Intervention de Pascal Canfin

Réunion du 20 février 2013 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du développement :

On a une liberté d'expression quand on est chercheur que l'on ne peut qu'envier ! J'aimerais néanmoins répondre sur quelques points.

Concernant la taxe sur les transactions financières, lorsque nous sommes entrés en responsabilité, 100 % de son montant devait être affecté à autre chose qu'au développement, en l'espèce à la réduction des déficits. Nous avons créé un branchement pour affecter en moyenne 10 % du montant sur le triennum au développement, pour moitié en faveur de l'environnement, pour moitié de la santé. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit pour cette année que la moitié de la recette affectée à l'environnement sera sur l'eau au travers de la facilité de la Banque africaine de développement, ce qui ne plaira pas à Serge Michailof, mais que la recette affectée à la santé le serait – le Président devrait en faire l'annonce le 1er mars – dans un cadre non multilatéral.

J'ajouterai par ailleurs qu'une taxe européenne sur les transactions financières va voir le jour, que la Commission a publié son étude et qu'elle rapporterait 35 milliards d'euros de recettes aux 12 Etats qui l'appliqueraient. Si l'on parvient à en affecter 10 %, soit 3,5 milliards d'euros, au développement, nous obtiendrions un quasi-doublement du fond européen de développement (FED). Une négociation déterminante va donc s'ouvrir pour qu'une partie de la taxe – 10%, 15 %, 20 % – soit affectée au développement. La France a un rôle de leadership dans ce dossier et il faut le reconnaître au-delà des considérations partisanes.

Concernant l'opposition bilatéral multilatéral, je ne serai pas aussi tranché que vous l'êtes. D'ailleurs, Serge Michailof lui-même a cité un exemple d'influence sur des nominations de ministres qui date de l'époque où il travaillait pour la Banque mondiale. C'est beaucoup plus facile de poser des conditions lorsqu'on est la Banque mondiale que lorsqu'on est la France. Le rapport de forces financier est plus réel et le rapport de forces politique est plus fort. C'est un des éléments qui plaide pour le multilatéral.

Concernant le FED, la France a fait le choix de ne pas demander la diminution de ses montants, fixés par l'accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 à 27 milliards d'euros sur la période, car la décision relative à l'arbitrage entre bi et multi ne se prend pas seul. Or, si la France demande une diminution du FED pour augmenter son aide bilatérale, elle négocie donc une baisse de sa contribution et ouvre la voie à la remise en question du financement du FED par les autres Etats sans avoir la garantie que les montants retirés au FED seront affectés au développement. Il y a donc un vrai risque politique à s'engager dans cette voie. Cela ne veut pas dire que je ne partage pas un certain nombre de critiques sur l'aide multilatérale – je suis parfois le premier à être exaspéré par certaines pratiques – mais l'alternative me semble complexe et risquée.

Concernant le modèle de développement, je partage ce qui a été dit sur l'agriculture et je compléterai le propos sur l'énergie. La dépendance à l'égard des énergies fossiles au Mali est incroyable. 25 mille litres de carburants sont nécessaires pour réapprovisionner les centrales électriques pour Tombouctou, Gao, Kidal devront être acheminées depuis d'autres pays de la région (nord si on arrive à négocier avec l'Algérie, Mauritanie ou sud). On imagine l'empreinte écologique de l'énergie produite à partir de ce schéma. Il faut donc développer des alternatives à moyen terme. Nous avons sur ce secteur un vaste chantier.

C'est pourquoi nous avons modifié le cadre sectoriel de l'AFD dont l'enjeu est un mixage AFD FED qui permet d'allier prêts et dons, prêts car l'énergie vendue par l'opérateur constitue une recette permettant de rembourser, dons car l'exploitation de l'énergie solaire est plus chère. Ce couplage répond tout à fait nos exigences en termes de bonne gouvernance et d'efficacité. Je ne vois pas pourquoi ce qu'on a réussi au Burkina Faso on ne parviendrait pas à le réussir dans la durée au Mali.

Concernant le secteur minier, c'est un enjeu et la France a été le premier Etat à soutenir l'initiative de M. Diop sur la transparence des contrats. Sur l'agriculture, le débat aura lieu avec la population civile sur le cadre sectoriel de l'AFD. La concertation a commencé en janvier pour aboutir à une nouvelle doctrine en mars en faveur du développement agricole de l'Afrique subsaharienne. Je partage beaucoup de ce qui a été dit. L'Agence nationale est un bel outil mais encore faut-il qu'on l'utilise à ce pourquoi il a été conçu ! Si c'est fléché AFD, il n'y a pas de substitution mais une conversation franche doit s'engager. Je préfère que cela passe par la Banque mondiale. Il n'y a pas d'opposition entre bilatéral et multilatéral et je ne fais que travailler sur l'harmonisation et la complémentarité entre les deux.

Voilà ce que je voulais dire. L'objectif est bel et bien de gagner la paix et cela se joue dans les trois à six mois sur le plan politique et sur le plan du développement. C'est une grande responsabilité que nous avons collectivement de réussir ce défi.

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