Tout cela reste bien flou, monsieur le ministre, et je trouve étonnant que même lorsque nous avons reçu le gouverneur de la Banque de France, on n'ait pas pu nous répondre. Ces statistiques, pourtant, existent. Il ne doit tout de même pas être compliqué, pour quatre banques, de nous donner un ordre de grandeur.
En l'absence d'interdiction, puisque vous auriez pu aussi utiliser cette voie, comme les États-Unis l'ont fait partiellement, il est absolument nécessaire que la filiale dédiée à ces activités soit totalement isolée de la maison mère, afin qu'une défaillance de la première n'ait aucun impact sur la seconde. Mais il faut dès lors trouver un outil juridique permettant d'éviter que des prises de risque démesurées des banques ne conduisent à leur faillite ou à leur sauvetage par l'État, c'est-à-dire par le contribuable.
D'autre part, comment s'appliqueront les dispositions prévues à l'article 1er si des banques françaises poursuivent leurs activités spéculatives dans une filiale créée à cet effet à l'étranger dans des pays non-européens avec lesquels nous n'avons pas de convention fiscale ni de convention de contrôle réciproque ? Qu'en est-il dès lors de la territorialité du droit ?
En outre, nous avons compris qu'il serait interdit d'augmenter le capital de la filiale consacrée aux activités spéculatives ; mais le texte n'interdit pas à une banque étrangère de participer à une augmentation du capital qui lui serait réservé dans cette filiale française.
En bref, l'article 1er devrait être amélioré.
Malgré vos espoirs, il sera très difficile pour l'autorité de contrôle prudentiel de contrôler ces filiales situées à l'étranger : lors de son audition, le président de l'autorité de contrôle prudentiel nous a confirmé que l'autorité ne pouvait pas aller contrôler les filiales situées dans des États avec lesquels nous n'avons pas signé de convention. Vous êtes juridiquement détaché dans vos fonctions, monsieur le ministre : vous avez rappelé que vous étiez magistrat à la Cour des comptes ; vous savez donc bien que quand vous ne pouvez aller contrôler sur place, on peut vous raconter beaucoup de choses. C'est du moins ce que ma courte expérience de dix ans à la Cour des comptes m'a appris et je crois que vous-même, quelque peu vacciné, ne croyez que sur pièces – c'est d'ailleurs prudent.
Certains points du projet nous posent problème. En ce qui concerne le régime de résolution, il est encore une fois vraiment dommage que la France se précipite alors même que les négociations au niveau européen ont déjà atteint un stade très avancé. De plus, l'articulation avec le droit commun du code de commerce, en matière de dépôt de bilan et de liquidation, nous paraît encore assez floue. Cependant, ces propositions vont globalement dans le bon sens.
Nos réserves sont en revanche beaucoup plus fortes concernant la création d'un organe central chez Groupama, point que personne n'a évoqué. Laissez-moi faire un peu d'humour, monsieur le ministre. Cette disposition procède de la vieille idée jacobine selon laquelle un système ne peut fonctionner que s'il est centralisé. Avez-vous interrogé vos services pour savoir qui avait décidé de doter le Crédit immobilier d'un organe central, avec le succès que nous avons vu ? Je puis vous le dire, parce que j'étais moi-même président du Crédit immobilier de mon secteur et j'ai fait partie des mencheviks, ceux qui se sont battus contre la centralisation. Bien entendu, la direction du Trésor l'a emporté et a donné le pouvoir à des personnes qui, en fait, ont renversé la pyramide : c'est le sommet qui a imposé sa volonté à la base et non plus l'inverse.
Je prendrai un autre exemple, celui du Crédit agricole. Cette banque est pourvue d'un organe central. A-t-il permis d'éviter les dérapages de l'établissement ? C'est exactement l'inverse.