Monsieur le président, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vais dresser le bilan le plus objectif possible du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier. Une certaine impatience point quant aux délais de mise en oeuvre des annonces qui ont été faites, d'où le niveau, insoutenable à long terme, du taux auquel l'Espagne – 7,5 % – et l'Italie – 6,5 %, soit plus que l'Irlande – empruntent à dix ans.
Les 28 et 29 juin derniers, trois séries de décisions ont été prises.
La première concerne le court terme. Tout d'abord, les outils de stabilisation financière pour faire face à l'instabilité des marchés – fonctionnement du FESF aujourd'hui, du MES demain et modalités d'intervention sur les marchés pour défendre les pays attaqués – ont été renforcés. Ainsi, a été reconnue au FESF la possibilité, une fois mise en place une supervision bancaire intégrée, de recapitaliser directement des banques. Les chefs d'État et de gouvernement ont pris là une résolution importante qu'ils excluaient jusqu'alors. L'objectif est de briser l'interdépendance entre la dette souveraine et la dette bancaire qui est l'une des causes de l'instabilité actuelle.
Ensuite, le Fonds renoncera à son statut de créancier privilégié de l'Espagne alors que le préambule du traité instaurant le MES dispose que ce fonds sera remboursé avant tout autre prêteur, à l'exception du FMI. Cette clause destinée à protéger les prêts publics à des États en difficulté conduisait les investisseurs privés à ne plus acheter de dette souveraine et son abandon a d'ailleurs été très bien accueilli par les marchés.
Les dirigeants européens ont, par ailleurs, choisi d'utiliser de manière flexible et efficace les instruments européens permettant l'achat de titres de pays attaqués sur les marchés – primaire comme secondaire. Le FESF pouvait déjà le faire depuis la fin de l'année 2011. La nouveauté réside dans la proclamation de cette faculté, dans les termes employés – « flexible et efficace » – qui ont été bien reçus et dans la réaffirmation, reconnue par un accord signé le 9 juillet entre la BCE et le Fonds européen, du rôle d'agent de la BCE qui pourra faciliter les interventions du Fonds sur les marchés.
S'agissant des procédures de ratification du traité créant le MES, la Cour constitutionnelle allemande a reporté au 12 septembre prochain sa décision sur la conformité à la loi fondamentale de ce traité, après son adoption aux deux tiers par le Parlement allemand. Enfin, concernant l'Espagne, dont la demande de prêt date du 25 juin dernier, l'Eurogroupe a défini les conditions de ce prêt les 9 et 20 juillet, et porté son plafond à 100 milliards d'euros.
Le deuxième bloc de mesures a trait au pacte pour la croissance et l'emploi. Il repose sur la mobilisation de 1 % du PIB européen pour soutenir l'activité à court terme et il permet de rééquilibrer le discours sur la nature des politiques macroéconomiques qu'il convient de conduire en Europe.
Le premier volet de ce pacte contient l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement – la BEI – de 10 milliards d'euros afin d'accroître sa capacité totale de prêts de 60 milliards d'euros. Le conseil d'administration de la BEI s'est tenu aujourd'hui même à Luxembourg et a entériné la mesure qui devra être officiellement approuvée par les gouverneurs de la BEI, qui sont les ministres des finances des pays membres, avant le 31 décembre 2012. Le versement se fera, conformément au souhait de la France, en une seule tranche au cours du premier trimestre 2013 si bien que la BEI sera pleinement opérationnelle à cette date.
La deuxième partie du pacte est constituée par la reprogrammation des fonds structurels non consommés, soit 55 milliards d'euros. Les crédits seront notamment affectés au financement des PME et au soutien de l'emploi des jeunes. Une première estimation évalue la somme dont la France pourrait disposer dans une fourchette comprise entre 1,8 milliard et 2 milliards d'euros. Un travail interministériel de sélection des projets a débuté en France comme dans les autres pays de l'Union européenne.
Les project bonds constituent la troisième fraction du pacte. Un règlement, adopté par le Parlement européen le 5 juillet dernier et par le Conseil Écofin le 10 juillet, institue une phase pilote pour leur mise en place. Ce texte entrera en vigueur à la fin du mois de juillet. L'accord sur les modalités de fonctionnement de cet instrument innovant devrait être signé par la BEI et la Commission européenne d'ici au mois de septembre.
Le quatrième point du pacte traite de la taxe sur les transactions financières. Un accord politique a été conclu pour instaurer cette taxe par le biais d'une coopération renforcée. Neuf États – c'est le seuil requis par les textes – ont déclaré, au Conseil Écofin du mois de juillet, être intéressés. La prochaine étape sera la proposition technique de la Commission européenne.
Le débat sur la croissance, qui a animé le Conseil européen, a permis de rééquilibrer le discours sur les politiques macroéconomiques en Europe. Ainsi, l'Espagne a bénéficié du report de 2013 à 2014 de l'exigence drastique de revenir à un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB, alors qu'il atteignait encore 8,9 % en 2011. Cette prolongation d'une année, qui desserre quelque peu la contrainte pesant sur les finances publiques espagnoles, a été entérinée par l'Écofin la semaine dernière.
Le troisième paquet adopté par le Conseil européen, le plus important à mes yeux et le plus attendu par les observateurs, esquisse la feuille de route à long terme vers une Europe plus intégrée et plus solidaire. Les présidents du Conseil européen, de la BCE, de la Commission européenne et de l'Eurogroupe ont présenté un rapport sur l'intégration politique, budgétaire, économique, que le Président de la République a qualifiée de « solidaire ». Cette démarche doit donner des perspectives à l'Europe au moment où l'on s'interroge, ici et ailleurs, sur sa capacité à relever les défis. La réflexion va se poursuivre au cours de l'été et doit aboutir, en octobre, à la présentation, par M. Herman Van Rompuy, d'un nouveau rapport préliminaire au Conseil européen. Le rapport définitif est, quant à lui, attendu au mois de décembre. Il abordera le projet d'union bancaire, qui confiera la supervision des banques à une entité centrale capable de surveiller de près l'action des superviseurs des marchés bancaires nationaux et complétera la législation sur les banques et sur le fonctionnement des fonds de garantie des dépôts en Europe. Je rappelle que l'union bancaire conditionne la recapitalisation directe des établissements par le Fonds européen. Concernant le secteur bancaire, un texte a déjà été proposé par la Commission européenne à l'Écofin et au Parlement européen début juin.
Le rapport comportera également des éléments sur la perspective d'intégration économique et budgétaire renforcée. Dans cette optique, une des pistes envisagée par M. Van Rompuy consisterait à adopter de nouvelles règles budgétaires en contrepartie des progrès vers une mutualisation de la dette – que cette dernière s'opère sous la forme d'eurobonds, d'eurobills, de fonds de rédemption ou, à terme, d'un véritable budget fédéral adossé à un Trésor européen. La réflexion va donc se poursuivre dans les prochaines semaines mais, en substance, au-delà de mesures ponctuelles importantes, les observateurs attendent une manifestation de la volonté d'approfondir l'union économique et monétaire. À cet égard, des commentaires publics ont jeté le doute sur la détermination de certains pays à appliquer toutes les décisions adoptées, notamment celles de court et de long terme, le pacte pour la croissance et l'emploi ne faisant plus l'objet d'un débat. L'urgence, que les marchés nous rappellent chaque jour, est donc la mise en oeuvre des mesures arrêtées les 28 et 29 juin dernier.