Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le moment tant attendu est enfin arrivé. Par cette loi, la France pose la première pierre de la nécessaire régulation des activités bancaires en Europe, afin d'éviter que se reproduise demain sur notre continent une nouvelle crise financière dont non seulement nos banques mais également nos économies éprouveraient les plus grandes difficultés à se relever.
C'est une oeuvre difficile à laquelle se sont attaqués le Président de la République et le Gouvernement, avec le soutien de la majorité.
Difficile, car il s'agit de remettre de l'ordre dans un système bancaire qui a profondément évolué et s'est complexifié depuis le début des années 1980, et qui a débouché, en France, sur la constitution d'un nouveau modèle bancaire articulé autour de banques dites universelles.
Ces quelques grandes banques ont atteint une taille importante et sont devenues des acteurs de premier plan de la finance mondiale. Mais leur résilience n'est pas aussi forte qu'elles le prétendent, et leur affaissement provoquerait à n'en pas douter une crise systémique de nos marchés financiers. Cette situation de fait, monsieur le ministre, est le produit dialectique de l'adaptation des banques françaises au gigantesque mouvement de libéralisation, de décloisonnement et de globalisation des marchés financiers.
Certaines de nos banques se sont lancées à corps perdu dans ce maelström et ont grossi pour devenir, à l'instar de BNP Paribas et de la Société Générale, des multinationales de la finance mais aussi de la spéculation.
Les réguler n'est pas chose aisée car leurs activités mêlent, imbriquent même, des activités utiles au financement de l'économie et des processus hautement spéculatifs dans cette économie de casino qu'est devenu le capitalisme financier transnational.
L'on comprend mieux pourquoi elles se sont arc-boutées pour que le changement législatif soit le plus minime possible, usant de tous les relais que leur confère leur immense force de lobby, qui déploie ses ramifications jusque dans les plus hautes sphères des pouvoirs publics.
La deuxième difficulté est de réaliser cette réforme les premiers en Europe ; c'est un facteur qu'il ne faut pas négliger. Nous avons à faire une réforme, tout en sachant que l'Europe a mis en chantier une réforme globale qui devra déboucher le plus rapidement possible sur de nouvelles mesures à l'échelle de notre continent.
Le Gouvernement se devait donc de présenter un projet de loi suffisamment ambitieux pour ne pas offrir de point d'appui à celles et ceux qui souhaitent que rien ne change en Europe, tout en veillant à ne pas non plus isoler la France au regard du processus à conduire sur notre continent. C'est le sens de votre projet de loi qui a choisi la filialisation plutôt que la séparation, s'inscrivant ainsi dans les pas du rapport Liikanen, qui servira de base à la future réforme bancaire européenne.
Nous en avons pris acte, mais nous avons aussi souhaité donner chair à cette filialisation, afin de permettre qu'elle se déploie dans le temps et que, au fur et à mesure, les pouvoirs publics soient en mesure de verser dans cette filiale les activités hautement spéculatives, sans intérêt réel pour le financement de l'économie et présentant au contraire un danger pour la stabilité du système financier.
Ce fut l'objet d'échanges intenses entre les députés socialistes et le Gouvernement, échanges qui ont débouché sur un compromis représentant une réelle amélioration au regard du projet initial, tel qu'il nous avait été soumis en commission des finances.
Nous vous offrons la possibilité de mieux encadrer à l'avenir les activités de tenue de marché, et nous veillerons avec attention, monsieur le ministre, à ce que vous fassiez l'usage le plus dynamique possible de ce nouveau pouvoir de régulation que nous vous avons confié.
La deuxième grande avancée obtenue par les députés socialistes, écologistes et du Front de gauche concerne l'obligation désormais assignée aux banques de publier un certain nombre d'informations sur leurs activités dans tous les pays. C'est une première en France et, je le crois, dans le monde, un pas important vers la transparence nécessaire sans laquelle la mobilisation contre les paradis fiscaux restera un mot creux.
Ces paradis fiscaux, qui ne sont pas que de petits pays – certains ont table ouverte en Europe et au G20 –, constituent le cancer de l'économie moderne. Ils recyclent l'argent sale du blanchiment. Ils concourent à l'évasion fiscale et représentent une perte considérable de recettes budgétaires, laquelle doit être assumée par les citoyens du monde entier, appelés à équilibrer les finances publiques par leurs contributions.
Avec ce projet de loi, nous effectuons un premier pas utile et important vers une plus grande transparence, réclamée à cor et à cri depuis des années par les ONG et les forces progressistes. Nous pouvons cependant aller plus loin dès aujourd'hui en intégrant le critère de la connaissance des impôts versés par les banques, critère que vous n'avez pas, à ce stade, accepté de faire figurer dans votre texte.
Ce projet de loi, déjà utilement modifié en commission des finances, peut encore être amélioré par nos échanges sur les nombreux amendements que nous avons déposés pour la séance. Hedge funds, trading à haute fréquence, frais bancaires, plus grande transparence sur les paradis fiscaux : d'autres améliorations peuvent sortir de nos débats.
Ces améliorations, qui s'ajouteront à celles, considérables, déjà obtenues, nous permettront de voter ce projet de loi non seulement avec raison mais aussi avec la conviction qu'à défaut de la réforme radicale de séparation des activités bancaires que d'aucuns escomptaient, mais qu'il est très difficile d'accomplir d'un coup, nous aurons néanmoins fait oeuvre utile et novatrice dans un processus de régulation qui ne fait que commencer en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)