Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 21 février 2013 à 15h00
Contrôle et simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Article 1er, amendements 2 20

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'état, de la décentralisation et de la fonction publique :

Je tiens à lire à vous lire l'avis du Conseil d'État, afin qu'il figure au Journal officiel.

« S'il est possible à la loi, comme le rappelle le deuxième alinéa de l'article 1er, de prévoir des critères de dérogation individuelle aux mesures générales qu'elle fixe, c'est à la condition, récemment rappelée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-639 DC du 28 juillet 2011, que le législateur ait défini, avec une précision suffisante, directement ou par renvoi encadré au décret d'application, les conditions auxquelles ces dérogations doivent répondre, et notamment la nature et l'objet des mesures de substitution qui peuvent être prises. En revanche, la disposition conférant au préfet, agissant dans le cadre départemental, le pouvoir d'adapter des mesures réglementaires d'application de la loi risquerait, outre de méconnaître cette jurisprudence, ainsi que l'article 21 de la Constitution, de se heurter aux exigences du principe d'égalité devant la loi. Si ce principe ne fait pas lui-même obstacle à ce que des différences de situation puissent justifier des différences de traitement, c'est à la condition que les distinctions opérées reposent sur des critères objectifs et rationnels, en rapport avec l'objet de la loi qui les établit. »

Nous nous trouvons exactement dans le contexte qui est ici décrit. J'ajoute, parce que nous avons demandé l'avis du Conseil d'État de notre propre initiative, un passage intéressant de cet avis.

« Sans doute le législateur peut-il attribuer à une catégorie de collectivités territoriales une compétence locale et leur confier, concomitamment, un pouvoir réglementaire pour l'exercer. Mais une compétence locale, au sens du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, ne peut se réduire au seul pouvoir, pour les collectivités territoriales, de fixer des modalités d'application de la loi, comme le ferait le décret d'application. Elle doit comporter des éléments matériels caractérisant leur implication et leur responsabilité effectives dans le domaine considéré : fourniture de services publics, fonction de contrôle et d'alerte, exécution de tâches de gestion, prise de décision individuelle, vote de dépense, passation de contrats de marché. »

Et encore : « Quant à l'attribution par la loi aux collectivités territoriales de pouvoirs de dérogation à la norme nationale, ou de pouvoirs d'adaptation à la norme nationale, elle respecte le principe d'égalité si les deux conditions suivantes sont remplies : la modulation locale dans l'application de normes législatives repose sur une différence objective de situation entre territoires ou collectivités, ou sur une raison d'intérêt général. Dans un cas comme dans l'autre, la différence de traitement en résultant est en rapport direct avec la ou les finalités de la législation, dans le cadre de laquelle le législateur décide de confier aux collectivités territoriales ce pouvoir réglementaire. »

Nous reparlerons sans doute de tout cela, à l'occasion de la discussion du texte sur la décentralisation, dont le titre n'a pas encore été fixé – j'espère, pour ma part, qu'il s'intitulera « Modernisation de l'action publique appliquée aux collectivités territoriales ». Nous en reparlerons, disais-je, mais vous, vous devrez aussi vous poser l'ensemble de ces questions, à propos de chacune des lois à venir.

Au nom des principes que je viens de rappeler, je ne peux pas donner un avis favorable à un amendement qui nous placerait hors du droit, vous le comprenez parfaitement. Vous me demandiez de faire preuve d'audace, mais ce n'est pas de cela dont il s'agit : c'est une question de droit et de manière de légiférer. Je pense que les véhicules que nous aurons nous permettront d'ouvrir la porte, à condition que le législateur, derrière, ne la referme pas.

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