Intervention de Yves Durand

Réunion du 20 février 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Durand, rapporteur :

Je vous remercie pour la qualité de vos interventions, qui toutes expriment une volonté d'enrichir le texte. Le débat sur les amendements s'annonce donc particulièrement intéressant.

Je vous remercie également pour les félicitations que vous m'avez accordées. Je souhaite y associer l'équipe de la Commission, qui a fait un travail remarquable, notamment au cours des nombreuses auditions que nous avons conduites.

Une grande partie de vos interrogations trouvera une réponse lors de l'examen des amendements, et je souhaite ici m'en tenir aux points les plus importants.

C'est à dessein que je n'ai pas évoqué les rythmes scolaires dans mon propos introductif. Tout d'abord, il ne me paraissait pas utile d'en rajouter sur un sujet dont on parle déjà beaucoup. Ensuite, si les rythmes scolaires sont un élément fondamental de la réforme, celle-ci ne s'y réduit pas.

Sur le sujet, le rapport d'information que M. Xavier Breton et moi-même avons cosigné en 2010 montre que tout le monde est d'accord : nous étions en effet parvenus aux mêmes diagnostics et aux mêmes conclusions. Le problème réside dans la mise en oeuvre, qui relève du pouvoir réglementaire. À cet égard, et contrairement à ce qu'affirme M. Rudy Salles, le décret du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires est très précis.

M. Xavier Breton s'est interrogé sur l'ajout du mot « culture » à l'expression : « socle commun de connaissances et de compétences ». Nous pensons en effet que la culture fait partie du socle dont l'école doit doter les élèves, car elle contribue à la formation de leur personnalité. Une école ne pourrait viser la réussite pour tous et l'égalité devant le savoir et la connaissance si elle excluait de ce socle commun la formation artistique et culturelle.

Nous avons d'ailleurs eu ce débat lors de l'examen de la loi de 2005. Le socle commun doit-il être une sorte de « SMIC culturel et éducatif », ou bien la base permettant à chacun « d'aller au bout de ses possibles », comme l'a dit l'une d'entre vous ? C'est cette dernière conception qui est la nôtre. Il reviendra donc au Conseil supérieur des programmes de donner forme concrète à ce parcours culturel évoqué par Mme Marie-Odile Bouillé.

Il en est de même de l'apprentissage d'une langue étrangère dès le début de la scolarité obligatoire, que l'on retrouve dans tous les pays connaissant le succès en matière d'éducation. De nombreux spécialistes l'ont constaté : plus tôt on commence l'étude d'une langue étrangère, mieux c'est. En outre, l'apprentissage de l'anglais – car il s'agit bien de cette langue, de moins en moins étrangère –, nécessaire si nous voulons faire de nos enfants des citoyens du monde, n'entre nullement en concurrence avec celui du français : les deux enseignements se renforcent mutuellement.

J'en viens à l'accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles, qu'il ne faut pas confondre avec la scolarisation obligatoire. À six ans, un élève doit entrer à l'école primaire mais, auparavant, la scolarisation ne peut être que progressive. Si un enfant de deux ans est suffisamment mûr, sur le plan psychologique et même physique, pour intégrer le corps social que constitue l'école maternelle, alors il doit en avoir le droit.

Nous considérons par ailleurs que l'école maternelle doit être une école à part entière – ce qui répond à la question sur la transition entre la grande section et le cours préparatoire –, dotée d'une pédagogie propre et d'objectifs spécifiques en matière de développement de la personnalité ou de socialisation. Elle n'est pas une propédeutique de l'école élémentaire.

Dans l'article 23 du projet de loi, l'adjectif « régulière » ne s'applique pas à l'évaluation, monsieur Breton, mais à la progression des enseignements au sein de chaque cycle. L'évaluation, elle, peut avoir lieu à n'importe quel moment et donc se faire annuellement. En revanche, je suis d'accord avec vous pour dire qu'elle doit être indépendante. C'est d'ailleurs l'esprit de la loi et nous verrons, lors de l'examen des amendements, s'il faut l'inscrire dans sa lettre.

À propos du service public de l'enseignement numérique, j'ai déjà exprimé mes propres interrogations. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour juger qu'il s'agit d'un levier, d'un accompagnement absolument nécessaire à la transformation pédagogique, mais qu'il ne doit en aucun cas être livré à des intérêts privés pour devenir un marché – comme le risque en existe déjà. Et, comme vous aussi, nous refusons qu'il vienne « verrouiller » le contenu de l'enseignement lui-même. C'est pourquoi cet enseignement numérique doit faire partie intégrante des sujets soumis à la réflexion du Conseil supérieur des programmes, comme outil pédagogique et comme objet de connaissance.

Je ne reviens pas sur le débat relatif au collège unique. Il s'agit d'une véritable opposition entre nous, mettant en jeu la conception que nous avons de la scolarité obligatoire et de la continuité éducative. Cette question mérite que nous en débattions en séance publique.

Il est pour le moins excessif d'affirmer que le texte ne comprend aucune disposition sur les conditions de travail des enseignants. En effet, lorsque l'ancienne majorité a supprimé, bien qu'elle s'en défende, la formation professionnelle des enseignants – je ne parle pas de leur formation universitaire, monsieur Hetzel –, elle a sérieusement dégradé leurs conditions de travail. Le seul rétablissement d'une telle formation va donc, pour eux, dans le sens d'une amélioration de ces conditions.

Le projet de loi, monsieur Apparu, ne touche en effet ni au statut des enseignants, ni à celui des établissements. C'est toute la différence entre ce que j'appelle les réformes « bricolage » et une démarche commençant par la pédagogie : plutôt que d'entreprendre une énième réforme des statuts, nous avons souhaité changer ce qui touche à l'essentiel, c'est-à-dire à la réussite des élèves, aux élèves eux-mêmes plutôt qu'aux autres acteurs de l'école. Pour ma part, j'estime que ce n'est pas parce que l'on ne touche pas à la structure, c'est-à-dire au statut des enseignants et à celui des établissements, que l'on ne fait rien. Au contraire, nous modifions ce qui fait l'essence de l'école, la transmission des savoirs et des savoir-faire, et donc la pédagogie.

Ce qu'ont dit les orateurs de la majorité au sujet des projets éducatifs territoriaux est tout à fait juste : leur contenu reste à préciser. Mais ils constituent, avec la réforme des rythmes scolaires, un extraordinaire moyen de lutter contre les inégalités devant la culture et la connaissance. Dans la mesure où les collectivités territoriales ont la responsabilité de mettre en oeuvre ces deux mesures, certains affirment qu'il en résultera une aggravation des inégalités, mais c'est exactement l'inverse ! D'autant que l'inégalité existe déjà, tant l'implication de la collectivité dans les activités périscolaires diffère d'un lieu à l'autre : le rapport est d'environ un à douze. La réforme des rythmes et les projets éducatifs territoriaux – dont la mise en oeuvre sera soutenue par l'État via un fonds d'amorçage – va justement inciter les communes les moins impliquées à accroître leur participation. C'est donc un facteur d'égalité. La réflexion doit toutefois se poursuivre sur les moyens d'aider les collectivités sans pour autant porter atteinte au principe de leur libre administration.

Mme Colette Langlade a souligné avec raison l'importance de la filière professionnelle. C'est un argument supplémentaire en faveur de la priorité donnée à l'école primaire et à l'école maternelle. En effet, pour que l'orientation vers la voie professionnelle soit choisie, et non subie comme elle l'est aujourd'hui, pour qu'elle devienne une voie d'excellence, ce qu'elle mérite, il faut en finir avec le déséquilibre qui caractérise la situation des élèves arrivant en sixième : les bases de l'enseignement primaire, notamment en matière de lecture et en mathématiques, doivent être acquises.

Selon certains, nous aurions fait des « cadeaux » aux professeurs des écoles. Connaissant la situation de ces derniers, s'agissant du salaire comme des conditions de travail, c'est un terme qu'il vaudrait mieux éviter : n'oublions pas qu'ils sont recrutés au même niveau de diplôme que les enseignants du secondaire – ce qui est une bonne chose –, mais qu'ils ne perçoivent pas les mêmes rémunérations. Quoi qu'il en soit, ils n'ont obtenu aucune réduction du nombre d'heures d'enseignement : ils seront toujours vingt-quatre heures par semaine devant les élèves. La seule modification concerne la répartition des fameuses 108 heures annualisées.

Enfin, s'agissant des rythmes scolaires, et quels que soient les arguments présentés par l'opposition, le décret du 15 mai 2008 a bien eu pour effet de ramener brutalement à quatre jours la semaine d'un écolier. Et c'est bien la semaine des quatre jours qui a été appliquée dans la très grande majorité des communes – à l'exception de quelques-unes qui ont obtenu des dérogations –, ce qui a entraîné une véritable catastrophe pédagogique. Il est donc inutile d'invoquer une incidente dans le corps d'une circulaire pour chercher à justifier l'injustifiable.

Telles sont, mes chers collègues, les réponses partielles – mais non partiales – que je souhaitais vous apporter. Lors de l'examen des amendements, mercredi prochain, je ne doute pas que nous connaîtrons une ambiance de travail aussi sérieuse qu'aujourd'hui.

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