Monsieur le ministre, nous avons écouté avec la plus grande attention les arguments juridiques que vous venez d'exposer.
Je crains vraiment que le redécoupage total des cantons, qui n'est que la conséquence du choix du binôme, n'entraîne une sorte de machine infernale. En effet, cela vous soumet au carcan des 20 % qui semble, en réalité, suggéré par une partie de la doctrine et une partie du Conseil d'État. La jurisprudence de la section du contentieux du Conseil d'État est beaucoup plus nuancée que certains des courants qui s'expriment, aujourd'hui. J'en veux pour preuve les arrêts Guinde et Boulanger de 2004 que vous avez-vous-même cités et les conclusions de Sophie Boissard.
Dans la Revue française de droit administratif de 2004, page 506, sous la signature éminente de Laurent Touvet, que vous connaissez par ailleurs, un article passionnant intitulé « Comment procéder à un découpage cantonal ? » donne le mode d'emploi du découpage cantonal de manière beaucoup plus pragmatique. Il ne mentionne absolument pas la règle des 20 % et insiste uniquement sur la nécessité de réduire les écarts démographiques existants.
Si vous aviez choisi de vous en tenir à des redécoupages ponctuels de certains départements où les écarts étaient manifestement excessifs, cette jurisprudence pragmatique aurait trouvé à s'appliquer. En réalité, le choix du redécoupage total expose aux risques d'une logique purement arithmétique, machine infernale qui détruira la représentation des territoires ruraux.
Il est donc encore temps de ne pas se lancer dans cette démarche et de supprimer le critère arithmétique dans la loi pour se réserver une marge de manoeuvre,…