On ne peut que se féliciter, monsieur le président, de votre décision de consacrer toute cette séance à la discussion générale. Je voudrais également vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le sérieux et la cohérence de votre travail : étant donné les attentes suscitées par ce projet de loi de refondation de l'école, il était essentiel que nous puissions entamer ce débat dans les meilleures conditions.
Le groupe UMP a choisi de mettre en exergue trois constats et de juger ce projet au regard des trois exigences qui en découlent.
Premier constat : on a tellement demandé à l'école au cours des dernières décennies, comme s'il lui incombait de pallier toutes les insuffisances de la société et de la famille, que la communauté éducative est totalement déboussolée et incapable d'assurer sa vocation première, comme le prouve le creusement des inégalités. La première nécessité est donc de recentrer l'école autour de priorités.
Deuxièmement, notre système éducatif souffre d'un excès de centralisation qui tend à étouffer les initiatives. Il est incapable de prendre en compte la diversité des élèves, d'accorder une autonomie suffisante aux établissements et de faire confiance aux enseignants, alors même que l'« effet maître » est primordial dans la réussite éducative. Il faut accorder plus de liberté aux acteurs, valoriser la diversité des élèves et prendre en compte les différences sociales et territoriales.
Troisième constat : l'école n'est plus, depuis des décennies, portée par une ambition partagée par l'ensemble de la nation : elle est devenue un sujet de clivage plutôt que d'unité, d'où l'incapacité à mener des réformes quelles qu'elles soient.
Au regard de ces trois constats, notre analyse du projet de loi nous conduit à marquer des points d'accord et des points de désaccord, mais surtout à poser des points d'interrogation.
Tout d'abord, un certain nombre d'éléments de ce texte nous font craindre que nous n'allions pas vers le nécessaire recentrage de l'école. L'ajout du mot « culture » tend à brouiller la définition du socle commun de connaissances et de compétences issu de la « loi Fillon », qui faisait pourtant l'unanimité. La place donnée à l'éducation artistique et culturelle et à l'apprentissage d'une langue étrangère dès le cours préparatoire ne va pas non plus dans le sens d'un recentrage de l'école autour de sa mission de transmission des acquis fondamentaux. De même, si nous sommes favorables au développement de l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les zones où celui-ci est nécessaire, sa généralisation n'a pas forcément le caractère prioritaire que lui assigne le projet de loi.
Ce défaut de recentrage se traduit également par un certain manque d'exigence. Ainsi le texte propose de remplacer l'évaluation annuelle de la progression des élèves à l'école primaire par une évaluation « régulière » sans qu'on sache ce que recouvre ce mot. De même, on s'interroge sur l'évaluation « positive », censée se substituer à la « notation sanction » : n'est-ce pas s'exposer au risque d'un renoncement à toute exigence à l'égard de l'enfant ?
Deuxièmement, ce texte risque d'accroître la rigidité d'un système éducatif qui a besoin au contraire d'une plus grande liberté. Ainsi, la composition des futurs Conseil supérieur des programmes et Conseil national d'évaluation du système éducatif ne garantit en rien leur indépendance vis-à-vis du ministère de l'éducation nationale. D'autre part, si nous sommes pour le développement du numérique à l'école, l'organisation d'un service public de l'enseignement numérique ne nous semble pas susceptible de favoriser la liberté pédagogique dans ce domaine. Nous partageons en outre l'inquiétude que nous avons ressentie chez le rapporteur : celle de voir ce service public entrer en concurrence avec celui de l'éducation.
La réaffirmation du principe du collège unique est un autre facteur de rigidité et d'uniformité, d'autant qu'on supprime par ailleurs les dispositifs de préapprentissage institués par la « loi Cherpion ».
S'agissant de l'école primaire, nous regrettons que le texte ne propose aucune avancée vers un statut du directeur d'école, qui contribuerait pourtant à assouplir la gestion de notre système éducatif. Quant à l'école maternelle, elle risque de se refermer sur elle-même si nous votons la création d'un cycle spécifique, projet quelque peu paradoxal au moment où on cherche à rapprocher l'école et le collège.
L'approche purement quantitative du recrutement des enseignants risque également de constituer une rigidité supplémentaire, alors que le problème réside bien plutôt dans la qualité de ce recrutement, en raison de conditions de travail qu'il faudrait dès lors chercher à améliorer pour rendre le métier plus attractif. Or nous ne trouvons dans le projet de loi rien qui aille en ce sens.
Même l'inscription dans la loi des projets éducatifs territoriaux est grosse de risques d'uniformisation dans l'hypothèse d'une mise en oeuvre centralisée de ces projets.
Enfin, le projet de loi ne va pas dans le sens d'une ambition nationale partagée pour notre école. Certes, nous pouvons faire nôtre le constat qui le fonde, celui d'un système éducatif qui fonctionne mal, et ce depuis plusieurs décennies, comme vous le reconnaissez dans votre rapport – et, dès lors, focaliser ses critiques sur la politique menée au cours des cinq ou dix dernières années, comme le fait le ministre de l'éducation nationale, ne me semble pas le bon moyen de faire partager son ambition en faveur de notre école. Nous pouvons également approuver les quatre objectifs mentionnés dans l'exposé des motifs. Nous nous interrogeons en revanche sur les modalités de leur mise en oeuvre. Ainsi, si nous sommes d'accord pour fonder notre système éducatif sur les valeurs de la République, il faudra s'assurer que nous avons la même conception de ces valeurs, s'agissant par exemple de l'égalité entre les sexes ou de la laïcité.
On voit qu'il reste beaucoup de questions en suspens. Si nous ne parvenons pas à y apporter des réponses communes, nous manquerons l'occasion d'opérer une véritable refondation de notre école. Ne répétons pas l'erreur commise avec la réforme des rythmes scolaires !