Intervention de Pascal Cherki

Réunion du 24 juillet 2012 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Merci, monsieur le gouverneur, de nous avoir envoyé ce numéro 4 des Documents et débats de la Banque de France. Vous y déclarez, page 81 : « Les erreurs, de la part des gouvernements, ont été d'autoriser pendant une décennie l'accumulation de la dette par le biais de politiques budgétaires insoutenables, et ensuite de créer ex nihilo un doute sur leur volonté de rembourser cette dette. » Ces propos ont été tenus à Tokyo le 28 novembre 2011 ; j'en conclus que vous portez ce jugement sévère sur la politique financière menée à peu près jusqu'en novembre 2011, c'est-à-dire lorsque la droite était majoritaire, et je vous remercie de cette franchise.

Dans Le Télégramme du 15 décembre 2011, vous déclariez aussi : « La France doit être impérativement très rigoureuse dans la gestion de ses finances publiques. Elle doit retrouver rapidement l'équilibre budgétaire, ce qui suppose en particulier une réduction structurelle de nos dépenses publiques. Nous avons vécu, comme beaucoup d'autres, au-dessus de nos moyens pendant trop d'années. Il faut en finir avec l'accumulation de la dette. Et la croissance reviendra si la confiance revient. Et pour retrouver la confiance, il faut donner la garantie que nos finances publiques seront assainies. » Voilà une orientation claire.

Pourtant, dans le document que vous nous avez fait parvenir, on lit, page 80 : « Il faut toutefois être conscient qu'à court terme cela [la politique de réduction rapide des déficits] pèsera sur les niveaux de croissance, la vraie inconnue étant la capacité de la demande privée à prendre le relais de la relance budgétaire publique. […] Le FMI souligne également que la faiblesse de la croissance tendancielle et les interconnexions budgétaires et financières s'autoalimentent. Dans ce contexte, la faiblesse de la croissance rend plus difficile le retour à une dette viable, ce qui amène les marchés à craindre encore plus pour ladite “viabilité” des finances publiques. La faiblesse de la croissance donne aussi lieu à une augmentation des créances douteuses et affaiblit les banques. Un rééquilibrage budgétaire hâtif peut donc freiner encore plus la croissance. »

Les prévisions de croissance sont, depuis quelques mois, revues régulièrement à la baisse : le Gouvernement parle de 1,2 % pour 2013 ; monsieur le gouverneur, vous avez évoqué récemment le chiffre de 1 %. La politique de réduction des déficits, qui vise l'objectif de 3 %, vous paraît-elle soutenable dans ce contexte, puisqu'une politique procyclique accroîtrait les risques de récession ? Pour expliquer la remontée des taux espagnols, vous avez tous deux évoqué des erreurs de communication. N'y a-t-il pas d'autres causes ? La politique de réduction massive des déficits, avec des mesures fiscales destinées à augmenter les recettes mais aussi des mesures de compression brutale des dépenses publiques, provoque aujourd'hui une forte contraction de l'activité en Espagne ! Le taux de chômage s'élève à 25 %, et la société est agitée de fortes convulsions. Ces données ne pèsent-elles pas aussi sur la crédibilité de la politique budgétaire espagnole ?

L'application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui impose de présenter des budgets en équilibre, ou en déficit de 0,5 %, vous paraît-elle compatible avec le maintien, ou le retour, de la croissance dans la zone euro ?

Vous avez parlé de la zone euro comme d'une zone de solidarité ; mais où est la solidarité quand on impose aux États membres un équilibre structurel des finances publiques sans que le budget européen suffise à organiser la solidarité entre eux ? Aux États-Unis, les budgets des États fédérés sont certes à l'équilibre, mais le budget de l'État fédéral américain, c'est 20 % du PIB ! Comment garantir la solidarité dans la zone euro si, après nous être privés de la souveraineté monétaire – en la confiant à une BCE qui ne s'occupe que de garantir la stabilité des prix –, nous nous privons de la souveraineté économique en imposant systématiquement l'équilibre budgétaire ? Comment une telle politique n'aurait-elle pas de conséquences durables, et très négatives, sur la croissance ?

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