Vingt-quatre séances, dix jours, 110 heures de débat et 4 999 amendements auront été nécessaires à l'examen du texte portant ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Majorité et opposition, nous avons bataillé, nous nous sommes affrontés, nous avons confronté nos arguments et défendu nos convictions. Nous avons ainsi fait la preuve que c'est dans cet hémicycle que bat le coeur de notre démocratie. C'est un acquis commun.
Après quinze pays, la France s'apprête enfin à ouvrir le mariage civil et l'adoption à des citoyennes et des citoyens qui en étaient privés du simple fait de leur orientation sexuelle.
Ce texte donne satisfaction à une revendication ancienne, apparue aux heures les plus sombres d'une pandémie qui sévit encore. Longtemps, elle fut tenue en lisière du débat politique. Le PACS lui-même ne fut acquis qu'au prix du renoncement à cette exigence d'égalité. Le législateur d'alors crut bon d'ignorer l'histoire sociale et politique qui se déploie sous nos yeux, celle de la sortie du placard, de la volonté d'être simplement soi et des nouveaux dilemmes ouverts dès lors en matière de conjugalité et d'homoparentalité.
Il eut tort, car les arguments d'hier alimentèrent les conservatismes d'aujourd'hui.
Ce texte, chers collègues, rendra désormais possible ce qui, pour une majorité de nos concitoyens, est une évidence. Une évidence, parce que pour tout citoyen, la possibilité de se marier est un droit et une liberté. Une évidence, parce que la majorité de la population désapprouve aujourd'hui que la loi prive encore de ce droit et de cette liberté les gays et les lesbiennes.
Ce projet de loi donne corps à la belle promesse d'égalité que la République fait à chacun de ses enfants. Il permet à la majorité de renouer avec une tradition d'émancipation parfois oubliée en route.
« Changer la vie », disait-on, si je me souviens bien – et je sais que nous sommes nombreux, sur ces bancs, à partager cette ambition de la politique. Ce que nous allons voter dans quelques minutes va en effet, chers collègues, changer la vie d'hommes et de femmes tenus à l'écart de cette institution républicaine qu'est le mariage civil. Ce que nous allons voter va changer la vie de dizaines de milliers de couples qui se voient ainsi reconnus en dignité et en droits. Ce texte va changer la vie de familles et d'enfants qui n'auront plus à bricoler avec la loi. La loi désormais les protégera.
Membre de la majorité, le groupe écologiste est fier de ce que nous allons accomplir. Cette réforme ne saurait cependant se faire à nos yeux au prix d'une ultime crispation.
Vous le savez, différentes modalités pour établir le lien de filiation existent. La filiation repose en effet sur la procréation, sur l'adoption ou sur l'engendrement avec tiers donneur. La filiation d'hier n'était pas biologique, mais instituée sur le socle du mariage. Telle était d'ailleurs la volonté des codificateurs de 1804. Et la filiation de demain ne sera pas une négation de l'altérité des sexes, mais la conjugaison harmonieuse de ce qui existe déjà, lorsque le législateur ouvrira la procréation médicalement assistée aux couples de femmes.
Votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, a pris ici même des engagements et cette parole donnée nous engage tous.
Je voudrais, en concluant mes propos, m'adresser à Mme la garde des sceaux. Vous avez fait preuve, madame, de talent, de détermination pour porter ce texte. Nul ici ne saurait le contester. Presque neuf ans après le mariage célébré par Noël Mamère à Bègles, vous venez de faire tomber les murs d'une discrimination. Il fut à l'époque sanctionné ; vous êtes aujourd'hui célébrée et applaudie dans les rangs de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Que de chemin parcouru ! Ce n'est que justice. C'est donc un mot simple, un mot très simple qui me vient à l'esprit : merci, madame, merci d'avoir apporté votre pierre à ce bel édifice qu'est l'égalité. Dans la majorité, nous pouvons être fiers du vote que nous allons émettre. Nous pouvons aussi être fiers de compter parmi les membres de l'opposition des hommes et des femmes libres qui permettront que des couples aient accès au mariage. (Les députés du groupe écologiste et plusieurs députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)