Intervention de Christian Noyer

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Noyer :

Avant de les revendre. Pourquoi pas ? Cela peut arriver.

Monsieur Chartier, l'une de nos difficultés – qui est inévitable même si, en France, nous allons plus vite que certains de nos partenaires – tient à ce que le temps des marchés n'est pas le temps de la démocratie. Mais nous ne pouvons pas ne pas respecter la démocratie – grâce au Ciel ! Il nous faut donc convaincre les marchés de notre absolue détermination quant au fond et leur montrer qu'en prenant le temps nécessaire au processus démocratique, la zone euro agit et agit bien. Il faut mesurer le chemin parcouru en trois ans, depuis le début de la crise grecque : l'évolution est considérable et nos partenaires américains, par exemple, le reconnaissent volontiers. Il est moins facile de convaincre les marchés, qui aimeraient que les problèmes soient résolus en cinq minutes. Nous n'en devons pas moins continuer de nous battre pour les amener à reconnaître les progrès accomplis.

La stabilité des prix doit-elle demeurer la principale mission de la Banque centrale européenne, comme c'est le cas dans tous les pays développés, y compris en Grande-Bretagne – la Banque d'Angleterre relevant d'ailleurs des mêmes dispositions du traité de l'Union européenne ? Oui, car la stabilité des prix n'est pas contradictoire avec le soutien à l'activité économique – au contraire même. Dans la quasi-totalité des cas, le même réglage monétaire convient à la fois à la régulation optimale de l'activité économique et à la stabilité des prix. Mais l'objectif de stabilité des prix est beaucoup plus directement lié aux résultats de la politique monétaire, quand l'objectif de croissance et d'emploi dépend aussi de nombreux facteurs de politique économique, qui sont dans la main des États. Aux États-Unis, la Réserve fédérale veille également, en vertu d'un mandat dual, au niveau élevé de l'emploi, mais elle a récemment quantifié son objectif d'évolution des prix en choisissant le même chiffre que la BCE. Dans la pratique, il n'y a pas de différence concrète dans les politiques menées.

En matière de financement des États, le cas de la BCE n'est absolument pas unique : contrairement à une croyance répandue, les banques centrales ont, dans les pays comparables au nôtre, interdiction de financer directement les États, comme d'acheter de la dette sur le marché primaire. Elles peuvent en revanche intervenir sur le marché secondaire : la Banque d'Angleterre et la Fed l'ont fait, cette dernière, selon un ordre de grandeur qui n'est pas si différent que cela des opérations de l'Eurosystème rapportées à la taille de l'économie des pays concernés, mais de façon plus régulière.

En effet, la politique monétaire aux États-Unis se transmet davantage par les marchés : la Fed est ainsi intervenue non seulement sur la dette de l'État fédéral, mais aussi sur les dettes hypothécaires par exemple – nous aussi, mais dans une moindre mesure. En revanche, en Europe, le financement de l'économie passe très majoritairement par le crédit bancaire : l'urgence consistait surtout à nous assurer que les banques avaient les moyens de poursuivre leur politique de crédit.

Madame Auroi, les prêts massifs aux banques – deux opérations de 1 000 milliards au total – ont pour moitié remplacé des financements plus courts de l'Eurosystème, qui venaient à échéance, et pour une autre moitié consolidé les échéances obligataires de l'ensemble du système bancaire de la zone euro qui venaient à maturité tout au long de l'année 2012. Pour l'essentiel, les refinancements de la BCE se sont substitués, dans un grand nombre de pays, dont la France, à des obligations émises avec la garantie de l'État après la faillite de Lehman Brothers. Dans le cas français, l'émetteur était la Société de financement de l'économie française qui prêtait ensuite aux banques. Les fonds étaient levés en général pour trois ans, donc les opérations de 2009 viennent à échéance en 2012. Il en allait à peu près de même dans l'ensemble des pays de la zone euro. En refinançant les passifs bancaires échus ou sur le point de l'être, nous avons évité un resserrement du crédit.

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