Au nom des salariés des filiales d'Alcatel-Lucent en France, nous vous remercions de votre invitation, signe de votre intérêt pour la filière stratégique des télécoms, essentielle pour l'emploi, pour l'économie et pour la souveraineté de notre pays. En effet, quelle organisation, quelle entreprise, quel citoyen vit aujourd'hui sans téléphone portable ou sans Internet ?
Il nous semble opportun et constructif qu'après avoir entendu la direction du groupe, vous accueilliez les représentants des salariés. Plutôt que de nous contenter chacun d'une intervention courte et nécessairement incomplète, nous vous présenterons un exposé commun, puisque les organisations composant l'intersyndicale partagent le même diagnostic.
Je rappellerai l'histoire du groupe, avant de céder la parole à François Schmets, qui évoquera l'avenir d'Alcatel-Lucent en France et en Europe, puis sa situation financière.
Olivier Catteau fera le point sur l'avenir de l'innovation et sur les questions de réciprocité des échanges, de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de sécurité des réseaux.
Hervé Lassalle, enfin, présentera les actions possibles à court terme et les conséquences du plan d'économies sur les bassins d'emploi.
Le groupe Alcatel-Lucent est issu de la fusion en 2006 du groupe Alcatel, du groupe Lucent et de la partie mobile de troisième génération rachetée à Nortel.
De 1898 à 1995, la Compagnie générale d'électricité, qui devait donner naissance à Alcatel, était progressivement devenue un conglomérat, un acteur majeur de pans entiers de l'économie avec des entreprises qui sont aujourd'hui leaders dans leur domaine : Cegelec, Saft, Alstom ou Nexans.
À partir de 1995, Serge Tchuruk, sous prétexte de se recentrer sur le coeur de métier pour atteindre un taux de croissance à deux chiffres, s'est progressivement séparé de toute activité extérieure aux télécommunications.
À partir de 2001, il a érigé en principe le concept d'entreprise sans usine (fabless) et cédé la plupart des usines de production que le groupe possédait dans le monde.
Entre 1995 et 2006, on est ainsi passé d'un conglomérat pesant 25 milliards d'euros et regroupant 192 000 employés, à un groupe recentré sur les télécommunications dont le chiffre d'affaires dépassait à peine 12 milliards d'euros et qui n'employait plus que 61 000 personnes. Pendant la même période, le groupe faisait – au prix fort : 18 milliards d'euros – des acquisitions externes, rarement heureuses, tandis qu'il récupérait 11 milliards d'euros par des cessions.
En 2006, l'achat de Lucent par Alcatel, présenté comme une fusion entre égaux, a correspondu en fait à une opération de sauvetage de Lucent, qui, ayant quasiment arrêté toute R&D, se contentait de vendre des produits d'ancienne génération en se concentrant essentiellement sur son marché intérieur.
Rappelons que la filière des télécoms s'étend des fournisseurs de composants, des équipementiers comme Alcatel-Lucent, aux utilisateurs – entreprises et particuliers – en passant par les sous-traitants pour les terminaux et les infrastructures, par les opérateurs et par les over-the-top (OTT) comme Google et Facebook – et que la valeur ajoutée y est partagée de façon très inégale.
Le groupe Alcatel-Lucent est considéré aujourd'hui comme un généraliste du secteur infrastructure télécom, qui comprend les réseaux fixes, les mobiles, l'optique, les routeurs IP et les services. Ses principaux concurrents sont deux entreprises chinoises, Huawei et ZTE, les entreprises européennes Ericsson et Nokia Siemens, ainsi que le géant américain Cisco. Depuis 2006 et la montée en nombre dans le comité de direction d'anciens de Lucent et de British Telecom, la gouvernance du groupe est de plus en plus anglo-saxonne. Depuis 2008, avec l'arrivée du duo Verwaayen-Camus, l'influence des ex-Lucent n'a fait que se renforcer.