Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 13 février 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, président :

Le projet de cette communication est parti d'un constat très simple. Certes, notre quotidien est fait de l'examen des nombreux projets et propositions de loi qui sont soumis à notre Commission. Les travaux que nous menons en ce moment sur le projet de loi de refondation de l'école sont là pour le rappeler. Mais, dans le cadre de leur mission de contrôle de l'action du Gouvernement qu'elles exercent par délégation de l'Assemblée – fonction qui a été expressément inscrite dans la Constitution lors de la révision du 23 juillet 2008 –, les commissions se sont de plus en plus attachées à développer, parallèlement à leur activité proprement législative, leur capacité à approfondir leur réflexion, à travailler à moyen terme autour de thématiques particulières. Elles sont parvenues à dégager du temps pour mûrir leurs orientations et devenir ainsi forces de propositions.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales puis, depuis 2009, la Commission des affaires culturelles et de l'éducation ont ainsi investi beaucoup de temps et d'énergie à s'informer et à proposer de nombreuses réformes.

J'avais une conviction qui s'est affermie grâce à ce travail : nombre des analyses et recommandations que notre Commission a faites dans la poursuite de sa mission de contrôle ont pu servir directement à améliorer la qualité de l'exercice de sa fonction législative. Dans le même temps, le suivi des lois intervenues dans son champ de compétence a pu la conduire à approfondir l'examen de telle ou telle politique publique et formuler des propositions de modifications législatives. Il existe un « chaînage vertueux » entre fonction de contrôle d'un côté et travail législatif d'autre côté.

Face à ce travail très substantiel et à cet investissement conséquent de notre Commission, la question que je me suis posé était la suivante : comment valoriser et rendre accessible, facilement, l'ensemble de ces analyses et propositions, dans le but à la fois de rendre hommage, bien sûr, aux efforts déployés, mais aussi et surtout avec l'intention de mettre à la disposition de chacune et de chacun un outil qui permette de nourrir ses réflexions dans le cadre des travaux législatifs en cours et à venir ?

Vous le comprenez bien, dans cette démarche, sans pour autant nier les différences d'appréciation qui ont pu se faire jour dans les propositions émises par les différents rapporteurs qui se sont succédé au cours d'une décennie, il n'était pas question d'adopter un point de vue partisan.

Pour répondre à cet objectif, j'ai dû évidemment faire des choix. Mais j'ai essayé, autant que faire se peut, d'embrasser le plus largement possible les travaux de notre Commission. Cela mérite quelques précisions.

Sur quels principes me suis-je appuyé ? Pour résumer, j'ai extrait de tous les rapports d'information et de tous les avis budgétaires rendus depuis dix ans dans les secteurs pour lesquels la Commission est compétente – culture, communication, enseignement scolaire et supérieur, jeunesse, sports et vie associative, sans oublier la recherche –, documents constitués de vingt-deux rapports d'informations et de quatre-vingt-cinq avis budgétaires, l'ensemble des propositions et recommandations de réforme qui y étaient formulées. Puis, dans une annexe exhaustive, j'ai retracé ces plus de mille préconisations, regroupées par grands thèmes.

Dans un premier temps, il m'a fallu définir l'amplitude de la période de référence retenue pour recueillir les recommandations faites par la Commission à travers les différents rapports et avis qu'elle a publiés. J'ai choisi, après avoir évoqué cette question avec le Bureau de la Commission, de couvrir la XIIe législature, la XIIIe législature ainsi que les tout premiers mois de la présente législature.

J'ai choisi de retenir une période relativement longue offrant l'avantage de disposer d'une base suffisamment riche et diversifiée pour non seulement prendre en compte un échantillon représentatif des opinions émises des divers bancs de la Commission – les rapporteurs de l'opposition ayant eu et continuant d'avoir voix au chapitre –, mais aussi pour balayer l'ensemble du spectre, très large, des compétences de la Commission.

Ne prendre qu'une seule législature de recul (2007-2012) aurait pu présenter des difficultés. Le temps n'a pas encore fait son oeuvre. Une période plus longue permettait donc de mieux rendre compte de la richesse des recommandations et des opinions.

Choisir quinze ans aurait été, compte tenu de ce qu'est le temps parlementaire, excessif. Un rapide sondage m'a permis de constater que les problématiques abordées entre 1997 et 2002 avaient, pour la plupart, évolué de façon significative et que, de ce fait, nombre des préconisations n'étaient pas tout à fait idoines.

Retenir dix ans m'a donc paru constituer un bon compromis.

Certains auraient pu craindre que la période 2002-2012, retenue pour champ d'investigation, ne traduise la volonté de faire un bilan des politiques culturelles et de l'éducation dans la décennie passée. Et du bilan… au réquisitoire, le pas pourrait être vite franchi.

Il convenait, dans un second temps, de déterminer le champ couvert par le rapport. Il est apparu, pour faciliter la lecture, nécessaire de classer les recommandations par grandes politiques publiques : culture, communication, enseignement scolaire, enseignement supérieur, jeunesse, sports et vie associative, recherche.

Je n'ai pas opéré de tri a priori des propositions, laissant à chacun le soin de juger de leur pertinence, de les reprendre à son compte ou d'adopter à leur égard une distance critique.

Pour finir sur ces questions de méthode, je ferai une remarque pour faciliter la lecture. En effet, je vous propose une grille de lecture qui permettra à chacun de contempler chaque recommandation à l'aune de trois critères : les propositions qui ont d'ores et déjà été mutatis mutandis mises en oeuvre ; celles qui pouvaient présenter un intérêt au moment où elles ont été formulées, mais qui ne sont plus d'actualité ; celles, enfin, qui mériteraient d'être de nouveau discutées en vue de débats à venir, soit pour être reprises, soit pour être rejetées, soit pour être adaptées. Là aussi, je laisse le soin à chacun de se faire son opinion.

Quel a été le résultat de mes investigations ? Quelles leçons en tirer ?

La première leçon est celle du pluralisme. Pour bien lire les propositions, il faut conserver à l'esprit la tradition pluraliste de la Commission qui a, de manière quasi constante, choisi, notamment dans ses travaux de contrôle, à la fois de privilégier la construction d'un consensus et de laisser s'exprimer l'opposition. Il n'y a pas de contrôle sans participation de l'opposition.

En tant que président de la Commission, j'ai souhaité proposer au Bureau de réaffirmer, dès le début de la législature, que, par principe, tous les travaux de la Commission, y compris législatifs soient ouverts à la presse et diffusés sur internet. Nous avons été pionniers en la matière.

J'ai également souhaité que soit confirmée l'attribution d'avis budgétaires à l'opposition.

Mais, j'ai voulu aller plus loin. Et, en rupture avec ce qui se faisait jusqu'alors, j'ai voulu que s'impose le principe de l'attribution de la présidence des missions d'information à un membre de l'opposition, au-delà même des prescriptions du Règlement de l'Assemblée nationale qui n'impose une représentation de l'opposition que dans le cas où la mission est composée de deux membres. Ainsi, de manière systématique, l'ensemble des missions créées par la Commission depuis le début de la XIVe législature comprennent un président ou un corapporteur d'opposition : c'est vrai pour la mission d'information commune sur les conditions d'emploi dans les métiers artistiques ; c'est vrai pour la mission d'information sur l'accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs ; c'est vrai enfin pour le rapport d'information sur l'application du fair-play financier au modèle économique des clubs de football professionnel.

L'exercice de la mission de contrôle de l'action du Gouvernement revêt, plus que l'activité législative un caractère transpartisan, le plus souvent à l'abri de la pression de l'actualité la plus brûlante, autant de facteurs qui facilitent les échanges et permettent d'obtenir, y compris sur des sujets sensibles, des positions communes à la majorité et à l'opposition.

Ainsi, à titre d'exemple, le rapport sur les rythmes scolaires rendu par la mission d'information en 2010 a pu s'achever sur un consensus. De manière également consensuelle, l'analyse des difficultés de l'audiovisuel extérieur de la France a pu réunir en 2012 les deux corapporteurs, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, même si les solutions proposées divergeaient.

Pour prendre un exemple dans un autre secteur, celui des sports, de nombreuses propositions consensuelles ont été portées, de manière constante, par la Commission : renforcer le parc des équipements sportifs et leur multifonctionnalité et programmer la réalisation de ces équipements.

En réalité, il est possible de trouver des illustrations de la constance de la Commission dans sa volonté consensuelle de promouvoir certaines politiques publiques dans tous ses autres champs de compétences.

Ainsi, dans le secteur de la culture, la constance de la Commission peut être éprouvée sans peine dans la défense du développement d'un mécénat équilibré. C'était vrai en 2006 dans le rapport d'information sur la conservation et l'entretien du patrimoine monumental. C'était vrai en 2012 dans le rapport d'information de sur les nouvelles formes du mécénat culturel.

D'autres recommandations ont été, il est vrai, moins consensuelles qu'il s'agisse du sport professionnel ou de l'organisation des fédérations. Ainsi, les divers rapporteurs ont pu préconiser de s'inspirer, ou non, du modèle anglo-saxon pour le sport professionnel, d'en rester, ou non, au statut associatif des fédérations, d'ouvrir, ou non, davantage le champ des paris sportifs, d'assurer, ou non, une meilleure représentation des ligues professionnelles au sein des fédérations.

Cette absence de consensus sur certaines questions n'invalide pas, en elle-même, l'effort de propositions dont la Commission a toujours fait preuve. La discussion a toujours permis, en effet, de clarifier les termes du débat, de dessiner les contours de chaque question, de permettre à chacun et à chacune de mûrir sa réflexion sur des sujets souvent très techniques et prendre position en pleine connaissance de cause.

La seconde grande leçon de ce travail est la suivante : la simple lecture de la liste exhaustive des recommandations formulées depuis dix ans démontre, s'il en était besoin, l'enrichissement mutuel qui naît de l'exercice concomitant ou successif, par la Commission, de ses fonctions de contrôle et de ses missions législatives.

Certaines des propositions ont pu ainsi préparer, éclairer l'examen et l'évaluation de certaines lois ou, plus largement, la réorientation de certaines politiques.

Je ferai, à ce propos, quatre remarques.

D'abord, nombre de réformes législatives ou réglementaires ont été précédées, en amont, par une réflexion approfondie menée en commun par les députés. Illustrent parfaitement cette pratique les rapports qui ont, par exemple, précédé, accompagné ou suivi la mise en place d'un opérateur d'audiovisuel extérieur.

Ensuite, il est possible de relever des cas dans lesquels une telle réflexion en amont a pu manquer. À cet égard, il est possible de rappeler les débats qui ont conduit à l'adoption de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ou a fortiori ceux qui ont abouti à la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

À l'inverse, c'est ma troisième remarque, il est également intéressant de relever que certaines des propositions faites dans le passé peuvent utilement servir à éclairer les débats en cours ou à venir. Dans ce registre, j'évoquerai le rapport d'information de 2011 sur les droits de l'individu dans la révolution numérique, en particulier dans son volet relatif au développement des nouveaux supports numériques dans l'audiovisuel ou la presse, qui fait de nombreuses propositions susceptibles d'orienter les réformes en cours ou à venir en la matière.

Enfin, certaines recommandations présentées mériteraient de connaître une suite, voire mettent en évidence l'urgence de certaines réformes. À ce dernier titre, le double exemple des recommandations formulées pour améliorer la santé des étudiants ou encore leur logement, question qui a fait l'objet de propositions récentes, suffit à le montrer.

En tout état de cause, la richesse des recommandations présentées ici – certaines sont consensuelles, d'autres très conflictuelles, certaines très techniques, d'autres plus politiques – doit constituer un outil de référence qui peut servir non seulement à apprécier les lois adoptées récemment, guider les réformes législatives à venir, mais aussi, au-delà, à orienter les politiques publiques que le Gouvernement définit et conduit.

C'est tout le sens du rapport qui m'a été confié : qu'il puisse être un vade-mecum utile à celles et à ceux qui ont reçu du suffrage universel la belle légitimité mais aussi la lourde responsabilité de faire la loi ; au-delà de nous, que ce vade-mecum soit utile à toutes nos concitoyennes et à tous nos concitoyens.

Pour conclure, je vous propose de publier cette communication sous la forme d'un rapport d'information, comme le projet qui vous a été envoyé ce lundi, rapport qui contiendra, un exposé général, le compte rendu de notre discussion une annexe avec l'ensemble des propositions formulées par la Commission depuis dix ans.

Ce document sera disponible sur le site internet de l'Assemblée nationale. Dans sa consultation, sa version internet sera évidemment particulièrement utile et pratique.

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