Intervention de Christian Noyer

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Noyer :

Ce qui m'intéresse, c'est le fond. Or, à cet égard, il importe de distinguer deux aspects radicalement différents.

D'une part, il ressort des enquêtes menées par les autorités qu'entre 2005 et 2007, c'est-à-dire avant la crise, des traders, autonomes ou non – à l'enquête de l'établir –, auraient pris des positions puis manipulé le taux, en accord avec d'autres déclarants, de façon à l'influencer un jour donné et à en tirer profit en ayant des positions gagnantes. Il s'agit là d'opérations délictuelles classiques de manipulation de marché, auxquelles le caractère relativement limité du panel de référence – dix-huit banques aujourd'hui, une quinzaine avant 2009 – assure une capacité d'influence non négligeable. S'il apparaît que des banques relevant de notre contrôle se sont livrées à de telles opérations dans notre juridiction, je ne me limiterai pas à des sanctions administratives : j'engagerai des poursuites au pénal. Mais je n'ai aujourd'hui aucune raison de penser que des traders employés par des banques françaises sont mêlés à cette affaire – même si le contraire n'est pas définitivement prouvé. En effet, les autorités qui enquêtent ont simplement interrogé les banques françaises et il ne s'est rien passé depuis, alors même qu'elles discutent très activement avec plusieurs banques européennes et américaines.

Le second cas est plus complexe, même s'il n'est pas excusable. Après la faillite de Lehman Brothers, à l'automne 2008 et au premier semestre 2009, le marché dysfonctionnait complètement : il y avait très peu de transactions, voire aucune certains jours. Il fallait pourtant continuer de fixer le Libor, taux de référence sur lequel des milliards de contrats sont indexés. Mais comment faire en l'absence de transactions réelles ? Le premier volet de l'affaire est plus aisé à traiter : on peut envisager de réformer la fixation du Libor ou de l'Euribor en le fondant sur des transactions réelles. Lorsque celles-ci font défaut, la situation est plus délicate. On peut reprocher aux banques de n'avoir pas déclaré exactement leurs estimations, mais lorsque l'on ne conclut aucune transaction, il est difficile de faire une estimation !

Il s'agit d'un problème très sérieux de méthodologie. S'il faut être ferme, et je suis convaincu qu'il faut l'être envers des traders qui auraient truandé pour gagner de l'argent, il faut aussi agir avec précaution pour résoudre ce problème, et ne retenir un nouveau système que si l'on est assuré de sa solidité.

Les banques centrales des principaux pays du monde ont décidé de s'en saisir. Nous y travaillerons cet été ; nous en discuterons en septembre, sachant que si les solutions techniques que l'on trouve sont trop éloignées du mode de fixation antérieur, il y a un risque de non continuité juridique des contrats.

Quant à l'Euribor, la Commission va l'étudier et nous ferons de même, bien qu'il ne fasse l'objet d'aucune accusation précise. Ce taux est d'ailleurs beaucoup plus difficile à manipuler. En effet, le nombre de banques interrogées est trois fois plus élevé ; elles ne sont pas concentrées à Londres, mais réparties dans toute la zone euro ; enfin, la méthode de fixation est légèrement différente de celle qui détermine le Libor puisque l'on demande aux banques le taux auquel elles prêtent et non celui auquel elles empruntent, ce qui n'encourage pas les manipulations.

Il est exact que le mois d'août est traditionnellement dangereux, monsieur Mariton, et nous resterons l'arme au pied ; mais le pire n'est jamais certain.

Le fonds de garantie doit être un dispositif puissant, monsieur Emmanuelli. Comme le nôtre, il pourrait être à la fois fonds de garantie, d'intervention, de recapitalisation et de restructuration. À mon sens, il devrait être alimenté par une contribution annuelle de tous les établissements de crédit de la zone euro et pourrait, s'il le fallait, emprunter en bénéficiant d'une garantie souveraine de la zone, le temps de rentrer dans ses fonds. Ce que le Parlement français a décidé à propos de la taxe systémique devrait être généralisé à la zone euro et alimenter ce fonds.

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