Intervention de Kristalina Georgieva

Réunion du 19 février 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale, à l'aide humanitaire et à la réaction aux crises :

Dans le cadre de la nouvelle politique de renforcement de la résilience que nous avons lancée, nous avons identifié deux régions cibles : la Corne de l'Afrique avec l'initiative SHARE – Supporting Horn of Africa Resilience – et le Sahel avec l'initiative AGIR-Sahel. Cette approche permet notamment de réunir dans un même cadre de programmation des fonds humanitaires et des crédits destinés au développement.

Nous sommes plus avancés dans notre programmation pour la Corne de l'Afrique : pour les années 2013 et 2014, nous avons engagé 250 millions d'euros, qui correspondent pour moitié à des fonds reprogrammés et pour moitié à des crédits nouveaux.

Pour le Sahel, nous en sommes à l'étape précédente : nous sommes en train de recenser les activités existantes, mais n'avons pas encore déterminé les fonds supplémentaires que nous consacrerons au renforcement de la résilience. Néanmoins, nous avons déjà identifié plusieurs projets à même de servir cet objectif, moyennant quelques ajustements.

Dans le cadre de la programmation des crédits pour les années 2014 à 2020, nous prenons un engagement fort : toutes nos actions devront aider les pays concernés à relever les défis auxquels ils sont confrontés, à rendre leurs sociétés plus résilientes. Notre objectif est de dégager 500 millions d'euros pour financer AGIR-Sahel. La résilience est une problématique de long terme, mais les années 2014 à 2020 seront une période cruciale pour la montée en puissance de cette politique.

Pour répondre à M. Terrot, nous avons déjà commencé à réorienter les fonds européens de développement vers les pays les plus pauvres et allons continuer à le faire dans les années 2014 à 2020. Nous souhaitons concentrer l'aide sur les régions où les besoins sont les plus flagrants. Le Sahel en fait, à n'en pas douter, partie.

Vous avez évoqué, à juste titre, la croissance démographique. Avec des taux dépassant souvent les 3 %, les pays du Sahel – en particulier le Mali et le Niger – sont ceux où elle est la plus élevée au monde. Dans le même temps, ils sont situés dans une zone très fragile d'un point de vue écologique et déjà durement affectée par le changement climatique. Cependant, mes différentes visites au Mali, au Niger ou au Tchad m'ont redonné confiance : les dirigeants de la région sont de plus en plus conscients de ce double défi. Ainsi, une discussion animée s'est engagée entre les membres du gouvernement nigérien, lorsque j'ai soulevé, au cours d'un dîner assez formel, la question de la croissance démographique. De même, le Président tchadien a prolongé d'une heure un entretien que j'avais avec lui parce que nous avions abordé la question du changement climatique. Le moment est donc opportun pour l'Union européenne de s'engager aux côtés des pays du Sahel.

Comment nous assurer que nos crédits sont utilisés à bon escient ? Au Mali, la restauration de l'intégralité territoriale et le rétablissement de la démocratie sont des préalables. Aussi difficile cela soit-il, il est essentiel de régler les tensions entre les populations du Nord et du Sud et de résoudre la question touareg de manière pérenne. Nous ne réussirons que si les institutions étatiques sont relevées et si l'État de droit fonctionne. C'est pourquoi les fonds de développement de la Commission européenne sont accordés de manière conditionnelle dans le cadre d'un pacte pour la reconstruction de l'État – state-building compact. Si le gouvernement récipiendaire fait ce qu'il doit faire, nous débloquons les financements. Dans le cas contraire, nous ne le faisons pas.

D'une manière générale, l'Union européen a deux modus operandi pour attribuer ses fonds. Dans le domaine humanitaire, les crédits ne sont jamais versés aux gouvernements. Dans certains cas, les gouvernements sont d'ailleurs une partie du problème : il serait impensable, par exemple, que nous donnions de l'argent au gouvernement syrien. Nous travaillons donc avec des ONG humanitaires professionnelles. Nous avons, à ce titre, environ 200 partenaires et décidons de financer tel ou tel d'entre eux en fonction de ses compétences et de sa capacité à agir efficacement dans une situation donnée : « Action contre la faim » au Mali ; « ACTED » au Kirghizstan ; « Solidarités » et « Médecins sans frontières » en Syrie.

Nous prenons, en outre, deux types de mesures pour éviter les détournements de fonds. D'une part, nous déployons notre propre personnel sur les « points chauds ». La plupart des collègues de mon service sont basés non pas à Bruxelles, mais sur le terrain, à Mopti, à Bamako ou encore à Damas, où nous reviendrons bientôt. Ils sont nos yeux et nos oreilles sur le terrain. D'autre part, nous soumettons à une procédure de vérification, chaque année, un tiers de nos partenaires et un tiers de nos projets. Il est essentiel que nous nous assurions du bon usage de l'argent des contribuables européens.

Dans le domaine de la coopération et du développement, les crédits sont attribués aux gouvernements. Mais, là encore, nous envoyons de plus en plus souvent du personnel sur le terrain pour en superviser l'emploi. D'autres institutions, telles que la Banque mondiale – où j'ai passé une grande partie de ma carrière – ou la Banque africaine de développement, s'assurent de la mise en oeuvre de procédures de contrôle efficaces au cours de l'exécution des budgets nationaux. Dans le cas où nous constatons des détournements, nous ne devons pas hésiter, selon moi, à cesser tout versement. Il est souvent plus facile de le dire que de le faire, mais c'est un principe essentiel auquel nous devons nous tenir. Les parlementaires et les citoyens doivent nous aider à être fermes sur ce point.

Présidence de M. Michel Terrot, secrétaire de la Commission

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion