Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 23 janvier 2013 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

La Délégation aux droits des femmes a décidé, le 2 octobre dernier, de consacrer des travaux à l'organisation du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui a été, comme vous le savez, profondément modifiée par la révision générale des politiques publiques et la réorganisation de l'administration territoriale, dans les années 2008 à 2011.

La réforme conduite tant au niveau central qu'au niveau déconcentré a eu, de façon rapide et visible, un impact sur l'efficacité du réseau des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux. Elle a désorganisé ce service, et a contribué à limiter son action et son efficacité au gré de moyens en personnels qui se réduisaient. L'absence de ministre aux Droits des femmes de plein exercice dans les gouvernements précédents n'aura pas permis de compenser cette érosion, faute d'impulsion politique réelle. Comme de nombreux autres élus, j'ai fait le constat sur le terrain que le réseau des déléguées régionales et chargés de mission départementaux y avait perdu de sa visibilité et avait été par trop souvent la variable d'ajustement du manque de moyens.

Deux raisons étayent ce constat.

La première raison est que, depuis 2009, l'intégration des déléguées régionales aux secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) a augmenté le risque d'affaiblissement de leur indépendance par rapport à l'administration déconcentrée. Les délégués départementaux ont été également dissociés de la hiérarchie du service des droits des femmes et placés sous l'autorité des directeurs départementaux de la cohésion sociale. Il convient alors de s'interroger sur l'articulation de ces deux niveaux d'action faute de lien juridique entre eux : sont-ils complémentaires ou ont-ils tendance à coexister ?

La seconde raison est la diminution des ressources en personnel, non seulement avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, commun à la plupart des services de l'État, mais également par le non-remplacement de personnels mis à disposition par d'autres administrations ou établissements publics. Or les équipes du réseau du droit des femmes ont toujours été restreintes, aussi peut-on se demander dans quelle mesure les missions peuvent être accomplies correctement lorsqu'il ne reste plus qu'une seule personne en place (voire aucune pendant plusieurs mois dans certains départements), d'autant plus que le champ de ces missions a été récemment accru, ce qui est par ailleurs une évolution positive.

Étudier l'organisation, les moyens et modes d'action du réseau conduit à observer les évolutions mises en place par le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault. La question qui sous-tend cette étude est la suivante : la ministre des Droits des femmes a-t-elle les moyens opérationnels d'une ambition forte, qui doit s'exprimer tant à l'échelon central qu'à l'échelon régional et départemental ?

La question du statut et celle également des moyens d'action sont centrales : permettent-ils aux déléguées et chargés de mission d'être suffisamment reconnus par l'administration régionale, par les services départementaux, par les associations et l'ensemble des citoyennes et des citoyens ?

La lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes est redevenue une priorité politique : dès cette année, des initiatives importantes ont été prises. La restauration d'un ministère a d'ailleurs déjà eu des retombées concrètes pour le réseau : un arbitrage encourageant en ce qui concerne les crédits, permettant au réseau de poursuivre sa mission, le rétablissement des emplois dans l'administration centrale et la « sanctuarisation » des emplois du réseau au niveau actuel.

Ces mesures sont encourageantes. Il faudra cependant d'autres consolidations pour compenser les diminutions de postes passées et pour que le réseau déconcentré du service des droits des femmes puisse fonctionner dans des conditions satisfaisantes. Mais il faudra aussi apporter des modifications plus substantielles à son organisation et à sa gestion des ressources humaines. Ce réseau souffre d'une cohésion insuffisante entre ses différents niveaux, tant sur le plan hiérarchique que fonctionnel, et a besoin d'une réelle reconnaissance pour que les politiques d'égalité voulues par le Gouvernement s'inscrivent fortement sur tous les territoires.

Je vais maintenant vous présenter les recommandations que je formule en conclusion de mon rapport.

Les trois premières recommandations visent à redonner une visibilité, une autorité et donc plus d'efficacité au réseau déconcentré du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cela suppose de placer les déléguées régionales auprès du préfet de région, ce qui renforcera leur légitimité pour la dimension transversale de leur action.

Mais le fonctionnement du service central doit aussi connaître des modifications : sa responsable doit en particulier regagner un rôle dans la gestion des ressources humaines, pour ce qui concerne les nominations, la mobilité, les promotions, et pour les agents contractuels, les reconductions de contrat et les fins de contrats. Cette implication me semble essentielle pour assurer la cohérence de l'action de l'échelon central jusqu'à l'échelon départemental.

Une deuxième série de recommandations a pour but d'assurer la transversalité, la cohérence et la valorisation des actions menées par les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux. À cet égard, l'une des principales mesures serait de placer les chargés de mission départementaux sous l'autorité hiérarchique du préfet de département, ce qui permettrait de renforcer la transversalité de leur action. Leur positionnement fonctionnel au sein de la direction départementale de la cohésion sociale peut être maintenu.

Ensuite, deux recommandations visent à garantir la présence des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux sur tout le territoire. Il faudrait en particulier mettre en place, à partir de 2014, une couverture territoriale assurant la nomination d'une personne, adjointe ou soutien administratif, auprès de chaque déléguée, et un chargé de mission dans chaque département, appuyé par un poste de soutien administratif.

Il est important de renforcer les déléguées régionales, pour renforcer les politiques publiques en direction des droits des femmes et de l'égalité. À ce titre, j'estime que la diffusion d'une nouvelle circulaire, consacrée à la mise en oeuvre de la politique interministérielle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, serait utile. Signée par le Premier ministre, elle donnerait plus de poids, de légitimité et donc plus d'efficacité aux déléguées régionales, et à leurs actions en direction des droits des femmes.

Enfin, la transversalité de l'action des déléguées régionales et des chargés de mission nécessite une formation et une maîtrise de modes de travail particuliers. C'est pourquoi l'offre de formation qui leur est destinée doit être renforcée, tant au moment de la prise de fonctions que pendant l'occupation de l'emploi pour les agents déjà en poste. Cette formation doit intégrer le renforcement des compétences en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, la connaissance de l'accès aux droits personnels et sociaux, mais aussi les techniques de l'animation d'équipes territoriales pour améliorer la coordination des actions entre le niveau régional et départemental, et pour mener à bien les concertations locales réunissant les partenaires mobilisés en fonction des actions de terrain.

En conclusion, je voudrais préciser que ce rapport et ses recommandations seront soumis à votre adoption au cours d'une prochaine réunion car il nous faut encore approfondir un point important, en cours d'évolution, qui a trait aux conditions d'intégration des déléguées régionales contractuelles, comme des chargés de mission départementaux, dans la fonction publique. Je souhaite recueillir l'analyse de l'association des chargés de mission départementaux, ainsi que les explications du ministère des Affaires sociales comme celles du ministère de la Réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

En effet, la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire du 12 mars 2012, dite « loi Sauvadet », a ouvert de nouvelles possibilités d'intégration, mais le corps de rattachement de ces agents, qui ont souvent une ancienneté importante, n'a pas encore été décidé. La loi relative à la résorption de l'emploi précaire du 3 janvier 2011, dite « loi Sapin », qui reposait sur la même logique, avait conduit à intégrer certaines d'entre elles dans le corps de l'inspection des affaires sociales à l'issue d'un examen, par un jury, de leur expérience et de leurs compétences. Il serait selon moi souhaitable que leur intégration s'inspire de cette solution, qui était transparente et garantissait la qualité des personnels ainsi intégrés dans la fonction publique.

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