux qui par milliers ont passé des mois à pourchasser les bandes terroristes. Tous, ainsi que leurs familles, ont droit à notre reconnaissance, à celle de la représentation nationale comme à celle de la France.
La signature de ce traité – et sa mise en oeuvre – leur doivent beaucoup. Sans eux, les conditions de sa négociation, sa faisabilité, n'auraient peut-être pas été envisageables.
Négocier, signer, ratifier un traité d'amitié et de coopération, est un indicateur de normalité. L'Afghanistan est en effet aujourd'hui pour la France, comme pour les pays de la coalition ayant répondu à la légitime défense sollicitée par les Nations unies, un partenaire presque comme les autres – mais pas tout à fait, j'en conviens.
Je n'insisterai pas sur le fond du traité : nos collègues du Sénat, en particulier le rapporteur du projet, Jean-Louis Carrere, comme Michel Vauzelle, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et plusieurs de nos collègues ici ont bien décrit ses enjeux et sa portée. Ce traité marque le passage d'une période essentiellement militaire à une nouvelle étape, civile, dont les grands axes ont pour orientation, agriculture, éducation, santé, télécommunications et transports, échanges culturels, état de droit, sans oublier le cas particulier de l'évolution du droit des femmes.
Le texte, destiné à consolider la transition du pays vers une situation de paix, comporte par ailleurs un volet relatif à la coopération en matière de sécurité et de défense. Il prévoit aussi des dispositions particulières, et nécessaires, visant à assurer la sécurité des experts agissant sur le terrain en application des dispositifs et des objectifs qu'il a fixés.
Ce traité est donc révélateur d'un aboutissement. Celui de l'action menée sous le parapluie de l'ONU pour éradiquer la base logistique constituée par le groupe terroriste Al Qaida en Afghanistan. La coalition d'États ayant répondu en 2001 à cette demande a rempli cette mission. Al Qaida a cessé ses activités en Afghanistan, même si le Pakistan est tout proche. Son chef Oussama Ben-Laden est mort. Il convenait d'en prendre acte, de retirer les troupes qui avaient été déployées à cet effet, et de passer à une autre phase, celle de la coopération avec les autorités afghanes représentatives, respectueuses du droit et de la sécurité collective.
C'est l'aboutissement de l'engagement de la France tel que l'avait voulu le Premier ministre Lionel Jospin en 2001. La feuille de route, qu'il avait tenu à présenter au Parlement les 3 octobre et 21 novembre 2001 pour justifier l'envoi de troupes françaises, doit être relue pour bien comprendre les circonstances parlementaires de la ratification qui nous est demandée cet après-midi. Il avait alors déclaré : « Le Gouvernement a veillé à maintenir avec la représentation nationale des rendez-vous réguliers, depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001 (...) Dans le cadre de la légitime défense reconnue par la résolution 1368 des Nations unies une coalition a été constituée autour des États-Unis pour éradiquer le terrorisme (…) Dès le 1er octobre mon Gouvernement a présenté un plan pour l'Afghanistan (...) pour définir le cadre d'un avenir ».
Par la suite, les choses ont évolué, notamment à partir de 2008, et ont été marquées par un engagement toujours plus fort des troupes françaises dans les combats en Afghanistan, même si chacun savait que la solution n'était pas militaire.
Dès son entrée en campagne électorale, le 22 janvier 2012, François Hollande, candidat à la présidence de la République, avait exprimé une urgence et une nécessité. Il avait déclaré : « Il faut aussi avoir la lucidité d'affirmer, au-delà du dévouement des hommes là-bas pour leur pays, que notre mission est terminée. Elle avait été engagée il y a plus de dix ans par Lionel Jospin et Jacques Chirac dans un but précis, qui était de répondre à l'attaque terroriste sur les États-Unis. Je l'avais pleinement approuvée. Aujourd'hui, cette mission est achevée. Il est donc temps de décider le retrait qui s'impose (…) Je ferai en sorte que ce retrait se fasse en bon ordre, sans en aucune façon menacer la vie de nos soldats. » Ce retrait ne signifie pas pour autant un abandon des Afghans.
François Hollande a été élu. Il concrétise aujourd'hui les engagements pris pendant la campagne électorale. Le retrait de nos troupes a commencé. Le ministre des affaires étrangères nous demande au nom du Gouvernement d'adopter la nouvelle feuille de route matérialisant le cadre nouveau de la coopération de la France avec l'Afghanistan. L'urgence n'est plus celle des fusils. Elle est à la transition vers le développement et l'état de droit. La France peut et doit y contribuer.
Le groupe socialiste, républicain et citoyen, approuve cette démarche et ces objectifs. Il votera donc sans réserve le projet de loi autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d'Afghanistan, qui est cet après midi soumis à l'appréciation du Parlement. Il accompagne son vote favorable d'un certain nombre d'attentes pressantes formulées par nos collègues sénateurs comme par l'Union européenne et nous-mêmes : celle d'un contrôle de l'utilisation des fonds mis à la disposition des autorités afghanes ; celle d'engagements de ces autorités en faveur de la construction d'un état de droit ; celle d'assurer la sécurité des opérateurs extérieurs, venus de France, appelés à mettre en oeuvre la coopération renforcée inscrite dans la logique du traité ; celle, enfin, de donner une plus grande lisibilité à l'effort de la France. Des commissions mixtes sont bien prévues par le traité, mais leur composition n'est pas précisée.
Sur ces différents points, monsieur le ministre, les députés du groupe SRC souhaiteraient, avant de voter le traité franco-afghan, que vous puissiez leur confirmer la vigilance de la France au respect des engagements qui y figurent. Nous entendons aussi être associés au suivi annuel de sa mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, permettez-moi de regretter l'absence de M. Fabius pour la discussion d'un texte aussi important. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n'est pas la peine de s'émouvoir de la mort de quatre-vingt-sept de nos soldats et de dix années de guerre, de parler d'une phase nouvelle, si c'est finalement pour s'apercevoir que le ministre des affaires étrangères n'est même pas présent. C'est dire toute l'importance que le Gouvernement accorde à cette affaire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Cela étant, je me réjouis au nom de mon groupe de voir un aussi beau consensus se manifester sur ce traité franco-afghan qui a été signé par Nicolas Sarkozy et Hamid Karzaï le 27 janvier dernier à Paris.
C'est ensemble, gauche et droite – Lionel Jospin et Jacques Chirac – que nous sommes entrés en Afghanistan au lendemain de l'attaque du 11 septembre 2001 sur New York et Washington, au nom de la solidarité avec nos alliés et aussi parce que l'Afghanistan était devenue une base arrière du terrorisme mondial d'Al Qaida. Aujourd'hui, c'est ensemble que nous préparons l'avenir de l'Afghanistan en ratifiant ce traité signé par le gouvernement précédent.
Je me permets d'ailleurs de me féliciter des appréciations élogieuses du rapporteur, qui a considéré ce traité comme novateur – ce qu'il est, en effet – et précurseur, en termes de valeur juridique, par rapport aux accords signés avec les États-Unis ou le Royaume-Uni, inspirant même certains de nos partenaires européens. Le traité s'inscrit dans la durée, puisqu'il a été conclu pour une durée de vingt ans, et est ambitieux dans ses objectifs, répartis en neuf secteurs de coopération déjà détaillés précédemment et sur lesquels je ne reviendrai pas.
Ce texte doit nous permettre de trouver les voies et moyens d'aider le peuple afghan à sortir de trente années d'une guerre épouvantable, qui a décimé les élites du pays. Il doit nous permettre d'éviter la catastrophe que constituerait le retour d'Al Qaida à Kaboul – la pire des choses après onze années de sacrifices financiers et humains de l'ensemble de la communauté internationale. Il doit nous permettre, du moins je l'espère, d'endiguer l'explosion du trafic de drogue. Enfin – c'est un volet sur lequel nous devons encore travailler –, il doit nous permettre d'éviter que l'Afghanistan ne redevienne le champ clos de l'affrontement entre l'Inde et le Pakistan.
Je me suis rendu de nombreuses fois en Afghanistan en tant que président de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, en tant que parlementaire en mission d'information après l'attentat d'Uzbin – aux côtés de François Lamy, aujourd'hui membre du Gouvernement – ou encore en tant que premier représentant spécial de la France en Afghanistan. Connaissant bien ce pays, je m'étonne de l'analyse elliptique – pour ne pas dire biaisée ou amnésique – livrée par certains membres de l'actuel gouvernement sur l'action de ceux qui les ont précédés. Je ne comprends pas comment on peut se rallier à ce traité, le présenter comme une bonne chose, quand on a constamment critiqué lors des dix dernières années la politique qu'il sous-tend, en particulier lors des cinq dernières années l'action de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement en Afghanistan.
Je parlais d'analyse elliptique : à entendre en effet M. Vauzelle et M. Fabius, on a l'impression qu'entre deux périodes de lumières, celles de M. Jospin et de M. Hollande, on a traversé une période de ténèbres, celle de Nicolas Sarkozy qui, sous une soudaine impulsion, aurait décidé d'envoyer à nouveau des soldats français en Afghanistan en 2008, alors même que ses prédécesseurs – notamment M. Chirac et M. Jospin – étaient très réticents sur ce point. En réalité, que s'est-il passé entre 2003 et 2008, mes chers collègues ? Après la guerre en Irak et le départ des Américains d'Afghanistan, il y a eu un vide stratégique dans ce pays, qui a permis aux talibans de rétablir leurs forces. En 2008, la communauté internationale a ainsi dû faire face à un risque, celui de voir le gouvernement Karzai renversé par une rébellion reconstituée. D'où le sommet de Bucarest, qui a effectivement conduit la France à reprendre pied dans des zones stratégiques qui verrouillaient Kaboul, à savoir le district de Surobi et la province de Kapisa, et à engager nos forces, y compris aériennes, à Kandahar.
Pour avoir été présent de nombreuses fois avec nos soldats sur le terrain, je veux dire à quel point ces hommes ont rempli des missions extrêmement difficiles. L'Afghanistan, c'est vingt-cinq fois plus difficile et plus violent que la guerre d'Algérie ! À cet égard, nos soldats ont fait preuve de qualités extraordinaires…
…et je leur rends hommage pensant, en particulier, aux familles des quatre-vingt-sept soldats ayant donné leur vie, ainsi qu'aux 700 soldats blessés – moi qui ai bien souvent accompagné des blessés lors de leur retour en France, j'ai à coeur de ne pas oublier ce que nous avons accompli en Afghanistan.
Je le répète, il me paraît difficile d'en appeler maintenant à l'union nationale en faisant abstraction de ce qui a été fait auparavant. Si nous avons obtenu quelques résultats, c'est bien parce que nos soldats se sont battus, c'est bien parce que tant de sacrifices ont été consentis. Je me félicite d'avoir pris ma part dans l'action accomplie, notamment en préconisant de modifier le commandement militaire dans la région de Kapisa-Surobi – nous estimions en effet que l'ancien système était à l'origine de l'attentat d'Uzbin. La réforme mise en oeuvre, aboutissant à la mise en place d'un nouveau commandement opérationnel et à la création de la brigade La Fayette, a permis la réorganisation de l'aide civile autour de nos soldats, qui a obtenu de vrais résultats, ainsi que la relance de notre aide médicale à Kaboul, à laquelle participe le professeur Deloche, dans le cadre de l'Institut médical français pour l'enfant à Kaboul. Elle a également permis la relance de nombreuses collaborations, notamment culturelles et d'enseignement – je pense aux lycées Malalaï et Esteqlal.
Qualifier le travail accompli par nos soldats d'« impasse » – c'est le terme employé par MM. Hollande, Fabius et Vauzelle – par opposition à toutes les autres formes d'action qui, elles, seraient bonnes, est une aberration : quel sens y a-t-il à vouloir à tout prix établir une distinction, dans un pays en guerre, entre l'action de nos soldats et l'environnement, notamment économique, où ils évoluent ? J'y vois une contorsion intellectuelle difficilement acceptable. Ayez l'honnêteté de reconnaître que l'action militaire a été utile et que vous avez voté à tort, à deux reprises, contre le maintien de nos forces en Afghanistan !
En 2008, vous avez bataillé contre la réintégration de la France au commandement intégré de l'OTAN ; à ce sujet, j'ai demandé la semaine dernière à M. Fabius de nous faire connaître sa position quant au maintien ou au retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN, mais j'attends toujours sa réponse.
La même année, en septembre, M. Ayrault affirmait : « Je veux le dire d'emblée : la France ne peut pas, au regard des valeurs qu'elle défend, se désengager brutalement de l'Afghanistan. Nous ne votons pas contre la poursuite de l'engagement de la France en Afghanistan. » Les socialistes ont pourtant bien voté contre – comprenne qui pourra la position du parti socialiste sur l'Afghanistan depuis dix ans !
Aujourd'hui, je me félicite que vous soyez d'accord avec le traité que nous avons négocié, et que vous reconnaissiez, sous la plume du rapporteur, certaines avancées constatées en Afghanistan – entre autres, l'état de santé de la population et la scolarisation des enfants, en particulier des petites filles. Ces avancées ont été obtenues grâce à la mise en oeuvre d'une politique difficile, peu populaire, à laquelle un soutien de votre part aurait été le bienvenu – un soutien que nous n'hésiterons évidemment pas, en ce qui nous concerne, à apporter à la mise en oeuvre de la phase « post-2014 » dont il est aujourd'hui question.
En ce qui concerne le retrait anticipé d'Afghanistan, les socialistes ont opéré un revirement. Il y a quelques mois, leur candidat à la Présidence de la République promettait, du haut de son estrade, le retour de tous les soldats français pour la fin de l'année 2012 ; devenu Président de la République, il a aussitôt changé de discours en précisant que le retrait ne concernait que « les forces combattantes » françaises. Quelle évolution de Tulle à Washington ! Ayez l'honnêteté d'admettre que nous avions commencé à procéder au retrait des forces combattantes françaises avant même l'élection présidentielle – dès septembre 2011, pour être précis – et qu'à l'inverse, il y aura toujours des soldats français en Afghanistan en 2013, voire en 2014, car il y a énormément de matériel à rapatrier, dans des conditions très complexes.
Sur des sujets aussi importants, ne pourrions-nous pas tomber d'accord, en traitant les Français comme des adultes ? Assez de ces circonvolutions, de ces amnésies partielles, de ces supercheries de langage et de calendrier ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La vérité, mes chers collègues, c'est que nous abordons une nouvelle phase qui va dépendre d'au moins trois facteurs.
Le premier est l'engagement économique de la France, un aspect décisif : je me réjouis de voir que notre aide va passer de 40 millions d'euros à 50 millions d'euros par an – ce qui est toujours dix fois moins que ce que fait l'Allemagne, je le précise.
Le deuxième est la formation en matière de sécurité. Moi qui avais préconisé que la gendarmerie française, dont je connais la qualité, soit chargée de la formation de la police afghane, je me demande, comme l'a fait Philippe Folliot avant moi, quels crédits vont désormais être consacrés à cette mission, et ce qu'il va advenir de l'opération Épidote et de la présence de la gendarmerie française en Afghanistan après 2014.
Le troisième facteur est celui de la diplomatie : sur ce point, pouvez-vous nous préciser vos intentions en ce qui concerne l'Inde, le Pakistan, la Chine et l'Iran ? Le rapport de M. Vauzelle est muet sur ce point, et je n'ai pas non plus entendu beaucoup de suggestions de la part de M. Fabius.
Pour conclure, je veux dire qu'il est de l'intérêt de la France de ratifier ce traité, et me réjouis de voir que nous sommes une majorité au sein de cet hémicycle – et sur pratiquement tous les bancs – à penser la même chose.
Par ailleurs, je regrette que le consensus qui semblait possible ait été affaibli par des considérations de politique intérieure qui n'étaient vraiment pas nécessaires.
Enfin, comment ne pas être frappé par les similitudes entre ce qui se passe au sujet du traité franco-afghan et ce qui va se passer en septembre, lors de la ratification du traité sur la stabilité financière en Europe ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Alors qu'au cours des derniers mois, les socialistes n'ont cessé de combattre, au nom de la lutte contre l'austérité et pour la croissance, un traité que nous avions négocié, ils affirment, depuis le sommet qui a eu lieu fin juin, que ce traité prétendument renégocié serait devenu socialo-compatible – à tel point qu'ils comptent le présenter au Parlement en septembre !
Tout ce qui existait avant vous était mauvais, mais il suffit que vous arriviez au pouvoir pour changer radicalement d'avis !
Mes chers collègues de la majorité de gauche, vous devriez cesser de prendre les Français pour des imbéciles !
Il convient de conduire notre pays, qui se trouve dans une situation très difficile, avec un minimum d'honnêteté.
Je vous demande de traiter les Français comme les gens intelligents qu'ils sont, aussi bien quand vous leur parlez de la situation en Afghanistan que, demain, quand il sera question de la solidarité financière à l'égard de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui invités à débattre d'un traité historique dans les relations franco-afghanes : historique en ce qu'il scelle une coopération diplomatique de longue date entre la France et l'Afghanistan, historique en ce qu'il inscrit les relations de nos deux pays dans la durée – pour les vingt prochaines années –, historique, enfin, en ce qu'il constitue le premier traité de coopération signé par l'Afghanistan hors de sa région.
La signature de ce traité en janvier dernier s'inscrit dans le contexte bien particulier de l'achèvement du processus de transition et du retrait progressif de nos troupes avec, en trame de fond, la question de l'avenir d'un pays qui, de l'invasion soviétique en 1979 à l'arrivée au pouvoir des talibans en 2001, aura connu trois décennies de guerre. Le bilan de ces années d'atrocité est lourd pour l'Afghanistan, qui se place aujourd'hui parmi les dix pays les plus pauvres du monde. Le processus de reconstruction sera long, mais il revient désormais à l'Afghanistan de prendre son destin en main et c'est là tout le sens de ce traité de coopération et d'amitié.
En 2010, souvenons-nous, les chefs d'État et de gouvernement de l'Alliance se sont accordés sur la nécessité d'adopter une stratégie de transition en Afghanistan. À ce jour, le transfert de la Force internationale d'assistance à la sécurité aux dirigeants afghans de la responsabilité de la sécurité du pays est sur le point de s'achever. La mission de la FIAS va passer d'un rôle de direction des opérations de combat à un rôle de formation, d'assistance et de conseil. Il incombe désormais à la communauté internationale d'accompagner la reconstruction du pays, en privilégiant une coopération étroite entre les États.
De son côté, la France, engagée militairement en Afghanistan depuis 2001 sous mandat des Nations unies, s'apprête à procéder au retrait anticipé de ses troupes. D'ici à la fin de l'année 2012, 2 000 militaires français seront désengagés. Seuls 1 400 militaires français resteront sur le terrain afin d'assurer, courant 2013, le retrait du matériel et de poursuivre la formation de l'armée et de la police afghane.
À ce propos, je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour saluer le travail remarquable de nos soldats en Afghanistan afin de tenter de ramener ce pays à une situation d'État de droit et de lutter contre ce véritable fléau que constitue le terrorisme. Je tiens également à rendre hommage aux quatre-vingt-sept de nos soldats qui, au cours de ces onze années de présence de la France aux côtés du peuple afghan, ont payé de leur vie la défense des valeurs que porte la France.
Après ces longues années de présence occidentale, après ces décennies de conflit sur le territoire afghan, rien ne nous permet d'affirmer que la paix pourra être définitivement installée en Afghanistan. En effet, on peut légitimement craindre qu'au départ de la coalition, les zones rurales ne retombent sous le contrôle de la rébellion. On peut également craindre qu'en dépit d'un effort militaire considérable, la transition ne finisse par déboucher sur un affaiblissement des institutions de l'État afghan, la dislocation de l'État et, à terme, le glissement progressif du pays vers une nouvelle guerre civile. L'Afghanistan, théâtre des rivalités internationales, est un pays fragile qui souffre à la fois d'un déficit en matière de gouvernance et d'État de droit et d'une réelle instabilité politique.
À ces handicaps s'ajoutent la drogue et la corruption, véritables fléaux qui paralysent le pays, entravent le développement de l'économie, minent les efforts de reconstruction et nourrissent le terrorisme.
Dans ce contexte, espérons que le renforcement de la coopération internationale, régionale et bilatérale, impulsée depuis le lancement du processus d'Istanbul en novembre 2011 et amorcée par le présent traité, pourra améliorer de façon significative la situation actuelle du pays et permettre ainsi à l'Afghanistan d'entreprendre sa nécessaire reconstruction.
Ainsi, il est bon que la France – au moment où, en coordination avec ses alliés, elle réduit sa présence militaire, passant la main aux autorités afghanes – prévoie par le présent traité de renforcer la coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense, d'une part, et en matière civile, d'autre part.
Le traité comporte des projets emblématiques. Je pense à l'engagement de la France d'apporter son assistance en vue de la création d'une gendarmerie nationale afghane. Je pense encore à la volonté de la France de contribuer à la réduction du taux de mortalité maternelle et infantile, problème très préoccupant en Afghanistan.
J'ajouterai que le traité ne se résume pas à des actions de coopération : il entend permettre à la France de renforcer l'État afghan et l'efficacité de ses institutions. Ce point est essentiel, car – je l'ai évoqué précédemment – l'Afghanistan souffre de façon évidente de déficits en la matière.
Le traité devrait ainsi contribuer à la structuration de la société civile afghane en appuyant le fonctionnement de ses institutions et en portant une attention particulière à la protection des droits des femmes, notamment pour faciliter leur accès à la justice.
Mes chers collègues, ce traité constitue indéniablement un pari sur l'avenir et sur la capacité de multiples acteurs à assurer la stabilité et la paix dans cette région. Nous en convenons tous, cette tâche ne sera pas aisée.
Au nom des députés du groupe UDI, je considère que la reconstruction du pays est étroitement liée à l'instauration d'une véritable coopération bilatérale. L'aide internationale doit constituer un levier pour faire progresser l'Afghanistan dans la voie d'une meilleure gouvernance. C'est à ce titre que le groupe UDI soutiendra bien évidemment la ratification de ce traité d'amitié et de coopération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je voudrais d'abord dire, en réaction aux propos tenus tout à l'heure par M. Lellouche, que nous examinons un accord de coopération et que le ministre en charge de ce sujet est bien présent au banc du Gouvernement, lequel est donc parfaitement représenté. Je remercie également le ministre des affaires étrangères d'être venu nous présenter cet accord. J'observe d'ailleurs que M. Lellouche nous a lui aussi quittés après son intervention.
L'intervention en Afghanistan, décidée par le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin, avait au départ un objectif clair : lutter contre Al Qaida à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
En 2001, cette décision avait été prise dans le cadre des Nations unies, afin de chasser les talibans, de lutter contre le terrorisme et de permettre à l'Afghanistan de retrouver sa souveraineté.
Depuis 1922, la France a toujours été aux côtés du peuple afghan, même dans les moments les plus difficiles de son histoire. Ces quatre-vingt-dix années d'amitié entre nos deux pays vont désormais se poursuivre par la ratification de ce traité d'amitié et de coopération, qui prend toute son importance en créant de nouvelles étapes qui s'inscriront dans l'avenir de l'Afghanistan, mais aussi dans l'avenir commun de nos deux pays.
En effet, la signature, le 27 janvier 2012, du traité d'amitié et de coopération pour une durée de vingt ans entre les deux pays illustre le bien-fondé de nos relations historiques. Le contenu de ce traité a d'ailleurs fait l'objet de développements particuliers, mettant ainsi en lumière les huit grands domaines de coopération – défense et sécurité, relations économiques et investissements, coopération technique et culturelle, développement agricole et rural, ou encore développement institutionnel – entre l'Afghanistan et la France.
Je voudrais d'abord, comme nombre d'autres collègues, rendre ici hommage aux quatre-vingt-sept soldats français qui ont payé un prix fort pour défendre ce pays. J'adresse mes pensées à leurs familles et à leurs camarades. Je pense plus particulièrement au major Miloche, à son régiment – le 126e régiment d'infanterie de Brive – et à sa famille. Lui aussi a donné sa vie, comme quatre-vingt-six autres de ses camarades ; c'était en octobre 2010, pendant la mission des « Bisons de Brive » en Surobi.
Cette guerre longue – trop longue – a aussi, malheureusement, endeuillé des milliers de familles afghanes et causé trop de victimes parmi les civils.
Les finalités de la mission de la France en Afghanistan se sont peu à peu transformées. En effet, elles auront finalement été doubles. Comme l'a dit le président François Hollande, cette mission aura consisté à la fois à lutter « contre le fanatisme et la haine aveugle » et à « aider fraternellement un peuple à retrouver le chemin de sa souveraineté ».
Nous devons désormais passer d'une logique de soutien militaire au soutien à la construction d'un État assis sur des valeurs universelles et sur l'aspiration des peuples à la paix.
Le retrait des principales unités combattantes fin 2012, décidé par François Hollande, n'est pas un abandon. L'enjeu est désormais de prévoir la présence de la France différemment, utilement, avec, d'un côté, les activités de coopération militaire qui doivent rester, et surtout, de l'autre, ce qui doit prendre maintenant toute sa place, c'est-à-dire les relations économiques et culturelles. Il faut faire en sorte que nos deux pays puissent, conformément à leur histoire, continuer à permettre le développement de la démocratie et de l'économie, mais aussi d'une culture commune qui puisse nous rassembler autour de valeurs que nous partageons.
Le présent traité, signé le 27 janvier 2012 par l'ancien Président de la République, offre un nouveau cadre juridique à la coopération franco-afghane pour les vingt prochaines années. Il marque l'évolution du soutien français à l'Afghanistan d'une dominante militaire à une dominante civile.
En effet, ce traité vise plus globalement, une fois la phase de transition terminée – d'ici à la fin 2014 – à accroître la coopération civile, notamment dans les secteurs de l'agriculture, de l'éducation, de la santé, de l'archéologie et des échanges culturels, ainsi qu'à encourager les échanges économiques bilatéraux.
Néanmoins, les questions de sécurité et de défense demeurent importantes. La mise en oeuvre des projets et actions contenus dans le traité est prévue par des programmes correspondants, arrêtés d'un commun accord pour chaque période de cinq ans.
Lors de la réunion du 27 juin 2012 du Conseil de sécurité de l'ONU, le représentant de la France a rappelé que, conformément au plan de transition de ses zones d'opérations et au cadre défini par l'Alliance au sommet de Chicago, elle achèverait ses missions de combat à la fin 2012 pour se concentrer sur ses actions de formation des forces afghanes de sécurité.
Concernant plus spécifiquement les dispositions relatives à la coopération de sécurité et de défense définies à l'article 3 du traité, précisons qu'aucune clause d'assistance ou d'engagement automatiques en matière de défense n'est prévue.
Ce traité, en revanche, établit une coopération en matière de sécurité et de défense – dont l'étude d'impact précise qu'elle sera « adaptée à l'évolution de la situation sécuritaire en Afghanistan » – qui comporte six volets. Elle s'organisera notamment autour d'actions de formation et de conseil conduites par la partie française, qui apportera également son soutien à la création d'une gendarmerie nationale afghane.
L'opération Épidote est composée de plusieurs détachements d'instruction opérationnelle travaillant chacun au profit d'une école militaire afghane dans un domaine précis. Le nombre des personnels en Afghanistan sous mandat Épidote est de 126. Ce volume est appelé à décroître progressivement jusqu'à l'horizon 2014. La question de la pérennité de cette structure au-delà de 2014 sera abordée ultérieurement entre alliés de la Force internationale d'assistance et de sécurité pour savoir à quel niveau il convient de la maintenir.
En complément de la pérennité de ces actions de formation, les unités qui ont été formées par la France pourront bénéficier d'un soutien ponctuel au moyen de détachements d'instruction opérationnelle, à la requête de la partie afghane lors des réunions d'états-majors annuelles. À ces deux éléments peuvent s'ajouter notamment les 88 militaires déployés au sein de l'hôpital militaire de Kaia, majoritairement au profit des Afghans.
Enfin, en matière de sécurité intérieure afghane, la coopération française se traduira par l'ouverture d'un poste de coopérant gendarme, qui deviendra conseiller en chef de la police nationale afghane. Seront également assurées les missions de coopération et de conseil auprès de policiers afghans dans différents domaines comme l'appui à la police judiciaire – dans la lutte contre les stupéfiants, le laboratoire de police scientifique ou encore la brigade des mineurs –, la création d'un service de protection des personnalités, la lutte contre la fraude documentaire, la protection civile, la logistique, le renseignement ou l'antiterrorisme.
Il n'y aura pas, de la part de la France, qu'une présence symbolique. Nous resterons en Afghanistan, de façon différente par rapport au passé, tout en accomplissant notre nouvelle mission. Pour nous, parlementaires, le suivi actif de la mise en oeuvre de ce traité sera l'une des priorités, car il faudra regarder ce qui se fera concrètement et s'assurer de la sécurité de nos coopérants, tout en ayant à l'esprit les difficultés qu'il y aura à passer du traité aux actes.
Je conclurai en citant les propos de François Hollande, tenus sur la base avancée de Nijrab le 25 mai dernier : « Le temps de la souveraineté afghane est venu. » Passons donc avec fierté le relais à nos amis afghans. Le groupe socialiste, républicain et citoyen approuvera ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la France est engagée depuis plus d'une décennie aux côtés du peuple afghan. Elle s'apprête aujourd'hui à renouveler cet engagement pour les vingt années à venir autour d'une nouvelle vision, orientée vers le développement économique et la stabilité à long terme.
Le présent projet de loi, qui vise à ratifier le traité de coopération et d'amitié signé entre la France et l'Afghanistan le 27 janvier dernier par le Président de la République Nicolas Sarkozy et le président Hamid Karzaï, doit nous permettre de franchir cette nouvelle étape, pour aider l'Afghanistan à retrouver la pleine maîtrise de son destin, sa stabilité, sa sécurité et pour assurer sa prospérité économique et sociale. C'est tout le sens de la décennie de la transformation qui s'ouvre désormais.
Ce pays – l'un des plus pauvres du monde, livré aux fléaux de la corruption, du terrorisme et du trafic de drogue, où un enfant sur cinq de moins de cinq ans décède – martyrisé par plusieurs décennies de guerre, dispose malgré tout d'atouts pour son avenir.
La France doit désormais concentrer ses efforts sur la construction de la paix et la prise en main de leur destin par les Afghans. C'est l'objet du présent projet de loi, qui doit valider la ratification du traité d'amitié.
Notre histoire est faite de quatre-vingt-dix années de coopération franco-afghane avec l'établissement, depuis 1922, des relations diplomatiques entre la France et l'Afghanistan, en passant par la fondation en 1970 du centre culturel français, devenu après rénovation l'institut français de Kaboul, le 1er janvier 2011. Cette relation s'est construite au fil du temps, sur la base de plusieurs accords de coopération dans tous les domaines.
Depuis 2001, avec la décision prise par le Président de la République, Jacques Chirac, et par Lionel Jospin, alors Premier ministre, la France est présente militairement en Afghanistan. Il s'agissait alors de répondre aux attentats du 11 septembre 2001. C'est certainement sur le sol afghan, avec le soutien du régime taliban, que les attentats ont été conçus, préparés et financés.
Les forces armées françaises interviennent dans le cadre d'un mandat international clair, celui de la résolution 1386 du 20 décembre 2001 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Durant cette période, le nombre de soldats français a varié sur le terrain, pour atteindre au plus fort 3 800 hommes. Depuis le 1er novembre 2009, la task force La Fayette est mise en place. Elle regroupe les moyens français dans une zone de responsabilité composée de la province de Kapisa et du district de Surobi, zones dans lesquelles je me suis rendu à plusieurs reprises avec différents ministres et plusieurs de mes collègues parlementaires ici présents.
Je voudrais, à cet égard, saluer la présence ici de notre ancienne collègue Françoise Hostalier.
Elle a beaucoup milité pour les droits de la femme dans ce pays, parfois au grand dam de la diplomatie française !
Durant cette période, quatre-vingt-sept militaires français sont morts sur le théâtre afghan. Je veux ici leur rendre de nouveau hommage.
La France a entamé le retrait des forces françaises combattantes. Lors du sommet de l'OTAN à Chicago les 20 et 21 mai 2012, nos alliés ont acté le choix du Président de la République, c'est-à-dire le retrait d'ici à la fin 2012 des forces combattantes, le maintien d'une présence française militaire logistique en 2013 et la poursuite de la mission de formation des forces afghanes, dans le cadre de la FIAS, jusqu'en 2014, année du départ définitif des troupes de la coalition.
Le calendrier gouvernemental prévoit donc, d'ici à la fin 2012, le retrait de 2 000 hommes. Il restera sur le terrain 1 400 hommes ; 400 hommes seront affectés au sein des états-majors de la coalition, à la protection de l'hôpital militaire de Kaboul, essentiel à la coalition, et à la poursuite de la formation dans les écoles militaires afghanes. N'oublions pas la sécurité de ces hommes ; ils seront des soldats à part entière, sur un théâtre opérationnel. Nos derniers soldats tués en Afghanistan en sont l'exemple.
Environ 1 000 hommes seront directement affectés dans la mission de désengagement logistique. Une partie sera chargée de l'organisation du retrait tandis que l'autre assurera la sécurité du dispositif.
Ce retrait des forces combattantes françaises a un coût ; pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en indiquer le montant ? Sur quel budget sera-t-il financé ? Pouvez-vous enfin nous préciser quel sera le devenir de l'hôpital militaire de Kaboul ?
S'agissant de l'article 3, pouvez-vous nous donner une définition précise de ce que représente la coopération opérationnelle ?
La France, en plus de sa présence militaire, participe au développement de l'Afghanistan. Sa compétence est reconnue dans quatre domaines spécifiques : l'archéologie, l'agriculture, la santé et l'eau, autant de domaines dans lesquels il est possible d'obtenir une amélioration rapide et tangible des conditions de vie de la population, notamment des femmes et des enfants. Notre contribution financière sera élevée. Pouvez-vous en préciser le montant et la durée ?
Attentif à vos réponses, le groupe UMP votera ce projet de loi.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, au titre des députés non inscrits.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur un traité d'amitié et de coopération avec l'Afghanistan – permettez-moi au préalable une pensée émue et patriote pour nos soldats français morts en Afghanistan.
Il me semble particulièrement paradoxal qu'au lendemain d'une discussion sur le harcèlement sexuel, et après vos discours de campagne sur la parité, vous nous proposiez un accord avec un pays dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas en pointe sur les droits des femmes…
Je ne suis pas sans connaître les intérêts stratégiques que représente l'Afghanistan ; mais permettez-moi d'émettre un doute quant à l'honnêteté intellectuelle du texte qui nous est présenté.
Ainsi, il est fait allusion, en référence à l'État français et à son homologue afghan, aux « liens d'amitié anciens et profonds qui unissent leurs peuples ». Je serais curieuse de savoir ce qu'« anciens » veut dire pour les rédacteurs de ce traité, les premiers accords de coopération ayant été signés en 1963 pour la santé, en 1966 pour la culture et la technique et en 1969 pour l'agriculture.
Ensuite, il est annoncé dans l'article 1er que « les autorités compétentes des parties coopèrent sans réserve dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les trafics de stupéfiants ». Il est certain, mes chers collègues, qu'en termes de crime organisé et de trafics de stupéfiants, M. Karzaï semble être un spécialiste : des dizaines et des dizaines d'articles de presse font état d'une corruption galopante et d'un trafic de drogue à grande échelle en Afghanistan, couverts par les autorités avec lesquelles vous voulez que nous concluions le présent traité !
Pour ne prendre qu'un exemple récent, l'Express égrenait cette semaine les affaires du clan Karzaï, comme celle de la Kabul Bank – un détournement de 900 millions de dollars qui a mis l'établissement en quasi-faillite. La situation y est ainsi résumée : « Depuis son arrivée au pouvoir, le président n'a cessé de renforcer le poids de son clan ; en dix ans, les Karzaï sont devenus très riches, ils constituent aujourd'hui une véritable mafia. » À tel point que le Congrès américain a demandé aux autorités d'enquêter sur « le montant des fonds publics volés et détournés » dont auraient bénéficié le président Karzaï et sa famille.
À ceci s'ajoute le manque de coopération des intéressés. Le New York Times relatait ainsi que « le président Karzaï n'a pas donné suite aux demandes répétées d'enquêtes sur le trafic et la culture du pavot dans la province gérée par feu son frère Ahmed Wali Karzaï ».
Par ailleurs, l'intervention en Afghanistan se solde, sur le plan militaire et politique, par un échec. Les talibans sont toujours plus agressifs ; les zones dites sécurisées sont systématiquement attaquées ou sont le théâtre d'attentats meurtriers ; l'armée nationale afghane est profondément infiltrée.
Rien ne nous garantit que les autorités actuellement en charge survivront au départ des troupes de l'OTAN. Et pourtant, le présent traité nous demande d'envoyer médecins, ingénieurs, personnels techniques, enseignants et gendarmes. Monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il bien sensé d'exposer ainsi, sans protection efficace, des citoyens français ?
Dans l'article 8 du traité que vous nous soumettez aujourd'hui, on lit encore : « Une attention particulière est portée à la protection des droits des femmes et leur accès à la justice ». Est-ce pour soulager votre mauvaise conscience ou plutôt celle du précédent gouvernement qu'un pareil article a été inscrit ? Tout le monde sait dans cette assemblée qu'il est purement cosmétique.
Le même article 8 évoque l'appui de la France dans « le renforcement de l'état de droit ». Oserai-je rappeler que M. Karzaï a été élu au terme d'une fraude massive ? Dans une dépêche de L'AFP, le représentant spécial de l'ONU, Kai Eide, a confirmé des fraudes « considérables » dans un « certain nombre de bureaux de vote ».
Gilbert Collard et moi-même ne voterons pas le présent traité. Non pas que nous méprisions le peuple afghan, non que nous méprisions les intérêts stratégiques de notre pays, non que nous voulions nier l'influence culturelle de la France, mais simplement parce qu'il y a des limites à la tartufferie.
La représentation nationale, en définitive, n'a pas à ratifier un traité qui risque de rester une simple déclaration de principes.
Je regrette l'absence du ministre des affaires étrangères : je l'aurais invité à se replonger dans l'oeuvre de Rudyard Kipling qui, dans son poème prophétique Arithmétique sur la frontière afghane, mettait en garde ses compatriotes contre les redoutables combattants afghans.
La parole est à M. Yves Foulon, pour le groupe UMP, dernier orateur inscrit.
Je regrette profondément l'absence de M. le ministre des affaires étrangères, tout à fait inconvenante, tant à l'égard du peuple afghan que de nous-mêmes.
La France est engagée depuis quatre-vingt-dix ans aux côtés du peuple afghan. Les relations diplomatiques entre nos deux pays remontent à 1922 ; depuis, les échanges culturels, techniques, agricoles, ou encore dans le domaine de la santé n'ont eu de cesse de se développer. Le texte que nous examinons nous engage pour les vingt années à venir en vue du développement économique et de la stabilité à long terme de ce pays à l'histoire si tourmentée.
Le 27 janvier, à l'initiative du Président de la République Nicolas Sarkozy et de Hamid Karzaï, un traité de coopération et d'amitié a été signé entre la France et l'Afghanistan. La France, pays des droits de l'homme, souhaite en effet aider l'Afghanistan à trouver – ou retrouver – la pleine maîtrise de son destin, pour lui permettre de préserver par lui-même sa stabilité, sa sécurité, et d'assurer sa prospérité économique et sociale.
Ce pays, l'un des plus pauvres au monde, est livré aux fléaux de la corruption, du terrorisme et du trafic de drogue. Il a été martyrisé par des décennies de guerre. Malgré cela, il dispose d'indéniables atouts pour son développement.
Depuis la fin 2001, la France est présente militairement en Afghanistan, avec quarante-deux autres pays, dont vingt-quatre pays européens. Nous souhaitons qu'à l'heure du désengagement de nos troupes, la présence française soit non seulement maintenue mais développée, notamment dans les secteurs de l'archéologie, de l'agriculture, de la santé et de l'eau. Cela contribuera à améliorer significativement la vie des Afghans, ce qui est une condition indispensable pour endiguer le fondamentalisme.
Les quatre-vingt-sept militaires français que nous avons perdus ces dernières années sur le théâtre afghan ne sont pas morts pour rien. Le départ des troupes combattantes n'est pas une fuite, mais une suite logique ; nous n'avions pas vocation à rester éternellement.
Je regrette toutefois que l'engagement électoral, ou plutôt électoraliste, de François Hollande conduise à un départ quelque peu précipité. Car un repli est un véritable défi technique et tactique, qu'il convient de mener avec la plus grande prudence.
Lors du sommet de l'OTAN des 20 et 21 mai à Chicago, nos alliés, mis brutalement devant le fait accompli, ont pris acte du retrait d'ici la fin de l'année des forces combattantes. Nous maintiendrons néanmoins une présence française militaire en 2013, afin de permettre la mise en oeuvre logistique du retrait des matériels, et nous poursuivrons jusqu'en 2014 la mission de formation des forces afghanes dans le cadre de la FIAS.
Le calendrier gouvernemental prévoit donc d'ici à la fin 2012 le retrait de 2 000 hommes. Il restera donc sur le terrain 1 400 hommes. Quatre cents seront affectés au sein des états-majors de la coalition, à la protection de l'hôpital militaire de Kaboul, et à la poursuite de la formation dans les écoles militaires afghanes ; les 1 000 autres seront chargés du désengagement logistique.
Officiellement, les experts civils et militaires français présents en Afghanistan bénéficient d'un statut protecteur identique à celui accordé aux experts par l'article VI de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1976. Je reste néanmoins perplexe sur la capacité de l'armée afghane à protéger nos compatriotes civils ou militaires après le départ de nos troupes combattantes. Pouvons-nous leur faire confiance ? Les familles de nos soldats et experts nous demanderont des comptes si, par malheur, nos nouveaux amis devaient être défaillants.
Il y a dix jours, le ministre de la défense, M. Le Drian, en visite au Kazakhstan et en Ouzbékistan, a arrêté les modalités du retrait de notre armée avec les autorités politiques de ces pays. Le désengagement français d'Afghanistan est déjà effectué à hauteur de 20 %. La France a décidé de se désengager par le nord, estimant la route du sud menant au port de Karachi, au Pakistan, par trop incertaine.
Pourquoi Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, a-t-il souhaité ce traité d'amitié et de coopération ? Principalement parce que les défis auxquels l'Afghanistan devra faire face ces prochaines années sont immenses. Il faut assurer la stabilisation institutionnelle de ce pays. La corruption est profondément ancrée dans le système afghan. La drogue est malheureusement un pilier de l'économie. La société est fragilisée par les guerres. Selon l'UNICEF, un enfant sur cinq meurt avant l'âge de cinq ans.
La France, forte de sa grande expertise dans le domaine agricole, s'engage également aux côtés des Afghans pour les aider à développer leur agriculture. La place des femmes est un sujet délicat dans ce pays : nous nous souvenons des campagnes de sensibilisation au début des années 2000, époque où les petites filles qui se mettaient du vernis à ongles étaient amputées de la main… La France cherche toujours à rayonner, en défendant les droits de l'homme, mais aussi via la francophonie.
Pour conclure, je voudrais évoquer l'aspect financier de ce traité. Je suis surpris que le ministre des affaires étrangères ait annoncé lors de la conférence de Tokyo une faible augmentation de l'aide bilatérale de la France à l'Afghanistan. L'aide annuelle moyenne, de 40 millions d'euros, passe ainsi à 50 millions d'euros. Est-ce suffisant pour aider l'Afghanistan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à excuser Laurent Fabius, qui a dû quitter nos débats pour s'entretenir avec le président de la Côte d'Ivoire. Je veux également, avant de répondre à vos questions, saluer la présence dans les tribunes de l'ambassadeur d'Afghanistan en France, M. Assad Omer.
Certains d'entre vous l'ont souligné, l'engagement de la France en Afghanistan va maintenant passer à une phase de coopération civile. C'est une transition qu'en tant que ministre du développement – et non de la coopération… – je regarde de très près.
M. Folliot m'a interrogé sur le devenir des forces afghanes – un peu plus de 100 000 personnes – qui, progressivement, quitteront l'armée et réintégreront le civil. Les États-Unis se sont engagés lors du sommet de l'OTAN à Chicago à répondre à ce besoin. Nous nous inscrivons dans cet engagement. Pour ce qui est du financement des forces de sécurité, je vous renvoie à l'article 3 du traité. C'est dans ce cadre que sera organisé le soutien aux forces de sécurité afghanes.
S'agissant de la sécurité des ressortissants français, dont la majeure partie – 94 % – vit à Kaboul, le plan de sécurité a été réactualisé, comme dans la plupart des ambassades françaises. Ce socle, comme j'ai pu le vérifier en me rendant moi-même dans la capitale afghane il y a un mois, est en place ; il perdurera, indépendamment de la réduction de notre présence militaire.
M. Giacobbi, a évoqué la sécurité des coopérants ; j'y suis particulièrement attentif, avec une première boussole en la matière : les projets concrets que nous allons pouvoir mener à bien dans le cadre de la coopération civile, qui fait l'objet du présent traité d'amitié.
M. Candelier s'est interrogé sur le devenir du traité lui-même si les talibans revenaient au pouvoir. La réponse est assez simple : s'ils revenaient au pouvoir et ne respectaient pas la Constitution afghane de 2004, ils violeraient de fait les engagements pris par la partie afghane dans ce traité d'amitié et nous aurions donc toute latitude pour le dénoncer.
M. Foulon et M. Guilloteau se sont interrogés sur le montant de notre aide à l'Afghanistan. Rappelons que celle-ci va augmenter de 50 % pour atteindre 308 millions d'euros par an sur la période 2012-2016, soit environ 60 millions d'euros par an. Un processus interministériel a été conduit pour s'assurer du financement réel de l'ensemble du programme et le ministère des affaires étrangères en assumera la plus grande partie.
M. Dufau a insisté sur le contrôle légitime de votre assemblée sur ces dépenses. Je réitère l'engagement pris par Laurent Fabius : un rapport annuel sur la mise en oeuvre de ces mesures sera présenté au Parlement au moment du débat budgétaire.
Cette augmentation de notre aide témoigne de la volonté de poursuivre notre engagement en matière civile. Rappelons également que nous devons raisonner dans un cadre européen et que l'Union européenne – l'Union en tant que telle et les États membres – constitue de très loin le premier bailleur civil en Afghanistan, devant le Japon et les États-Unis. Notre effort doit être porté dans un cadre cohérent avec ce que fait l'Union européenne – j'ai du reste rencontré le délégué de l'Union européenne à Kaboul. C'est ainsi que nous pourrons renforcer la convergence des projets que nous menons avec les financements européens.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les domaines prioritaires de notre action dans le domaine de la coopération civile. La plupart sont identifiés et il reste parfois à leur donner corps en nous assurant de la sécurité de nos opérateurs sur place : l'éducation, l'agriculture, l'archéologie et, bien évidemment, la construction de l'État de droit. MM. les députés Guilloteau et Foulon se sont émus de l'état dramatique de la santé infantile ; c'est là l'un des secteurs dans lesquels la France, en partenariat avec la Fondation Agha Khan, conduit une réalisation de premier plan : l'hôpital français de Kaboul qui rayonne au-delà de la ville car il a développé des services de télémédecine assez exceptionnels, y compris sur le plan mondial.
M. Mamère, comme plusieurs de ses collègues, a soulevé les questions de bonne gouvernance et de démocratie. Notre soutien sur le long terme à l'Afghanistan sera maintenu à condition que soient respectés les engagements en matière de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l'homme et des droits des femmes, mesurés par des indicateurs concrets et pas seulement par des proclamations de principes.
Le premier de ces indicateurs, la tenue d'élections présidentielles et parlementaires libres et transparentes en 2014 et 2015, sera assez facile à évaluer. Autre indicateur-clé de la bonne gouvernance : le règlement de l'affaire de la Kabul Bank et de l'évaporation de 900 millions de dollars, dont plusieurs d'entre vous ont fait état. Nous serons extrêmement attentifs à ce que soient tenus les engagements pris à ce sujet avant la conférence de Tokyo du 8 juillet.
M. Hillmeyer a posé des questions concernant l'état de droit ; celui-ci se manifeste d'abord, je viens de le rappeler, par la tenue des élections présidentielles. Mais nous soutenons également la révision de la loi électorale de 2005, afin de rendre plus lisible le cadre de ces futures élections. Tous ces changements que nous soutenons et qui sont pour nous des indicateurs-clés de la transition en Afghanistan doivent redonner de la crédibilité et de la stabilité à la vie politique afghane.
Nous appuyons aussi un processus de paix interafghan ; cet élément n'a pas forcément été rappelé lors de vos prises de parole, mais je tiens à le souligner car nous menons en la matière une action véritablement exemplaire. La Fondation pour la recherche stratégique a invité deux fois des représentants de toutes les composantes de la société afghane, afin de réfléchir ensemble à ce que serait un Afghanistan stable en 2020.
Nos alliés sont très intéressés par ces colloques qui – et nous y travaillons avec les Américains, les Japonais, les Norvégiens et bien évidemment avec les Afghans – pourraient devenir des exercices réels de transformation de la vie politique afghane pour la création d'un consensus national, qui, nous le savons, est un des éléments déterminants de la réussite de la transition en Afghanistan.
M. Candelier a manifesté des inquiétudes concernant les investissements français en Afghanistan. Ce pays, effectivement riche en ressources, présente des opportunités d'investissements dans les domaines de la gestion de l'eau, de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de l'assainissement et des infrastructures, notamment ferroviaires. Nous travaillons avec SNCF International pour construire ensemble les normes du futur réseau ferré afghan. Avec le MEDEF International, nous avons reçu des entrepreneurs afghans qui cherchent à investir avec des entreprises françaises, dans des cadres juridiques conjoints, afin de bénéficier de l'expertise et du savoir-faire français dans des secteurs comme l'assainissement, les services urbains et les transports.
Le traité soumis à votre approbation prévoit que les autorités afghanes créent un environnement favorable à cette perspective, y compris en termes de sécurité juridique et de bonne gouvernance. Au-delà du cas spécifique de l'Afghanistan, le Président de la République s'est engagé à développer un cadre juridique qui favorise et améliore la transparence des flux financiers lorsque les entreprises françaises investissent à l'étranger. Dans le cadre d'une négociation européenne en cours, le commissaire Barnier a proposé une directive extrêmement ambitieuse que la France soutient. Vos exigences de transparence prendront corps en Afghanistan et ailleurs, à travers cette directive.
Vous avez également été nombreux à évoquer la question des drogues, notamment M. Candelier et M. Lellouche…
Plusieurs députés du groupe UMP. Tournez-vous un peu vers nous, monsieur le ministre !
Je regarde vers l'endroit où se trouve la majorité des députés, mais je peux me tourner vers vous pour parler drogue…
Nous intensifions notre coopération avec les autorités afghanes dans les domaines du renseignement, de la lutte contre le détournement des précurseurs et de la formation des acteurs sur le terrain.
Nous sommes en train de nommer un officier de liaison dédié aux stupéfiants qui sera basé à Kaboul. Un officier de la gendarmerie a été également placé auprès de la cellule de coordination des opérations antidrogue de la Force internationale d'assistance et de sécurité. En 2012, la douane organisera en France des formations destinées aux douaniers afghans. Enfin, le ministère des affaires étrangères soutient financièrement la police anti-narcotiques afghane, en coordination avec l'agence compétente de l'ONU.
Au niveau régional, nous favorisons la coopération sur la base de mesures de confiance dans le domaine de la lutte contre les narcotrafics ; c'est un des piliers du partenariat dit « Coeur de l'Asie » qui a fait l'objet d'une conférence à Kaboul, il y a quelques semaines, à laquelle j'ai participé. La lutte contre les narcotrafics en était un des thèmes récurrents.
Au niveau international, nous avons lancé le Pacte de Paris, une enceinte de dialogue politique et de coopération opérationnelle : plus de cinquante pays luttent ensemble contre le détournement des précurseurs chimiques, un élément-clé du trafic. La France a été et continuera à être très engagée dans la maîtrise de ces précurseurs chimiques. Nous suivons également de très près des sujets tels que les flux financiers illicites liés au trafic de drogue et la toxicomanie.
Vous me permettrez, pour conclure sur la protection de l'environnement, de me tourner vers M. Mamère qui a posé une question à ce sujet. Nous avons à coeur de relancer l'économie et l'agriculture afghane, mais en prenant pleinement en compte la dimension écologique. Notre coopération en matière agricole – j'ai pu le vérifier sur place à Kaboul – est à cet égard exemplaire.
Nous encourageons l'Afghanistan – j'ai eu l'occasion d'en parler directement avec l'ambassadeur de France en Afghanistan et avec des ministres concernés comme celui des mines, par exemple – dans la voie de l'adoption de législations environnementales appropriées, notamment dans le cadre de la future exploitation des ressources naturelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
(L'article unique est adopté.)
La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'accueillir avec cette grande courtoisie et cette solennité dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale pour l'examen de la proposition de loi portant abrogation de la loi de majoration des droits à construire.
Disons-le clairement : l'objectif pour le Gouvernement n'était pas de revenir sur la dernière loi de la mandature précédente, mais de revenir sur un dispositif automatique dont le refus imposait aux collectivités une procédure lourde et porteuse d'insécurité juridique.
Ce qui motive l'urgence, c'est bien d'épargner aux collectivités – nombreuses et aux engagements politiques divers – une procédure complexe et coûteuse pour empêcher que ne s'applique à elles une mesure par trop souvent inadaptée à leur situation.
Il ne s'agit pas non plus pour ce Gouvernement de renoncer à la densification du bâti : oui, dans certains cas, la densité est non seulement nécessaire mais aussi souhaitable.
Cette proposition de loi destinée à abroger la loi du 20 mars 2012 de majoration des droits à construire est ainsi bienvenue à plus d'un titre et c'est un honneur pour moi que d'y apporter le soutien du Gouvernement.
Cette loi du 20 mars 2012 a été élaborée dans la précipitation d'une annonce télévisée, le Gouvernement se rendant compte, à quelques semaines des échéances électorales, qu'il n'avait rien fait qui permette un tant soit peu de faire face durablement à la crise du logement.
Ne serait-ce qu'en termes de méthode, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, tout en prenant les sujets à bras-le-corps, ne travaille pas de cette manière.
Ma feuille de route est claire : je mettrai tout en oeuvre pour concrétiser l'engagement présidentiel de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, pour permettre à nos concitoyens de se loger dans de bonnes conditions, tout en luttant contre l'étalement urbain.
Cet objectif, je le sais, est particulièrement ambitieux, compte tenu de la situation économique et financière de notre pays. C'est la raison pour laquelle, loin de tout miser sur des gains de constructibilité qui renchérissent le coût du foncier constructible, nous mobiliserons l'ensemble des acteurs concernés, nous actionnerons les différents leviers disponibles pour dégager des marges de manoeuvre et conjuguer nos actions au service de cet objectif.
En premier lieu, pour construire, il faut des terrains. Il s'agira de mobiliser l'ensemble des terrains constructibles disponibles.
S'agissant du foncier privé, nous travaillons à l'instauration d'une fiscalité spécifique sur les terrains constructibles qui permettra de lutter contre la rétention foncière : nous souhaitons que les particuliers mettent sur le marché leurs terrains à bâtir dans des délais aussi courts que possibles. Les dispositions correspondantes s'inséreront dans le futur projet de loi de finances.
Un programme sans précédent de mobilisation du foncier public sera lancé très rapidement par le Gouvernement. Il s'agira de mettre le foncier public de l'État et de ses établissements publics à la disposition des collectivités locales pour la réalisation de leurs programmes de logements. Pour la construction de logements sociaux, le foncier utile sera non seulement gratuit, mais libéré très rapidement. Le travail est déjà en cours pour faire évoluer les textes et mettre en place un dispositif simple, lisible et efficace.
S'agissant du foncier public des collectivités locales, il sera mobilisé à due proportion des efforts consentis pas l'État. Ainsi, pour les collectivités qui souhaitent construire, le foncier sera rendu disponible. Celles qui ne le souhaitent pas seront le cas échéant rappelées à la loi. La mixité sociale ne sera plus un voeu pieux, mais une obligation de résultat. Le Président de la République a souhaité que les pénalités soient durcies. Elles le seront dans le cadre d'un dispositif plus efficace qui ne donnera plus de prime à l'inaction.
Je compte sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour l'adoption, le moment venu, de ces dispositions.
Ensuite, il faudra des droits à construire sur ces terrains, et pour cela des élus volontaires, qui seront soutenus. La question essentielle est bel et bien celle de l'échelle pertinente pour élaborer et mettre en oeuvre des projets qui répondent tant à l'objectif d'une consommation limitée de l'espace qu'à celui d'un logement accessible. Plutôt que de majorer uniformément les droits à construire, ce gouvernement travaillera à donner aux élus les outils les plus pertinents pour organiser leur territoire. Il travaillera à la cohérence des dispositifs et au développement d'une ingénierie territoriale de qualité à leurs côtés.
Enfin, il faut des investisseurs intéressés par la pierre. Je crois véritablement que l'enjeu est de permettre le retour des investisseurs institutionnels sur le segment du logement intermédiaire. C'est la condition essentielle de la constitution d'un parc locatif privé pérenne et de qualité.
L'objectif sera de construire là où sont les besoins, en préservant la qualité du cadre de vie, en luttant contre la consommation excessive de terres agricoles et naturelles et en arrêtant l'étalement urbain.
Qu'on ne me dise pas que la loi des 30 % permettait de lutter contre l'étalement urbain, alors que la majoration automatique devait s'appliquer jusque dans des zones à urbaniser non encore équipées de réseaux publics !
La densité, si elle est nécessaire, doit être envisagée autrement. Elle est acceptée, plébiscitée même quand elle s'accompagne d'une densité de services, d'offre de transports et de solutions, dans une dynamique urbaine. Elle est rejetée quand elle est synonyme de concentration de populations et de difficultés. La densité est très bien vue dans les quartiers haussmanniens et décriée dans les grands ensembles. On comprend bien pourquoi…
C'est la raison pour laquelle il ne suffit pas de majorer les droits à construire pour faire de la ville dense. Et pour toutes ces raisons, je n'admets pas qu'on me fasse un procès en « sous-densité » au motif de cette abrogation.
À n'en pas douter, si le gouvernement précédent avait pu imposer la majoration automatique aux collectivités, il l'aurait fait. Seulement, il y a la libre administration des collectivités locales ! Il fallait bien leur permettre de délibérer contre, dans un délai raisonnable.
Cela s'est fait au prix de contorsions sur les modalités d'association des citoyens à l'élaboration des documents, et quitte à permettre au passage à une commune membre d'un EPCI compétent en matière de PLU de prendre une décision contraire à celle prise par l'organe délibérant du même EPCI dans le cas d'un plan local d'urbanisme intercommunal !
Dans sa sagesse, le Sénat a introduit des dispositions transitoires permettant aux collectivités qui ont souhaité appliquer ce dispositif d'en garder le bénéfice. On a beau ne pas partager leur philosophie, on n'en garde pas moins certains principes : leurs délibérations, prises valablement, doivent continuer de s'appliquer.
À propos de principes, j'en profite pour réaffirmer devant vous la confiance que ce gouvernement accorde aux élus pour faire face à leurs obligations, dans un esprit de responsabilité et de solidarité.
Le Gouvernement souhaite donc l'abrogation de cette loi le plus rapidement possible, pour éviter aux collectivités de s'engager dans des procédures et de se voir enfermer dans des délais très contraints.
Nous aurons prochainement l'occasion de construire une autre politique publique en matière de logement, d'urbanisme et d'aménagement. Il s'agira, dans le cadre d'une grande loi, d'aborder sans tabou ni renoncement les questions de fond qui nous permettront de répondre à la crise du logement et de construire la ville de demain, en traitant l'ensemble des territoires avec une égale attention de sorte que les réponses soient adaptées à leurs besoins et à leurs spécificités.
Il faudra aborder à cette occasion la meilleure manière de transformer nos vieux plans d'occupation des sols en PLU, le contrôle des divisions foncières ou encore les questions de la taille minimale des parcelles ou des coefficients d'occupation des sols. Bien évidemment, je souhaite que nous allions au bout du débat sur les questions de densité urbaine et d'optimisation de l'utilisation des surfaces. Mais il faudra en outre trouver ensemble des solutions pour lutter contre les recours manifestement abusifs, tout en préservant le droit au recours quand il y a intérêt à agir, en favorisant par ailleurs l'accélération du traitement des contentieux.
Plus largement, nous travaillerons à une meilleure adéquation des enjeux de développement durable à l'échelle régionale et à leur articulation avec les prescriptions des documents d'urbanisme : les SCOT bien sûr, qui revêtent une importance toute particulière pour la planification stratégique de nos territoires, et les PLU qui doivent en décliner les orientations et les objectifs.
Autant de sujets sur lesquels je souhaite que tous les partenaires aient l'occasion d'échanger. Le Gouvernement pourra ainsi soumettre au Parlement un projet de loi en faveur du développement de l'offre de logement et d'un urbanisme au service des territoires.
Pour l'heure, je vous remercie, madame la présidente, monsieur le rapporteur, de nos échanges visant à permettre l'abrogation rapide du dispositif de majoration et je demande aux députés de se concentrer sur ce sujet.
Une loi ne se fait pas à la légère – c'est la morale de ce dispositif. Elle ne se défait pas à la légère non plus.
Plusieurs députés du groupe UMP. Justement !
Les précautions prises pour en tenir compte sont légitimes et suffisantes. Abrogeons donc cette loi, nous travaillerons à en écrire de plus justes, de plus efficaces et de plus pérennes ensemble (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, le 17 juillet dernier, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à abroger la majoration de 30 % des droits à construire instituée par la loi du 20 mars 2012, et dont l'initiative revient à nos collègues sénateurs.
L'Assemblée avait adopté cette loi le 6 mars dernier dans des conditions pour le moins acrobatiques. Ultime texte voté sous la précédente législature, cette loi instaure, sauf décision contraire de la collectivité, une majoration de 30 % des droits à construire pour l'agrandissement et la construction de bâtiments à usage d'habitation sur les terrains couverts par un document d'urbanisme. Ce dispositif temporaire devait s'éteindre au 1er janvier 2016.
Ce dispositif de majoration des droits à construire a vocation à s'appliquer sur la totalité du territoire, tout en laissant aux responsables locaux la maîtrise de la décision. Mais, contrairement aux dispositifs existants, la charge de la preuve est inversée, la majoration étant de droit neuf mois après l'entrée en vigueur de la loi. La collectivité, commune ou EPCI, ne délibère que pour refuser l'application de la majoration ou pour la limiter à une partie de son territoire.
Dans les six mois suivant la promulgation de la loi, soit le 20 septembre 2012 au plus tard, le conseil municipal – dans l'exemple d'une commune – doit mettre à disposition du public une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration de 30 %. Le public dispose alors d'un mois pour formuler ses observations. Le maire présente ensuite la synthèse de ces observations. La majoration forfaitaire des droits à construire est applicable huit jours après cette séance de présentation, et au plus tard à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, soit le 20 décembre 2012, sauf si le conseil municipal décide à l'issue de cette présentation de ne pas appliquer la majoration sur tout ou partie de son territoire.
Venons-en aux critiques que l'on peut adresser à ce dispositif, qui sont assez largement partagées, comme en témoignent les débats en commission des affaires économiques la semaine dernière.
D'abord, la loi du 20 mars 2012 a été adoptée dans une grande précipitation, sans réelle concertation avec les acteurs concernés. Elle a été accueillie avec scepticisme par les milieux professionnels et les représentants élus des collectivités locales. Tant sur le fond que sur la méthode, la majoration de 30 % des droits à construire apparaît comme une réponse inadaptée aux défis de la crise du logement dans notre pays.
Sur la méthode d'abord, le choix d'instaurer une mesure uniforme, de portée générale et à caractère automatique va à l'encontre des efforts engagés depuis plusieurs années, quelles qu'aient été les majorités, pour promouvoir des règles d'urbanisme fondées sur la concertation, le respect des spécificités locales et la prise en compte des exigences de développement durable.
La majoration peut en effet s'appliquer sans délibération du conseil municipal, puisque le mécanisme repose sur une décision implicite. Comme vous pouvez l'imaginer, cette situation ne peut que mettre en danger les cohérences territoriales issues des documents d'urbanisme – PLU et SCOT – établis sur la base d'équilibres délicats et concertés au plan local. Et ce d'autant que la loi du 20 mars 2012 permet à une commune membre d'un EPCI compétent en matière de PLU d'aller à l'encontre de la décision qu'il aurait prise !
Il s'agit là d'une direction totalement contre-productive, qui vient compromettre les efforts engagés de longue date par de nombreuses collectivités pour promouvoir l'échelon intercommunal en matière d'urbanisme. J'ajoute qu'aucune disposition ne vient garantir l'articulation entre les différents documents d'urbanisme existants, en particulier le SCOT. Cela représente au final une véritable régression du droit de l'urbanisme.
Sur le fond, ensuite, l'objectif affiché de la loi du 20 mars 2012 était d'encourager l'offre de logements en favorisant par des allégements réglementaires la densification des constructions. Or le dispositif de majoration qu'elle propose ne s'inscrit dans aucune stratégie globale d'optimisation de l'utilisation des surfaces, alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour parvenir à surmonter la crise du logement. Sur cet objectif, majorité et opposition pourraient se rejoindre.
La majoration de 30 % s'inspire d'une technique de dépassement des règles de constructibilité d'ores et déjà utilisée à trois reprises dans le code de l'urbanisme sans que l'articulation entre les différents dispositifs et leur impact ne soient évalués ni pris en compte.
Ces trois facultés de majoration visent à favoriser la production de logements sociaux, à promouvoir des constructions répondant à des critères de performance énergétique et à encourager l'agrandissement ou la construction de logements en zone urbaine, notamment en zone urbaine tendue.
Ces dispositions restent inchangées et peuvent être utilisées par les collectivités intéressées par la perspective de majorer les droits à construire sur une partie de leur territoire. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Au-delà de ces aspects juridiques, j'ajouterai qu'au cours des auditions que j'ai menées, tous mes interlocuteurs sans exception ont souligné l'effet d'aubaine que la majoration de 30 % des droits à construire représente pour les propriétaires, dont la valeur des biens sera mécaniquement accrue. Et tous ont décrit des comportements de surenchère et d'attentisme qui ne manqueront pas d'accroître les tensions sur un marché foncier qui n'en a vraiment pas besoin.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que la commission des affaires économiques se soit prononcée favorablement sur l'initiative de nos collègues sénateurs dont je vais maintenant présenter brièvement le contenu.
Auparavant, je souhaiterais faire une remarque sur le calendrier d'examen de cette proposition de loi. Certains, dans les rangs de l'opposition, ont déploré une forme de précipitation dans l'examen de ce texte.
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est peu de le dire !
C'est oublier un peu vite les conditions dans lesquelles la loi du 20 mars 2012 a été votée à la fin de la précédente législature.
Mais là n'est pas mon propos. Si ce texte est examiné aujourd'hui, c'est parce l'ensemble des collectivités dotées d'un document d'urbanisme – PLU, plan d'occupation des sols ou plan d'aménagement de zone – sont tenues avant le 20 septembre prochain de lancer une procédure de consultation du public sur les conséquences de l'application de la majoration de 30 %, même si elles ne comptent pas y recourir. Outre que cette procédure est contraignante et coûteuse, en particulier pour les petites communes qui ne jugent pas utile de majorer les droits à construire, elle suscite de nombreuses interrogations : quel doit être le contenu exact de la note d'information remise au public ? La majoration de 30 % s'applique-t-elle aux PLU existants ? Si les communes ou EPCI sont en phase de modification de leur PLU ou de leur SCOT, la majoration s'applique-t-elle au document en cours d'élaboration ?
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est une évidence !
C'est pour mettre fin à ces incertitudes qu'il convenait de procéder rapidement à l'examen du présent texte.
L'article 1er de la proposition de loi abroge l'article qui instaure la majoration de 30 % des droits à construire. Il supprime également la possibilité de combiner cette majoration avec les autres facultés de dépassement que j'ai évoquées précédemment. Enfin, il rétablit le seuil initial de dépassement des règles de constructibilité autorisé en zone urbaine, qui était de 20 %.
L'article 2 aménage quant à lui un dispositif transitoire pour les communes et pour les établissements publics de coopération intercommunale dans lesquels la majoration de 30 % sera applicable au moment de la promulgation de la présente loi. Il a donc pour effet de maintenir l'application des majorations souhaitées implicitement, en l'absence de délibération contraire du conseil municipal, dans les conditions prévues par la loi du 20 mars 2012. Dans ce cas de figure, la majoration de 30 % des droits à construire s'appliquera aux demandes de permis de construire et aux déclarations préalables déposées, au plus tard, le 31 décembre 2015. En revanche, elle ne sera plus applicable sur le territoire des collectivités qui n'auront pas engagé de procédure de consultation du public d'ici à la promulgation de la présente loi.
Du fait du maintien de la majoration de 30 % pour les collectivités l'ayant adoptée implicitement, il convenait de prévoir, dans le même temps, une possibilité, pour ces collectivités, de sortir du dispositif : c'est l'objet du second alinéa de l'article 2.
Lorsqu'elle a examiné le texte, la commission des affaires économique s'est prononcée en faveur des dispositions transitoires, qui assurent la stabilité des droits applicables. Elle vous invite aujourd'hui à adopter la présente proposition de loi.
Avant de conclure, je tiens à donner mon sentiment sur les propos que vient de tenir Mme la ministre.
Il est, en effet, plus que nécessaire d'entamer une politique déterminée en faveur du logement social pour freiner la hausse des loyers, renforcer la mixité de l'habitat et libérer le foncier. L'enjeu est de produire une offre de logements qui répondent enfin aux besoins des familles. Je me félicite donc du décret d'encadrement des loyers, du plan de mobilisation foncière, du renforcement de la mixité, toutes mesures que vous venez d'annoncer, madame la ministre.
Je me félicite aussi de l'engagement d'un plan de rénovation thermique pour l'ensemble de l'habitat neuf et pour l'habitant ancien, du relèvement du plafond du livret A et de la règle des trois tiers bâtis dont nous serons amenés à délibérer.
Ces orientations témoignent d'une volonté forte de conduire des actions coordonnées afin d'adresser un message de mobilisation foncière en vue de la construction massive de logements qui répondent aux besoins réels des habitants de notre pays : des logements socialement accessibles et équitablement répartis sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettre à tous nos concitoyens et à chaque ménage d'accéder à un logement correspondant à ses besoins et à son pouvoir d'achat, c'est l'ambition du nouveau gouvernement, que Jean-Marc Ayrault a exprimée lors de son discours de politique générale.
Cette ambition est aussi la nôtre à l'heure où nous célébrons la loi Bonnevay sur les habitations à bon marché, adoptée ici même, dans cet hémicycle, à l'unanimité en 1912. Je tiens à vous assurer, madame la ministre, du soutien de la représentation nationale pour parvenir à la réalisation de cette ambition.
Cette loi de 1912 mettait en place, pour la première fois, un véritable service public du logement social, à l'initiative de Laurent Bonnevay, député du Rhône, qui devint garde des sceaux en 1921 et fut ensuite l'un des quatre-vingts parlementaires qui refusèrent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
La loi Bonnevay constituait une réponse à la crise du logement de l'époque. Nous-mêmes espérons aussi contribuer activement à surmonter les graves difficultés de logement auxquelles un grand nombre de concitoyens sont confrontés. C'est la démarche que vous avez engagée, madame la ministre, avec la feuille de route que vous avez présentée en conseil des ministres. Nous tenons d'autant plus à la saluer qu'elle est aux antipodes de celle qui a conduit à la majoration de 30 % des droits à construire par cette éphémère loi Sarkozy-Apparu que nous souhaitons aujourd'hui abroger.
En effet, comment peut-on raisonnablement attendre de cette mesure simpliste et brutale, de surcroît redondante avec d'autres dispositifs prévus par le code de l'urbanisme, le moindre impact sur l'offre de logement, sinon un effet de surenchérissement des prix du foncier totalement contre-productif ? Ajoutons qu'elle témoigne d'un total mépris de l'esprit et de la lettre de la concertation menée lors de l'élaboration des plans locaux d'urbanisme qui visent à inscrire sur la carte communale une norme adaptée et nuancée. Qui plus est, la grande majorité des communes concernées y sont opposées, mais se trouvent dans l'obligation d'engager une procédure floue et inutilement contraignante de consultation avant de pouvoir délibérer pour pouvoir en écarter l'application. Tous ces arguments ont été largement débattus au sein de notre commission…
…et je me félicite de son vote en faveur de l'abrogation de cette majoration à l'aveugle de 30 % des droits à construire.
Au-delà de ce dispositif et en plus des propositions que vous avez formulées, madame la ministre, d'autres chantiers me paraissent devoir retenir l'attention pour nos débats futurs. En premier lieu, il me semble aujourd'hui important de définir une pédagogie des schémas de cohérence territoriale. Depuis leur création, les SCOT ont profondément évolué, et je souscris totalement au choix d'en faire un document de planification stratégique qui, sans se substituer au détail des plans locaux d'urbanisme, arrête des prescriptions intégrant des préoccupations de développement durable. Dans la pratique, l'élaboration d'un SCOT reste un exercice difficile…
…et beaucoup d'incompréhension demeure, surtout depuis l'entrée en vigueur de la loi Grenelle II.
C'est pourquoi je crois utile, madame la ministre, de mettre à la disposition des élus et des acteurs concernés un guide méthodologique afin de clarifier la démarche et de développer une pédagogie des SCOT. Celle-ci doit, de mon point de vue, imposer la mise en cohérence, commune par commune, du cumul des règles et contraintes qui s'imposent, avec le SCOT, à chacun des plans locaux d'urbanisme.
En second lieu, vous le savez, l'urbanisme commercial cher à certains de nos collègues, notamment mon collègue Piron, reste aujourd'hui un chantier inachevé, à l'instar de certaine symphonie.
À la suite de la loi de modernisation de l'économie, des engagements avaient été pris par la précédente majorité afin d'intégrer les règles de l'urbanisme commercial, qui figurent actuellement dans le code du commerce, dans le code de l'urbanisme. En dépit de l'important travail parlementaire effectué notamment par notre commission – presque unanime, convenez-en –,…
…aucune avancée n'a pu être enregistrée. Or, d'après l'assemblée des communautés de France, trois millions de mètres carrés de nouveaux centres commerciaux ont été autorisés à la construction l'an dernier, et tout cela en vrac !
Ajoutons que les insuffisances de la loi et des règlements mettent gravement en danger les documents d'aménagement commerciaux des SCOT et des PLU, contestés devant les tribunaux administratifs. Or l'aménagement commercial représente un enjeu majeur pour le développement équilibré de nos territoires. Je souhaite que nous puissions avancer rapidement sur ce thème, au service des territoires comme au service des consommateurs.
En troisième lieu, j'aborderai un thème dont vous savez qu'il m'est très cher : le développement touristique en zone de montagne. La loi de 2005 sur le développement des territoires ruraux a permis de faire évoluer le droit relatif aux unités touristiques nouvelles, les fameuses UTN. Mais certaines procédures demeurent trop contraignantes. Je pense notamment aux opérations d'aménagement de faible ampleur, qui peuvent être subordonnées à une modification préalable du SCOT. Il y a là, je crois, quelques allégements de la réglementation à envisager…
…afin de ne pas entraver inutilement le dynamisme des communes de montagne…
…et la diversification de leur offre touristique. Madame de La Raudière, vous n'en savez pas grand-chose mais, en montagne, un mois de délai administratif en plus, cela signifie le report d'une saison touristique !
S'agissant enfin de la réforme des lotissements, un effort de clarification vient d'être accompli dans le cadre des ordonnances prises sur le fondement de l'article 25 de la loi Grenelle II. Mais, cette fois encore, il serait utile d'aller plus loin, notamment en permettant de faire évoluer automatiquement les cahiers des charges des lotissements anciens afin de ne pas compromettre les efforts de densification et de lutte contre l'étalement urbain. Autrement dit, il n'est pas supportable que la volonté d'un conseil municipal, qu'il soit de droite ou de gauche, en matière de densification, exprimée à travers le PLU, ne puisse s'appliquer de droit dans le périmètre particulier des lotissements.
Pour que nous puissions mener à bien tous ces chantiers, madame la ministre, il faut commencer par abroger la loi du 20 mars 2012. Nous pourrons alors travailler en partant de bonnes bases. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire fut un des derniers faits d'armes de Nicolas Sarkozy. Ce texte, voté en catastrophe par la droite avant les élections, autorisait les communes à mettre en oeuvre une majoration de 30 % des droits à construire résultant des règles de constructibilité et d'occupation des sols.
Les députés communistes et du Parti de gauche ont voté contre ce cadeau de dernière minute aux promoteurs. Ils ont signifié leur vive opposition de forme et de fond à cette loi d'opportunité.
Nous nous félicitons que la possibilité d'abroger immédiatement ce dispositif soit donnée à notre Assemblée.
En matière de logement, chacun le sait, la situation de notre pays est catastrophique. La droite est comptable de cette crise historique. Le projet de loi que nous nous apprêtons à abroger est d'ailleurs le symptôme de la gestion hasardeuse du précédent gouvernement.
Il manque aujourd'hui 900 000 logements en France ; 700 000 personnes sont privées d'habitation personnelle. Parmi elles, 133 000 sont SDF et 85 000 dorment dans des habitations de fortune ou au camping.
Alors que nos concitoyens voient leur pouvoir d'achat baisser,…
…les dépenses pour se loger explosent. La spéculation immobilière, encouragée par des décennies de défiscalisation et de politiques complaisantes, assèche l'offre. Le financement du logement social est malmené.
Dans ce contexte, les décisions à prendre sont d'une tout autre nature que cette augmentation de 30 % des droits à construire, qui repose sur l'idée, chère à la droite, que la puissance publique n'a pas à financer la construction ou le logement social et qu'il suffit de laisser les coudées franches aux propriétaires et aux promoteurs pour réduire le mal-logement. De fait, le rapporteur de la commission des lois du Sénat l'a signalé, le nombre de communes ayant finalisé et donc validé la procédure de majoration s'élèverait, au début du mois de juillet, à… un.
En outre, « il n'a été porté à la connaissance du rapporteur » de la commission des lois du Sénat saisie pour avis, « aucun cas d'application de cette majoration dans les communautés urbaines dont on aurait pu légitimement penser qu'elles étaient les plus concernées par ce dispositif » ; ce sont les termes mêmes de son rapport.
S'il suffisait d'attendre le bon vouloir des bailleurs pour loger nos sans-abri, ça se saurait !
Au vu de ces premiers résultats, comment accorder le moindre crédit à la droite lorsqu'elle prétend que la mesure permettrait de faire sortir de terre 40 000 logements ?
Il faut dire que ce chiffre rond de 40 000 a été calculé par l'ancienne majorité avec une méthode bien particulière : il sera atteint si 66 % des communes concernées appliquent cette majoration à 50 % des projets en l'utilisant à 100 % de ses capacités pour des habitations de 100 mètres carrés en moyenne… On mesure le sérieux de ce chiffrage reposant sur pas moins de quatre hypothèses induites.
Quoi qu'il en soit, les chiffres dérisoires de la mise en application du dispositif montrent qu'il est rejeté par les élus locaux. Ils montrent aussi que cet accroissement de la constructibilité n'aura guère que des effets d'aubaine. Il sera possible à certains d'agrandir leur terrasse, de créer un parking ou d'ajouter une véranda au mépris des règles urbanistiques antérieures, mais ces petites facilités n'augmenteront en rien l'offre réelle de logement.
Tout au contraire, cette disposition risque bien d'inciter les propriétaires à la rétention : l'augmentation des droits à construire entraîne automatiquement une hausse de la valeur vénale des terrains, qui se répercute sur le prix de vente et de location des logements aux particuliers. Alors que rien dans la loi ne les incite à vendre, les propriétaires voient la valeur foncière de leur bien augmenter : pourquoi se sépareraient-ils subitement d'un placement qui fructifie ? On voit donc que la mesure, à l'inverse de l'effet recherché, porte le risque de ralentir un peu plus une offre de logement déjà peu dynamique en zone tendue.
Pire, si cette loi n'était pas abrogée, un effet inflationniste sur le prix des logements. À l'heure où les Français consacrent en moyenne près d'un tiers de leurs ressources à payer leur toit, les députés communistes et du Parti de gauche s'insurgent contre un mécanisme qui accroît les prix du foncier et nourrit donc un peu plus l'augmentation des loyers et des prix de vente.
Faut-il rappeler à l'ancienne majorité que le logement est le principal poste de dépense des ménages et que cela a des effets en cascade sur la vie quotidienne ? Cela oblige en effet bien souvent les familles à rogner sur l'alimentation et la santé mais aussi les transports ou les vacances.
Ce renchérissement aurait également des conséquences pour les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Ces derniers, en particulier, verraient le coût de leurs programmes fortement alourdi. Dans un contexte de désengagement financier de l'État et d'assèchement des crédits bancaires, cette mesure réduirait d'autant leurs capacités de construction de logements sociaux. Ce serait d'autant plus absurde qu'une majoration de la constructibilité est déjà possible pour le parc social comme pour les logements à haute performance énergétique.
Vous le voyez, les arguments ne manquent pas pour voter très rapidement la suppression du dispositif des 30 %. Du reste, de nombreux sénateurs de la droite et du centre ne se sont pas opposés à cette abrogation, donnant discrètement quitus à la nouvelle majorité pour rattraper les errements du passé. Les députés communistes et du Parti de gauche appuient sans aucune réserve cette suppression.
Il nous semble d'ailleurs que la loi Boutin mériterait le même sort. Considérée par les organismes HLM comme un véritable désastre, elle a bouleversé le fonctionnement du parc social en lui appliquant des critères de financiarisation et en faisant exploser les surloyers. Aujourd'hui, bien des locataires sont littéralement écrasés par ces charges et la mixité sociale de l'habitat est plus que jamais menacée.
Cette loi a aggravé la précarité locative des locataires solvables en abaissant les plafonds de ressources et en instaurant des contrats de location de trois ans non renouvelables. À quand un projet de loi d'abrogation de la loi Boutin ? C'est une question que nous posons au Gouvernement.
Au cours de cette législature, les députés communistes et du Parti de Gauche feront des propositions en faveur du logement qui trancheront radicalement avec celles de la droite.
Nous proposons ainsi d'agir sur le financement du logement, suivant ainsi une logique inverse à celle du texte que nous abrogeons.
L'État devra d'abord restaurer le financement du logement social, malmené ces dix dernières années par la droite au pouvoir. Il faudra, pour ce faire, doubler le plafond du livret A, sans céder aux pressions du lobby bancaire qui cherche à préserver le rendement des placements spéculatifs et des produits financiers. Mais il faudra, dans le même temps, recentraliser la collecte du livret A à la Caisse des dépôts et consignations, afin que les sommes soient bien employées au financement du logement social et de l'accession sociale à la propriété.
Il faudra, face à la crise du logement, restaurer les aides à la pierre et rendre au 1 % logement sa dimension d'antan. Nous proposons, pour soutenir le logement social, de créer des prêts à taux bonifiés pour les bailleurs sociaux. Pas moins de 200 000 logements sociaux devraient être construits annuellement pendant cinq ans pour pourvoir aux besoins de la population !
Nous avons la conviction que les problèmes du logement ne pourront être résolus sans une large refonte des outils de financement. Mais nous proposons d'autres mesures, comme un véritable encadrement des loyers par bassin d'habitat. Le seul plafonnement des hausses de loyers à la relocation ne suffira pas à briser la spirale inflationniste !
Les députés que je représente promouvront aussi un renforcement de la loi SRU. La pénurie de logement actuelle confirme la pertinence de cette grande loi et rend nécessaire son approfondissement. La part des logements sociaux des communes situées dans les zones tendues doit augmenter, et les pénalités devenir réellement contraignantes.
Vous le voyez, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de Gauche entendent prendre toute leur part au chantier de la résolution de la crise du logement. Pour tourner la page de la calamiteuse gestion de la droite en la matière, ils voteront sans réserve la présente proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Comme cela a été dit, le logement est devenu l'une des préoccupations principales des Français, au moins autant que l'emploi.
Nos concitoyens souffrent d'un manque de plus en plus criant de logements adaptés à leurs besoins et à leurs ressources. Ils sont écrasés par le poids croissant pris par les dépenses de logement dans leur budget, à cause de la flambée des prix des loyers et des charges.
Cette grave crise du logement touche toutes les catégories sociales : les couches populaires, mais aussi les classes moyennes, et toutes les générations, des étudiants aux personnes âgées en passant par les jeunes couples et les familles avec enfants. Dans ce contexte de crise, le gouvernement précédent a fait voter, le 20 mars dernier, une majoration de 30 % des droits à construire, en présentant cette mesure comme une ultime réponse aux préoccupations des Français en matière de logement.
Cette mesure illustre malheureusement de manière parfaite – pour ne pas dire caricaturale – la politique à contre-courant des besoins en matière de logement qui a été menée ces cinq dernières années.
Nous avons construit en cinq ans plus de logements sociaux que vous n'en avez construits sous Jospin !
Nous avons construit plus de logements sociaux que sous Jospin : c'est une vérité difficile à entendre !
La politique de la droite a fait la part belle aux multipropriétaires qui disposent de la capacité d'investir, au détriment du logement à vocation sociale. Elle a été sourde aux attentes des professionnels du logement, qui n'ont d'ailleurs même pas été consultés au moment de l'élaboration de la loi du 20 mars dernier. Elle a, enfin, mis en accusation les collectivités locales.
Le seul message envoyé par la loi du 20 mars était le suivant : contentez-vous de construire plus densément et nous n'aurons plus de problèmes de logement ! C'est un peu court, alors même que les autres possibilités de majoration des droits à construire, déjà prévues par la loi, sont largement sous-utilisées C'est aussi – et surtout – méprisant pour toutes les communes et les intercommunalités qui ont suppléé au désengagement de l'État pendant cinq ans.
Plusieurs députés du groupe UMP. Rendez-vous dans cinq ans !
Ces communes et intercommunalités ont dû trouver, avec les bailleurs, eux-mêmes malmenés, les moyens de faire face à des demandes de logement de plus en plus nombreuses, cependant que les projets de rénovation urbaine étaient de moins en moins soutenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ici même, au mois de mars dernier, le groupe socialiste avait signalé la menace que cette majoration unilatérale des droits à construire ferait peser non seulement sur les collectivités, mais aussi sur le foncier, avec un double risque d'inflation et de rétention.
Le groupe socialiste est aujourd'hui plus nombreux qu'hier…
…et plus déterminé que jamais à mettre un terme à cette dérive.
Nous soutenons donc la proposition de loi de nos collègues sénateurs visant à abroger purement et simplement les dispositions de la loi du 20 mars 2012, afin de revenir à la situation antérieure, moyennant un dispositif transitoire pour les collectivités déjà engagées.
Nous voulons, par cette abrogation, remettre à zéro les compteurs en matière de logement, non pas pour faire du surplace, mais, au contraire, pour nous remettre dans la bonne direction. Nous voulons une politique du logement plus juste et plus solidaire, pour tenir enfin compte de la réalité de la demande sociale qui s'exprime et d'un marché immobilier de plus en plus déconnecté des revenus d'une majorité de Français.
Aller dans la bonne direction, mes chers collègues, c'est créer les conditions nécessaires pour permettre la construction de 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements vraiment sociaux. C'est également mener à bien la réhabilitation thermique d'un million de logements.
La bonne méthode, c'est la concertation et le dialogue avec tous les acteurs concernés : collectivités, bailleurs, promoteurs, entreprises du BTP, associations de locataires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pour aller dans cette direction, le pied du Gouvernement est déjà sur l'accélérateur. Le décret d'encadrement des loyers dans les agglomérations tendues est prêt. D'autres avancées sont annoncées, les Français les ont validées, le Président de la République s'y est engagé, et vous les avez rappelées, madame la ministre.
Nous avons besoin d'une vraie loi foncière qui réponde au problème concret de la disponibilité des terrains, en mettant fin à la rétention et à la spéculation pratiquées par certains propriétaires, privés mais aussi publics.
Nous attendons avec impatience et travaillerons avec ardeur à la révision de la loi SRU, afin de porter à 25 % le taux minimal de logements sociaux dans les villes, et sanctionner plus lourdement les communes récalcitrantes.
Je souligne au passage que c'est bien la loi SRU, votée en 2000, qui a permis au gouvernement Fillon-Sarkozy d'afficher une production importante de logements sociaux.
Cette production n'a pas été le fruit d'une priorité politique ou budgétaire que la droite aurait donnée au logement : au contraire, elle a été le résultat d'une réforme progressiste voulue et menée antérieurement par la gauche.
Le groupe socialiste, radical et citoyen soutient cette proposition de loi. Par l'abrogation de la loi du 20 mars 2012, c'est la voie du progrès et de la justice en matière de logement que nous vous proposons de retrouver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi visant à abroger l'ensemble des dispositions de la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.
La loi du 20 mars dernier vise à encourager l'offre de logements, tout en favorisant la densification des constructions et en prévenant l'étalement urbain.
Elle prévoit, pour une durée de trois ans et sauf délibération contraire des collectivités compétentes, de majorer de 30 % les droits à construire dans les communes couvertes par un plan local d'urbanisme, un plan d'occupation des sols ou un plan d'aménagement de zone, afin de permettre la construction ou l'agrandissement de logements.
Le gouvernement actuel estime le dispositif introduit en mars dernier « improvisé, redondant, inefficace et porteur d'insécurité juridique ».
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est vrai ! Tout est dit !
Le Gouvernement souhaite donc que ce dispositif soit abrogé rapidement, avant même qu'il ne soit entré en vigueur. C'est une première !
En proposant de supprimer cette loi, dont l'objectif est de permettre la construction de 20 000 à 40 000 logements supplémentaires par an pendant trois ans, le Gouvernement porte atteinte au développement de l'offre de logements sans proposer de solutions alternatives crédibles.
Il faut pourtant regarder la situation en face, et avoir le courage de prendre les mesures qui s'imposent. En effet, entre mars et mai 2012, le nombre de logements neufs mis en chantier a plongé de 20 % par rapport à la même période en 2011.
Notre pays souffre – nous sommes tous d'accord sur ce point – d'un manque structurel de logements. Et la situation se dégrade !
La loi de mars 2012 que vous souhaitez abroger vise, dans des délais raisonnables, à faciliter l'agrandissement de logements existants et la production de nouveaux logements. Même si elle pouvait sans doute être complétée et améliorée, elle a le mérite de proposer un moyen simple de contrer l'envolée des prix du logement, à savoir de jouer sur la constructibilité du terrain.
Durant le précédent quinquennat, 100 000 logements sociaux ont été financés en moyenne chaque année grâce à un effort massif des collectivités locales, des bailleurs sociaux et de l'État. 120 000 logements sociaux ont été financés en 2009, 130 000 en 2010 – record absolu depuis trente ans – et 120 000 en 2011. L'objectif pour cette année 2012 est le même que pour l'année 2011.
Quand la gauche était au pouvoir, elle n'a jamais construit plus de 40 000 logements sociaux par an. Madame la ministre, je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler les chiffres de la construction de logements entre 1997 et 2002.
Votre objectif est de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais comment comptez-vous y parvenir ? Les principales mesures proposées par le Gouvernement, qu'il s'agisse de la mise à disposition gratuite des terrains de l'État aux collectivités territoriales, de l'encadrement administratif du prix des loyers, du relèvement de 20 % à 25 % des exigences en matière de logements sociaux, ou du doublement du plafond du livret A pour financement des logements très sociaux, risquent toutes de conduire à un blocage du marché du logement et de porter atteinte à la maîtrise de nos dépenses publiques.
Madame la ministre, vous êtes restée, jusqu'à ce jour, très évasive à ce sujet. Vous vous contentez de menacer les maires qui n'atteindraient pas les objectifs définis par la loi SRU en matière de logements sociaux d'un quintuplement des pénalités. Cela ne suffira pas ! Le croyez-vous d'ailleurs vous-même ?
Si l'on veut construire plus de logements…
…particulièrement dans les zones urbaines tendues, il faut construire davantage sur les mètres carrés disponibles. Ainsi, le prix de sortie au mètre carré ne sera pas augmenté et la mesure sera sans effet sur les prix de l'immobilier.
Le texte voté en mars 2012 s'inscrit, de plus, dans les objectifs définis par le Grenelle de l'environnement, dont le volet urbanisme prône la préservation des espaces agricoles et naturels. L'augmentation de la densité des constructions est également un moyen de lutter contre les fuites thermiques et le gaspillage énergétique.
Nous souhaitons, de notre côté, créer un véritable choc de l'offre de logements, et relancer le parcours résidentiel. Pour permettre aux Français de se loger à des prix raisonnables, nous proposons de dégager du foncier en prolongeant le plan de cession de terrains de l'État sur la période 2012-2016, avec pour objectif de construire 130 000 logements supplémentaires.
Nous proposons également de réduire de 50 % les droits de mutation, afin d'alléger les frais d'acquisition des logements pour les propriétaires, et de mobiliser les terrains disponibles grâce à une fiscalité adaptée qui permette de lutter contre la rétention du foncier non bâti dans les zones tendues.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l'abrogation pure et simple de la loi du 20 mars 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous voici réunis une nouvelle fois pour débattre de la majoration des droits à construire, moins de cinq mois après l'adoption, ici même, de la loi du 20 mars 2012 dont vous nous demandez l'abrogation aujourd'hui.
Un mot d'abord sur la méthode : le Gouvernement soumet à notre assemblée une proposition de loi en session extraordinaire, sur laquelle il a engagé la procédure accélérée le 26 juin dernier, et pour laquelle, madame la ministre, vous avez commencé votre intervention en commission en expliquant que votre objectif était de voir ce texte adopté dans les mêmes termes qu'au Sénat. C'est donc une triple entorse à la tradition qui préside habituellement à nos travaux, et je souhaite, au nom du groupe UDI, que les relations du Gouvernement avec le Parlement permettent, dès la rentrée prochaine, de procéder au nécessaire travail d'approfondissement et d'amélioration des textes qui nous sont soumis.
Vous comprendrez donc que le groupe de l'Union des démocrates et indépendants n'ait pas déposé d'amendement sur cette proposition de loi d'abrogation, puisque votre précipitation pour l'adopter n'a d'égale que celle que vous dénonciez en début d'année lors de l'examen du texte initial.
Mais venons-en au fond : le sujet dont nous devons débattre est celui du développement de l'offre de logements, de la nécessaire optimisation des surfaces et la densification des constructions dans les zones tendues. Cette question est grave et se pose avec une acuité particulière dans nombre d'agglomérations où le marché locatif s'engorge et tend à devenir inabordable pour une partie grandissante de nos concitoyens.
Je pense que nous serons d'accord sur l'ensemble de ces bancs pour admettre que la solution principale réside dans le développement d'une offre massive et ciblée de logements. Pour y répondre, le Gouvernement s'est fixé comme feuille de route, la construction annuelle de 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux. Les députés du groupe UDI saluent cet objectif nécessaire et ambitieux et seront particulièrement vigilants quant à sa réalisation dans les faits. En effet, la loi du 20 mars dernier devait permettre la construction de 20 000 à 40 000 logements supplémentaires par an pendant trois ans. Pour atteindre cet objectif, la loi a instauré un nouveau dispositif transitoire de dépassement des règles de constructibilité, en majorant automatiquement les droits à construire de 30 % jusqu'au 1er janvier 2016. L'originalité du dispositif que vous nous demandez d'abroger consiste dans l'automaticité de cette majoration, celle-ci étant de droit neuf mois après l'entrée en vigueur de la loi. Dans ce nouveau dispositif, la collectivité ne délibère que pour refuser l'application de la majoration ou pour en limiter l'application sur une partie de son territoire. Dans les six mois suivant la promulgation de la loi, l'autorité compétente en matière d'urbanisme doit mettre à disposition du public une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration. Cela a été souligné. C'est précisément cette disposition du texte qui nous contraint à légiférer dans l'urgence, la date du 20 septembre devant déclencher les procédures de consultation du public.
La question qui nous anime aujourd'hui est la suivante : la loi du 20 mars aurait-elle permis de remplir les objectifs ambitieux qu'elle s'était assignée ? Nous considérons que son application aurait pu concilier deux enjeux prioritaires à nos yeux : elle aurait utilement complété les outils à la disposition des collectivités pour densifier leur offre de logements, tout en limitant l'étalement urbain, conformément aux engagements pris lors du Grenelle de l'environnement auquel nous sommes particulièrement attachés.
Néanmoins, si son intention est louable et même éminemment nécessaire, cette loi pose un certain nombre de difficultés, rappelées par notre collègue Michel Piron à l'occasion de son examen par la commission des affaires économiques. J'en rappellerai simplement quelques-unes. La première réside dans la création d'un quatrième dispositif de majoration des droits à construire, alors même que les trois dispositifs existants n'ont pas connu le succès escompté auprès des collectivités compétentes en matière d'urbanisme : seules 330 d'entre elles ont choisi l'une ou l'autre de ces possibilités offertes par la loi. Cette réalité nous laisse penser que la réponse apportée par la loi n'aurait pas été à la mesure de l'ampleur de la pénurie de logements.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est vrai !
La seconde difficulté, légitimement relayée par l'Association des maires de France, nous préoccupe davantage puisqu'elle aurait provoqué l'effet inverse de l'objectif initialement poursuivi : il est probable que l'augmentation des droits à construire sur un terrain augmentera mécaniquement le prix de la construction neuve. Les propriétaires seraient alors tentés d'adopter un comportement attentiste favorisant la rétention du foncier, ce qui est particulièrement inopportun dans la période actuelle. Puisque nous n'avons pas la possibilité de modifier le texte qui nous est soumis, nous nous contenterons de nous satisfaire de l'adoption d'un amendement au Sénat qui instaure un dispositif transitoire pour les communes dans lesquelles la majoration de 30 % s'appliquerait au moment de la promulgation de la loi, en vertu du respect du principe de libre administration des collectivités.
Vous l'aurez compris, la loi du 20 mars n'était probablement pas à la hauteur des enjeux et contenait plusieurs difficultés qui nous ont été relayées sur le terrain. Nous aurions pu, nous aurions dû nous en saisir aujourd'hui pour la corriger. Nous regrettons donc vivement que notre discussion ne permette pas d'explorer, dès à présent, les solutions du Gouvernement pour répondre à la crise du logement. Nous espérons que la future loi-cadre qui nous sera soumise en 2013 permettra cette discussion, dans un plus grand esprit d'ouverture.
Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité introduire votre rapport avec une phrase de Montesquieu. Vous me permettrez donc de conclure mon intervention en citant le même auteur, qui écrivait dans le même ouvrage : « Il est bon quelquefois que les lois ne paraissent pas aller si directement au but qu'elles se proposent. »
Parce que vous vous contentez de l'abrogation pure et simple d'un texte perfectible au détriment de toute recherche de voies d'amélioration des normes existantes à travers un dialogue constructif avec les parlementaires et les élus concernés, le groupe UDI ne peut que déplorer le report de cette réflexion attendue par l'ensemble des acteurs du logement et de l'urbanisme, mais aussi et surtout, par les 2,5 à 3,5 millions de nos compatriotes qui souffrent de mal-logement.
Nous regrettons enfin que le premier signal législatif envoyé en direction des Français dans le domaine du logement et de l'urbanisme soit un texte visant à réduire les possibilités d'optimisation des surfaces, alors même que nous sommes confrontés à une grave pénurie de logements.
N'oublions pas que la première des dignités pour tout être humain, pour toute famille, c'est, au même titre que l'emploi, d'avoir un toit.
Pour cette raison, et même si la liberté de vote de chacun est respectée dans notre groupe, nous serons un certain nombre à voter contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, chère Cécile… (Sourires sur les bancs des groupes UMP et UDI)…
Eh oui, nous avons tout même le droit d'adresser des mots amicaux et chaleureux à une ministre que l'on apprécie particulièrement, même si ce n'est pas forcément votre cas sur les bancs de la droite !
Je suis très heureux de faire une de mes premières interventions sur le logement en présence d'une ministre écologiste du logement. Je le suis d'autant plus que c'est à l'occasion de cette proposition d'abrogation d'une des dernières lois votées par l'ancienne majorité. Nous avons pris cet engagement avant les élections, y compris lors du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale au mois de février dernier. Cet engagement est tenu. Il est toujours bon de le rappeler. Je suis moi-même intervenu dans le débat le 29 février. J'avais alors dénoncé la logique de cette loi qu'un de nos collègues a appelée loi « Sarkozy-Apparu ». Je pense, pour ma part, qu'elle était plus Sarkozy qu'Apparu !
Malheureusement pour le ministre du logement du précédent gouvernement, il n'attachera pas son nom à cette loi qui, si elle est abrogée, n'aura pas duré bien longtemps ! Le Président de la République précédent, Nicolas Sarkozy, avait annoncé son projet à la télévision, projet qui n'avait fait l'objet d'aucune concertation, pas même sans doute avec son ministre du logement de l'époque.
On a bien compris la logique ultralibérale alors sous-tendue consistant à considérer qu'il suffisait de pouvoir construire beaucoup plus partout en France pour faire face à la demande de logements. De nombreux collègues – certains à demi-mot dans la majorité – se sont exprimés à l'époque. J'ai lu le compte rendu de la commission et j'ai pu constater que notre collègue Piron, par exemple, avait bien démontré que cette loi allait exactement à l'inverse de l'objectif attendu qui aurait été de construire davantage de logements à un prix moindre : en fait, cette loi allait bel et bien faire monter les prix.
La question du logement est cruciale pour nos compatriotes, on le sait. C'est aujourd'hui un des principaux postes de dépenses, si ce n'est le principal, dans le budget des ménages. J'ajouterai que l'urbanisme, même si on l'évoque moins sous cette forme, est également une question cruciale, très sensible pour nos compatriotes. Je le dis d'autant plus que je suis l'élu d'une circonscription située dans une grande agglomération : l'agglomération nantaise. Ces questions sont très fortement débattues avec les habitants. La loi voulue par le Président Sarkozy – quelque peu finissant, il faut bien le reconnaître – avait suscité beaucoup d'inquiétude chez des habitants parfois préoccupés par les constructions diverses et variées pouvant, au fil des PLU, voir le jour dans leur environnement.
À l'époque, vous avez tout fait pour les rassurer ! Vous leur avez expliqué la loi !
La politique du logement ne se limite évidemment pas à cela. Il y a bien d'autres sujets. Je sais que vous avez déjà beaucoup agi, madame la ministre. Je tiens à rappeler ici, même si cela ne plaît pas à tout le monde, le décret encadrant les loyers à la relocation. C'était, là encore, un engagement ; lui aussi, il a été tenu rapidement et il est très attendu, surtout à cette période de l'année où de nombreuses personnes qui désirent changer de logement, mais auraient alors dû supporter une forte hausse de loyer.
Il existe aussi d'autres chantiers. Vous les avez déjà évoqués, madame la ministre. Je rappellerai l'engagement du doublement du plafond du livret A, que j'avais soutenu en commission des finances lors de la précédente mandature, la mise à disposition des terrains de l'État, l'augmentation des amendes pour les infractions à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain et l'annonce d'une loi-cadre qui montre bien l'approche globale du Gouvernement, ce dont nous nous félicitons. Je n'oublie pas la rénovation des logements existants et le défi de la rénovation thermique.
Je sais que tous ces sujets seront abordés à la rentrée. Ma collègue a fait remarquer qu'ils n'étaient pas traités maintenant. Nous savons que l'on ne va pas faire voter, à la fin du mois de juillet, une loi-cadre sur le logement. Aucun gouvernement ne prendrait une telle responsabilité quelques semaines après le discours de politique générale. Nous serons à vos côtés, madame la ministre, pour agir à partir de la rentrée sur la thématique du logement. L'abrogation de la loi Sarkozy était, en quelque sorte, un préalable. C'est pourquoi les députés du groupe écologiste voteront avec enthousiaste en faveur de l'abrogation de cette loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
La parole est à M. Alexis Bachelay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous voici appelés à examiner une proposition de loi d'initiative sénatoriale visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. Son contenu a été largement évoqué par les orateurs précédents. Je souhaite pour ma part revenir sur deux points.
Premier constat, unanime : la loi du 20 mars 2012 a été adoptée de manière autoritaire, sans concertation des différents acteurs : associations, promoteurs, urbanistes, collectivités locales. Elle bafoue l'action des élus locaux qui, de droite comme de gauche, ont travaillé sur leurs documents d'urbanisme, en particulier sur la révision des PLU et des SCOT.
Deuxième constat, lui aussi unanime : c'est une loi inutile, car il existe déjà différents moyens de majorer les possibilités de bâtir. La loi du 20 mars 2012 est redondante avec d'autres dispositifs réglementaires jusqu'à présent peu ou pas utilisés : un dispositif issu de la loi Boutin permet aux communes couvertes par un plan local d'urbanisme ou un plan d'occupation des sols de majorer les droits à construire de 20 %.
Selon une enquête récente, une trentaine de communes y ont eu recours.
Mais il existe deux autres dispositifs ciblés sur les logements sociaux et les bâtiments à haute performance énergétique, qui autorisent une majoration des règles de densité pouvant aller jusqu'à 50 % et 30 % respectivement. Eux aussi ont été peu utilisés – environ 150 communes.
Pourquoi imposer ce nouveau dispositif alors même que, de l'avis des professionnels du secteur, il n'aurait eu pour seul effet que d'augmenter le coût du foncier et donc le coût final des logements, comme d'autres incitations fiscales inadaptées ?
Pourquoi la précédente majorité ne s'est-elle pas confrontée à des problèmes connus, par exemple le non-respect de la loi SRU ? Dans mon département des Hauts-de-Seine, de nombreuses communes ne respectent pas le seuil minimal de logements sociaux…
La ville de Paris non plus ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Et quand bien même des logements sociaux y sont construits, au détour d'un programme immobilier et sous la pression des pénalités, ce sont souvent des logements de type PLS, inaccessibles au plus grand nombre.
Au final, nul ne saurait se satisfaire de la loi du 20 mars 2012.
Pourtant, le fait d'abroger cette loi ne veut pas dire que notre majorité se détourne du problème du logement. Bien au contraire, nous sommes pleinement conscients que la situation actuelle pour nombre de nos concitoyens est douloureuse : près d'un Français sur six affirme être mal logé ou en attente d'un logement. Un Français sur quatre consacre plus de 30 % de ses revenus à se loger.
Depuis dix ans, tous les indicateurs du logement sont dans le rouge. Que l'on soit dans les zones urbaines ou dans les zones périurbaines ou rurales, la crise du logement n'épargne personne.
Le vote de ce soir doit être le point de départ d'une nouvelle réflexion large, concertée, afin de résoudre cette équation complexe : comment produire plus de logements tout en luttant contre l'étalement urbain ?
Pour cela, il faudra densifier les zones urbaines et réinventer un urbanisme compact, construire plus pour consommer moins, consommer moins d'espace, mais aussi moins d'énergie. C'est cela que nous appellerons l'urbanisme de demain ou l'urbanisme du changement. Dans les agglomérations comme dans les zones périurbaines, il est nécessaire de repenser l'aménagement du territoire. Cette réflexion devra notamment contribuer au maintien ou à la relocalisation d'activités économiques ainsi qu'à la création de logements sociaux dans des quartiers qui en sont totalement dépourvus.
Autrement dit, nous devons concevoir l'aménagement du territoire dans sa double dimension de mixité fonctionnelle et de mixité sociale.
Renforcer la mixité sociale est une priorité. Il faut systématiser l'application de la règle des trois tiers : un tiers de logements sociaux à loyers modérés, un tiers de logements en accession sociale, un tiers de logements libres.
Rejeter les habitants les plus modestes en périphérie est une aberration, tant du point de vue écologique que du point de vue de la qualité de vie de nos concitoyens.
Il faudra également repenser les réseaux de transports. Les temps de trajets quotidiens entre domicile et travail se sont considérablement allongés, pour arriver à une moyenne d'environ deux heures en Île-de-France. Un nombre croissant de Français sont à la fois loin de leur lieu de travail et éloignés des services publics. Ceux qui habitent loin des coeurs d'agglomération sont doublement touchés : moins bien desservis par les transports, ce sont en plus les premières victimes de l'affaiblissement ou la disparition des services publics. Pour ceux qui subissent cet éloignement, dont le nombre augmente, la loi du 20 mars 2012 apparaît comme un affront car elle ne traite pas les vrais problèmes.
Mes chers collègues, le Gouvernement et les groupes parlementaires de la majorité travaillent déjà sur cette problématique du logement. Je me réjouis que le Gouvernement compte un ministère de l'égalité des territoires et du logement. Cette double compétence illustre une bonne compréhension des enjeux de l'aménagement du territoire et, notamment, le lien entre logement, emploi et transports que je viens de vous exposer.
Notre majorité doit se mettre au travail et je suis certain que le Gouvernement saura faire les propositions nécessaires pour relancer la construction du logement dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit sur la majoration de 30 % des droits à construire lorsque la loi instituant cette mesure fut votée, précipitamment, sous la précédente législature. Un grand nombre d'éléments viennent d'être apportés par les orateurs qui m'ont précédée, sur lesquels il n'est pas nécessaire de revenir plus longuement.
Oui, cette loi du 20 mars 2012 majorant de 30 % les droits à construire doit être abrogée : comme l'avait souligné l'un des auteurs de la proposition de loi, elle est improvisée, inefficace, redondante et source d'insécurité juridique – cela a été rappelé jusque dans les rangs de l'UMP. Qui plus est, cette majoration des droits à construire stigmatise les collectivités locales en les rendant seules responsables de la crise actuelle du logement.
Elle n'apporte pas de réponses efficaces, elle n'est pas à la hauteur des enjeux : nous avons besoin d'une réforme globale et ambitieuse et non de demi-mesures.
Ce qui doit désormais nous préoccuper, ce n'est pas cette loi, que nous allons abroger, c'est la politique du logement qui doit être menée dans le cadre d'un plan concerté d'aménagement des territoires, placé sous le signe du rééquilibrage et de l'égalité. Nos concitoyens attendent des réponses concrètes à de très nombreuses questions que nous ne pouvons plus éluder. Nous serons jugés sur notre capacité à garantir à tous un habitat digne et accessible financièrement, dans un environnement préservé.
Le grand débat sur ce sujet doit avoir lieu, il devra être constructif et partagé et déboucher sur des réformes ambitieuses, à la hauteur de l'enjeu. Le groupe écologiste attend avec confiance les propositions que la ministre du logement devrait présenter au printemps prochain.
Les écologistes se battront pour que le logement ne devienne plus, comme le chômage, l'une des préoccupations majeures des Français. Sans toit, pas d'emploi ; sans emploi, pas de toit. Je me permets, puisque nous sommes en début de législature, d'évoquer quelques idées que nous défendrons lors de nos prochains échanges sur le sujet.
Sur la question du foncier, il faut mobiliser le foncier public, notamment par des cessions gratuites ou à tarif réduit de terrains, et le foncier privé, en luttant contre la rétention par une hausse de la fiscalité sur les locaux vacants.
Sur les aides à la pierre, une réforme est nécessaire : ces aides coûtent souvent très cher, elles ne doivent pas être utilisées par des investisseurs dans le seul but de se constituer un patrimoine locatif financé par l'État, sans contreparties sociales et environnementales. Mettons fin aux mesures qui permettent aux plus riches de se faire aider financièrement par l'État pour louer des logements hors de prix aux plus pauvres ! Le logement doit sortir de la bulle spéculative.
Sur la construction, nous serons vigilants quant au respect de l'objectif de 500 000 nouvelles constructions par an, dont 150 000 logements sociaux.
Un sujet me tient particulièrement à coeur : l'habitat participatif, sur lequel des propositions devront être faites et des financements dégagés.
Il faut agir pour une meilleure régulation du parc privé. Le décret sur l'encadrement des loyers à la relocation va dans le bon sens. Il faut poursuivre dans cette voie, notamment en instituant un « miroir des loyers », sur le modèle de ce qui se fait en Allemagne, en sécurisant la location, en plafonnant le prix des logements au mètre carré, et en agissant sur bien d'autres leviers que nous détaillerons par la suite.
La vente à la découpe doit être strictement encadrée et les mesures de protection renforcées. Cette pratique plonge les locataires dans une profonde précarité.
La lutte contre l'étalement urbain et ses conséquences doit être menée tout en réfléchissant aux formes urbaines et aux limites à la densification.
La précarité énergétique est un réel problème, autant social qu'écologique. Nous attendons un plan de financement pour la rénovation thermique des bâtiments, une part devant notamment être consacrée à la rénovation phonique. Il ne faudra pas oublier de mettre au coeur de nos réflexions la précarité énergétique en zone rurale.
Nous souhaitons sur ce sujet que l'accent soit mis sur la rénovation plutôt que sur de nouvelles constructions, puisque, à raison d'un renouvellement du parc de 2 % par an, nous n'atteindrons jamais les objectifs de réduction de la consommation sans un effort massif sur l'ancien.
Sur le logement social, la loi SRU devra être modifiée en augmentant le quota de construction de logements sociaux et en renforçant fortement les pénalités.
La question du logement pour les jeunes, notamment du logement étudiant, est également capitale : la priorité est à la jeunesse, qui doit trouver les moyens de son autonomie, et cette autonomie passe par le logement.
Je n'ai pas le temps d'entrer plus en détail dans ce vaste sujet qu'est le logement, mais je souhaitais dès maintenant lancer quelques pistes de réflexion plutôt que de m'attarder sur l'inutilité de la mesure du précédent gouvernement, sur laquelle beaucoup a déjà été dit par mes collègues. Cette loi ne servait à rien, nous allons heureusement l'abroger. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, présentée à la va-vite et sans réelle concertation comme l'ultime solution permettant d'apporter des réponses à la crise du logement en France, la loi du 20 mars 2012 se caractérise avant tout par son inefficacité et par la remise en cause du travail des élus à travers leurs documents d'urbanisme.
Censée faire baisser les tarifs, cette loi allait au contraire bénéficier aux spéculateurs de l'immobilier et contribuer à la flambée des prix.
Appliquer uniformément sur l'ensemble de notre territoire une majoration automatique des droits à construire, c'est méconnaître les réalités locales et occulter le travail méthodique, concerté, des élus sur un projet de territoire qui demande plusieurs mois, voire des années avant de se concrétiser en plan local d'urbanisme.
Il est en effet contradictoire d'inciter les communes à se doter de documents d'urbanisme pour déterminer les meilleures règles d'aménagement de leur territoire et d'imposer ensuite un cadre législatif s'imposant à tous et modifiant en profondeur l'équilibre des documents qu'ils ont élaborés.
Qui plus est, la loi du 20 mars 2012 impose une nouvelle charge aux collectivités territoriales, notamment aux plus petites d'entre elles. Il leur revient en effet de prendre en charge la réalisation de la note d'information, la mise à disposition de cette note, la réalisation de la synthèse des observations du public. Aucune disposition quant à la précision de la note et à sa méthode d'élaboration, la perspective de nombreux contentieux a tout de suite été soulevée par les élus locaux, qui ont milité pour l'abrogation de cette loi : toutes les associations d'élus sont favorables à l'abrogation de ce texte dont ils dénoncent les nombreuses conséquences néfastes et l'absence de résultat face au problème de la pénurie de logement.
Cette proposition de loi d'abrogation est donc à bien des égards indispensable pour rétablir un ordre bouleversé sans raison. Elle permet de parer au plus pressé. À l'inverse de ce qui a été fait il y a quelques mois, l'objectif n'est toutefois pas d'agir sans respecter les décisions des collectivités.
Ainsi, au travers de ses deux articles, brefs et concis, le texte qui nous est soumis constitue un premier pas, décisif, qui va au cours d'une étape ultérieure nous autoriser à envisager des mesures structurantes et efficaces pour permettre à tous nos concitoyens d'accéder à un logement décent dans des conditions tarifaires supportables.
L'état des lieux est sans appel, en effet. Au cours des dix dernières années, le logement est devenu de plus en plus cher sur l'ensemble du territoire, au détriment du pouvoir d'achat des Français. Le prix du logement dans l'ancien a augmenté de 135 % et le prix du neuf de 95 %. Quant aux loyers du secteur privé, ils ont subi une hausse de 40 %.
Par ailleurs, élue d'un territoire rural, je souhaiterais rappeler que, si les problématiques auxquelles nous sommes confrontés ne sont pas identiques à celles rencontrées dans les villes, elles nécessitent toutefois une attention particulière, car il n'existe pas de territoire sans enjeu en la matière.
Tandis que la population connaît une forte croissance en Midi-Pyrénées, on observe un déclin démographique dans la partie la plus rurale et une relative paupérisation des centres anciens des villes. Notre territoire rural est en pleine mutation, avec une modification progressive de l'usage du foncier. On assiste à la création de nouvelles zones résidentielles périurbaines et à un développement de l'habitat diffus dans les villages et les hameaux. Ce phénomène, qui se caractérise par un fort mitage de l'espace, augmente largement les besoins en déplacements et génère de fortes contraintes pour la gestion des équipements. Il est donc indispensable de mener un travail de planification et de densification pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et anticiper sur la précarité énergétique des ménages.
L'habitat se caractérise par une prépondérance de logements individuels dans le rural, et nous savons que le développement de l'offre locative est un levier pour la redynamisation des territoires ruraux. Les collectivités essaient de se mobiliser avec leurs moyens, mais elles sont confrontées à une véritable pénurie d'offre locative, au sein du parc locatif privé, en raison d'un grand nombre de résidences secondaires, mais aussi dans le parc HLM, souvent très vétuste. C'est d'autant plus frustrant que le territoire dispose d'un potentiel, avec un taux élevé de logements vacants.
Ainsi, madame la ministre, comme j'ai pu déjà l'évoquer en commission, il est nécessaire d'agir sur les logements vacants et la rétention foncière. En France, en effet, sont recensés 2,2 millions de logements vacants. Parfois vétustes ou insalubres, ils sont quasiment abandonnés par leurs propriétaires pour des raisons diverses, mais manquent cruellement sur le marché du logement locatif ou en accession à la propriété.
Des outils existent et ont pu démontrer leur efficacité, comme la taxe sur les logements vacants, mais ils ne sont pas applicables à tous les territoires, d'où la nécessité d'élargir les dispositifs et d'alourdir un cadre financier parfois insuffisamment dissuasif.
Comme vous le savez, quels que soient les territoires, personne n'échappe aux difficultés de logement et au mal logement et si, aujourd'hui, avec l'abrogation de la loi sur les droits à construire, nous préparons le terrain pour la construction d'une véritable politique du logement, nous savons que le chantier est important et prioritaire. Nous serons à vos côtés pour vous accompagner et donner à nos concitoyens les moyens de se loger dignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs, nous examinons un texte tendant à abroger la loi qui avait permis d'augmenter les droits à construire de 30 %.
Cette loi, je l'assume totalement. C'est moi qui l'ai proposée au Président de la République, et non l'inverse, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure.
Au-delà de ce premier propos, nous sommes tous d'accord, je suppose, sur un point : le marché du logement souffre d'un déséquilibre lourd entre l'offre et la demande. C'est le principal problème que nous rencontrons sur notre territoire. Quelle en est la cause ? Cela ne tient pas à la production massive ou non de logements. Notre problème, c'est que, depuis trente ans, nous avons négligé trois phénomènes : l'accroissement de notre population, l'évolution de la composition et de la taille des familles et surtout les mouvements démographiques à l'intérieur du pays qui ont vu un grand nombre d'habitants quitter le grand quart Nord-est pour aller s'installer en Île-de-France, sur la côte Atlantique ou sur le bassin méditerranéen.
Madame la ministre, je comprends et partage, en théorie, votre volonté de produire 500 000 logements par an. Mais vous aurez beau en construire 600 000, 700 000 ou 1 million, si vous ne le faites pas là où cela est nécessaire, cela ne servira strictement à rien. Nous battons depuis quelques années des records de production de logements : 425 000 logements construits en 2011 si mes souvenirs sont exacts. On peut demain en bâtir 500 000 : si vous ne le faites pas là où cela est nécessaire, vous ne résoudrez pas les problèmes. Pourquoi ? Pour une raison très simple : à l'heure où nous parlons, nous produisons deux fois plus de logements en Auvergne qu'en Île-de-France. L'Île-de-France est la dernière région de production de logements de notre pays. Vous pouvez en construire dix fois plus, si les ratios restent les mêmes dans les régions, vous ne réglerez pas les problèmes là où ils se trouvent, c'est-à-dire sur la façade atlantique, le bassin méditerranéen et en Île-de-France. C'est là qu'il faut produire les logements.
La question essentielle ne porte donc pas sur le nombre de logements à construire mais sur les lieux où le faire.
J'y viens, rassurez-vous !
Voilà ce qui explique l'évolution, vous les savez mieux que quiconque, erratique des prix sur notre territoire. Si, dans votre décret, vous avez retenu quarante et une ou quarante-trois collectivités locales, c'est bien parce que vous y avez identifié une progression des loyers. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de bonne régulation entre l'offre et la demande.
Autrement dit, par votre décret sur les loyers, vous traitez la conséquence du déséquilibre et non la cause. Pour traiter la cause, il faut produire là où cela est nécessaire et y produire plus. Cette analyse est à l'origine de l'idée de majoration de 30 % des droits à construire.
Si nous voulons mener une politique de l'offre de logements, il faut d'abord une politique foncière. Je suppose que nous pourrons nous rejoindre sur un certain nombre de points dans ce domaine. Le plan local d'urbanisme intercommunal apparaît, à cet égard, comme une évidence. Vous ne l'avez pas cité tout à l'heure mais je crois savoir, madame la ministre, que vous y êtes favorable. Je serais d'ailleurs curieux de connaître la position de M. Brottes sur cette question, lui qui avait combattu un amendement de Michel Piron que soutenait le Gouvernement il y a quelques mois ici même. J'imagine que nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau.
Il faut également une fiscalité différenciée sur les plus-values immobilières. Je soutiens vos préconisations en la matière. Nous avions défendu il y a quatre mois sous l'ancienne majorité un amendement qui avait été retiré pour une seule raison : nous nous heurtions à un problème de définition des terrains à bâtir. Nous avions profité de l'occasion pour alourdir la fiscalité sur le foncier non bâti – l'autre sujet fiscal sur lequel nous devons continuer à travailler.
Vous travaillez également sur le foncier public et c'est très bien. Une programmation existe déjà, par exemple pour l'Île-de-France où elle concerne 894 terrains. Ce n'est pas sur la programmation ni sur la mise à disposition de ces terrains publics que nous divergeons, mais sur la gratuité. Nous verrons jusqu'où vous irez en la matière : je crains malheureusement que Bercy ne soit plus un frein qu'une aide sur ce sujet-là. J'imagine que vous aurez la force de persuasion nécessaire pour les convaincre d'abandonner cette manne financière.
Pourquoi avons-nous souhaité autoriser la majoration des droits à construire ? Parce que nous considérons que la matière première foncière est l'élément fondamental, stratégique pour produire des logements.
Si nous n'utilisons pas mieux cette matière première, nous n'atteindrons pas les objectifs de production notamment là où le foncier est cher, là où il est rare. Malheureusement, madame la ministre, lorsque vous analysez les documents d'urbanisme et les constructions réalisées, vous constatez que la densité est en régression en France depuis une dizaine d'années : nous sommes passés de 13 logements par hectare à 11,5 logements par hectare. Il faut donc améliorer la densité, ce qui justifie la solution des 30 % de droits à construire.
Permettez-moi, pour conclure, quelques éléments en réponse aux arguments qui vous conduisent à abroger la loi. Cette loi a été mal préparée, dites-vous, votée dans la précipitation et sans concertation. Je n'ose croire, madame la ministre, que vous aurez les mêmes critiques à l'égard du décret que vous venez de prendre sur les loyers, adopté dans délais aussi rapides que la loi que nous évoquons. Je n'ose enfin imaginer que ce décret ait été pris sans aucune concertation et dans la précipitation…
Cette loi est scandaleuse, ajoutez-vous, car elle témoigne d'un manque de confiance et de respect à l'égard des collectivités locales. J'imagine que vous n'oserez pas nous proposer une augmentation de 20 à 25 % de la proportion de logements sociaux imposée par la loi SRU, qui serait, là encore, en contradiction totale avec l'esprit de confiance et le respect que vous revendiquez envers les collectivités locales.
Nous avons sur ce point, me semble-t-il, une divergence majeure. Je suis convaincu, madame la ministre, que dans quelques mois, vous reviendrez sur les droits à construire comme toutes les majorités l'ont fait, parce que nous avons besoin d'augmenter ces droits pour pouvoir, à investissement économique égal à celui d'aujourd'hui, accroître la production de logements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
N'en déplaise à notre collègue Apparu, la proposition de loi sénatoriale que nous examinons aujourd'hui est importante, car elle tourne la page après cinq années d'errance en matière de politique du logement et d'urbanisme.
Cinq années de mesures-gadgets, de mesures-slogans : il suffit de se souvenir de la maison à un euro qui devait concrétiser la France des propriétaires ou des éloges du crédit hypothécaire à quelques mois de l'explosion de la crise des subprimes. La loi sur les 30 % est venue en bout de course allonger la liste par cette mesure inflationniste et spéculative qu'il nous appartient, à la suite de nos collègues sénateurs, d'accompagner au cimetière des mesures mortes nées.
Le président Sarkozy était un président d'intuition. Les cinq années écoulées ont été jalonnées de bonnes intuitions aussitôt gâchées par la confusion et l'agitation. La bonne intuition est que la construction est un enjeu majeur pour sortir de la crise du logement : la crise du logement est une crise de l'offre et on ne s'y attaquera sérieusement qu'à condition de lever les blocages qui pèsent sur l'offre. Bien sûr, il y a l'urgence. Bien sûr, il y a la nécessité d'innover mais les pouvoirs publics ne seront à la hauteur de la situation que si et seulement si nous levons les blocages dans la construction et si, à la différence du précédent gouvernement, nous ne baissons pas le budget du logement et nous ne mettons pas en cause les moyens du 1 % logement.
En dernière minute, le président Sarkozy a fait voter par sa majorité une mesure automatique, une mesure mal taillée et à la mise en oeuvre délicate, contre l'avis de tous et sans avoir jamais démontré son efficacité. C'était une excellente mesure de conférence de presse : sur le modèle du « travailler plus pour gagner plus », la loi du 20 mars nous proposait de « densifier plus pour loger plus ». Malheureusement, l'urbanisme est un art un peu plus compliqué…
Les semaines et les mois qui viennent nous donneront l'occasion de le démontrer en mobilisant de nombreux outils laissés en déshérence, en soutenant et en responsabilisant les élus bâtisseurs. Je souhaite aujourd'hui m'en tenir à un point : la question foncière. La loi du 20 mars 2012 proposait de bonifier les droits à construire des particuliers volontaires en dehors de tout projet, de toute logique d'ensemble, de tout urbanisme de projet.
Tout laisse à penser que la nécessité est ailleurs : la mobilisation du foncier public et privé, la lutte contre la rétention, la bonne régulation de la plus-value foncière, autant d'éléments qui doivent ensemble faire l'objet, à mes yeux, d'une loi foncière.
Assigner des objectifs de construction, faire sortir certaines villes du malthusianisme, faire du renouvellement urbain et limiter l'étalement urbain, cela suppose de donner aux élus en première ligne, d'abord les maires et les présidents d'EPCI, des outils pour agir et pour maîtriser les évolutions immobilières et foncières.
Nous attendons beaucoup des propositions du Gouvernement en matière de mise à disposition, madame la ministre, du foncier public. Au cours des cinq dernières années, je ne vous cacherai pas que le scepticisme a grandi, particulièrement de ma part, à chaque annonce faite par le précédent gouvernement chaque année du grand plan de mise à disposition du foncier public, jamais mis en oeuvre, neutralisé par un État devenu schizophrène.
Je ne doute pas de la volonté et de l'engagement du Gouvernement. Vous pouvez compter sur notre soutien et notre vigilance, madame la ministre, pour la mise à disposition des terrains publics qui constitueront un puissant levier pour l'augmentation de la construction de logements, et particulièrement de logements sociaux.
Mais il faut aussi mobiliser le foncier privé. Pour cela, les outils existent, ce sont les établissements publics fonciers. Je fais crédit au précédent ministre, Benoist Apparu, d'avoir engagé un effort de rationalisation de ces outils. Une généralisation est nécessaire et les établissements publics fonciers doivent être placés en première ligne dans la bataille du doublement de la production de logements.
La mobilisation du foncier privé est un travail de fourmi qui fait se rencontrer la puissance publique, les opérateurs privés et les propriétaires. Il faut évidemment renforcer les leviers de la puissance publique, permettre aux opérateurs de faire leur métier et d'acquérir, selon la valeur d'usage et non la valeur future, les terrains qui permettront de construire les futurs logements.
En tournant, chers collègues, la page de cette loi du 20 mars, comme nous y invitent nos collègues sénateurs, nous choisissons de passer au travail sérieux pour faire avancer enfin la cause du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre, vous présentez la loi du 20 mars 2012 comme inadaptée aux défis de la crise du logement. Mais cette crise est telle, vous le savez, qu'aucun dispositif n'est jamais totalement inutile. Aucun des dispositifs déjà déployés et aucun de ceux que vous proposerez de développer ne peuvent prétendre résoudre la totalité du problème.
Il est bien évident que la loi du 20 mars 2012 ne voulait répondre ni aux exigences d'encadrement de l'évolution des loyers, ni à l'insuffisance de logements locatifs sociaux, ni à la mise à disposition du foncier en quantité suffisante, ni même à la maîtrise des coûts de construction.
Comme beaucoup d'élus locaux, fin mars, j'ai pensé que cette loi était sans doute redondante avec la majoration possible déjà existante de 20 % des droits à construire ou aux majorations supérieures dans le cas de logements sociaux ou de logements satisfaisant à des critères environnementaux.
Il existe cependant des situations dans lesquelles la loi du 20 mars trouve toute son utilité parce que les majorations existantes sont insuffisantes ou inadaptées.
On ne parle en effet que de la pénurie de logements sans souligner suffisamment par ailleurs la nécessité de tout mettre en oeuvre pour que les logements existants puissent s'adapter à l'évolution d'une famille. En période de crise économique, cette adaptation est encore plus indispensable.
Elle l'est pour garder plus longtemps à la maison les enfants majeurs qui ne peuvent s'assumer seul, pour récupérer à la maison une fille ou un fils divorcé avec ses enfants, pour rapprocher un parent âgé touché par la maladie ou ne pouvant rester seul. Ce sont la plupart du temps des situations qui ne se planifient pas.
Elles conduisent, dans des délais courts, à transformer un garage en logement, à rajouter une aile à la maison, à rehausser un pavillon existant : toutes situations auxquelles les maires ne peuvent pas répondre…
dans les cas de parcelles trop petites avec des coefficients d'occupation des sols trop faibles, résultant souvent d'ailleurs de divisions de parcelles récentes ou dans les cas d'habitat dense sans COS mais avec des règles en matière de gabarit ou de prospect trop exigeantes.
Ces situations conduisent – nous le savons tous nous qui sommes souvent élus dans de petits villages – un certain nombre de propriétaires à faire des travaux sans autorisation, non pas dans une démarche spéculative, mais simplement pour adapter leur logement aux nécessités de leur famille.
Certes, pour répondre à ces situations, il faut faire évoluer les plans locaux d'urbanisme, avoir des réflexions abouties sur la densification des zones pavillonnaires et des tissus périphériques. Mais ce sont là des processus longs.
Et, nous le savons par expérience, peu de collectivités se lanceront dans des modifications ou des révisions de documents d'urbanisme dans les mois qui précédent les élections locales.
Alors, certes, vous allez une fois de plus supprimer une loi promulguée avant votre arrivée aux commandes de l'État !
Mais, en attendant ces incontournables réflexions sur les conditions de la densification de la ville, comment allez-vous répondre aux familles qui ne trouvaient pas dans la loi du 20 mars un quelconque effet d'aubaine mais une réponse possible à court terme à leurs problèmes, à ces familles qui souhaitaient faire sur place le parcours résidentiel qui accompagne toute vie ?
Cette fois, vous avez fort heureusement indiqué que toute majoration née de l'application de la loi du 20 mars et en vigueur à la date de promulgation de la loi en discussion aujourd'hui s'appliquerait jusqu'au 1er janvier 2016. Mais pourquoi s'arrêter à ces situations et ne pas retenir aussi les communes qui, en toute bonne foi, ont engagé une étude et présenteront une note au public après la promulgation de votre texte mais dans les délais prévus par la loi, soit avant le 20 septembre ?
Ce sont précisément ces communes qui souhaitent, après étude, n'appliquer la loi que sur une partie de leur territoire, justement pour apporter de la souplesse à l'évolution de l'habitat existant, offrir des possibilités d'adaptation de l'habitat à l'évolution de leurs occupants. Quand bien même elles ne seraient que quelques-unes, il faut respecter la démarche. C'est le sens de l'amendement que je présenterai.
L'évolution de l'habitat existant pour l'adapter à l'évolution de la cellule familiale est une question centrale qui touche à la nécessité de densifier la ville, ses zones d'habitat pavillonnaire, et qui permet aussi d'atténuer les conséquences de la crise économique sur les familles.
Cette question mérite une définition de son accompagnement réglementaire, fiscal, économique. J'espère, madame la ministre, que vous y apporterez toute l'attention nécessaire et que vous ne la renverrez pas aux bons soins d'un colloque ou d'une conférence, comme le Gouvernement a maintenant l'habitude de le proposer en réponse aux problèmes.
Je ne suis pourtant pas optimiste et c'est pourquoi je ne soutiendrai pas votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, dernier orateur inscrit, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, M. Apparu vient lui-même d'exposer les raisons pour lesquelles il faut abroger la loi relative à la majoration des droits à construire : il a dit qu'il ne s'agissait pas de construire plus mais de construire là où il y a des besoins. Or la loi en question s'applique à l'ensemble du territoire !
Il ne s'agit pas de construire plus mais de construire mieux, là où il y a des besoins. Vous avez, cher collègue, cité quelques zones géographiques, et je partage votre analyse, mais pour aller au bout du raisonnement, il fallait aussi parler de la qualité des logements. Il est inutile d'augmenter le nombre de résidences secondaires : ce n'est pas répondre au problème du logement en France.
En faisant passer en force et dans l'urgence la loi du 20 mars 2012, Nicolas Sarkozy, Benoist Apparu et les parlementaires de droite ont contribué à fragiliser nos institutions politiques et à remettre en question le rôle des collectivités locales. Non seulement ce texte témoigne d'une défiance certaine à l'égard des élus locaux, mais il traduit une profonde méconnaissance de l'action des collectivités en matière de logement.
Faire valider la majoration des droits à construire dans une commune ou une ville par une consultation publique, voilà qui empêche, entrave et anéantit nombre de projets coûteux qui s'inscrivent dans le long terme et font l'objet d'études, de réflexions menées par des spécialistes en collaboration avec l'ensemble des acteurs du logement.
La loi du 20 mars 2012 est en contradiction totale avec les projets entrepris par les collectivités dans le cadre de plans locaux d'urbanisme. Elle va à l'encontre des décisions prises par les établissements publics de coopération intercommunale pour les communautés de communes ou d'agglomération. Une aggravation des déséquilibres, des dysfonctionnements et des dissensions au sein des collectivités locales et de leurs groupements : voilà le résultat induit par cette loi.
Faut-il rappeler la précipitation du projet ? Nicolas Sarkozy en formule l'idée en janvier, le texte est promulgué en mars. Refus de toute concertation avec les acteurs du logement, refus de mener une politique du logement cohérente, refus d'harmoniser cette loi avec les dispositifs de majoration existants, refus enfin d'associer à ce texte la réflexion et la discussion parlementaires. Le degré de précipitation et d'improvisation avec lequel ce texte a été élaboré, imposé et promulgué est inversement proportionnel à celui qu'aurait mérité et que mérite une question comme celle du logement. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. »
Sur le plan économique et social, ce dispositif est inefficace, voire contre-productif. Il passe à côté des véritables problèmes et favorise, une fois de plus, les plus aisés. Le véritable problème, ce n'est pas tant la dimension du logement que son coût. Or une telle loi facilite l'augmentation de la surface habitable mais n'en réduit pas pour autant le prix, au contraire. Et c'est faire preuve d'une bien grande naïveté ou, pire, d'un profond mépris à l'égard des plus démunis, que de prétendre que cette majoration est une réponse adaptée à apporter aux trois millions et demi de demandeurs de logement et aux six millions de Français logés dans des conditions indécentes ! C'est faire un bien beau cadeau aux couches les plus aisées de la population que de leur offrir la possibilité d'agrandir leur résidence principale ou secondaire. Comme si c'était l'essentiel !
Le problème du logement se pose en termes quantitatifs, certes, mais surtout qualitatifs, et force est de constater que cette loi n'apporte aucune réponse, ni à court ni à long terme, aux deux aspects de ce problème.
On m'a reproché, durant la campagne des élections législatives, d'avoir appliqué la loi SRU dans ma commune avec « un zèle militant ». Assurément ! Et avec l'objectif de loger décemment et à un prix correct tous les habitants de ma commune, quels que soient leurs revenus. Car la priorité réside dans le logement social. La seule solution est le renforcement de la loi SRU, une loi bien différente de celle que nous abrogeons car elle apporte une réponse ciblée aux besoins de logements sociaux, non une réponse globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si majoration il doit y avoir, il faut qu'elle porte sur les crédits alloués au logement social. Et ce n'est pas à vous, chers collègues, que j'ai besoin de rappeler quels sont ceux qui n'ont eu de cesse de les siphonner au cours des dernières années. Une véritable politique sociale du logement, voilà ce que nous nous emploierons à reconstruire, pour la justice, l'égalité, l'efficacité.
Ainsi, la majoration des droits à construire a participé à la fragilisation de l'édifice politique, juridique, économique et social français en matière de logement. Mais l'abrogation n'est qu'un préalable : réparer n'est pas construire. Cette abrogation ne saurait faire office de politique du logement. Abroger, c'est d'abord réparer. Abroger aujourd'hui, c'est préparer pour demain le terrain des nécessaires réformes à venir en matière de logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la présidente, le Gouvernement demande, en application de l'article 48 de la Constitution, que la discussion de la présente proposition de loi se poursuive ce soir à vingt et une heures trente, avant la discussion des deux conventions inscrites à l'ordre du jour de cette séance. (Applaudissements sur divers bancs.)
Je répondrai à l'ensemble des intervenants à la reprise de nos travaux, si vous le voulez bien.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après adoption de la procédure accélérée, visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire ;
Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong-Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron