Vous n'avez pas parlé que de cela, monsieur Poisson, et avez également évoqué la politique carcérale. Là aussi, il faut revenir aux chiffres. Vous avez cité des rapports parlementaires : ils sont, en général, de grande qualité, et j'ai bien l'intention de m'en inspirer, y compris de ceux qui sont élaborés en tandem par des députés de la majorité et de l'opposition – je pense, par exemple, à celui sur l'aide juridictionnelle qu'ont rédigé Mme Pau-Langevin et M. Gosselin. Mais, aussi bons soient les rapports, tout dépend de l'application qui en est faite. De ce point de vue, nous n'avons pas la même responsabilité dans la situation actuelle. La politique pénale et pénitentiaire des dix dernières années a fait que nous sommes passés de 42 000 détenus en 2002, pour un peu plus de 50 000 places, à 67 000 détenus pour 57 000 places aujourd'hui.
Vous avez raison, cependant, il faut trouver un équilibre en matière de peines de substitution – la conférence de consensus devrait nous permettre de progresser en matière de sémantique, car, avec cette expression, c'est encore l'incarcération qui est prise comme référence. Certaines de ces peines sont efficaces : les bracelets électroniques permettent la surveillance, mais pas l'accompagnement. Des aménagements et des progrès sont donc nécessaires. Nous devons y travailler, sans perdre de vue les objectifs de réinsertion et de recul de la récidive.
Nous aurons, en temps utile, un débat sur la réforme de la loi de 1970 sur les stupéfiants. Ma conviction personnelle importe peu. Je suis garde des Sceaux, ministre de la Justice, et j'agis au nom de l'État. Si, dans un autre cadre, vous souhaitez m'interroger personnellement, je vous dirai non seulement ce que j'en pense, mais je rappellerai ce que j'ai pu dire ou écrire à ce sujet par le passé. Ainsi, à l'occasion de la campagne pour l'élection présidentielle de 2002, j'ai pris des positions très claires. Je pense, en effet, que les simples consommateurs ne sont pas des trafiquants, que la réponse de droit ne peut pas être la même pour un usager et pour un trafiquant.
Je suis passée un peu vite, il est vrai, sur la justice sociale, considérant que nous pourrions y revenir à l'occasion des questions. Le sujet est complexe. Il faudra y mettre de l'ordre et assurer la proximité. Il s'agit de petits litiges. Nous aurons à traiter les questions des périmètres de contentieux, du guichet unique de greffe, du tribunal de première instance.
Monsieur Fekl, vous avez raison, l'approche, en matière de carte judiciaire, doit être pragmatique. J'ai rappelé en préambule ce que l'on m'avait dit : la réforme de la carte judiciaire a été brutale, mais il ne faut pas la refaire. Il convient plutôt de réfléchir à la manière dont on doit thématiser et territorialiser, pour renforcer la proximité et l'efficacité, afin que le citoyen ne soit pas perdu. C'est ainsi que nous pourrons réaliser les ajustements nécessaires.
Quant aux chambres détachées, il en existe déjà. Pendant très longtemps, par exemple, il y en eut une en Guyane – nous avons fini par obtenir une cour d'appel.
J'ai bien entendu vos observations, monsieur Schwartzenberg, sur l'archaïsme de l'article du code de procédure pénale relatif à l'« intime conviction ». Aussi bien pour les tribunaux d'assises que pour les tribunaux correctionnels, l'intime conviction n'exclut pas la recherche des preuves. C'est la question de la formation des policiers et des magistrats qui se pose ici. La société elle-même demande davantage des éléments tangibles de preuve que l'intime conviction. À l'origine, le doute devait bénéficier à l'accusé, et c'était toute la beauté de l'intime conviction. Aujourd'hui, la recherche des preuves doit encore se développer, notamment grâce aux moyens scientifiques dont nous disposons.
Je retiens enfin votre suggestion concernant l'hommage à Paul Didier, et vais la faire étudier.