Intervention de Guy-Michel Chauveau

Séance en hémicycle du 25 juillet 2012 à 21h30
Protection physique des matières nucléaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy-Michel Chauveau, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce projet de loi autorise l'approbation d'un amendement, adopté le 8 juillet 2005, à la convention sur la protection physique des matières nucléaires, datant elle-même de 1979 et entrée en vigueur en 1991 pour la France.

Je ne reviens pas sur les stipulations de cette convention déjà évoquées, sauf pour rappeler l'objet de la protection physique : elle vise à mettre les matières nucléaires à l'abri de tout acte de malveillance et de toute utilisation illégale. Sont concernées des matières fissiles permettant la fabrication d'armes nucléaires, notamment le plutonium, l'uranium 233 et l'uranium enrichi.

Une première conférence d'examen, réunie en 1992 pour évaluer l'application et la pertinence de cette convention, n'avait pas conclu à la nécessité d'apporter des modifications. Le contexte a toutefois changé dans des proportions considérables.

Tout d'abord, les années 1990 ont vu le développement d'un trafic illicite de matières radioactives qui témoigne de défaillances graves dans le domaine de la protection physique. Une partie des nombreux cas signalés à l'AIEA, dans le cadre de la base de données du trafic illicite, concerne des matières utilisées en médecine ou dans l'industrie, posant surtout des problèmes en termes de santé publique. D'autres cas sont encore plus inquiétants, car ils concernent des matières à usage militaire, voire de qualité militaire, posant un sérieux problème en termes de prolifération.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les risques de terrorisme nucléaire sont également devenus un grave sujet de préoccupation pour la communauté internationale. Une convention relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire a d'ailleurs été adoptée en 2005 et on ne peut que souhaiter sa ratification rapide.

Dans ce domaine, le risque principal n'est pas tant l'acquisition ou la fabrication d'armes nucléaires par des groupes terroristes, car il y faudrait la complicité d'un État, que la commission d'attentats au moyen de bombes dites sales, diffusant des matières radioactives.

À cela s'ajoutent les risques d'attaques contre des installations nucléaires, qui ont été étudiés par un groupe de travail constitué dans le cadre de l'Union européenne. Divers scénarios ont été envisagés, notamment le crash d'avions détournés, des intrusions dans les installations nucléaires ou encore des attaques informatiques.

C'est au regard de ces risques que nous devons apprécier la portée de l'amendement dont nous débattons ce soir.

Tout d'abord, il étend le champ d'application de la convention aux matières nucléaires en cours de stockage, d'utilisation et de transport au plan national. Les applications militaires demeurent exclues pour des raisons que l'on peut comprendre.

L'amendement consacre ensuite douze principes fondamentaux, issus d'un important travail normatif réalisé dans le cadre de l'AIEA et qui sont détaillés dans le rapport. En raison de divergences sur leur portée juridique et du souhait de certains États de conserver une grande flexibilité, ces principes doivent être appliqués « pour autant qu'il soit raisonnable et faisable », indique le texte. Ils n'ont donc pas de valeur contraignante, mais ils serviront de référence au plan international pour le renforcement des dispositifs de protection physique.

L'amendement introduit par ailleurs de nouvelles infractions à réprimer et il étend la coopération entre les parties, notamment en matière d'extradition. Vous me permettrez, mes chers collègues, de renvoyer à mon rapport sur ces points.

Pour toutes ces raisons, l'amendement constitue un progrès utile par rapport à la convention initiale, même s'il ne devrait pas avoir de conséquences dans notre droit : selon l'étude d'impact qui accompagne le projet de loi, ses exigences sont déjà satisfaites.

En effet, les infractions nouvelles sont déjà incriminées à l'identique dans notre droit ou couvertes de manière satisfaisante par un ensemble de textes. Par ailleurs, la France dispose d'un arsenal complet et éprouvé pour la protection physique des matières nucléaires, instauré en 1980 et régulièrement révisé. La France a d'ailleurs fait l'objet d'une évaluation dans le cadre de l'AIEA au second semestre 2011, qui a conclu à la robustesse de son dispositif.

Pour d'autres pays, dont le cadre législatif et réglementaire ne serait pas aussi développé, on peut espérer que l'amendement aura un impact positif. Néanmoins, nous ne disposons pas d'évaluations précises sur l'application de la convention à l'étranger. C'est mon premier regret : l'amendement ne permet en aucune façon d'avancer dans ce domaine. Il était sans doute nécessaire de ménager la souveraineté des États, mais des régimes de contrôle assez intrusifs ont été adoptés sur des sujets très proches et très sensibles tels que la lutte contre la prolifération des armes nucléaires et la sûreté. Il est dommage de ne pas avoir suivi ces exemples.

Autre regret : l'amendement ne concerne que les matières nucléaires et non les matières radioactives. Or, ces dernières peuvent être utilisées pour fabriquer les bombes radiologiques que j'évoquais tout à l'heure. D'ailleurs, la convention relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire leur est applicable.

Enfin, seul un nombre limité des parties à la convention initiale a ratifié l'amendement : 56 États sur 145, soit beaucoup moins que le seuil des deux tiers prévu pour son entrée en vigueur.

Bien sûr, ces réserves ne me conduisent pas à vous demander de rejeter le projet de loi. Tout progrès est bon à prendre dans ce domaine. L'adoption de cet amendement constituera un signal politique vertueux qui soutiendra les efforts très nombreux déployés par l'AIEA, que ce soit par des recommandations pour l'établissement des régimes nationaux de protection physique, par des offres de formations pratiques, par la mise à disposition de services d'évaluation ou encore par la sécurisation de sources radioactives dans certains États.

Sous ces observations, la commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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