Ce mode de scrutin est une chimère, au sens antique du terme, qui s'applique à un monstre composite possédant les attributs de plusieurs animaux. On connaît, d'un côté, le scrutin de liste, qui a l'avantage de permettre la représentation de la société ; c'est d'ailleurs pour cette raison qu'on lui applique la proportionnelle. On connaît, de l'autre, le scrutin uninominal, qui désigne un individu, lequel transcende le corps social qui l'élit, selon le fait majoritaire. Or, avec votre scrutin binominal, vous tombez exactement au milieu. D'une part, vous allez fusionner des cantons qui présentent une diversité politique, les homogénéiser politiquement, amplifiant le phénomène majoritaire et supprimant tout effet de proportionnelle politique ; vous niez donc tous les attributs du scrutin de liste. D'autre part, vous souhaitez une représentation sociale ou biologique de la société puisque vous proposez un binôme constitué d'un homme et d'une femme ; vous niez donc fondamentalement la logique du scrutin uninominal, qui considère qu'un homme comme une femme peuvent chacun représenter des hommes et des femmes. Vous êtes donc dans la négation à la fois du scrutin de liste et du scrutin uninominal.
Le système n'est d'ailleurs pas une innovation. Après avoir substitué, il y a quinze jours, à la définition de la famille la notion de gens romaine beaucoup plus large, mélange de famille et d'individus qui se compose régulièrement, vous êtes arrivé à recréer le système de binôme inconnu depuis les deux consuls de Rome. Votre inventivité consiste, on le voit, à puiser dans l'Antiquité romaine.