Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 25 juillet 2012 à 15h00
Traité france-afghanistan d'amitié et de coopération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

…et je leur rends hommage pensant, en particulier, aux familles des quatre-vingt-sept soldats ayant donné leur vie, ainsi qu'aux 700 soldats blessés – moi qui ai bien souvent accompagné des blessés lors de leur retour en France, j'ai à coeur de ne pas oublier ce que nous avons accompli en Afghanistan.

Je le répète, il me paraît difficile d'en appeler maintenant à l'union nationale en faisant abstraction de ce qui a été fait auparavant. Si nous avons obtenu quelques résultats, c'est bien parce que nos soldats se sont battus, c'est bien parce que tant de sacrifices ont été consentis. Je me félicite d'avoir pris ma part dans l'action accomplie, notamment en préconisant de modifier le commandement militaire dans la région de Kapisa-Surobi – nous estimions en effet que l'ancien système était à l'origine de l'attentat d'Uzbin. La réforme mise en oeuvre, aboutissant à la mise en place d'un nouveau commandement opérationnel et à la création de la brigade La Fayette, a permis la réorganisation de l'aide civile autour de nos soldats, qui a obtenu de vrais résultats, ainsi que la relance de notre aide médicale à Kaboul, à laquelle participe le professeur Deloche, dans le cadre de l'Institut médical français pour l'enfant à Kaboul. Elle a également permis la relance de nombreuses collaborations, notamment culturelles et d'enseignement – je pense aux lycées Malalaï et Esteqlal.

Qualifier le travail accompli par nos soldats d'« impasse » – c'est le terme employé par MM. Hollande, Fabius et Vauzelle – par opposition à toutes les autres formes d'action qui, elles, seraient bonnes, est une aberration : quel sens y a-t-il à vouloir à tout prix établir une distinction, dans un pays en guerre, entre l'action de nos soldats et l'environnement, notamment économique, où ils évoluent ? J'y vois une contorsion intellectuelle difficilement acceptable. Ayez l'honnêteté de reconnaître que l'action militaire a été utile et que vous avez voté à tort, à deux reprises, contre le maintien de nos forces en Afghanistan !

En 2008, vous avez bataillé contre la réintégration de la France au commandement intégré de l'OTAN ; à ce sujet, j'ai demandé la semaine dernière à M. Fabius de nous faire connaître sa position quant au maintien ou au retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN, mais j'attends toujours sa réponse.

La même année, en septembre, M. Ayrault affirmait : « Je veux le dire d'emblée : la France ne peut pas, au regard des valeurs qu'elle défend, se désengager brutalement de l'Afghanistan. Nous ne votons pas contre la poursuite de l'engagement de la France en Afghanistan. » Les socialistes ont pourtant bien voté contre – comprenne qui pourra la position du parti socialiste sur l'Afghanistan depuis dix ans !

Aujourd'hui, je me félicite que vous soyez d'accord avec le traité que nous avons négocié, et que vous reconnaissiez, sous la plume du rapporteur, certaines avancées constatées en Afghanistan – entre autres, l'état de santé de la population et la scolarisation des enfants, en particulier des petites filles. Ces avancées ont été obtenues grâce à la mise en oeuvre d'une politique difficile, peu populaire, à laquelle un soutien de votre part aurait été le bienvenu – un soutien que nous n'hésiterons évidemment pas, en ce qui nous concerne, à apporter à la mise en oeuvre de la phase « post-2014 » dont il est aujourd'hui question.

En ce qui concerne le retrait anticipé d'Afghanistan, les socialistes ont opéré un revirement. Il y a quelques mois, leur candidat à la Présidence de la République promettait, du haut de son estrade, le retour de tous les soldats français pour la fin de l'année 2012 ; devenu Président de la République, il a aussitôt changé de discours en précisant que le retrait ne concernait que « les forces combattantes » françaises. Quelle évolution de Tulle à Washington ! Ayez l'honnêteté d'admettre que nous avions commencé à procéder au retrait des forces combattantes françaises avant même l'élection présidentielle – dès septembre 2011, pour être précis – et qu'à l'inverse, il y aura toujours des soldats français en Afghanistan en 2013, voire en 2014, car il y a énormément de matériel à rapatrier, dans des conditions très complexes.

Sur des sujets aussi importants, ne pourrions-nous pas tomber d'accord, en traitant les Français comme des adultes ? Assez de ces circonvolutions, de ces amnésies partielles, de ces supercheries de langage et de calendrier ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La vérité, mes chers collègues, c'est que nous abordons une nouvelle phase qui va dépendre d'au moins trois facteurs.

Le premier est l'engagement économique de la France, un aspect décisif : je me réjouis de voir que notre aide va passer de 40 millions d'euros à 50 millions d'euros par an – ce qui est toujours dix fois moins que ce que fait l'Allemagne, je le précise.

Le deuxième est la formation en matière de sécurité. Moi qui avais préconisé que la gendarmerie française, dont je connais la qualité, soit chargée de la formation de la police afghane, je me demande, comme l'a fait Philippe Folliot avant moi, quels crédits vont désormais être consacrés à cette mission, et ce qu'il va advenir de l'opération Épidote et de la présence de la gendarmerie française en Afghanistan après 2014.

Le troisième facteur est celui de la diplomatie : sur ce point, pouvez-vous nous préciser vos intentions en ce qui concerne l'Inde, le Pakistan, la Chine et l'Iran ? Le rapport de M. Vauzelle est muet sur ce point, et je n'ai pas non plus entendu beaucoup de suggestions de la part de M. Fabius.

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