Intervention de Pouria Amirshahi

Séance en hémicycle du 27 février 2013 à 15h00
Débat sur le mali : au-delà de l'intervention militaire perspectives de reconstruction et de développement.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPouria Amirshahi :

Pour reconstruire un Mali prospère, indépendant et démocratique, il y a bien des chantiers politiques à engager : ils exigent, pour l'Afrique sahélienne dans son ensemble – au-delà du Mali –, la même ambition qu'il nous a fallu pour reconstruire l'Europe en 1945. Il faut aider les Maliens, sur tout le territoire, à reconstruire les capacités d'un État dont le recul progressif est l'une des causes de la situation actuelle. C'est aussi le cas dans bien d'autres pays de la région.

Le djihadisme et les trafics d'armes, de drogues mais aussi d'êtres humains qui infectent la bande sahélo-saharienne ne sont pas nés à partir de rien. Nous devons identifier les racines du mal et les responsabilités si nous ne voulons pas que de nombreux pays d'Afrique soient confrontés demain à un avenir impossible. La gangrène, c'est d'abord la pauvreté, le sous-développement et la corruption qui, contrairement à ce qu'affirment les afro-pessimistes, n'ont rien d'ontologiquement africain mais sont le résultat de fautes politiques et d'incompétences cumulées autant que de la prédation des autres.

L'effondrement de l'État malien est aussi le fruit des politiques d'ajustement structurel du FMI qui ont privatisé, des choix de l'OMC qui dérégulent et des marchés agricoles qui spéculent. Je n'oublie pas que les Sahéliens sont les premiers à avoir subi les dernières grandes émeutes de la faim. Soyons lucides : le néolibéralisme, l'intégrisme religieux et les mafias ont un ennemi commun, l'État ; ils prospèrent dans les secteurs privatisés par ce dernier. Regardons par exemple, au Sénégal, comment la fermeture de la ligne de train qui reliait Dakar à Saint-Louis a enclavé et appauvri cette ville, plus proche désormais de la Mauritanie que de la capitale de son propre pays. Il est donc urgent de concevoir une tout autre stratégie de coopération, dont la première étape devra conduire au renforcement des institutions régaliennes – armée, gendarmerie, collectivités territoriales, justice, éducation.

La politique devra bien sûr reprendre ses droits sur le fracas des armes. Le processus électoral qui va s'ouvrir permettra certainement aux Maliens de s'interroger sur une intégration plus forte du nord et de ses habitants – pas seulement des Touragegs, qui sont une minorité parmi d'autres – dans le développement de tout le pays.

Les Maliens sont d'abord soucieux de retrouver l'intégrité de leur territoire – il s'agit du premier but de guerre, comme les ministres des affaires étrangères et de la défense l'ont rappelé à plusieurs reprises. Il serait curieux que certains, surtout des non-Maliens, proposent déjà des plans d'autonomie, alors que l'unité territoriale du Mali n'est pas encore totalement effective à l'heure où nous parlons.

Au-delà du Mali, c'est l'ensemble des pays sahéliens voisins qui sont concernés, en particulier la Mauritanie et le Niger. Parmi les engagements de Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger, figurait la scolarisation obligatoire des filles et des garçons de trois à seize ans. Nous, Français, savons ce que notre République doit à cette grande ambition. Or, à défaut de réponse sérieuse des partenaires du Niger – dont la France et les pays francophones –, ce sont des madrasas qui ont ouvert en lieu et place des écoles publiques désirées par le gouvernement du Niger. Une orientation concrète pourrait être, par exemple, la mise en oeuvre d'une solidarité francophone internationale dans le domaine éducatif pour permettre aux pays de la région de disposer de systèmes éducatifs dignes de ce nom. La francophonie doit jouer pleinement son rôle !

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