Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 13 février 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion générale

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Pour le reste, en régulant la finance, j'ai le sentiment d'être dans mon rôle de ministre de l'économie et des finances : le secteur bancaire ne pourra que bénéficier d'un secteur financier plus stable et moins explosif. J'aurais l'occasion de le redire à d'autres orateurs de l'opposition, je crois que cette réforme est nécessaire et qu'en toute hypothèse, une réforme est nécessaire. Je n'accepte pas l'idée que le laisser-faire puisse être la réponse.

À ce sujet, et concernant les amendements socialistes relatifs à la tenue de marché, je veux dire, pour lever toute ambiguïté, qu'il n'y a pas d'un côté ceux qui cherchent à durcir le texte et de l'autre un ministre qui serait modéré. Ces amendements me conviennent absolument, totalement. Ils permettent justement de traiter un sujet que le Royaume-Uni esquive. Non pas parce que ce n'est pas possible, mais parce que nos amis anglais souhaitent, comme vous l'avez bien dit, monsieur le président, ne rien changer à la City. Nous n'avons pas le même modèle bancaire. À cet égard, la démonstration faite par Pierre-Alain Muet hier est implacable et brillante. Elle montre qu'à chaque système bancaire doit correspondre un type de réforme. Je pense que nous faisons le type de réforme qui correspond à un modèle européen et au modèle français de surcroît, marqué par la banque universelle. Nous sommes, je le crois, parvenus à l'équilibre.

J'ai noté votre mise en garde, monsieur le président de la commission des finances, sur un point, les frais bancaires. Mais j'ai aussi apprécié les éloges que vous avez adressés à la rapporteure et, au fond, votre appui intellectuel à l'ensemble de la réforme. Je ne sais pas quelles conclusions vous en tirerez mais je voulais vous remercier de votre apport aux travaux.

Je remercie M. Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour son analyse de la loi et aussi pour le travail approfondi de sa commission. Celle-ci, Mme Massat l'a souligné également, a beaucoup travaillé sur ce sujet depuis longtemps. Je veux vous assurer que même si, comme il se doit, la commission des finances a été le théâtre privilégié de discussion de ce texte, les amendements qui sont proposés par la commission des affaires économiques et les interventions que vous faites sont plus qu'appréciés. Ils seront entendus dans le cadre de la discussion qui va s'ouvrir.

Nous n'avons pas pu recevoir tous les amendements déposés mais nous avons pu progresser ensemble sur nombre de sujets - notamment ceux concernant les consommateurs. Je sais que vous y êtes attachés. Après la banque publique d'investissement, c'est un nouvel exemple de coopération fructueuse avec votre commission que je veux saluer.

Enfin, je salue la qualité de l'intervention de M. Caresche et du travail qu'il a mené pour mettre la réforme française en perspective européenne. Il a raison d'insister sur la nécessité d'avancer au plus vite aux niveaux européen et international. Je me bats, à Bruxelles, pour que la réglementation européenne soit ambitieuse. N'oubliez pas – je ne l'ai peut-être pas suffisamment souligné mais je ne voulais pas être trop long dans mon intervention liminaire – que si la supervision bancaire a connu des avancées historiques, à la fois au Conseil européen des 28 et 29 juin puis lors du conseil ECOFIN qui a adopté une feuille de route sur la supervision bancaire qui n'était même pas dans les limbes avant que nous arrivions aux responsabilités, c'est parce que la France a été aux avant-postes.

Je le dis à François Baroin, les ministres des finances, actuels et anciens, forment une sorte de club qui interdit qu'on se mette en cause personnellement. Il ne l'a pas fait, je ne veux pas le faire non plus, d'autant que nous entretenons des relations personnelles très cordiales, cela se sait. Quand je défends au conseil ECOFIN ou à l'Eurogroupe les thèses de la France aujourd'hui, je n'ai pas le sentiment que nous ayons moins d'audience que nos prédécesseurs. Quand il s'agit du thème d'aujourd'hui, j'affirme que nous l'avons installé dans le débat public. C'est grâce à nous que ce sujet avance. Ce texte, j'en suis persuadé, j'en parle souvent avec Michel Barnier, est un texte précurseur qui servira de point d'appui au commissaire pour élaborer sa réforme. Je n'ai pas l'intention de lui griller la politesse. Je ne souhaite pas faire un texte isolé. Je souhaite faire un texte qui soit une avant-garde et qui permette ensuite de poser des jalons qui seront de nature à permettre aux autres Européens d'avancer. Telle est mon intention, je n'en ai pas d'autres. M. Caresche a bien tracé la perspective à cet égard.

Ayant salué les présidents et les rapporteurs, je veux répondre rapidement aux autres orateurs et revenir un moment sur le sujet de la séparation des activités et sur la référence, plus ou moins explicite, au Glass Steagall Act.

C'est un sujet qui est revenu dans nombre d'interventions, parmi lesquelles celles d'Eric Alauzet, de MM Robert, Sansu, Laurent et quelques autres mais aussi de M. Lellouche, que je ne veux pas oublier puisqu'il s'est démarqué sur ce point d'autres interventions du groupe auquel il appartient.

Je l'ai dit à plusieurs reprises, y compris dans mon intervention liminaire : si j'avais pu penser, et j'y ai réfléchi évidemment, que la séparation stricte était la solution à la crise financière dans le cas français, soyez certains que nous l'aurions appliquée ! Je n'avais pas, et je n'ai pas, d'a priori sur ce sujet.

Dans le droit fil des observations de M. Muet, j'essaie de faire en sorte que nous ayons le modèle le plus adapté au système français, afin, encore une fois, de mieux réguler, mieux contrôler, mieux moraliser sans entraver, sans fragiliser ou affaiblir. Il suffit d'examiner la liste des institutions, banques ou autres, qui ont failli pendant la crise. Aucune de ces faillites, à ma connaissance, n'aurait pu être évitée par une séparation de type Glass-Steagall.

La vérité, malheureusement, est que l'étincelle de la crise est venue des subprimes ou encore des cajas espagnoles. L'expérience nous montre que, même une banque purement d'investissement peut avoir des effets systémiques si elle est trop liée au reste de l'économie.

Cela ne veut pas dire que la question de la séparation est définitivement tranchée. Cela ne veut pas dire que les questions peuvent être balayées d'un revers de main. Il faut faire une analyse concrète, ici et maintenant, dans un pays déterminé sur ce continent de ce que sont les intérêts du système bancaire : c'est ce qui m'a conduit à ne pas retenir la thèse de la séparation.

Que veulent les partisans de la séparation ? Ils veulent mettre fin à l'aléa moral et brider la spéculation. C'est ce que fait ce texte.

La vraie réponse, c'est une filialisation stricte et un régime de résolution qui permettra de mettre créanciers et actionnaires en face des risques qu'ils prennent.

D'ailleurs, il y a eu un débat entre l'un d'entre vous et la rapporteure. C'est vrai que la filialisation, telle qu'elle est présentée ici, avec des structures et des dirigeants différents est une vraie séparation ; elle n'est pas cosmétique, elle est réelle. Le travail parlementaire a permis d'avancer sur ce point.

De nombreux députés – Eric Alauzet, Eva Sas, Clotilde Valter, Christian Paul, Sandrine Mazetier et Dominique Potier – se sont intéressés aux paradis fiscaux

Un amendement du groupe écologiste et du groupe socialiste a été adopté en commission des finances. C'est une première mondiale dont nous pouvons être fiers. Je sais qu'on m'a reproché de parler en ces termes, mais je le fais quand même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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