Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est doublement à l'avant-garde.
Il l'était d'emblée parce que la France est le premier pays à légiférer sur un secteur économique qui a conduit le monde au bord du gouffre en 2008, avec une crise dont notre pays, notre continent et notre monnaie subissent encore les conséquences aujourd'hui. Rappelez vous : il fallait agir, il fallait sévir. Chacun l'a dit sur tous les tons, dans toutes les langues, de G20 en sommet européens.
La France le fait aujourd'hui. Elle passe de la parole aux actes pour son secteur bancaire, qui n'est ni un nain financier à l'échelle internationale, ni un nain économique à l'échelle nationale. Ce que nous faisons aujourd'hui, ce n'est pas rien !
Oui, notre pays décide de séparer les activités bancaires utiles et même indispensables au financement de l'économie réelle des activités de marché qu'une banque mène pour son propre compte. Cette mesure sera effective dès 2015 et non pas, éventuellement, en 2020, comme nos voisins grands-bretons en ouvrent très hypothétiquement la perspective.
Le secteur bancaire doit être au service de l'économie et non l'inverse. C'était l'engagement du candidat François Hollande que beaucoup ont écouté pendant la campagne présidentielle. C'est le sens de ce projet de loi qui crée de nouvelles obligations pour les banques, donne de nouveaux pouvoirs au régulateur et à l'État, et protège les épargnants et les contribuables.
Nous souscrivons d'autant plus à ce texte, monsieur le ministre, que vous avez accepté la proposition que nous vous avons faite, nous socialistes, derrière l'excellente et tenace rapporteure Karine Berger : ce sera l'État, et non les banques, qui définira les activités de tenue de marché, et vous, monsieur le ministre, pourrez à tout moment, avec la souplesse et le « sur mesure » nécessaires, décider de faire basculer dans la filiale cantonnée les activités qu'une banque aurait abusivement ou dangereusement laissées dans la maison mère.
C'est une décision fondamentale, et je comprends qu'elle ne plaise pas à nos collègues de la droite : elle met en oeuvre la responsabilité politique au sens le plus noble du terme, celle d'un État stratège que nous appelons de nos voeux, celui qui ne substitue pas, mais qui oriente, impulse, contrôle et protège.
J'avoue ne pas comprendre le plaidoyer, que je sais pourtant sincère, de certains qui voudraient que l'on ampute totalement les activités de marché de celles de dépôt. Serait-il souhaitable pour la gauche, et en tout cas pour la gauche du redressement productif, d'adhérer à un modèle où, dès lors que les dépôts des particuliers seraient garantis, le politique serait quitte et se désintéresserait complètement du fonctionnement des marchés de capitaux, des marchés obligataires, où se jouent chaque jour des emprunts décisifs pour les investissements de nos grands groupes, de nos entreprises de taille intermédiaire et de nos PME ?
Le Gouvernement a préféré la voie plus pragmatique et plus sûre de la filialisation-séparation. En terme de protection, le résultat est le même et c'est l'essentiel.
Ce texte est également avant-gardiste en ce qu'il introduit de la transparence dans le mécanisme et renforce par là même la lutte contre les paradis fiscaux, si du moins tous les amendements sont adoptés.
Chaque année, comme je le demandais avec beaucoup de socialistes, et même dès cet exercice, ainsi que l'ont intelligemment proposé nos amis écologistes, les banques devront publier la nature de leurs activités, leurs effectifs et leurs produits nets bancaires pour chaque pays où elles sont présentes directement ou via une filiale. C'est une avancée majeure dont, naturellement, la droite ne voulait pas, et qui place la France à l'avant-poste de la bataille de la régulation financière. Nous invitons tous les parlementaires du monde et, à tout le moins, nos honorables partenaires d'outre Manche, d'outre Rhin et d'ailleurs en Europe à faire de même.
Enfin, je veux saluer, monsieur le ministre, l'action résolue que vous engagez pour protéger les clients des banques, et pas seulement les plus fragiles. Vous avez accepté un amendement socialiste qui tend à plafonner pour tous les particuliers les commissions d'intervention et grâce auquel nous pourrons casser l'infernale spirale du découvert dans laquelle se débattent nombre de nos concitoyens. Je vous en remercie au nom de tous ceux que nous recevons dans nos permanences, comme je vous remercie d'avoir été sensible aux amendements que j'ai portés, avec d'autres, pour aider, face à leurs banques, les 2,7 millions de TPE et travailleurs indépendants, soit 97 % des PME françaises, dont on ne parle jamais, ou si rarement.
Vision, action, protection : pour toutes ces raisons et bien d'autres, nous voterons ce texte avec fierté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)