COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 20 février 2013
La séance est ouverte à neuf heures quarante.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de M. Yves Durand, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (n° 653).
L'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, que nous entamons ce matin, ouvre une période de travail particulièrement intense pour notre Commission comme pour le Gouvernement, puisque nous allons délibérer sur une réforme cruciale pour l'avenir des plus jeunes de nos concitoyennes et concitoyens.
Nous nous sommes cependant préparés de longue main à cette course de fond, puisque nous avons consacré de nombreux débats et tables rondes aux principaux sujets traités dans ce projet de loi, tels que la priorité au primaire, les problèmes d'orientation ou encore la rénovation de la formation des enseignants. Parallèlement, notre rapporteur a mené un travail de longue haleine en conduisant toute une série d'auditions au bénéfice de l'ensemble des membres de notre Commission. Qu'il me soit permis, en votre nom à toutes et à tous, de le remercier pour son investissement personnel.
Notre réunion d'aujourd'hui sera consacrée à la discussion générale du projet de loi, l'examen des articles étant programmé à la semaine prochaine. Le délai de dépôt des amendements sera clos samedi prochain à treize heures. J'appelle tout particulièrement votre attention sur le fait que l'article 89 du Règlement de l'Assemblée nationale – aux termes duquel, conformément à l'article 40 de la Constitution, les amendements reçus par la Commission seront déclarés irrecevables s'ils entraînent la création ou l'aggravation d'une charge publique – s'appliquera, non seulement aux amendements proposés au projet de loi, mais également à ceux qui porteront sur le rapport annexé.
Je vous rappelle enfin que le ministre de l'éducation nationale, M. Vincent Peillon, a choisi de ne pas participer à nos travaux afin que la Commission puisse délibérer en toute indépendance. Je le remercie de cette décision, qui consacre le fait que c'est ici que la loi s'élabore.
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, la présente discussion générale n'est qu'une étape dans un long cheminement, notre Commission ayant déjà consacré de nombreuses discussions, auditions et tables rondes aux points essentiels de ce projet de loi. Cela me permet de limiter ce propos liminaire à l'exposé de la raison d'être et des grands principes de ce projet de loi.
C'est la première fois depuis bien longtemps que notre école fait l'objet d'une loi à la fois d'orientation et de programmation. Et c'est cette caractéristique qui explique la présence d'un rapport annexé donnant la répartition des moyens consacrés à l'action gouvernementale en faveur de l'éducation, conformément à notre engagement d'en faire une des priorités du quinquennat.
Si ce texte vise à la « refondation » de notre système éducatif, c'est qu'une simple réforme ne suffirait pas à remédier aux dysfonctionnements actuels. Quand chaque année 150 000 jeunes restent sans qualification à l'issue de leur parcours scolaire et sont ainsi voués au chômage et aux périls qu'il entraîne, c'est le système éducatif dans son ensemble qui est en cause, et non les enseignants, qui font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. À rebours de sa vocation, qui est de les réduire, l'école républicaine reproduit les inégalités et, pis, les aggrave : je ne détaillerai pas ici un diagnostic qui a été posé dans maintes études internationales comme dans maints rapports nationaux, tels ceux de la Cour des comptes.
Il fallait donc, non se borner à réformer l'école, mais bien la refonder en sorte qu'elle retrouve les missions, les principes fondateurs et le « souffle » de l'école républicaine. Il fallait recréer des fondations sur lesquelles bâtir ensuite un système cohérent. Cette loi ne vise donc pas à accomplir, mais à commencer la reconstruction de l'école : elle lance une dynamique, elle ne la clôt pas.
C'est la raison pour laquelle ce texte n'embrasse pas tout le champ éducatif. Certains d'entre vous s'en sont inquiétés, notant qu'il traite peu du collège et du lycée, notamment du lycée professionnel, mais c'est précisément un parti pris de ce projet de loi que de donner la priorité au premier degré, afin d'enclencher une dynamique qui s'étendra dans un deuxième temps aux autres degrés d'enseignement.
Quant aux principes, ce projet de loi comporte une nouveauté absolue : c'est la première réforme de l'éducation nationale qui aborde le système éducatif par la pédagogie, et non par les structures. Elle ne vise pas en effet à aménager telle ou telle filière, tels ou tels horaires : son objectif est une véritable transformation de la pédagogie, parce que c'est celle-ci qui est au centre de l'acte éducatif.
Cette réforme se distingue également en ce qu'elle fait de l'école maternelle et surtout de l'école primaire sa priorité. C'est en effet là que tout commence, là que les savoirs fondamentaux, tels que lire, écrire, compter, doivent être acquis. Or trop d'élèves aujourd'hui ne les maîtrisent pas à l'entrée au collège, et sont de ce fait voués à l'échec scolaire – ce qui conduit certains à remettre en cause l'existence même du collège unique, alors que le projet de loi en réaffirme la nécessité car le mal vient de plus loin. C'est aussi au niveau de l'école primaire que les inégalités se créent.
Il est plus efficace de prévenir l'échec et le décrochage scolaires que de tenter d'y remédier a posteriori. C'est donc, je le redis, parce que ces maux s'enracinent dans l'école primaire que le projet de loi vise à concentrer les efforts sur ce niveau d'enseignement, en ce qui concerne tant la pédagogie que les moyens.
L'objectif d'avoir « plus de maîtres que de classes » là où cela est nécessaire du point de vue culturel et social illustre ce double choix de concentrer les efforts sur le primaire et de réformer les méthodes d'enseignement. Comme nous le disait le nouveau directeur général de l'enseignement scolaire, M. Jean-Paul Delahaye, il ne s'agit pas d'accorder aux écoles un maître supplémentaire, mais de créer les conditions d'une véritable révolution pédagogique : de permettre le travail en petits groupes, l'éclatement des classes, voire celui des emplois du temps, la liberté pédagogique, en un mot une transformation profonde du travail des enseignants, qui favorisera la réussite des élèves grâce à la personnalisation des parcours pédagogiques.
Encore faut-il que les enseignants y soient préparés par une formation adéquate, et nous abordons là la deuxième priorité, voire le coeur même du projet de loi : la formation des maîtres. Comme chacun sait, la mise en place de la mastérisation a entraîné la suppression de fait de la formation professionnelle des maîtres, au détriment de la réussite des élèves. La priorité est de restaurer cette formation. Il ne s'agit de recréer ni les écoles normales ni les IUFM, qui ont fait leur temps et sont incapables de répondre aux besoins actuels de formation. C'est pourquoi il nous est proposé de créer des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE. Le choix de nommer ces établissements « écoles » n'est pas indifférent : il signifie que, même s'ils sont créés au sein des universités, ils doivent préserver leur identité propre d'écoles professionnelles. C'est la première fois à ma connaissance qu'est instituée, en plus de la formation universitaire, une formation professionnalisante des maîtres, à travers un tronc commun d'enseignements. Cette dimension sera d'ailleurs présente dès la préparation du recrutement : une sensibilisation au métier d'enseignant est prévue dès la troisième année de licence, dans l'esprit qui a déjà présidé à la création des emplois d'avenir professeur.
Deuxième caractéristique, il s'agira d'écoles du professorat « et de l'éducation » : cela signifie qu'elles seront chargées de la formation, non pas seulement des enseignants, mais de toutes les professions éducatives – éducateurs, formateurs, etc. Nous considérons en effet que l'éducation n'est pas le fait de la seule école et qu'elle constitue un métier dont relèvent des professions diverses.
Le projet de loi fait de la continuité éducative sa troisième priorité. En cela, il ne fait que tirer les conséquences de la « loi Jospin » de 1989 et de la « loi Fillon » de 2005 : il consacre le respect du rythme d'acquisition des enfants en réaffirmant la politique des cycles ; il confirme le principe selon lequel l'enseignement obligatoire doit se solder par l'acquisition d'un socle commun qu'il élargit en « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». L'acquisition de ce socle commun suppose une continuité éducative entre l'école élémentaire et le collège, ce que certains appellent « l'école du socle ». Ce principe se traduit dans le projet de loi par l'instauration d'un cycle commun entre le CM2 et la 6ème, par la création de structures communes au collège et à l'école élémentaire et par la mise en place d'apprentissages communs aux enseignants de ces deux degrés. Il reviendra au futur Conseil supérieur des programmes – remplaçant le Conseil national des programmes supprimé par la loi de 2005 – de revoir l'organisation des programmes dans la perspective de cette continuité. Le futur Conseil national d'évaluation du système éducatif aura, quant à lui, la charge d'évaluer ces politiques.
S'agissant enfin de l'enseignement numérique, ce projet de loi n'en fait pas la panacée, la solution de tous les problèmes de notre système éducatif. Il lui donne sa place, toute sa place, mais rien que sa place : celle d'un levier pour la transformation de la pédagogie et, dès lors, il ne saurait en aucun cas se substituer au service public de l'éducation.
Je voudrais affirmer en conclusion le caractère véritablement refondateur de ce projet de loi, même si, hormis le rapport annexé qui pose les grandes orientations, il ne semble apporter que des modifications purement techniques au code de l'éducation. En effet, ce texte vise à transformer l'acte éducatif qui est au coeur même de l'école. Mais il s'agit aussi, par là même, d'un texte dynamique qui jette les bases d'une vaste transformation de l'ensemble du système scolaire. De ce fait, il propose à la fois des réponses d'urgence et des pistes pour l'avenir.
Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le sérieux et la profondeur de votre rapport, sans concession mais chargé d'espoir, et nourri par les nombreuses auditions que vous avez conduites. Je veux également saluer le courage et la détermination du gouvernement, de M. Vincent Peillon en particulier, qui entreprend à travers ce projet de loi d'orientation et de programmation d'ouvrir notre école à toutes les transformations et à toutes les réussites.
Depuis plus de dix ans, les ministres successifs de l'éducation nationale s'étaient enfermés dans une vision strictement comptable de l'école, contribuant ainsi, par leur absence de vision et par leur refus de répondre aux difficultés, au découragement de l'ensemble de la communauté éducative, dont nous devons aujourd'hui reconquérir la confiance.
Élevé par le Président de la République au rang de priorité de la nation, l'objectif de ce texte est la réussite de tous les élèves. Il constitue une étape décisive de la refondation de la maison École, de la maternelle à l'université. Aussi long, aussi difficile, voire aussi douloureux que soit le chemin à parcourir, il était urgent de commencer à le tracer. Pour cela, on s'est appuyé sur une large concertation : enseignants, représentants des parents d'élèves et des lycéens, collectivités territoriales, parlementaires, chercheurs, universitaires ont été associés à l'élaboration de ce texte.
Je me réjouis particulièrement de la priorité qui y a été donnée à l'école primaire, car il était essentiel de redonner ses missions au premier degré. L'école maternelle doit redevenir le lieu où tous les enfants bénéficient des mêmes conditions d'accueil et de préapprentissage. Quant à l'objectif « plus de maîtres que de classes », il permettra de renouveler les méthodes pédagogiques. Les passerelles que ce texte jette entre le primaire et le collège sont tout aussi fondamentales – et, tout en préservant la spécificité de la maternelle, il faudra assurer avec la même exigence la transition avec l'école primaire. D'autre part, le recrutement de 60 000 enseignants assurera l'encadrement nécessaire à un enseignement de qualité : quoi qu'on ait dit, on ne peut enseigner à trente élèves comme on le fait à vingt-deux ou à vingt-quatre.
S'agissant des enseignants, les ESPE doivent être le lieu de leur formation professionnelle commune, qu'ils soient appelés à enseigner dans le primaire, dans le secondaire, à l'université ou dans les filières professionnelles. Il est urgent par ailleurs de restaurer une véritable formation continue des maîtres, d'autant que ceux-ci sont tout disposés à fournir les efforts nécessaires pour renouveler des conceptions pédagogiques qui ont parfois vieilli.
Le numérique doit devenir un outil essentiel de la réforme pédagogique, même si, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, il n'a pas vocation à se substituer à l'enseignant.
Il faut également mettre tout en oeuvre pour que chaque élève puisse acquérir un socle commun de connaissances, de compétences et de culture lui permettant d'aller au bout de ses possibles.
Cette refondation prendra du temps, mais cette première étape est essentielle pour la construction de l'école de demain, une école juste pour tous et exigeante pour chacun, selon l'expression de Vincent Peillon, une école assurant l'égalité des chances de tous les élèves et faisant confiance à ses équipes pédagogiques.
Sans ignorer les difficultés que nous aurons à surmonter, s'agissant d'apporter une solution collective à des besoins individuels, voire individualistes, nous pouvons cependant tous nous retrouver autour de ce projet. D'ores et déjà, l'engagement du gouvernement et de sa majorité a permis de mettre l'école au premier plan des préoccupations : on parle enfin dans notre pays de nos enfants et de l'avenir de notre société ! J'espère que le sujet restera au coeur de nos débats tout au long de l'examen de ce texte et au-delà.
On ne peut que se féliciter, monsieur le président, de votre décision de consacrer toute cette séance à la discussion générale. Je voudrais également vous remercier, monsieur le rapporteur, pour le sérieux et la cohérence de votre travail : étant donné les attentes suscitées par ce projet de loi de refondation de l'école, il était essentiel que nous puissions entamer ce débat dans les meilleures conditions.
Le groupe UMP a choisi de mettre en exergue trois constats et de juger ce projet au regard des trois exigences qui en découlent.
Premier constat : on a tellement demandé à l'école au cours des dernières décennies, comme s'il lui incombait de pallier toutes les insuffisances de la société et de la famille, que la communauté éducative est totalement déboussolée et incapable d'assurer sa vocation première, comme le prouve le creusement des inégalités. La première nécessité est donc de recentrer l'école autour de priorités.
Deuxièmement, notre système éducatif souffre d'un excès de centralisation qui tend à étouffer les initiatives. Il est incapable de prendre en compte la diversité des élèves, d'accorder une autonomie suffisante aux établissements et de faire confiance aux enseignants, alors même que l'« effet maître » est primordial dans la réussite éducative. Il faut accorder plus de liberté aux acteurs, valoriser la diversité des élèves et prendre en compte les différences sociales et territoriales.
Troisième constat : l'école n'est plus, depuis des décennies, portée par une ambition partagée par l'ensemble de la nation : elle est devenue un sujet de clivage plutôt que d'unité, d'où l'incapacité à mener des réformes quelles qu'elles soient.
Au regard de ces trois constats, notre analyse du projet de loi nous conduit à marquer des points d'accord et des points de désaccord, mais surtout à poser des points d'interrogation.
Tout d'abord, un certain nombre d'éléments de ce texte nous font craindre que nous n'allions pas vers le nécessaire recentrage de l'école. L'ajout du mot « culture » tend à brouiller la définition du socle commun de connaissances et de compétences issu de la « loi Fillon », qui faisait pourtant l'unanimité. La place donnée à l'éducation artistique et culturelle et à l'apprentissage d'une langue étrangère dès le cours préparatoire ne va pas non plus dans le sens d'un recentrage de l'école autour de sa mission de transmission des acquis fondamentaux. De même, si nous sommes favorables au développement de l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les zones où celui-ci est nécessaire, sa généralisation n'a pas forcément le caractère prioritaire que lui assigne le projet de loi.
Ce défaut de recentrage se traduit également par un certain manque d'exigence. Ainsi le texte propose de remplacer l'évaluation annuelle de la progression des élèves à l'école primaire par une évaluation « régulière » sans qu'on sache ce que recouvre ce mot. De même, on s'interroge sur l'évaluation « positive », censée se substituer à la « notation sanction » : n'est-ce pas s'exposer au risque d'un renoncement à toute exigence à l'égard de l'enfant ?
Deuxièmement, ce texte risque d'accroître la rigidité d'un système éducatif qui a besoin au contraire d'une plus grande liberté. Ainsi, la composition des futurs Conseil supérieur des programmes et Conseil national d'évaluation du système éducatif ne garantit en rien leur indépendance vis-à-vis du ministère de l'éducation nationale. D'autre part, si nous sommes pour le développement du numérique à l'école, l'organisation d'un service public de l'enseignement numérique ne nous semble pas susceptible de favoriser la liberté pédagogique dans ce domaine. Nous partageons en outre l'inquiétude que nous avons ressentie chez le rapporteur : celle de voir ce service public entrer en concurrence avec celui de l'éducation.
La réaffirmation du principe du collège unique est un autre facteur de rigidité et d'uniformité, d'autant qu'on supprime par ailleurs les dispositifs de préapprentissage institués par la « loi Cherpion ».
S'agissant de l'école primaire, nous regrettons que le texte ne propose aucune avancée vers un statut du directeur d'école, qui contribuerait pourtant à assouplir la gestion de notre système éducatif. Quant à l'école maternelle, elle risque de se refermer sur elle-même si nous votons la création d'un cycle spécifique, projet quelque peu paradoxal au moment où on cherche à rapprocher l'école et le collège.
L'approche purement quantitative du recrutement des enseignants risque également de constituer une rigidité supplémentaire, alors que le problème réside bien plutôt dans la qualité de ce recrutement, en raison de conditions de travail qu'il faudrait dès lors chercher à améliorer pour rendre le métier plus attractif. Or nous ne trouvons dans le projet de loi rien qui aille en ce sens.
Même l'inscription dans la loi des projets éducatifs territoriaux est grosse de risques d'uniformisation dans l'hypothèse d'une mise en oeuvre centralisée de ces projets.
Enfin, le projet de loi ne va pas dans le sens d'une ambition nationale partagée pour notre école. Certes, nous pouvons faire nôtre le constat qui le fonde, celui d'un système éducatif qui fonctionne mal, et ce depuis plusieurs décennies, comme vous le reconnaissez dans votre rapport – et, dès lors, focaliser ses critiques sur la politique menée au cours des cinq ou dix dernières années, comme le fait le ministre de l'éducation nationale, ne me semble pas le bon moyen de faire partager son ambition en faveur de notre école. Nous pouvons également approuver les quatre objectifs mentionnés dans l'exposé des motifs. Nous nous interrogeons en revanche sur les modalités de leur mise en oeuvre. Ainsi, si nous sommes d'accord pour fonder notre système éducatif sur les valeurs de la République, il faudra s'assurer que nous avons la même conception de ces valeurs, s'agissant par exemple de l'égalité entre les sexes ou de la laïcité.
On voit qu'il reste beaucoup de questions en suspens. Si nous ne parvenons pas à y apporter des réponses communes, nous manquerons l'occasion d'opérer une véritable refondation de notre école. Ne répétons pas l'erreur commise avec la réforme des rythmes scolaires !
La refondation de l'école est une priorité urgente, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre système scolaire. Ainsi la dernière enquête PISA montre qu'aujourd'hui, en France, l'origine sociale reste le facteur déterminant de la réussite scolaire. Nous sommes loin, trop loin du modèle de l'école de la République, garante de l'égalité des droits sans condition d'origine ou de moyens !
Pour renouer avec ses missions, l'école a donc besoin d'une refondation digne de ce nom. Ce constat est partagé par la majorité des acteurs du monde de l'éducation, comme il ressort des nombreuses auditions auxquelles j'ai participé – dont certaines organisées par vous, monsieur le rapporteur, et je tiens à ce propos à saluer le sérieux et la rigueur avec lesquels vous avez mené vos travaux. Représentants des syndicats et des associations, professionnels : tous m'ont fait part de la nécessité de réformer en profondeur l'école, car la situation n'a cessé de se dégrader depuis dix ans, avec une mastérisation qui a détruit toute formation digne de ce nom – pour ne pas parler du décret de 2008 sur les rythmes scolaires.
Mme Isabelle Attard et moi-même l'avons dit ici à plusieurs reprises : les écologistes soutiennent cette volonté de refondation, en particulier la priorité donnée à l'école primaire. Et parce que nous souhaitons une refondation globale et ambitieuse, à la hauteur des attentes qui se sont exprimées, nous proposerons des amendements en vue d'améliorer ce projet de loi, en espérant qu'ils rencontreront un écho favorable.
Tout d'abord, nous souhaitons aller plus loin dans la définition des projets éducatifs territoriaux. En effet, ceux-ci joueront un rôle central dans la réforme des rythmes, dans le développement de l'innovation pédagogique et des expérimentations et dans la recherche d'un nécessaire équilibre entre le cadre national et l'adaptation aux spécificités locales.
Ces projets éducatifs territoriaux doivent organiser une continuité éducative entre le temps scolaire et les autres temps de l'enfant. Ils doivent ainsi assurer la cohérence entre activités scolaires et activités périscolaires, en impliquant l'ensemble des acteurs concernés : communauté éducative, parents, associations – dans lesquelles il faudrait comprendre celles qui s'occupent du handicap – et, bien sûr, collectivités territoriales car c'est aussi dans le cadre d'une « co-construction » des projets que leur rôle doit être appréhendé, étant entendu qu'il conviendrait de réfléchir à la pérennisation et au renforcement du dispositif de péréquation.
Ensuite, nous souhaitons que la refondation permette des évolutions pédagogiques. Les projets éducatifs territoriaux et la réforme des rythmes ouvrent à cet égard le champ des possibles. Alors soyons audacieux, sortons du carcan conservateur ! Il s'agit d'ouvrir l'école sur l'extérieur, à d'autres acteurs, en revoyant les emplois du temps de manière à donner vie à des projets collectifs. La réforme des rythmes doit susciter une réforme des pratiques. Dans cet esprit, nous déposerons des amendements posant un droit à l'expérimentation et à l'innovation pédagogique et visant à ouvrir les établissements aux associations, en particulier aux associations d'éducation populaire.
Enfin, nous appelons de nos voeux une gouvernance plus ouverte. Il faudrait en particulier y donner plus de place aux élèves et à leurs parents.
Pour ce qui est de la pédagogie, nous prônons une révision profonde du système de notation, l'interdiction de la notation chiffrée à l'école primaire et, à tout le moins, l'instauration d'une notation positive par la suite. L'école ne doit pas être le lieu d'apprentissage de la compétition.
De façon plus globale, il convient de repenser la totalité du système d'évaluation des élèves, du cours préparatoire au baccalauréat. En effet, les modalités d'examen sont elles aussi à revoir. Comment peut-on encore raisonnablement considérer qu'un 12 sur 20 en mathématiques « rattrape » un 8 sur 20 en français ?
Au-delà des connaissances, il faut aussi s'intéresser aux compétences. Dans la mesure où un parcours culturel et artistique est prévu, pourquoi ne pas s'appuyer sur l'enseignement moral et civique pour créer aussi un parcours citoyen ? Et pourquoi pas un parcours professionnel, pour chaque élève ? Nous proposerons plusieurs amendements en ce sens, concernant aussi bien le brevet que le bac.
Vous ne serez pas surpris, d'autre part, que nous souhaitions faire du redoublement une réelle exception.
Je tiens à insister sur la nécessité d'aller plus loin aussi dans la scolarisation des élèves handicapés. Parler d'accueil et d'accompagnement ne suffit plus. Nous demanderons une meilleure adaptation des locaux, davantage de personnels dédiés et une formation plus poussée des équipes pédagogiques et des enseignants.
Enfin, concernant la formation des enseignants, nous avons exprimé à plusieurs reprises des demandes précises : davantage de moyens pour la formation continue, qui est le véritable levier de la refondation de l'école ; un concours en troisième année de licence afin que les deux années de master soient réellement consacrées à la formation ; un prérecrutement digne de ce nom. Les emplois d'avenir professeur et l'organisation envisagée actuellement nous paraissent en effet perfectibles.
Vous le constatez, les pistes que nous proposons d'explorer sont nombreuses, et nous sommes impatients d'entrer dans le coeur du débat.
Je terminerai par un petit mot à l'intention de mes collègues de l'opposition. J'ai appris que, la semaine dernière, certains d'entre vous s'étaient émus de mon absence à la fin de la discussion de la proposition de la loi visant à prévenir la violence en milieu scolaire. J'ai été touchée par cette marque d'attention mais, comme M. le président de la Commission vous l'a précisé, j'étais tenue par mes obligations de présidente de groupe. Rassurez-vous toutefois : la coprésidence que nous avons instaurée avec M. François de Rugy nous permettra de mieux nous organiser. Je serai ainsi pleinement disponible pour prendre toute ma part dans ce débat essentiel !
Je tiens tout d'abord à féliciter le rapporteur pour le travail qu'il a accompli afin de préparer l'examen de ce projet de loi.
Globalement, nous sommes d'accord sur les constats, qu'il s'agisse de la dégradation des résultats et des acquis de nos élèves dans les comparaisons internationales ou de l'aggravation constante des inégalités scolaires et territoriales, et nous partageons votre souhait de combattre le décrochage scolaire. Soulignons toutefois que le phénomène n'est pas récent, contrairement à ce qu'affirme Mme Martine Faure : il s'étale sur au moins trente ans. Il n'y a pas non plus ici de députés qui n'aimeraient pas l'école – nous l'aimons tous – et les gouvernements successifs ont tous fait des efforts et connu des succès et des échecs. Il en sera de même de l'actuel ministre de l'éducation nationale, comme je le lui ai d'ailleurs dit. Alors, gardons-nous de toute caricature si nous voulons travailler sérieusement sur ce sujet très important.
Quatre grands points me semblent faire consensus : la priorité donnée au primaire pour prévenir au plus tôt les difficultés ; la formation des enseignants et des personnels d'éducation, avec une entrée progressive des premiers dans le métier ; une formation de l'élève qui aille au-delà de la seule instruction pour englober l'enseignement moral et civique ainsi que l'éducation artistique et culturelle ; l'instauration, enfin, d'un parcours d'orientation débutant le plus précocement possible, afin d'éviter une orientation « subie ».
En revanche, j'exprimerai une réserve de fond : cette réforme ne tient pas suffisamment compte de l'environnement des élèves, qui a évolué au fil des décennies et influencé leur comportement. Le rapport reste muet sur ces transformations profondes – fragilisation des structures familiales et des relations intergénérationnelles, importance croissante des dispositifs périscolaires, règne du consumérisme et du zapping médiatique…
Je formulerai aussi des critiques.
Certes, malgré le flou du dispositif, nous pouvons saluer la réforme de la formation initiale des enseignants, mais rien de concret ne permet de crédibiliser certaines déclarations d'intention quant aux moyens dont disposeront les ESPE et quant à la formation continue de ces maîtres.
S'agissant du numérique, nous regrettons l'absence de toute référence à une formation critique des jeunes aux médias et à l'information. La focalisation sur les seuls apports fonctionnels du numérique, à la fois comme outil et comme ressource, me semble un peu dangereuse. Le texte souffre à cet égard d'une vision quasi industrielle, sans finalité culturelle ni citoyenne.
D'autre part, il ne traite pas de l'éducation prioritaire ni de la mixité sociale, sinon de façon incidente. Mais il fait référence à l'enseignement « moral ». Attention à ce que ce ne soit pas un enseignement « doctrinal » ! (Exclamations parmi les commissaires SRC). Vos réactions montrent que vous avez compris de quoi il est question…
L'aide personnalisée est remplacée par un temps d'activité pédagogique complémentaire, en petits groupes et hors temps scolaire. Aucun cadrage national n'en fixe les modalités. Rien non plus sur la violence à l'école ni sur les moyens d'assurer un cadre serein aux élèves – mais, de cela, nous parlerons dans l'hémicycle quand y viendra en discussion la proposition de loi de M. Claude de Ganay.
Certaines mesures ne figurent pas dans ce projet de loi alors qu'elles avaient été abordées dans le cadre de la concertation. Ainsi rien n'est prévu en matière de décentralisation des centres d'orientation ou de carte scolaire. On peut aussi s'interroger sur la place faite aux collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de cette réforme, d'autant que pas un mot n'est dit sur celle des rythmes scolaires, qui a réussi à fédérer beaucoup de monde contre elle. Quelles aides spécifiques seront allouées aux collectivités ? Quelle concertation ? Quelles modalités d'association des acteurs de terrain ? Selon quel calendrier ? Nous l'ignorons !
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, les interrogations du groupe UDI à propos de ce texte. Nous attendons des réponses, si possible assorties de dates et de chiffres.
Selon le rapport annexé, la promesse républicaine serait de « permettre la réussite de tous ». Nous pensons plutôt que la promesse républicaine est de faire de l'école le vecteur essentiel de la mobilité sociale : de permettre à chacun de devenir ce qu'il souhaite être – ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Pour nous, investir dans l'éducation, c'est investir dans la jeunesse, dans notre avenir. Ce ne sont pas que des mots. Et avant d'apprécier ce projet de loi, il nous semble opportun de dresser un bilan – à cet égard, j'apprécie l'honnêteté de nos collègues de l'opposition qui reconnaissent qu'il est extrêmement négatif.
L'effort éducatif de la nation a baissé de 15 % entre 2000 et 2011, passant de 7,5 % à 6,5 % du PIB. Et au-delà d'un manque criant de moyens, tout un système s'est désorganisé. Le rapport de notre collègue Yves Durand est à cet égard implacable. L'école n'a pas su répondre aux défis de l'hétérogénéité de ses élèves, continuant à privilégier ceux qui ne rencontraient pas de difficultés particulières et laissant se creuser inexorablement le fossé entre eux et les autres. Elle se trouve ainsi à l'origine même de la fracture sociale et de la fracture spatiale.
Que 140 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification ni diplôme est intolérable. Déjà, quatre écoliers sur dix arrivent en 6ème avec de graves lacunes ; au lieu de résorber leurs difficultés, le collège les renforcera.
L'école primaire a vu ses moyens réduits : quand la nation dépense 100 euros pour un élève de l'enseignement élémentaire, elle en dépense 141 pour un collégien et 196 pour un lycéen.
Le rapport nous rappelle aussi combien les rythmes scolaires sont insatisfaisants : avec 24 heures de classe sur quatre jours seulement, nos élèves ont les horaires plus lourds de tous les pays de l'OCDE, ce qui entraîne fatigue et manque de concentration. Si l'on se souvient que cette organisation a été imposée en 2008 sans concertation, comment admettre les leçons qu'on veut aujourd'hui nous donner sur la réforme de ces mêmes rythmes scolaires ?
L'école oriente mal : malgré la réforme de novembre 2009, la voie professionnelle reste stigmatisée. Elle manque aussi cruellement de moyens humains, ayant été privée de 74 432 emplois entre 2007 et l'été 2012. Si l'on ajoute à cela les difficultés d'accueil des plus petits et la formation critiquable dispensée par les IUFM, on ne peut que se réjouir de ce projet de loi de refondation !
Il vise à donner de nouvelles fondations à une institution qui en a bien besoin. Le groupe RRDP estime que son économie générale est à la hauteur de cette ambition. Aussi, monsieur le rapporteur, durant les débats, vous nous aurez la plupart du temps à vos côtés.
Vous nous aurez à vos côtés parce que vous accordez des moyens à l'école : des recrutements, mais surtout une formation repensée et réorganisée ; parce que vous donnez la priorité au primaire, dont vous entendez réformer les rythmes et le contenu des enseignements ; parce que vous prenez en compte le numérique ; parce que vous prévoyez de rénover le système d'orientation et d'insertion professionnelle.
Notre groupe compte, pour sa part, insister sur plusieurs points.
Tout d'abord sur l'exigence de la coéducation, pour résorber l'échec scolaire. Le projet éducatif territorial est un bon outil, mais il faut aller au-delà et créer les conditions du dialogue entre les différents acteurs, dont les parents.
Ensuite, sur le rôle important des collectivités territoriales, qui sont responsables de l'homogénéité des établissements scolaires sur le territoire, ainsi que du numérique. C'est d'ailleurs pourquoi, monsieur le président, je renouvelle le souhait que nous invitions Mme Fleur Pellerin : en effet, s'il est bon de vouloir introduire le numérique dans les écoles, encore faut-il que le haut débit, sinon le très haut débit, soit accessible partout. Or notre pays compte encore trop de zones blanches.
Nous insisterons aussi sur l'utilité d'un enseignement moral et civique, sur la reconnaissance de la spécificité de l'école maternelle et sur l'apport du conseil école-collège. Enfin, et surtout, à la suite du rapporteur, sur la nécessité de « rendre l'école plus juste et plus ouverte ». Cela suppose de lutter contre la ségrégation et de faire plus d'efforts encore en faveur de la mixité sociale, de renforcer les moyens de l'école, de recréer les postes de RASED supprimés et de développer les écoles ouvertes.
En conclusion, ce sera à nous, durant le débat parlementaire, d'oeuvrer à la réussite des ambitions que porte ce projet de loi, pour plus d'égalité, de justice et de démocratie.
Le 9 février 2012 à Orléans, dans un grand discours sur l'école et la nation, François Hollande déclarait qu'il n'y aurait pas de reprise économique durable pour la France sans investissement dans son école. Il définissait ainsi pour la première fois la priorité qui constitue le grand dessein de cette législature.
La mission républicaine de l'école a été mise à mal par la gestion arithmétique et comptable dont elle était l'objet ces dernières années – et non ces dernières décennies : rappelons que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux s'est traduit dans ce secteur par la suppression de 60 000 équivalents temps plein entre 2007 et 2012, d'où l'impossibilité d'assurer cette mission et l'accroissement des inégalités entre les élèves.
La grande concertation lancée par le ministère a permis de poser clairement le diagnostic et de définir les priorités auxquelles le présent projet de loi vise à répondre.
Première priorité : l'enseignement primaire, qui avait été sacrifié ces dernières années. Le nombre des enfants de moins de trois ans accueillis à l'école a diminué ; 300 000 élèves du CM2 présentent de graves lacunes à l'entrée en collège ; les dépenses annuelles par élève sont inférieures de 5 %, pour l'école maternelle, et de 15 %, pour l'école primaire, au niveau moyen constaté dans les pays de l'OCDE.
Deuxième priorité : la formation des enseignants. Elle sera restaurée grâce à la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation.
Troisième priorité : la réforme des rythmes scolaires, pour le bien-être des enfants.
Enfin, dernière priorité, la résorption de la fracture qui traverse l'école républicaine contribuera à la réussite de l'ensemble des élèves, quels que soient leur origine sociale et leur lieu de scolarisation.
Il faut reconnaître l'importance du travail réalisé par notre rapporteur, même si l'on ne partage pas l'ensemble de ses analyses.
Cela étant, je m'élève contre l'affirmation selon laquelle le gouvernement précédent aurait imposé la semaine de classe de quatre jours. Ce n'est qu'une rumeur, relayée par la presse. L'objectif de Xavier Darcos n'était que de supprimer les cours du samedi matin, les conseils d'école ayant tout loisir d'opter entre une semaine de quatre jours et une semaine de quatre jours et demi. C'est d'ailleurs ce dernier choix qui a été fait à Périgueux, où l'on a rétabli les cours du mercredi matin.
On prétend également que le gouvernement précédent aurait supprimé la formation des enseignants : c'est faire peu de cas de celle qui était dispensée par les universités, dans le cadre des masters !
Mais revenons à ce projet. L'article 55 vise à favoriser l'utilisation des ressources numériques sans que soit jamais soulevée la question de la liberté pédagogique. Or l'article 10 organise un service public de l'enseignement numérique dont la création pourrait déboucher sur un véritable monopole d'État et devenir « liberticide ».
Cette disposition peut d'autant plus inquiéter qu'elle est de nature à favoriser un phénomène qui se développe depuis une bonne trentaine d'années, notamment dans le primaire, et dont je m'étonne que vous ne le preniez nulle part en compte : je veux parler du « zapping pédagogique » qui, selon certains spécialistes, contribue à la dégradation de la performance scolaire dans la mesure où il prive du cadre de référence donné par le manuel.
Sur ces deux points, ni le projet de loi, ni le rapport n'apportent des réponses. J'espère donc que nous pourrons y revenir au cours du débat.
J'insisterai pour ma part sur deux des qualités de ce projet de loi : sa lisibilité et son caractère ambitieux.
Comme notre rapporteur l'a souligné, la priorité sera clairement donnée à l'école maternelle et à l'école primaire. Le collège et le lycée, y compris le lycée professionnel, en bénéficieront ensuite, grâce à un niveau de culture et de compétences, sanctionné par le baccalauréat, qui ouvrira à tous les jeunes l'accès aux études supérieures et à un projet professionnel.
S'agissant spécifiquement de l'enseignement professionnel, j'ai relevé l'expression très positive de « campus des métiers » et je me peux que me réjouir de la suppression, par l'article 38, du dispositif d'initiation aux métiers de l'alternance (DIMA) institué pour les jeunes de moins de quinze ans par la « loi Cherpion » du 28 juillet 2011.
La valorisation de l'enseignement professionnel est de nature à éviter le décrochage scolaire. Y contribueront la modernisation de la carte des formations, en partenariat avec le rectorat et surtout avec les partenaires sociaux et avec les collectivités territoriales, et le dialogue obligatoire avec les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle, afin de mieux adapter les formations aux spécificités des territoires et des différentes filières, et de développer ainsi des métiers au service du redressement productif.
Ce projet de loi est donc ambitieux et il répond aussi à une attente de longue date en ce qu'il suit une chaîne logique : formation, orientation, développement économique, aménagement du territoire, recherche et innovation, pour favoriser l'emploi.
Bien sûr, monsieur le rapporteur, je ne peux que vous féliciter pour l'excellent travail que vous avez fourni ces dernières semaines. Reste que nous sommes en désaccord sur plusieurs points.
Premièrement, selon vous, il s'agirait d'un texte de « refondation ». Mais sur quelles fondations s'appuie le système éducatif français, sinon sur le statut des personnels et sur celui des établissements ? Or ce projet ne touche ni à l'un, ni à l'autre. Ce n'est qu'un « ripolinage », un coup de pinceau passé sur le système scolaire. Les experts sont d'ailleurs unanimes pour estimer qu'il n'y a rien dans ce texte. Sincèrement, nous attendions autre chose !
Deuxièmement, vous affirmez que la priorité a été accordée à l'enseignement primaire. On peut se demander comment. En effet, dans ce projet de loi, vous ne tirez aucune conséquence de l'écart que vous avez constaté entre primaire et lycée quant au niveau des investissements dont ils bénéficient respectivement. Vous n'inversez pas la tendance.
Vous écrivez que la suppression des IUFM et la mastérisation ont « économisé » quelque 9 000 postes. Or la création des ESPE devrait en coûter 27 000, de sorte que je comprends mal votre calcul, à moins que ces 27 000 créations ne soient étalées sur cinq ans. Mais si tel devait être le cas, vous ne seriez pas près de respecter la promesse de François Hollande, qui est de créer 60 000 postes dans l'éducation nationale… Pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est ?
D'autre part, il y a deux jours, est parue une circulaire qui ramène le temps de service des professeurs des écoles de 27 à 26 heures par semaine. Cela fait 320 000 heures par an – puisqu'il y a 320 000 professeurs des écoles – soit 12 000 équivalents temps plein. Comment pouvez-vous accepter qu'on fasse à ces enseignants un tel cadeau sans rien leur demander en contrepartie, si ce n'est leur accord pour la réforme des rythmes scolaires ? J'ai du mal à comprendre que vous ne dénonciez pas un tel scandale !
Enfin, à vous entendre, vous et le ministre, les résultats catastrophiques relevés par les enquêtes PISA s'expliqueraient par les suppressions de postes dans le primaire et par la suppression des IUFM. Mais ces enquêtes ont été réalisées en 2009 sur des cohortes d'enfants de quinze ans, qui étaient donc entrés en CP en 1999 et 2000. Comment des décisions prises dix ans après pourraient-elles expliquer leurs mauvais résultats ?
Je voudrais moi aussi saluer la qualité du rapport de notre collègue Yves Durand. On y sent toute la passion qu'il a pour l'école de la République !
Grâce à un état des lieux clair, précis, sans faux-fuyant, qui démontre objectivement et de façon méthodique l'échec des réformes passées, il met en perspective ce projet de refondation de l'école qui vise à lutter efficacement contre l'échec scolaire grâce à la priorité donnée à l'école maternelle et à l'école primaire, où l'échec scolaire prend son origine.
Ce projet n'est pas une déclaration d'intentions. Pour relever ce grand défi au service de la jeunesse, les moyens sont au rendez-vous : accueil des enfants de moins de trois ans ; objectif « plus de maîtres que de classes » ; développement organisé du numérique pour éviter la fracture numérique ; remise en chantier de la formation des enseignants sacrifiée par le précédent gouvernement alors même qu'elle conditionne l'efficacité de notre système éducatif.
Toutes ces dispositions sont à la fois pertinentes et urgentes pour combattre l'échec à l'école, qui transforme les inégalités sociales en inégalités scolaires. Il n'est pas acceptable de laisser nos résultats se dégrader d'année en année, comme cela ressort du rapport : depuis dix ans, l'écart entre les élèves suivant une scolarité normale et les élèves en difficulté – aujourd'hui 40 % de la population scolaire – ne cesse de se creuser et 150 000 d'entre eux quittent chaque année le système éducatif sans diplôme et sans qualification, de sorte qu'ils auront beaucoup de mal à s'insérer dans la vie professionnelle.
Ce projet de loi répond donc aux attentes de la jeunesse et complète les lois déjà votées concernant, notamment, les emplois d'avenir et les contrats de génération. Sur ce volet spécifique de la réforme de l'école, il faut aller vite si nous voulons donner à notre jeunesse les moyens de sa réussite.
MM. Xavier Breton et Patrick Hetzel s'inquiètent de la liberté qui sera laissée aux enseignants en matière de pédagogie, mais plusieurs articles de ce projet de loi autoriseront à expérimenter en ce domaine. D'autre part, je rappelle que les maîtres n'ont jamais été incités à s'engager dans cette voie – surtout ces dernières années – et que l'obligation qui leur est faite, par l'inspection, de suivre strictement et rigoureusement un programme bien défini limite singulièrement leur liberté. L'encouragement qu'ils trouveront dans ce projet est donc bienvenu et de nature à valoriser leur travail. Ils ont d'ailleurs hâte de se lancer dans ces expérimentations, ayant l'intuition qu'elles peuvent contribuer à résorber l'échec scolaire. J'aimerais savoir, monsieur le rapporteur, si vos auditions ont été l'occasion de suggestions à ce propos.
Je ferai enfin remarquer à M. Benoist Apparu que la dernière place qui nous échoit dans la récente enquête PISA ne nous est pas imputable. Certes, il y a bien plus de dix ans que notre système éducatif s'essouffle. Mais nous sommes tous d'accord pour constater que la situation s'est aggravée au cours des dix dernières années.
Monsieur Hetzel, la suppression des cours le samedi matin ne s'est pas accompagnée d'une incitation à les reporter au mercredi matin. Ce choix n'a eu lieu qu'à l'initiative d'équipes pédagogiques et de municipalités qui voulaient expérimenter des rythmes différents.
Nous n'avons jamais dit qu'il n'y avait plus de formation des enseignants. Effectivement, ceux-ci sont recrutés à bac+5 ! Je n'ai d'ailleurs jamais entendu de parents d'élèves se plaindre qu'un professeur ne maîtrise pas sa discipline. Mais qu'un professeur ne maîtrise pas sa classe ou ne sache pas faire progresser ses élèves, cela, je l'ai entendu souvent dénoncer et c'est dû à un manque de formation pédagogique.
Monsieur Apparu, notre priorité n'est pas le statut des enseignants ou l'état des bâtiments, mais les enfants et leur réussite. Et cette réforme est nécessaire parce que ceux-ci sont trop nombreux à connaître l'échec scolaire – près de 20 % selon la dernière étude, et la proportion a crû ces dix dernières années.
Il s'agit d'une réforme ambitieuse et exigeante, qui implique de reconstruire la formation des maîtres et qui obligera ceux-ci à travailler en équipe. Elle conduira à une mobilisation de tous les acteurs, à quelque titre que ce soit, du système éducatif : enseignants, parents, personnels municipaux, acteurs associatifs et de l'éducation populaire, collectivités, etc. L'entreprise peut apparaître difficile mais n'oublions pas l'objectif, qui est d'assurer la réussite des élèves.
Nous commençons par l'enseignement primaire, qui est à la base de tout. Pour autant, ce projet de loi traite de tout le parcours de la maternelle à l'université. En effet, il est nécessaire d'intervenir sur les différents niveaux de l'enseignement. Celui-ci bénéficiera d'autre part de 60 000 emplois au cours du quinquennat, ce qui constitue de la part de l'État un effort qu'il convient de saluer.
Un travail de concertation a été engagé depuis des mois, avant même l'élection présidentielle. Il s'est poursuivi l'été dernier avec les ateliers sur la refondation de l'école mis en place par M. Vincent Peillon. Nous abordons maintenant une deuxième phase de concertation, au niveau local. Je souhaite que les enseignants, les parents d'élèves et les collectivités locales se saisissent de la possibilité qui leur est ainsi donnée d'élaborer un projet éducatif de territoire, pour assurer la réussite des élèves. C'est en tout cas l'objectif commun que nous allons poursuivre.
Je souhaite que cette refondation de l'école de la République se réalise dans de meilleures conditions que la réforme des rythmes scolaires ! Cela étant, nous faisons nôtres les objectifs visés par ce projet de loi – maîtrise des compétences de base, réduction de l'écart entre les élèves, division par deux de la proportion d'élèves sortant du système scolaire sans qualification… – et nous saluons la forte priorité accordée à l'école primaire.
Il est seulement assez étrange d'affirmer cette priorité en oubliant le rôle joué par les communes dans ce domaine. Aucun article n'aborde le sujet alors que deux – les articles 13 et 14 – traitent du rôle respectif des départements et des régions.
Je suis assez réservé sur l'objectif affiché d'amener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat et 50 % à un diplôme de l'enseignement supérieur. Certes, les diplômes sont nécessaires mais ne transformons pas la culture du diplôme en mythe du diplôme. Celui-ci est loin aujourd'hui de garantir une bonne insertion professionnelle.
Quant à la scolarisation des enfants de deux ans, un certain nombre de spécialistes de la pédagogie sont très réservés à son propos et, personnellement, je ne suis pas sûr qu'il faille la généraliser. Il existe d'autres formes de socialisation que l'école pour ces jeunes enfants. Une concertation plus approfondie avec les collectivités locales permettrait peut-être de faire la part des choses en laissant aux communes le soin de prendre en charge les enfants de deux à trois ans, l'État prenant ensuite le relais, via l'éducation nationale.
La question de l'orientation, abordée dans l'exposé des motifs, ne fait cependant l'objet d'aucune disposition. On sait pourtant que les centres d'information et d'orientation (CIO) sont des outils particulièrement désuets. J'aimerais que l'on s'interroge sur leur place et sur leur rôle.
Enfin, monsieur le rapporteur, comment justifiez-vous l'absence totale, dans ce texte, de référence à l'éducation sportive ?
S'agissant de la formation des enseignants, ce projet marque des avancées incontestables.
Historiquement, les écoles normales constituent la référence pour la formation des instituteurs, ces « hussards noirs de la République » : formation longue commencée dès la classe de 2nde jusqu'à la réforme de 1969, et de deux années au minimum ; formation d'élite assurant un véritable recrutement populaire ; formation bien structurée – à la fois didactique et pratique – et éminemment structurante, suscitant un véritable esprit de corps, une vocation forte, et assortie d'une vraie reconnaissance sociale.
Si leurs successeurs, les IUFM, ont pu être critiqués pour le manque de densité de certains de leurs enseignements et pour l'oubli de matières comme les sciences cognitives ou la psychologie de l'enfant, ils ont eu le grand mérite d'unifier la formation des enseignants. C'est ce que nous souhaitons recréer avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Il s'agit en effet de rétablir ce que la précédente majorité a détruit en supprimant la formation initiale des enseignants, dénigrement ultime d'une profession dont dépend pourtant l'avenir de la jeunesse et du pays, et en érodant l'ensemble des dispositifs de formation continue.
Aujourd'hui, dans un souci de professionnalisation et de valorisation de ces métiers, nous maintenons le niveau de recrutement des enseignants à bac+5, la mastérisation ayant parachevé l'« universitarisation » de leur formation. Nous répondons ainsi à un souhait de l'ensemble des acteurs de l'éducation.
Pour autant, nous n'oublions pas que la mastérisation a aussi rendu l'entrée dans le métier plus hasardeuse pour de nombreux étudiants candidats au professorat, en permettant une économie de 9 000 postes. C'est pourquoi, à l'inverse de la réforme Fillon de 2005 pour laquelle, incontestablement, les moyens manquaient, nous faisons, parallèlement, le choix d'une autre politique. Nous créerons 26 000 postes qui seront consacrés au rétablissement d'une véritable formation professionnelle, grâce à une année de stage rémunéré, effectuée en alternance au sein de l'université, dans les ESPE, et sur le terrain, au contact des élèves, dans le cadre d'un stage en responsabilité. Mais il faudra veiller à rétablir également la formation continue des personnels enseignants, ce qui correspond à une très forte attente de leur part.
Je voudrais pour finir soumettre une idée qui pourrait être concrétisée à moyens constants : bien des professionnels chevronnés préféreraient, à une formation sous forme de stage avec tuteur, un échange de bonnes pratiques. Pourquoi ne pas favoriser, dans les futures ESPE ou dans les établissements, des réunions mensuelles de professeurs d'une même discipline et d'un même bassin, pour faciliter les transitions, pour remotiver et pour dynamiser leurs enseignements ? Il conviendra en tout cas de ne pas négliger la formation continue des enseignants, mise à mal au cours de ces dernières années.
Étant donné la situation excellemment décrite par notre rapporteur, il n'était que temps de consacrer à notre système éducatif un projet de loi à la hauteur de ses besoins et de ses attentes, un texte ambitieux, volontaire, courageux, susceptible de lui donner un nouveau souffle après dix ans de casse de l'éducation nationale par la droite.
C'est une réalité, et les exemples ne manquent pas : suppression de 80 000 postes, mise à mal de la formation des maîtres, accroissement des inégalités territoriales avec la suppression de la carte scolaire, fragilisation du système d'orientation, généralisation d'une semaine de quatre jours contraire à l'intérêt des enfants…
C'est une politique totalement opposée que souhaite mener le gouvernement, dont la principale préoccupation est la réussite de tous les élèves.
M. Benoist Apparu prétend qu'il n'y a rien dans ce texte. N'est-ce rien que de donner la priorité au primaire pour lutter dès la racine contre les inégalités scolaires, de développer la scolarisation des moins de trois ans, de rétablir la formation des maîtres, de généraliser les projets éducatifs territoriaux, de réformer les rythmes scolaires, de créer un service public de l'enseignement numérique, de lutter contre le décrochage scolaire, de prévoir plus de maîtres que de classes, etc. ? Au contraire, ce projet de loi est riche de dispositions volontaristes.
En outre, toutes ces orientations sont en adéquation avec les promesses de campagne du Président de la République. L'objectif du gouvernement est clairement affiché : faire une école juste pour tous et exigeante pour chacun, en la replaçant au coeur du pacte social pour la réussite de tous. Pour cela, nous lui redonnons tous les moyens nécessaires, en particulier les moyens humains, indispensables non seulement pour réduire les inégalités, mais aussi pour améliorer le climat scolaire et pour assumer notre ambition en matière d'éducation.
Ce projet de loi qui donne le départ à la refondation de l'école prélude à d'autres chantiers, à d'autres réflexions. Il me semble à cet égard nécessaire d'insister sur le travail à mener en faveur de l'enseignement prioritaire – les établissements concernés doivent devenir des lieux d'expérimentation, des lieux d'excellence –, de l'accompagnement de la parentalité ou des partenariats avec le monde associatif.
Ce beau projet de loi est un projet fondateur, sans doute la première grande réforme de la législature. Après une longue phase de concertation et de consultations préalables, nous sommes enfin entrés dans le travail concret avec un texte qui ne se borne pas à apporter des changements à la marge, mais qui tend à dessiner l'école de demain : une école où les enfants aiment à se rendre, où ils prennent le goût du savoir ; une école qui motive plus qu'elle ne sanctionne, à la fois bienveillante et exigeante, et qui réunit autour d'elle tous les acteurs de la communauté éducative.
Le terme « refondation » est tout à fait approprié dans un tel contexte, et il est dès lors normal que des oppositions, des incompréhensions se fassent jour. Nous le voyons aujourd'hui avec la réforme des rythmes scolaires, qui déchaîne les passions. Il en sera de même pour d'autres chantiers : c'est le propre des grandes réformes structurelles que de rencontrer de telles difficultés.
Notre mission, en tant que parlementaires, est par conséquent d'expliquer et de soutenir une réforme courageuse qui va dans le sens de l'intérêt général. Au sein de cette Commission, nous devrons avoir une démarche constructive, en nous donnant le temps nécessaire pour enrichir le projet, avec un seul objectif : conforter les nombreuses avancées qu'il contient et l'améliorer quand il le faut.
De nombreux amendements, que je soutiendrai, vont dans le sens d'un renforcement de notre système éducatif. Pour ma part, je me suis concentré sur deux questions propres à la France d'outre-mer, dont je suis un élu.
La première concerne la variété linguistique de ces territoires. Si celle-ci représente une richesse, elle peut aussi, faute d'être suffisamment prise en compte dans les processus pédagogiques, être à l'origine de difficultés dans l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ou dans l'expression orale de langue française, accroissant les risques d'illettrisme ou d'échec scolaire. L'éducation nationale doit reconnaître cette réalité du bilinguisme et favoriser le développement de méthodes pédagogiques adaptées, en en faisant l'objet d'un module de formation initiale et continue dans les ESPE d'outre-mer.
Deuxièmement, il n'est plus acceptable que la dimension ultramarine de la France soit absente de l'enseignement de notre histoire. L'ensemble des élèves de notre République doit pouvoir en prendre conscience.
Je souhaite donc que le nouveau contrat pour l'école prenne en compte ces deux exigences.
J'ai été particulièrement ravie de découvrir dès les premières pages du projet de loi des dispositions introduisant l'éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité de l'enfant, sur le temps scolaire comme sur le temps périscolaire. Il s'agit d'un véritable parcours dont les modalités seront fixées conjointement par deux ministres, celui de l'éducation nationale et celui de la culture – une telle collaboration, peu fréquente, est déjà en soi une excellente chose.
L'objectif est bien sûr de réduire les inégalités et de favoriser l'égal accès de tous les jeunes, tout au long de leur scolarité, à l'art et à la culture.
L'étude d'impact souligne la grande variété des actions déjà menées en ce domaine par le ministère de l'éducation nationale et rappelle les partenariats forts qu'il a noués avec les directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, avec les collectivités locales et avec les institutions culturelles, que ces partenariats prennent la forme de conventions ou de comités de pilotage associant rectorat, région et DRAC. Elle indique aussi que le ministère de la culture s'engage à augmenter ses crédits d'intervention de 15 millions d'euros sur trois ans. Je m'interroge toutefois en ce qui concerne les collectivités territoriales, que l'on ne saurait obliger à quoi que ce soit : auront-elles la volonté et les moyens d'accompagner ce parcours artistique et culturel des élèves dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ?
Les félicitations sont souvent de rigueur à l'adresse d'un rapporteur, mais elles sont particulièrement justifiées s'agissant d'Yves Durand. Le projet de loi et l'ambition qu'il porte méritaient au demeurant un rapport de cette qualité.
Les premiers échanges – je pense notamment aux interventions de Mme Martine Faure et de M. Xavier Breton – semblent annoncer un débat de qualité. Et en dépit des désaccords que nous pouvons avoir avec M. Xavier Breton, je salue le caractère constructif de ses propos. Je ne peux toutefois en dire autant de ceux de M. Rudy Salles.
Il faut rappeler que le décret de 2008 sur les rythmes scolaires a été publié le 15 mai pour une application dès la rentrée de septembre. Ceux qui réclament plus de temps, plus de concertation et un report de la réforme de ces rythmes à 2014 devraient bien s'en souvenir !
D'autre part, s'il est vrai que le décret laissait la possibilité de faire classe le mercredi matin, ce n'était qu'à titre purement dérogatoire et après avoir pris trois avis différents assortis d'autant de votes. Les conditions posées étaient très difficiles à réunir : je le sais pour avoir obtenu une telle dérogation à Angers. Les communes appliquant la semaine de quatre jours et demi font d'ailleurs figure d'exceptions.
Non seulement le débat sur les rythmes scolaires n'a rien de nouveau, puisqu'il y a longtemps – et heureusement ! – que les acteurs de la communauté éducative s'en sont saisis, mais les expériences réalisées en ce domaine permettent de tirer des enseignements très riches.
Quant au texte évoqué par M. Benoist Apparu, même s'il n'a pas encore été publié au Bulletin officiel de l'éducation nationale, nous en connaissons en partie le contenu. Or, contrairement à ce que dit notre collègue, il ne change rien au nombre d'heures de service, qui reste fixé à 936 heures, soit 864 heures d'enseignement et 108 heures consacrées à la coordination et à la formation – et, demain, aux activités pédagogiques complémentaires. Il est donc totalement erroné d'affirmer que des heures d'enseignement seront supprimées.
Enfin, j'ai particulièrement apprécié la manière dont le rapporteur a présenté le numérique comme un nouvel outil au service de la pédagogie, qu'il permettra d'adapter aux différents publics scolaires. L'examen des amendements et celui du texte en séance publique devraient permettre d'apporter tous les compléments utiles à la réalisation de cette ambition majeure.
Je ne peux que m'associer aux éloges adressés au rapporteur.
Nos collègues de l'opposition, par myopie ou mauvaise foi, semblent faire une lecture sélective du projet de loi, dont ils tentent de minimiser la portée en invoquant à tout propos la réforme des rythmes scolaires. Ils se disent tous épris de l'école, mais quand M. Benoist Apparu affirme que ce texte ne changera rien, on a le sentiment qu'il souhaite en fait que rien ne change, afin de pouvoir confirmer que tout va mal en ce domaine.
Quant aux enquêtes PISA qui, jusqu'à présent, étaient le mètre étalon pour l'évaluation du système scolaire, elles semblent ne plus avoir aucune signification pour eux depuis qu'ils sont dans l'opposition.
M. Patrick Hetzel qui, à la suite de certains experts, fait du développement du numérique une des causes de l'échec scolaire, semble suggérer que son entrée à l'école aurait pour corollaire l'abandon de l'usage des manuels. Mais rien, dans le projet de loi ni dans le rapport annexé, ne permet une telle conclusion. Au contraire, le numérique est présenté comme un outil d'accompagnement pédagogique.
Le rapport annexé évoque par ailleurs la formation du citoyen. Quelle place ce sujet prendra-t-il dans la scolarité, et ce dès l'école primaire ?
Je vous remercie pour la qualité de vos interventions, qui toutes expriment une volonté d'enrichir le texte. Le débat sur les amendements s'annonce donc particulièrement intéressant.
Je vous remercie également pour les félicitations que vous m'avez accordées. Je souhaite y associer l'équipe de la Commission, qui a fait un travail remarquable, notamment au cours des nombreuses auditions que nous avons conduites.
Une grande partie de vos interrogations trouvera une réponse lors de l'examen des amendements, et je souhaite ici m'en tenir aux points les plus importants.
C'est à dessein que je n'ai pas évoqué les rythmes scolaires dans mon propos introductif. Tout d'abord, il ne me paraissait pas utile d'en rajouter sur un sujet dont on parle déjà beaucoup. Ensuite, si les rythmes scolaires sont un élément fondamental de la réforme, celle-ci ne s'y réduit pas.
Sur le sujet, le rapport d'information que M. Xavier Breton et moi-même avons cosigné en 2010 montre que tout le monde est d'accord : nous étions en effet parvenus aux mêmes diagnostics et aux mêmes conclusions. Le problème réside dans la mise en oeuvre, qui relève du pouvoir réglementaire. À cet égard, et contrairement à ce qu'affirme M. Rudy Salles, le décret du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires est très précis.
M. Xavier Breton s'est interrogé sur l'ajout du mot « culture » à l'expression : « socle commun de connaissances et de compétences ». Nous pensons en effet que la culture fait partie du socle dont l'école doit doter les élèves, car elle contribue à la formation de leur personnalité. Une école ne pourrait viser la réussite pour tous et l'égalité devant le savoir et la connaissance si elle excluait de ce socle commun la formation artistique et culturelle.
Nous avons d'ailleurs eu ce débat lors de l'examen de la loi de 2005. Le socle commun doit-il être une sorte de « SMIC culturel et éducatif », ou bien la base permettant à chacun « d'aller au bout de ses possibles », comme l'a dit l'une d'entre vous ? C'est cette dernière conception qui est la nôtre. Il reviendra donc au Conseil supérieur des programmes de donner forme concrète à ce parcours culturel évoqué par Mme Marie-Odile Bouillé.
Il en est de même de l'apprentissage d'une langue étrangère dès le début de la scolarité obligatoire, que l'on retrouve dans tous les pays connaissant le succès en matière d'éducation. De nombreux spécialistes l'ont constaté : plus tôt on commence l'étude d'une langue étrangère, mieux c'est. En outre, l'apprentissage de l'anglais – car il s'agit bien de cette langue, de moins en moins étrangère –, nécessaire si nous voulons faire de nos enfants des citoyens du monde, n'entre nullement en concurrence avec celui du français : les deux enseignements se renforcent mutuellement.
J'en viens à l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles, qu'il ne faut pas confondre avec la scolarisation obligatoire. À six ans, un élève doit entrer à l'école primaire mais, auparavant, la scolarisation ne peut être que progressive. Si un enfant de deux ans est suffisamment mûr, sur le plan psychologique et même physique, pour intégrer le corps social que constitue l'école maternelle, alors il doit en avoir le droit.
Nous considérons par ailleurs que l'école maternelle doit être une école à part entière – ce qui répond à la question sur la transition entre la grande section et le cours préparatoire –, dotée d'une pédagogie propre et d'objectifs spécifiques en matière de développement de la personnalité ou de socialisation. Elle n'est pas une propédeutique de l'école élémentaire.
Dans l'article 23 du projet de loi, l'adjectif « régulière » ne s'applique pas à l'évaluation, monsieur Breton, mais à la progression des enseignements au sein de chaque cycle. L'évaluation, elle, peut avoir lieu à n'importe quel moment et donc se faire annuellement. En revanche, je suis d'accord avec vous pour dire qu'elle doit être indépendante. C'est d'ailleurs l'esprit de la loi et nous verrons, lors de l'examen des amendements, s'il faut l'inscrire dans sa lettre.
À propos du service public de l'enseignement numérique, j'ai déjà exprimé mes propres interrogations. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour juger qu'il s'agit d'un levier, d'un accompagnement absolument nécessaire à la transformation pédagogique, mais qu'il ne doit en aucun cas être livré à des intérêts privés pour devenir un marché – comme le risque en existe déjà. Et, comme vous aussi, nous refusons qu'il vienne « verrouiller » le contenu de l'enseignement lui-même. C'est pourquoi cet enseignement numérique doit faire partie intégrante des sujets soumis à la réflexion du Conseil supérieur des programmes, comme outil pédagogique et comme objet de connaissance.
Je ne reviens pas sur le débat relatif au collège unique. Il s'agit d'une véritable opposition entre nous, mettant en jeu la conception que nous avons de la scolarité obligatoire et de la continuité éducative. Cette question mérite que nous en débattions en séance publique.
Il est pour le moins excessif d'affirmer que le texte ne comprend aucune disposition sur les conditions de travail des enseignants. En effet, lorsque l'ancienne majorité a supprimé, bien qu'elle s'en défende, la formation professionnelle des enseignants – je ne parle pas de leur formation universitaire, monsieur Hetzel –, elle a sérieusement dégradé leurs conditions de travail. Le seul rétablissement d'une telle formation va donc, pour eux, dans le sens d'une amélioration de ces conditions.
Le projet de loi, monsieur Apparu, ne touche en effet ni au statut des enseignants, ni à celui des établissements. C'est toute la différence entre ce que j'appelle les réformes « bricolage » et une démarche commençant par la pédagogie : plutôt que d'entreprendre une énième réforme des statuts, nous avons souhaité changer ce qui touche à l'essentiel, c'est-à-dire à la réussite des élèves, aux élèves eux-mêmes plutôt qu'aux autres acteurs de l'école. Pour ma part, j'estime que ce n'est pas parce que l'on ne touche pas à la structure, c'est-à-dire au statut des enseignants et à celui des établissements, que l'on ne fait rien. Au contraire, nous modifions ce qui fait l'essence de l'école, la transmission des savoirs et des savoir-faire, et donc la pédagogie.
Ce qu'ont dit les orateurs de la majorité au sujet des projets éducatifs territoriaux est tout à fait juste : leur contenu reste à préciser. Mais ils constituent, avec la réforme des rythmes scolaires, un extraordinaire moyen de lutter contre les inégalités devant la culture et la connaissance. Dans la mesure où les collectivités territoriales ont la responsabilité de mettre en oeuvre ces deux mesures, certains affirment qu'il en résultera une aggravation des inégalités, mais c'est exactement l'inverse ! D'autant que l'inégalité existe déjà, tant l'implication de la collectivité dans les activités périscolaires diffère d'un lieu à l'autre : le rapport est d'environ un à douze. La réforme des rythmes et les projets éducatifs territoriaux – dont la mise en oeuvre sera soutenue par l'État via un fonds d'amorçage – va justement inciter les communes les moins impliquées à accroître leur participation. C'est donc un facteur d'égalité. La réflexion doit toutefois se poursuivre sur les moyens d'aider les collectivités sans pour autant porter atteinte au principe de leur libre administration.
Mme Colette Langlade a souligné avec raison l'importance de la filière professionnelle. C'est un argument supplémentaire en faveur de la priorité donnée à l'école primaire et à l'école maternelle. En effet, pour que l'orientation vers la voie professionnelle soit choisie, et non subie comme elle l'est aujourd'hui, pour qu'elle devienne une voie d'excellence, ce qu'elle mérite, il faut en finir avec le déséquilibre qui caractérise la situation des élèves arrivant en sixième : les bases de l'enseignement primaire, notamment en matière de lecture et en mathématiques, doivent être acquises.
Selon certains, nous aurions fait des « cadeaux » aux professeurs des écoles. Connaissant la situation de ces derniers, s'agissant du salaire comme des conditions de travail, c'est un terme qu'il vaudrait mieux éviter : n'oublions pas qu'ils sont recrutés au même niveau de diplôme que les enseignants du secondaire – ce qui est une bonne chose –, mais qu'ils ne perçoivent pas les mêmes rémunérations. Quoi qu'il en soit, ils n'ont obtenu aucune réduction du nombre d'heures d'enseignement : ils seront toujours vingt-quatre heures par semaine devant les élèves. La seule modification concerne la répartition des fameuses 108 heures annualisées.
Enfin, s'agissant des rythmes scolaires, et quels que soient les arguments présentés par l'opposition, le décret du 15 mai 2008 a bien eu pour effet de ramener brutalement à quatre jours la semaine d'un écolier. Et c'est bien la semaine des quatre jours qui a été appliquée dans la très grande majorité des communes – à l'exception de quelques-unes qui ont obtenu des dérogations –, ce qui a entraîné une véritable catastrophe pédagogique. Il est donc inutile d'invoquer une incidente dans le corps d'une circulaire pour chercher à justifier l'injustifiable.
Telles sont, mes chers collègues, les réponses partielles – mais non partiales – que je souhaitais vous apporter. Lors de l'examen des amendements, mercredi prochain, je ne doute pas que nous connaîtrons une ambiance de travail aussi sérieuse qu'aujourd'hui.
La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.