Lors de son discours au Bourget, il y a un an, François Hollande désignait le monde de la finance comme son « adversaire ». Il rappelait que ce dernier, qui n'a ni visage ni parti et qui ne sera jamais élu, cependant gouverne.
Aujourd'hui, le candidat a revêtu l'habit présidentiel, et dispose désormais de tous les leviers pour défaire cet ennemi. Pourtant, le texte qui nous est présenté est bien loin de répondre de façon efficiente à cette volonté proclamée. Bien au contraire, le projet de loi reprend purement et simplement à son compte certaines dispositions prises par le précédent gouvernement, comme le renforcement de l'autorité prudentielle.
Preuve en est que ce discours n'était qu'une belle occasion de faire un appel du pied à une certaine gauche...Mais une fois encore, pour cet électorat, il ne sera que désillusion.
Après avoir douté de l'ampleur de la dégradation de la situation économique et annoncé qu'il détenait la solution pour en sortir, Monsieur Hollande, une fois en responsabilité, découvre avec stupéfaction que la France vit une crise exceptionnelle et longue, que l'endettement public accumulé est plus que problématique et que la compétitivité est menacée.
Le Gouvernement actuel et les parlementaires de la majorité s'aperçoivent alors que la finance n'est pas un ennemi, mais bel et bien un partenaire avec lequel il faudra composer pour affronter la crise. Nous pouvons au moins nous satisfaire de ce constat tardif !
Depuis, on nous a remis un texte qui est un symbole du décalage entre la parole et les actes, car seul le premier article traite vraiment de la question de la séparation des métiers. D'une façon générale, le droit de spéculer grâce aux produits dérivés sera licite dès lors que la banque universelle pourra expliquer qu'elle a trouvé en face d'elle un client, ce qui est naturellement toujours le cas.
Nul ne peut nier que les crises successives ont eu des impacts sur la société française et nous en subissons aujourd'hui les lourdes conséquences. Nul ne doute qu'il faille muscler la réforme bancaire.
Au-delà de la séparation – ce qui n'est pas remis en cause par les banques puisque le texte ne touche qu'une infime part de leurs activités – il apparaît effectivement nécessaire de remettre à plat la réglementation des marchés financiers afin d'éviter de reproduire les erreurs du passé. Or le texte ne répond pas à cette nécessité, ou alors très partiellement.
Le président de l'ACP a d'ailleurs rappelé lors de son audition que la stricte séparation entre banque de marché et banque de détail n'aidait en rien à réduire le risque, comme l'ont montré les célèbres exemples de Lehman Brothers, pure banque de marché, et Northern Rock, pure banque de détail, qui ont toutes deux fait faillite.
Des travaux plus approfondis auraient peut-être pu répondre à cette problématique, mais cette direction n'a pas été prise. Vous avez préféré naviguer à vue, avec une base proposée par le Gouvernement, arrangée en commission et moult fois amendée, ce qui a abouti à un texte éloigné du projet de loi initial.
In fine, que restera-t-il au terme de la discussion ?
Peut-on s'assurer que l'argent du contribuable sera mieux protégé avec cette réforme ? Le trading haute fréquence est-il écarté ? Qu'en est-il du phénomène du shadow banking pourtant à l'ordre du jour au niveau européen ? Les auditions en commission des finances n'ont pas dissipé les doutes et ont encore moins permis d'apporter de véritables réponses à ces questions.
Nous sommes tous d'accord : les risques que peuvent prendre les banques doivent être limités. Mais nous devons aussi inciter celles-ci à développer prioritairement les activités les plus utiles à l'économie réelle, comme les prêts de trésorerie aux PME. Il faut veiller à établir un juste équilibre.
Les autres pays européens qui ont mis ce thème à l'ordre du jour ont décidé de différer l'application de leurs textes respectifs. Alors, quelle est la pertinence de ce projet en termes de calendrier ? Ce décalage ne nous sera-t-il pas préjudiciable au regard du contexte concurrentiel global ? Michel Barnier a été chargé de proposer avant l'été une directive visant à la régulation bancaire s'inspirant des conclusions du rapport Liikanen. Quelle est donc l'utilité de faire une loi qui devra certainement être retouchée dans quelques mois ?
Tout cela explique peut-être pourquoi le texte est finalement assez flou et renvoie à de nombreuses applications réglementaires ultérieures.
Pour terminer, je déplore que le volet relatif à la protection des consommateurs soit apposé comme un accessoire à ce texte alors qu'il mérite de faire l'objet d'un débat propre.
Je regrette que les socialistes, qui avaient fait pendant la campagne la promesse– une de plus ! – de lutter efficacement contre le surendettement, ne traitent ce sujet que sous l'angle de la simplification de la procédure administrative des situations de surendettement avérées. Nous ne trouvons rien dans le texte sur la prévention de ce fléau qui frappe chaque année de nombreuses familles. Qu'en est-il du fichier positif si souvent évoqué et non suivi d'effets ?
Nous le voyons une fois de plus, votre réforme n'est qu'affichage et posture ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)