Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Suzana Grubjesic, vice première ministre de Serbie, chargée des affaires européennes. Les relations entre la Serbie et l'UE se trouvent aujourd'hui à un tournant, votre pays ayant obtenu, en mars dernier, le statut de candidat à l'adhésion. Le fait qu'une ministre des affaires européennes ait rang de première ministre montre l'importance que vous y attachez et pourrait servir d'exemple à d'autres pays.
Le processus d'adhésion est toujours complexe, en raison des exigences – justifiées – de l'UE en matière économique et politique. Il l'est d'autant plus actuellement que le sentiment se développe en France que ces exigences n'ont pas toujours été remplies par les nouveaux adhérents. La finalité politique de l'élargissement génère des interrogations, y compris au sein de nos commissions. Par ailleurs, après l'adhésion de la Croatie, les nouveaux élargissements devront être approuvés par référendum ; il faut donc que l'opinion publique française soit particulièrement convaincue de leur légitimité. Le passé de la Serbie, marqué par une guerre avec ses voisins, qui avait ensanglanté l'Europe, complique également la démarche de votre pays.
Depuis une dizaine d'années, la Serbie a accompli des progrès spectaculaires en matière de démocratie et de normalisation de ses relations avec la communauté internationale, et en particulier avec ses voisins. Votre coopération constante avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) est également à saluer. Enfin, l'alternance politique que la Serbie a connue il y a quelques mois ne paraît pas avoir remis en cause son engagement européen.
Le Conseil européen a pourtant choisi d'accorder la plus grande vigilance au processus d'adhésion de la Serbie. Des relations fortes et anciennes unissent nos deux pays ; mais si la France s'est fortement engagée pour que la Serbie obtienne le statut de candidat, elle tient au respect rigoureux des conditions posées. Avant tout, le dialogue noué avec le Kosovo doit se poursuivre ; la Serbie doit témoigner d'un engagement crédible et d'une coopération active avec les missions internationales – Kosovo Force (KFOR) et European Union Rule of Law Mission (EULEX) –, cette exigence étant incontournable. Nous comptons sur vous, madame la vice première ministre, pour nous détailler votre programme de négociations avec le Kosovo et la mise en oeuvre des accords déjà conclus. À plus long terme, on ne saurait se contenter d'arrangements limités entre les gouvernements serbe et kosovar, et la reconnaissance du Kosovo risque de devenir une condition préalable à votre adhésion effective, même si elle n'est pas formellement posée comme telle aujourd'hui.
Les rapports de la Commission européenne reconnaissent l'ampleur de l'effort politique et économique accompli par la Serbie pour se conformer à l'acquis communautaire. Les points de préoccupation, classiquement relevés chez tous les candidats à l'adhésion, renvoient à la lutte contre la corruption, à la réforme du système judiciaire – qui devrait assurer une véritable indépendance des juges –, à la coopération avec l'UE en matière de flux migratoires et de politique des visas, ainsi qu'aux progrès à faire en matière d'environnement. Certains événements inquiétants de cet été nous amènent enfin à nous interroger sur l'engagement européen du nouveau gouvernement.
Votre présence ici, madame la vice première ministre, montre l'importance que votre pays attache à l'adhésion à l'UE, et nous espérons vivement que les conditions pourront être réunies pour que ce processus puisse démarrer le plus rapidement possible.