Au mois de mai dernier, les contentieux avec la Commission européenne tournaient autour d'une vingtaine, et certains d'entre eux étaient très lourds. Vous avez parlé de celui concernant les OPCVM, qui pèse près de 5 milliards d'euros, mais il y a aussi celui sur la taxe « Copé-Fillon », estimé, si la France perd devant la Cour de justice de l'Union européenne – CJUE –, à 1,3 milliard, sans parler des autres.
Plus le nombre de contentieux avec la Commission est élevé, plus il est difficile à un État de faire valoir ses arguments. Face à ce constat, nous avons décidé de faire la part du feu pour instaurer un meilleur climat dans nos relations avec la Commission. Nous voulons éviter de nouveaux contentieux – et nous avons pu en prévenir certains –, et en désamorcer d'autres quelle que soit l'étape du contentieux.
Onze contentieux ont été ainsi clôturés ou évités, parmi lesquels celui de la TVA sur les activités équines. Malgré la condamnation prononcée par la Cour de justice de Luxembourg, la France avait conservé sa fiscalité, ce qui lui faisait courir le risque de recours successifs pour manquement sur manquement, avec à la clef des pénalités lourdes. Nous avons, comme moindre mal, accepté le verdict sans encore modifier nos règles concernant les activités sportives tels les manèges. En loi de finances, vous avez autorisé une modification du taux de TVA par décret. Ainsi, dans l'hypothèse où la Cour de justice confirmerait sa première décision, nous réglerions évidemment l'amende due, mais nous nous épargnerions l'astreinte quotidienne de 250 000 euros jusqu'à l'application du nouveau taux.
Nous choisissons désormais d'éviter d'introduire toute nouvelle disposition qui serait contraire au droit communautaire et nous ne souhaitons plus établir un rapport de force avec la Commission en invoquant à l'appui de notre position un vote du Parlement. Nous avons résolument adopté un comportement plus coopératif. Nous y avons intérêt, pour éviter l'ouverture de nouveaux contentieux, par exemple sur le dossier de la fiscalité propre aux départements de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud.
Il en va de même de l'application du crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE – aux coopératives agricoles : nous préférons commencer par interroger les services de la Commission. Il s'agit d'une démarche non de confrontation mais de confiance.
S'agissant des services à la personne, nous avons opté pour un compromis. Alors qu'était contestée la fiscalité de l'ensemble du secteur au point que la Commission voulait saisir la Cour de justice, nous avons accepté de relever le taux de TVA de cinq types particuliers de services : sont concernés le jardinage, le gardiennage, les cours à domicile hors soutien scolaire, les services informatiques et l'intermédiation. Il n'y aura ainsi pas d'autre contentieux sur le secteur.
En ce qui concerne la vente d'alcool dans les pharmacies, la réglementation communautaire est claire. L'exonération des droits d'accise vaut si et seulement si l'alcool est utilisé dans l'enceinte de l'officine, ce qui limite les cas ! Nous avons donc accepté de modérer la portée de l'amendement pourtant brillamment défendu par M. de Courson, consistant à exonérer, dans la limite d'un contingent, l'alcool vendu en pharmacie… Pour échapper au paiement de ces droits, il suffit aux pharmaciens de rendre l'alcool impropre à la consommation, par exemple en y ajoutant un peu de camphre.
La taxe dite Copé sur le chiffre d'affaires des fournisseurs d'accès à Internet fait toujours l'objet d'un contentieux. En cas de condamnation, il faudrait rembourser les sommes perçues – 1,3 milliard d'euros. Au nom de la continuité de l'État, les autorités françaises font valoir devant la Cour de justice les arguments en faveur du maintien de cette taxe, quoi qu'on ait pu en penser au départ.
Quant au taux réduit de TVA sur les livres numériques, le gouvernement français estime que le livre numérique est d'abord un livre et doit être traité fiscalement en tant que tel avant d'être un service numérique. Et ce choix est parfaitement défendable.
Comment mieux articuler comptabilité générale et comptabilité budgétaire ? Selon la première, tout risque doit donner lieu à provision et, si ce risque est important, il doit être prévu au titre de la seconde ; mais ce principe n'a pas toujours été mis en oeuvre. Je pense aux OPCVM dont je n'avais jamais entendu parler avant d'exercer les fonctions qui sont les miennes et je ne crois pas qu'il ait jamais été évoqué ni en Commission ni dans l'hémicycle alors que les autorités françaises étaient en négociations depuis cinq ou six ans et qu'elles n'auguraient rien de bon. Au total, sur les 5 milliards d'euros qu'il va falloir débourser, près de 20 % correspondent à des intérêts moratoires. C'est ce contentieux qui m'a convaincu qu'il valait mieux chercher à travailler avec la Commission plutôt qu'à l'affronter avec un risque qui ne fait croître avec le temps. Une fois condamnés, nous ne pouvons plus qu'essayer d'étaler au maximum le paiement de la pénalité.
S'agissant de la taxe « Copé », nous avons prévu en comptabilité budgétaire 1,3 milliard d'euros, dans l'attente de la décision de la Cour de justice.