Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 14 février 2013 à 9h30
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui la dernière étape pour l'adoption de la loi instaurant le contrat de génération, à la suite des travaux de la commission mixte paritaire. Comme cela a été dit, ce texte est issu d'un dialogue entre les partenaires sociaux que je tiens à saluer en préambule de mon intervention et sur lequel je reviendrai ultérieurement.

Bien sûr, notre travail parlementaire ne s'est pas limité à une stricte retranscription de ce dialogue et des accords qui en découlent, car ce serait une approche naïve des rapports de force qui traversent la société. Je crois que les améliorations sensibles que nous avons su apporter à la loi marquent notre volonté de soutenir la condition des employés dans les entreprises. Toutefois, nous avons su préserver l'équilibre de l'accord qui engage les partenaires sociaux sur la voie de la responsabilité dans leurs négociations ultérieures. Nous pouvons, messieurs les ministres, y voir un ballon d'essai pour le texte suivant.

La loi sur le contrat de génération instaure une obligation pour les entreprises de prendre leur part de responsabilité dans la résorption du déséquilibre structurel du chômage des jeunes et des salariés âgés. Essentiellement incitative, cette mesure contient une pénalité pour les entreprises les plus riches qui ne se mettraient pas en conformité avec les dispositions prévues.

Pour nous, écologistes, l'un des intérêts essentiels de ce texte réside dans l'esprit de coopération qu'il promeut au sein de l'entreprise. Car si le chômage est aussi déséquilibré entre les tranches d'âges, c'est parce qu'il règne trop souvent un climat concurrentiel entre générations. Favorisée par un haut niveau de chômage, cette concurrence renforce les inégalités salariales, accentue la pression à la baisse des salaires et entretient souvent le déséquilibre hommes-femmes. Plus encore, il conduit l'entreprise à se dessaisir de son caractère social et structurant, notamment en matière de formation tout au long de la vie ou d'évolution dans les parcours professionnels.

En renforçant la coopération entre les salariés, cette loi permet à des jeunes de bénéficier d'un emploi plus tôt et de maintenir les salariés âgés dans l'emploi à un moment où l'allongement des durées de cotisations conduit les retraités à une diminution de leurs indemnités de retraite. Du point de vue de la formation et de la transmission des savoirs, elle incite les entreprises à développer des plans de formation au bénéfice des personnes les moins qualifiées et valorise la transmission des compétences des salariés âgés disposant d'une expérience et d'un savoir-faire précieux.

Comme je le disais, notre travail législatif ne s'est pas limité à une simple retranscription de l'accord. Par des amendements successifs à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous sommes, me semble-t-il, parvenus à un texte qui, tout en respectant l'équilibre initial, comporte de réelles améliorations pour les salariés. Tout d'abord, les contrats de génération doivent être un moyen d'améliorer la situation de personnes au chômage en raison de leur âge, de leur manque d'expérience ou de leur coût pour l'entreprise : en instaurant une quotité horaire minimale pour ces contrats, nous avons voulu renforcer la lutte contre la précarité salariale et contre l'augmentation continue d'une classe de travailleurs pauvres cumulant les petits boulots pour faire face à leurs besoins élémentaires.

Pour limiter les effets d'aubaine de la loi, nous avons aussi interdit le remplacement d'un salarié licencié au cours des six derniers mois pour des motifs autres qu'économiques ou de faute grave ou lourde. La loi portant dans son esprit une coopération entre salariés qui se traduit par une formation accrue, nous avons amélioré le texte en obligeant les accords à préciser les dispositions de formation spécifique. En effet, nous savons que le maintien dans l'emploi des jeunes sans qualifications suffisantes ainsi que la progression dans leur parcours professionnel passent par un investissement conséquent dans leur formation.

Il s'agit là d'une mesure de justice sociale importante pour compenser l'inégalité que subissent ceux qui, par la condition sociale des familles dont ils sont issus, n'ont pas pu suivre un parcours scolaire qualifiant ou diplômant. Par la loi, nous renforçons le rôle fondamental que peut jouer l'entreprise dans la lutte contre les inégalités sociales.

Comme vous avez pu le dire lors des précédentes étapes de l'examen du texte, monsieur le ministre, cette loi s'inscrit dans un projet plus global du Gouvernement pour lutter contre le chômage. Précédée par les emplois d'avenir, elle sera suivie d'un moment important pour notre majorité, la loi relative à la sécurisation de l'emploi. Dans cette série de lois, le Gouvernement a décidé de lever les obstacles à l'embauche, en particulier des salariés les plus précaires.

Cependant, nous, les écologistes, savons que le chômage ne résulte pas de ces seuls dysfonctionnements.

Notre économie est en pleine mutation. La raréfaction des ressources et le réchauffement climatique appellent notre secteur industriel à revoir en profondeur son mixte énergétique et à développer de nouvelles filières industrielles. Comme nous le savons, l'anticipation de ces mutations est fondamentale pour accompagner les salariés dans leur parcours professionnel, mais aussi dans les plans de formation pour adapter l'emploi aux nouvelles technologies.

Nous savons que tous les secteurs seront touchés par ces mutations dans les prochaines années. D'ores et déjà à l'oeuvre dans le secteur de la sidérurgie ou de l'automobile, demain dans les transports, l'agriculture, le bâtiment et sa rénovation mais aussi dans les services, la transformation écologique ne doit pas être subie mais au contraire appréhendée comme une opportunité importante pour diminuer massivement le chômage.

Nous attendons donc que les lois actuelles soient rapidement complétées par des lois structurantes pour notre économie afin de favoriser le développement des nouvelles filières tout en garantissant l'accompagnement des salariés issus des secteurs en mutation.

Cet accompagnement de la transition écologique doit suivre une méthode elle aussi nouvelle. Au face à face entre le marché et l'État, qui a montré son incapacité à affronter ces crises d'un genre nouveau, il nous faut substituer le fédéralisme et le dialogue social.

Le fédéralisme, qui consiste dans un premier temps à mieux négocier les décisions de l'État avec l'Europe et les territoires locaux de projets et à utiliser de nouveaux moyens, notamment en matière de fiscalité, doit se retrouver dans chacune des lois économiques de notre majorité.

Cela passe par une association resserrée des collectivités territoriales en général et des régions en particulier dans la définition et la mise en oeuvre concrète des lois, notamment de celle-ci.

Comme vous le souligniez, monsieur le ministre, la mise en oeuvre des emplois d'avenir démarre lentement. En appelant les associations et les collectivités à un effort, vous insistez sur le rôle incontournable que doivent jouer les collectivités dans la réussite des politiques publiques. Pensées en lien direct avec le territoire et mises en oeuvre par les citoyens de ces territoires, elles ont une chance beaucoup plus grande d'aboutir à leurs objectifs.

Le parallèle avec le monde de l'entreprise est évident ; c'est pour cela que, au même titre que nous sommes fédéralistes, nous souhaitons promouvoir le dialogue social et la négociation.

Seul un modèle d'entreprise associant davantage les salariés aux choix stratégiques peut permettre de renforcer le droit des salariés dans un contexte d'économie mondialisée où des actionnaires parfois désincarnés dictent leurs lois iniques. Ce modèle d'organisation existe déjà mais doit être développé avec force. Il s'agit, vous l'aurez compris, de l'économie sociale, qui nous est chère, et qui allie la responsabilité sociale et la participation, ou encore l'innovation dans les modes d'organisation du travail et la répartition des produits de l'entreprise.

Comme lors des précédents votes sur ce projet de loi, le groupe écologiste votera avec plaisir ce texte, qui constitue pour nous une étape sur le chemin de la résorption du chômage. S'agissant de la transformation écologique de notre économie, nous attendons – avec impatience parfois, mais cela doit être fait avec sérieux – les mesures d'ampleur qui permettront de concilier dans un même élan la réponse aux urgences sociales et environnementales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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