Madame la garde des Sceaux, votre seule ligne directrice, semble-t-il, est de défaire tout ce que le gouvernement précédent a mis en place. Son oeuvre législative considérable entendait pourtant adapter notre arsenal législatif aux évolutions constantes de la société, et non pas, comme on l'a prétendu, réagir à des faits divers. Je ne souhaite qu'une chose : que l'évolution de la délinquance et de la criminalité ne vous contraigne pas, vous aussi, à réagir de cette manière.
La nouvelle loi sur la rétention de sûreté n'a pas eu le temps d'être appliquée. Il s'agit de maintenir en milieu fermé, principalement médical, et même sous surveillance pénitentiaire, des criminels dangereux, parfois atteints de troubles psychiatriques. La dangerosité de certains individus ne cesse pas une fois qu'ils ont purgé leur peine. En revenant sur cette loi, qui concerne exclusivement les criminels et les violeurs en série, vous prenez un risque énorme – que je ne souhaite pas se voir réaliser – que se produisent des récidives criminelles. Une telle disposition existe pourtant dans des pays aussi peu répressifs que les Pays-Bas ou le Canada.
Vous faites également fausse route en matière de peines plancher. Tout délit mérite sanction, et, pour les petites peines, l'incarcération est parfois utile. Vous avez répété que votre objectif, ce n'était pas la sécurité, mais la justice. Nous sommes, pour notre part, convaincus que les peines plancher sont l'une des mesures qui ont permis la baisse continue de la délinquance – notamment de proximité – depuis neuf ans.
Les peines plancher ne doivent pas seulement concerner les récidivistes, mais les réitérants, qui échappent largement aux sanctions. Nous avons fait adopter avec plusieurs collègues, notamment Éric Ciotti, une proposition de loi qui étendait les peines plancher aux réitérants. On dénombre, à Paris, un millier de réitérants ayant commis chacun entre cinquante et cent faits délictueux, et près de 20 000 personnes citées plus de cinquante fois dans le système de traitement des infractions constatées.
La délinquance des mineurs augmente et, même si, en la matière, tout doit reposer à la fois sur la prévention et sur la répression, nous pensons qu'il faut modifier la législation et créer un code des mineurs. Est-il vrai, par ailleurs, que vous envisagiez la fin de toutes mesures privatives de liberté pour les mineurs ? On croit savoir de même que vous voulez supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, qui ne concernent pourtant que les récidivistes de plus de seize ans, auteurs de faits passibles de plus de trois ans de prison.
Le gouvernement précédent n'a pas pris que de mauvaises mesures et vous voudrez bien reconnaître que la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté en était une bonne ; j'étais rapporteur du texte l'instituant.
Nous avons bien compris que vous ne souhaitiez pas construire 20 000 nouvelles places de prison et que vous vous contenteriez de 6 000 places pour la rénovation des prisons anciennes. Êtes-vous donc favorable au numerus clausus dans les prisons ?
Permettez-moi enfin de poser une question d'intérêt local : quel avenir réservez-vous au tribunal de grande instance de Paris et à la prison de la Santé ?