La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la question que je vais vous poser est si grave et si importante que j'espère que vous y répondrez.
Plusieurs députés du groupe UMP. Il n'est pas là !
Je veux en effet parler du chômage, qui constitue un véritable drame pour des millions de nos concitoyens. Les derniers chiffres sont tombés : ils condamnent votre politique ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Avec 43 900 demandeurs d'emploi supplémentaires, soit une hausse de 10,7 % sur une année, ce sont 3,169 millions de personnes qui sont aujourd'hui en situation de détresse. On est proche du triste record de 1997, lorsque l'on atteignait les 3,190 millions de chômeurs, avec mille chômeurs de plus par jour. Dans le département de la Loire où je suis élu, le nombre de chômeurs a augmenté de 11,4 % en un an.
C'est pour apporter une réponse à ce défi majeur que nous avions voté une fiscalité antidélocalisation. Mais vous l'avez mise à bas ! Le Président François Hollande prétendait pouvoir inverser la courbe du chômage avant la fin de l'armée, mais vous ne faites qu'alourdir le fardeau fiscal pesant sur les entrepreneurs et sur les ménages !
Sortez du seul traitement social du chômage, privilégiez un traitement économique de ce fléau ! Mettez par exemple en place une franchise d'impôt pour les capitaux investis dans la création ou la reprise d'entreprises françaises. Ou alors exonérez de cotisations sociales, patronales et salariales, pendant trois ans, toute entreprise de moins de dix salariés qui embaucherait un nouveau salarié en CDI. L'urgence impose des mesures fortes. C'est d'un big-bang économique que nous avons besoin !
Alors, monsieur le Premier ministre, sortez des postures : ne nous faites pas le coup de l'héritage, il n'y a que vous qui y croyiez ! Aujourd'hui, devant les Français, dites-nous comment vous allez aider les PME et les TPE qui sont le moteur de la croissance et du retour à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député Dino Cinieri, il est parfaitement légitime qu'un parlementaire pose une question sur le niveau du chômage au lendemain de la publication mensuelle de chiffres auxquels nous sommes malheureusement habitués.
Un député du groupe UMP. Merci !
Il est légitime aussi qu'un parlementaire de l'opposition critique la politique menée par le camp adverse.
Mais, monsieur le député, ne perdez jamais de vue que le big-bang économique et social auquel vous faites allusion, la France l'a connu au cours des cinq dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La France de la croissance zéro pendant cinq ans, c'était quand ? Entre 2007 et 2012, avec une croissance nulle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le big-bang du chômage, c'était quand ? Entre 2007 et 2012, et c'était encore vous, avec plus d'un million de chômeurs supplémentaires ! (Mêmes mouvements.)
Alors, lorsque l'on pose une question, même légitime, sur ce thème, on le fait avec modération et modestie.
Il n'y a qu'à, il suffit de… Mais pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes les responsables du chômage de masse en France, tandis que nous assumons, nous, la responsabilité de politiques concrètes et précises que nous sommes en train de mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Parlons des emplois d'avenir. Certains d'entre vous les ont votés.
Mettez donc en oeuvre avec nous ces réponses concrètes au chômage des jeunes, notamment les moins bien formés.
Parlons du contrat de génération : vous ne l'avez pas voté, et vous avez eu tort. Il va être appliqué dans les entreprises de France et permettra à des jeunes de trouver un emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Au lieu de critiquer, soyez à nos côtés pour faire reculer le chômage ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Mes chers collègues, au moment où nos troupes sont engagées au Mali pour aider ce pays à combattre le terrorisme, je suis particulièrement heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale du Mali, conduite par son président, M. Younoussi Touré. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) Cette délégation assistera à notre séance de questions au Gouvernement, ainsi qu'au débat sur le Mali qui suivra.
Soyez les bienvenus.
La parole est à M. Alain Calmette, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en cette semaine de salon de l'agriculture, la droite essaie par diverses initiatives de préempter le malaise réel d'une partie des agriculteurs et d'exploiter le sentiment d'impasse dans lequel se trouvent les habitants de certains territoires ruraux qui cumulent les handicaps : déprise démographique, enclavement, désindustrialisation.
Et pourtant, comment pouvez-vous, mesdames et messieurs de l'opposition, vous poser en défenseurs des territoires ruraux après les avoir tant maltraités ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Comment pourriez-vous être crédibles quand votre politique en direction du monde rural s'est résumée, au mieux au laisser-faire, au pire à l'application aveugle de la révision générale des politiques publiques, aboutissant, parfois de façon concomitante, dans le même bassin de vie, à la disparition des services publics de santé, de sécurité et d'éducation ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Comment pourriez-vous être crédibles après avoir soutenu une conception libérale et intensive de l'agriculture qui a notamment conduit à la fin programmée des quotas laitiers ou à la disparition d'un quart des agriculteurs ces dix dernières années ?
Le résultat est là : des pans entiers de notre agriculture, en particulier la filière du lait et l'élevage, sont fragilisés et certains territoires ruraux sont en voie de décrochage territorial.
Notre majorité a l'ambition de s'appuyer sur la diversité des agricultures comme des territoires pour réussir la transition vers un modèle de développement équilibré, solidaire et durable.
Le sauvetage des crédits de la PAC pour la France est un acquis extrêmement important. Je tiens à remercier ici, au nom du groupe socialiste, le Président de la République et le Gouvernement pour la combativité dont ils ont fait preuve dans cette bataille, même s'il faudra désormais réorienter prioritairement les aides de la PAC vers l'élevage.
Trois lois devraient ces prochains mois poser le socle de la cohésion territoriale dont la France a besoin : la loi sur la décentralisation, la loi sur l'égalité des territoires et la loi d'avenir pour l'agriculture.
Monsieur le ministre, comment votre ministère entend-il prendre toute sa part dans la résorption indispensable de la fracture territoriale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – « Allo ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député Alain Calmette, vous venez d'évoquer plusieurs sujets qui tournent autour du monde rural et de la place que l'agriculture y occupe. Les deux sont liés. Le monde rural a besoin d'investissement, tout comme notre économie et notre industrie. Le monde rural a besoin de structuration. Les politiques à destination de l'organisation du territoire, de sa socialisation autour des bourgs ruraux sont à cet égard un enjeu spécifique, j'aurai l'occasion d'y revenir.
L'agriculture se trouve aujourd'hui dans une situation duale entre des secteurs qui se portent bien et la filière de l'élevage qui souffre, en particulier celle du lait.
La hausse des prix de l'alimentation animale ne s'étant que faiblement répercutée sur les prix de vente, les éleveurs sont confrontés à de sérieux problèmes, notamment dans le secteur laitier.
Quelles propositions pour quels objectifs ?
S'agissant tout d'abord de la politique agricole commune, nous y reviendrons car il faudra redistribuer une partie des aides à la filière de l'élevage. Nous avons pris cet engagement depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En début de semaine, un accord a été mis sur la table dans lequel la Commission européenne et la présidence irlandaise ont acté l'idée de primer davantage les premiers hectares des exploitations.
En ce qui concerne ensuite les primes, la contractualisation qui avait été le fer de lance du précédent Gouvernement montre ses limites. Il faudra revoir la loi de modernisation agricole.
Quant aux relations avec la grande distribution, le Premier ministre a été clair : nous reverrons dans les prochaines semaines, si cela s'avère nécessaire, la loi de modernisation de l'économie pour que la grande distribution intègre l'évolution des coûts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre des transports, de la mer et de la pêche, le 6 février, le Parlement européen s'est largement prononcé en faveur d'une réforme radicale de la politique commune de la pêche. À l'heure où beaucoup de nos concitoyens doutent d'une Europe dominée par les égoïsmes nationaux, le compromis budgétaire issu du dernier Conseil européen en témoigne, je me réjouis, au nom des députés écologistes, de ce vote historique.
En lieu et place des logiques prédatrices d'exploitation des ressources halieutiques qui ont entraîné le déclin de la filière et la régression des emplois, la priorité est accordée cette fois au renouvellement de la ressource, aux critères de pêche permettant la restauration des stocks d'ici 2020 et, par conséquent, à la renaissance économique et sociale du secteur.
Pour la première fois, le principe de durabilité s'inscrit en déterminant majeur d'une politique européenne.
Vous comprendrez ainsi, monsieur le ministre, que l'attitude de la France nous inquiète en ce qu'elle semble se positionner contre ce projet de réforme.
Je voudrais insister sur la pêche artisanale qui représente près de 80 % de la flotte européenne. Alors que cette petite pêche répond davantage aux exigences liées à la régénération des ressources et à la création d'emplois, elle est la grande oubliée des politiques actuelles marquées, entre autres, par une répartition inéquitable des quotas.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que la France ne mènera pas, lors des prochaines négociations tripartites, un combat d'arrière-garde ?
Défendrez-vous le principe du rendement maximal durable à partir de 2015, l'interdiction totale des rejets d'ici 2017, l'introduction de critères sociaux et environnementaux pour l'accès à la ressource en poissons ?
Merci, monsieur le ministre, de m'apporter une réponse qui ne noiera pas le poisson. (Sourires – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député Jean-Louis Roumegas, votre question est doublement d'actualité puisque s'est achevé ce matin, à 6 heures, le Conseil des ministres européens de la pêche. Au terme de vingt heures de discussion, nous avons parachevé le deuxième volet de la réforme de la politique commune de la pêche. Au nom de la France, j'ai souhaité faire passer le message d'une réforme ambitieuse par la réaffirmation d'un certain nombre de principes fondamentaux en faveur de l'avenir de la pêche et des pêcheurs, dans le contexte économique que nous connaissons.
C'est vrai, la France a remporté plusieurs succès, en juin et ce matin, couronnés par un accord rassemblant la quasi-unanimité de l'ensemble des pays européens. C'est vrai notamment du rendement maximal durable, c'est-à-dire du niveau de stock permettant aux espèces de poisson de se reconstituer. C'est vrai du refus par la France des quotas individuels transférables, véritable marchandisation de ce patrimoine commun que représentent la mer et les poissons. C'est vrai encore d'un programme et d'un calendrier progressifs concernant l'interdiction des rejets.
Une procédure assez complexe permettra de soumettre au Parlement et à la Commission le texte d'équilibre porté par notre pays, approuvé par le Conseil des ministres et la plupart des ministres.
S'agissant de la question des rejets, nous faisons preuve d'un grand pragmatisme pour accompagner les professionnels : vous en conviendrez, ce n'est pas la même chose de rejeter du cabillaud ou du boarfish. Nous tenons à ce que le développement durable revête une dimension scientifique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, vous avez fait voter en décembre dernier, malgré nos nombreuses mises en garde, une hausse de 3 % de la TVA sur les constructions, applicable au 1er janvier 2014. Cette mesure est intervenue au plus mauvais moment, alors que le secteur du bâtiment a vu son activité baisser de 20 % au cours de l'année 2012 ; et ses effets n'ont pas manqué d'ajouter à la crise puisqu'au cours des trois derniers mois, le nombre de mises en chantier a chuté de près de 27 % et la construction neuve a reculé de 19 %.
Aujourd'hui, c'est l'effondrement de la filière qui se profile, avec des conséquences très lourdes : pour les ménages qui ne trouvent pas à se loger, pour les constructeurs et l'emploi – 30 000 à 40 000 emplois sont directement menacés – et pour l'État lui-même, qui verra ses recettes diminuer – car, avec 3 % de taxes supplémentaires attendues sur 20 % de logements en moins, où est le bénéfice ?
Chacun se rappelle que le Président de la République avait affiché de grandes ambitions en matière de construction de logements, avec un objectif de 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux.
Les prévisionnistes tablent désormais sur un total de moins de 285 000 logements neufs dont 95 000 logements sociaux pour l'année 2013, nous ramenant ainsi aux niveaux les plus bas des années 1992-1993. Nous sommes bien loin des objectifs affichés.
Notre collègue socialiste Jean-Louis Dumont lui-même, président de l'Union sociale pour l'habitat, a alerté le Gouvernement en décembre. Je le cite : « La machine à ralentir la construction de logements sociaux s'est mise en route ».
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si et quand vous comptez revenir sur cette mesure, comme l'attendent tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI)…
Je vous remercie.
La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Comme vous le savez, monsieur Piron, la question du logement est absolument prioritaire pour ce gouvernement, pour trois raisons. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La première, c'est que la question du droit au logement est fondamentale. La deuxième, c'est qu'il est essentiel de s'intéresser à un secteur en situation difficile. La troisième, c'est parce que c'est un moteur de la transition écologique par le biais de la rénovation thermique.
Ce qui m'étonne, c'est que si vous pensez, comme vous venez de l'indiquer, qu'il est absolument indispensable que ce secteur, et en particulier celui du logement social, bénéficie d'une TVA à taux réduit, alors pourquoi les parlementaires de l'opposition ont-ils voté, dans le cadre du plan de rigueur de M. Fillon, la hausse de la TVA de 5,5 % à 7 %, qui a contribué au blocage ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Voilà dans quelle situation vous avez mis ce secteur et voilà pourquoi, comme l'a indiqué le Premier ministre, la réflexion est en cours – les taux qui ont été votés au mois de décembre sont applicables à compter du 1er janvier 2014. Mais d'ores et déjà, nous avons enclenché une mobilisation, y compris financière, très importante en faveur du logement social, avec l'augmentation, pour la première fois depuis des années, des aides à la pierre, qui étaient structurellement en baisse, la mobilisation exceptionnelle d'Action Logement pour participer, aux côtés de l'État et des collectivités locales, au financement des 150 000 logements sociaux, et enfin la mobilisation des acteurs eux-mêmes par un travail, confirmé par l'USH, de mutualisation de leurs fonds propres.
Voilà pourquoi nous nous doterons de tous les outils qui permettront de répondre à cet enjeu majeur pour les habitants de notre pays et pour le secteur de la construction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Henri Guaino, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, quand je vous regarde agir, quand je regarde votre gouvernement, votre majorité, je ne peux pas m'empêcher de penser…
Un député du groupe SRC. Ne pensez pas !
…aux hommes de la IVe République qui passaient leur temps à marchander avec tout le monde jusqu'à ce que la faillite économique et politique amène le pays au bord du gouffre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis dix mois, vous servez tour à tour les minorités agissantes, les corporatismes, les communautarismes, les partis qui, le soir du 6 mai 2012, place de la Bastille, vous réclamaient déjà leur dû. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Quand tout est négociable, rien ne vaut rien, rien n'est sacré, aucun principe, aucune institution.
Et vous marchandez tout : le nucléaire, le mariage, le jour de carence des fonctionnaires, les impôts, le droit de vote des étrangers, et même la Constitution !
Quand vous recréez sous un autre nom les IUFM, pour rendre le pouvoir aux pédagogistes qui ont fait tellement de mal à l'école de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)…
…c'est encore la vieille politique des clientèles que vous mettez à l'honneur.
Les petits arrangements, le clientélisme ne font pas une politique. Mais ils feront, comme toujours, le malheur du pays.
À quand la facture de ce clientélisme présentée aux contribuables, aux retraités, aux familles, aux travailleurs ?
À quand l'impunité pour les voyous après la conférence de consensus sur la récidive, où vous n'avez invité que vos amis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À quand la PMA ? À quand la GPA pour plaire à une minorité ?
À quand la drogue en vente libre après les salles de shoot ?
À quand les quotas de jeunes que l'on commence à vous réclamer ?
À quand les quotas ethniques que l'on vous réclamera avec encore plus d'insistance ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À quand le règne sans partage des appareils qu'amèneront l'interdiction du cumul des mandats et la proportionnelle ? (Huées sur les mêmes bancs.)
À quand le retour des principautés pour faire plaisir aux caciques locaux du parti socialiste qui se rêvent en grands féodaux ? (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)
Quand, monsieur le Premier ministre, ferez-vous en sorte que chacun de vos ministres cesse de se regarder comme le porte-parole d'une minorité ou d'un intérêt catégoriel ?
Quand cesserez-vous donc, monsieur le Premier ministre, d'être un Président du Conseil de la IVe République, pour devenir enfin un vrai Premier ministre de la Ve ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – De nombreux députés de ce groupe se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, dont de nombreux membres se lèvent), que l'on écoute en silence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce discours que je viens d'entendre…
Je ne sais pas pour qui il était écrit, mais son auteur n'avait cessé d'écrire les discours d'un Président que les Français ont désavoué à cause de l'échec de sa politique ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe UMP.)
N'est pas Malraux qui veut. Il ne suffit pas de faire des effets de manches ! Je le répète ici, j'attends avec impatience le rendez-vous de la motion de censure que l'UMP annonce chaque semaine. Mais les orateurs de l'UMP et ses porte-parole ne sont pas toujours les mêmes… C'est normal, ils sont tous concurrents entre eux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Nous, nous avons en charge les affaires de la France et l'avenir du pays. Et ce rendez-vous de la confrontation entre la France que vous nous avez laissée et la France que nous voulons redresser, oui, je l'attends avec impatience !
Le cap que nous avons fixé, c'est le cap du redressement du pays dans la justice. Vous savez dans quel état nous avons trouvé la France, les déficits qui n'ont cessé d'augmenter, la dette qui a explosé, le chômage qui n'a cessé de croître, avec un million de chômeurs de plus en cinq ans, la France qui s'est affaiblie sur le plan de la politique industrielle. C'est l'état dans lequel nous avons trouvé la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Eh bien, cela ne nous fait pas peur, parce que notre devoir, c'est de faire repartir la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est ce que nous avons engagé. La tâche est rude, mais nous allons la poursuivre, avec énergie et ténacité, parce que nous, nous avons confiance dans les capacités de la France, des Françaises et des Français. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Moi, monsieur Guaino, je n'ai pas de leçon à recevoir de votre grandiloquence. Moi, j'aime la France, je l'aime autant que vous et j'ai confiance dans les capacités des Françaises et des Français pour que notre pays redevienne un grand pays puissant en Europe et dans le monde. Cela demande du travail et du courage. Eh bien, nous, nous en avons ! (Mmes et MM. les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et RRDP.)
La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des droits des femmes. J'en profite pour saluer mes collègues femmes députées, qu'on aimerait voir plus nombreuses dans cet hémicycle, n'est-ce pas messieurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le 8 mars prochain est la journée internationale des droits des femmes. Cette manifestation sera la première depuis la création d'un ministère de plein exercice, supprimé par la droite entre 2007 et 2012. À la veille de cette journée, il convient de souligner que la situation des femmes s'est très nettement dégradée en matière de pauvreté.
En France, les femmes sont davantage exposées à la précarité que les hommes. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental, publié récemment, a confirmé cet inquiétant constat. Il montre que près de 55 % des femmes ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. La précarisation des familles monoparentales et particulièrement des mères isolées est encore plus marquée. Le constat est alarmant, je le dis très clairement : 70 % des travailleurs pauvres sont des femmes et 4,7 millions de femmes ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. Elles représentent également 57 % des bénéficiaires du RSA.
En outre, la situation des femmes se dégrade par rapport aux périodes antérieures. Ainsi, le taux de féminisation de l'emploi non qualifié comme le taux de pauvreté des femmes seules ont progressé au cours des dix dernières années. Enfin, nous savons que les femmes subissent les emplois à temps partiel davantage que les hommes.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur l'action que le Gouvernement compte mener pour améliorer la situation des femmes dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée, le 8 mars est en effet un rendez-vous particulièrement fédérateur pour la gauche. C'est même l'un des fondements de notre identité politique.
Mais cette journée a trop souvent été réduite, au cours des dernières années, à une simple journée de célébration. Elle sera, cette année, bien plus que cela. Elle sera une journée d'action et de mobilisation de la société civile, des pouvoirs publics, des entreprises et des collectivités que nous réunirons le 7 mars pour une convention nationale ouverte par le Président de la République. Elle annoncera des actions pour les 365 jours à venir. Le 8 mars et l'égalité, c'est toute l'année !
Au sein de cette mobilisation, la lutte contre la précarité des femmes est évidemment notre priorité. Vous avez évoqué le temps partiel subi : 80 % des salariés à temps partiel sont en effet des femmes. Votre assemblée transposera très bientôt l'accord sur la sécurisation de l'emploi adopté par les partenaires sociaux. Il apporte des avancées inédites en la matière : le minimum hebdomadaire de 24 heures en continu et la rémunération accrue des heures complémentaires constituent de véritables réponses au problème du temps partiel subi.
La situation des familles monoparentales nous préoccupe plus encore en matière de précarité. Vous avez eu raison de les évoquer. Une famille monoparentale sur trois avec une femme à sa tête vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Nous devons agir et nous avons l'intention de le faire. Ces femmes sont confrontées non seulement à la précarité et au surendettement mais aussi – et ceci explique cela – au non-versement des pensions alimentaires. Nous conduirons une action très ferme en la matière afin d'offrir un dispositif de garantie publique contre les impayés de pension. M. Fragonard, dans le cadre de sa mission sur l'architecture des prestations familiales, pensera notamment aux familles monoparentales et à la revalorisation de l'allocation de soutien familial. Nous travaillerons aussi et surtout pour que le recouvrement de ces impayés soit plus effectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Depuis plus de deux semaines, la Réunion connaît à nouveau des incidents et parfois des explosions de violence. Dans plusieurs communes, des jeunes manifestent. Ils n'ont qu'une seule revendication : un emploi. À vrai dire, cette demande publiquement exprimée dans les rues est celle de toute la société réunionnaise ! Personne n'est plus à l'abri d'un chômage massif qui ne cesse de s'amplifier ! Alors que la population active augmente continuellement, des milliers d'emplois ont disparu dans le secteur marchand, notamment dans le bâtiment et les travaux publics !
Le secteur solidaire doit faire face à la baisse des contrats aidés. Personne n'a oublié les dernières mesures gouvernementales en faveur de l'emploi des jeunes. Toutefois, la mise en oeuvre des emplois d'avenir s'avère plus difficile que prévu ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !
Elle requiert sans doute quelques ajustements prenant en compte la situation financière des communes, auxquelles la chambre régionale des comptes reproche déjà des montants de frais des personnels élevés. La jeunesse veut travailler ! Elle le dit chaque jour, sur tous les tons ! Les réponses passeront nécessairement par une relance de l'activité économique, par la consolidation du secteur solidaire et, dans l'immédiat, par la reconduction des contrats aidés à leur niveau de 2012.
Ma question est donc double. Ne serait-il pas opportun de créer un pôle emploi dédié à l'économie solidaire ? Une telle structure améliorerait l'insertion professionnelle des bénéficiaires tout en favorisant la structuration des filières et la gestion plus transparente des contrats aidés.
Nous souhaitons également savoir si le comité interministériel pour la jeunesse réuni ces jours-ci pourrait trouver un prolongement à la Réunion, afin que notre jeunesse puisse bénéficier elle aussi des dispositifs… (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Merci, madame la députée.
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée Huguette Bello, vous soulignez la situation particulière de l'outre-mer en général et de la Réunion tout spécifiquement en matière de chômage des jeunes. Partout et toujours, le chômage des jeunes est insupportable. Il est en moyenne de 24 % en France mais les taux peuvent monter chez vous jusqu'à 50 %, voire 60 % dans certains quartiers ou villes de la Réunion. Cette situation est insupportable…
…pour vous, pour nous et bien entendu pour les jeunes concernés. C'est la raison pour laquelle chaque politique décidée par ce gouvernement inclut des dispositifs spécifiques pour l'outre-mer, dont la Réunion.
Je reprends l'exemple des emplois d'avenir auquel vous avez fait allusion : 5 000 emplois d'avenir ont été fléchés pour la Réunion. Vous savez aussi qu'outre-mer nous ouvrons ces emplois d'avenir à des niveaux de qualification supérieurs à ceux auxquels ils sont ouverts sur le territoire métropolitain. Il faut en effet donner un avenir à ceux qui ont fait l'effort d'obtenir une qualification et qui pourtant ne trouvent pas aujourd'hui l'emploi auquel ils ont droit. Nombreux sont ceux, à la Réunion, qui ont fait un effort pour promouvoir les emplois d'avenir. Votre commune, madame la députée, a mis en place des emplois d'avenir. D'autres se sont engagées à embaucher 100, 200 ou même 300 emplois d'avenir.
Cette mobilisation de tous, chacun à sa place, doit continuer. La communauté réunionnaise et régionale doit prendre ses responsabilités. Chaque commune, chaque maire doit prendre ses responsabilités. L'État prend les siennes. Vous nous proposez que pôle emploi fonctionne là-bas selon un dispositif spécifique, j'en suis d'accord ! Vous nous proposez que les décisions prises au conseil interministériel pour la jeunesse s'appliquent à l'outre-mer dans des conditions spécifiques, nous le ferons ! Telle est la réponse positive que je puis apporter à votre question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, après la publication des prévisions macroéconomiques pour 2014, force est de constater que la parole donnée par le Président de la République relève davantage de la désinvolture que de la sincérité. En vérité, le discours présidentiel prend une résonance inquiétante et mensongère.
Pourtant, il en va de l'avenir de la France, de sa compétitivité et de sa crédibilité.
À l'automne, quatre engagements avaient été claironnés haut et fort, quand bien même nombre de députés les avaient dénoncés dans cet hémicycle, estimant qu'ils étaient impossibles à tenir. Le déficit public devait être ramené à 3 % du PIB, les dépenses collectives devaient baisser, la courbe du chômage devait s'inverser fin 2013 et, enfin, la stabilité fiscale était revendiquée sans aucune hausse d'impôts pour 2014.
Le retour de la croissance devait être au rendez-vous. Or, non seulement celle-ci sera quasi nulle mais, selon les prévisions de Bruxelles, les dépenses publiques augmenteront et en 2013, et en 2014. Certes, des mesures d'économie ont été annoncées, mais à y regarder de plus près, il s'agit davantage d'un maintien en valeur que de véritables baisses de dépenses.
De surcroît, on nous prépare subtilement à de nouvelles hausses d'impôts, lesquelles auront pour conséquence inéluctable de décourager les investisseurs. Le ministre du budget a ainsi annoncé que six milliards d'euros de recettes supplémentaires seront nécessaires pour le budget 2014.
Et ce n'est qu'une première annonce !
Le CICE ne sera pas la solution miracle, d'autant que Bruxelles a indiqué, ces derniers jours, qu'il était mal budgété et encore plus mal financé.
Comme si tout cela ne suffisait pas, deux grands assureurs détenant des milliards d'obligations du Trésor français expriment leurs doutes quant au maintien de taux d'emprunt bas.
Monsieur le ministre, l'autopersuasion ne suffit plus, ni l'évocation permanente de la responsabilité du gouvernement précédent. Quelle est votre stratégie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la députée, j'apprécie beaucoup les conseils que vous me donnez (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais certaines leçons me paraissent déplacées.
Au fond, vous nous suggérez de faire comme vous sous la législature précédente. Or, faire comme vous, ce serait accepter que la dette publique continue de croître, comme elle a crû au cours des cinq dernières années de 600 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).
Faire comme vous, ce serait accepter que la croissance soit nulle pendant cinq ans, comme ce fut le cas entre 2007 et 2012.
Faire comme vous, ce serait accepter que les déficits restent supérieurs à 5 %, taux auquel ils étaient lorsque nous sommes arrivés.
Faire comme vous, ce serait accepter que la dépense publique – sur laquelle vous nous donnez également des leçons – augmente de 3,7 %, comme ce fut le cas entre 2007 et 2012.
Eh bien, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault refuse de faire comme vous ! Il veut redresser le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les engagements que nous avons pris seront tenus. Nous voulons redresser à la fois les comptes publics et l'économie.
Regardez les faits. Les déficits, qui étaient de 5,2 % en 2011…
Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n'est pas vrai !
…seraient restés au même niveau en 2012 si nous n'avions rien fait ; or, ils seront de 4,5 %. Et ils vont sans aucun doute continuer de diminuer fortement : la Commission estime qu'ils seront de 3,7 % en 2013.
Nous mènerons une politique de maîtrise de la dépense publique, qui sera stabilisée en valeur, et nous inverserons la courbe de la dette.
En vérité, la politique que nous suivons est sérieuse, de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est une politique de redressement qui respecte l'équilibre entre la croissance, indispensable, et la réduction des déficits.
Plutôt que de nous critiquer de façon stérile, vous devriez être à nos côtés (Mêmes mouvements) quand nous refusons d'ajouter la récession à l'austérité et quand nous voulons redresser ce pays qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Frédéric Roig, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, le 31 janvier dernier, la Commission européenne a annoncé de nouvelles mesures pour suspendre l'utilisation de trois pesticides suspectés par l'Agence européenne de la sécurité des aliments d'accroître la mortalité des abeilles. Il s'agit de trois néonicotinoïdes utilisés dans l'agriculture : le clothianidin, l'imidacloprid et le thiametoxam. Si cette proposition est confirmée, elle marquera une étape supplémentaire dans la protection de notre écosystème et le développement d'une agriculture de qualité, respectueuse de la biodiversité.
Ces pesticides systémiques utilisés dans certaines cultures représentent un risque important pour les pollinisateurs, qui ont un rôle essentiel à jouer dans l'équilibre de notre environnement. La suspension de leur utilisation permettra d'engager de nouvelles expérimentations et de relancer la recherche sur des molécules de substitution. Ces expériences doivent apporter aux agriculteurs, au cours de cette transition, des solutions en leur permettant de remplacer ces pesticides par de nouvelles molécules naturelles.
Dans ma circonscription de l'Hérault, qui comprend de nombreux terroirs agricoles, j'ai pu constater les efforts consentis par les agriculteurs en faveur d'une agriculture responsable et la volonté sans faille dont ils font preuve en la matière.
Les pratiques agricoles raisonnées doivent se développer. Il faut encourager des démarches globales de gestion des exploitations, véritables entreprises familiales, qui visent, dans le respect de la réglementation, à renforcer les impacts positifs sur nos territoires.
Il est indispensable de reconnaître la qualité du travail de nombreux agriculteurs en améliorant l'identification de leurs produits par les consommateurs. Les circuits courts de distribution et la politique de label ont apporté un dynamisme nouveau. Les appellations d'origine protégée et les labels valorisent des produits alimentaires traditionnels issus d'un terroir et d'un savoir-faire particuliers, comme en témoigne le salon de l'agriculture.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan de développement durable de l'apiculture. Pouvez-vous nous préciser les mesures qui permettront d'encourager une agriculture qui soit sereine économiquement, tout en préservant la biodiversité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, je suis très heureux que vous ayez évoqué cette question de l'apiculture car le sujet mérite toute l'attention de la représentation nationale.
Le plan que vous avez évoqué a été présenté le 8 février et fixe notamment des objectifs défensifs concernant un certain nombre de pesticides. La question des néonicotinoïdes est actuellement débattue en Europe. La Commission a proposé un moratoire de deux ans ; la France soutient très clairement cette position, afin de faire avancer, à l'échelle européenne, des règles qui permettront, demain, de protéger davantage et mieux les abeilles.
Ce plan traite de la formation, de l'installation, de la défense des différentes espèces d'abeilles et du développement de la production de miel. Nous consommons 40 000 tonnes de miel en France et nous en produisons actuellement 18 500 tonnes ; l'objectif est de devenir autosuffisants. C'est la raison pour laquelle le plan prévoit l'allocation de 40 millions d'euros au soutien, à la défense et à la promotion du miel et des abeilles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs mois, notre groupe vous adresse un message clair : votre gouvernement préfère accabler les Français d'impôts… (« Toujours plus ! » sur les bancs du groupe UMP)
…plutôt que de mettre en place des mesures d'économie et de bonne gestion. Encore aujourd'hui, malgré les promesses faites aux Français, vous réfléchissez à de nouveaux impôts et vous proposez de nouvelles dépenses.
Ainsi, contrairement à ce qu'a affirmé Mme Lebranchu, la journée de carence en cas d'arrêt de maladie, décidée l'année dernière pour la fonction publique, a été juste, utile et efficace. Juste, parce que les salariés du privé, très majoritairement – notamment dans les PME et TPE – subissent eux, non pas un mais trois jours de carence ! Utile, parce que les Français doivent savoir que les efforts demandés le sont pour tout le monde ! Et efficace, parce que dans certaines collectivités ou hôpitaux, la baisse du nombre d'arrêts maladie a été notable !
L'absentéisme a reculé de 7 à 20 %, et ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les représentants des hôpitaux et des collectivités territoriales.
La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale auditionne actuellement sur ce sujet.
Vous, vous empressez de supprimer cette mesure, alors qu'il est clair qu'elle n'a pas été sérieusement évaluée. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous souhaitez ainsi acheter le silence des fonctionnaires qui demandent une revalorisation de leur salaire. (« Démagogie ! » sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le prix de ce cadeau s'élève à 200 millions d'euros, une somme qu'il faudra trouver dans la poche des Français. Même le représentant du PS dénonce l'overdose fiscale ! Inutile de chercher des boucs émissaires, c'est vous qui gouvernez, et c'est vous qui êtes injustes, inutiles et inefficaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame la députée, sans doute nous faudra-t-il un certain temps avant de tomber d'accord sur les chiffres. Alors qu'il était effectivement prévu une économie de 200 millions d'euros pour le budget de l'État…
…nous n'avons pas atteint les 60 millions d'euros.
Quand vous dites, madame la députée, que nous achetons le silence des fonctionnaires, je vous rappelle que vous parlez de ceux qui déneigent les routes, qui gardent les personnes âgées et les personnes handicapées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ou qui enseignent. Les fonctionnaires ont accepté en silence, depuis juillet 2010, le gel de leur salaire…
…et ce sont les seuls. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Allons, mes chers collègues, laissez Mme la ministre répondre à la question !
Les fonctionnaires ont accepté en silence la suppression de 150 000 emplois. Les fonctionnaires ont accepté en silence la réorganisation de leurs services. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.)
Les fonctionnaires se voyaient effectivement appliquer un jour de carence. Lors du débat, vous avez envisagé d'ajouter un quatrième jour de carence aux salariés du privé. M. Jacob disait alors que ce n'était pas très grave, dans la mesure où 74 % des salariés du privé n'ont pas de jour de carence, étant couverts par un régime de prévoyance – c'est le cas de la plupart des salariés d'entreprises privées, notamment l'IFOP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si nous avions à mettre en place un système de prévoyance à l'image de celui s'appliquant dans la branche d'activité chère à Mme Parisot, cela nous coûterait beaucoup plus cher. Mais enfin, madame, le service public, l'action publique, les valeurs républicaines…
…sont portés par l'ensemble des fonctionnaires. C'est pourquoi je pense que nous devons faire confiance à ces gens, qui commencent leur carrière à 1 400 euros…
La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nombre de Français ayant poussé les portes d'un établissement bancaire savent qu'il est difficile d'obtenir un crédit. Parmi ces Français, certains ont une responsabilité particulière : je veux parler des chefs d'entreprise, souvent accompagnés dans leur démarche, au moins en pensée, par leurs employés, leurs ouvriers, les familles et les territoires, parfois même leurs clients.
Je veux vous remercier du faire-part anticipé, presque avant terme, que vous nous avez adressé pour nous annoncer le préfinancement du crédit d'impôt compétitivité emploi, une mesure attendue et qui arrive encore plus vite que prévu, puisque le dispositif sera complètement opérationnel en 2013.
Certains prétendront que cette mesure ne va pas concerner tout le monde, ce qui est absolument faux : en réalité, elle va concerner les petites et très petites entreprises, le monde agricole, le commerce, les services, les jeunes entreprises – innovantes, souvent –, les entreprises qui démarrent, les zones franches urbaines et même les zones de revitalisation agricole. Jamais on n'est allé aussi loin !
Le dispositif représente un grand progrès en termes d'aplanissement des difficultés administratives : toute réponse sera donnée par les établissements bancaires en quinze jours. C'est là une solution essentielle à l'incapacité de financement à laquelle de nombreuses entreprises ont dû faire face durant ces dernières années.
On doit à Colbert cette phrase terrible : « L'art de lever l'impôt consiste à plumer les oies sans trop les faire crier ». Avec le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, c'est l'inverse : il s'apprête à embellir les entreprises françaises, qui en tireront une grande satisfaction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un député UMP. C'est le Gouvernement des canards boiteux !
Monsieur Hutin, je ne me situerai pas par rapport à Colbert, mais il est vrai que Jérôme Cahuzac et moi-même avons annoncé hier la mise en oeuvre opérationnelle du crédit d'impôt compétitivité emploi. (« Allo ! » sur les bancs du groupe UMP.)
De quoi s'agit-il ? Le CICE, c'est d'abord 20 milliards d'euros destinés à 1,5 million d'entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Et ceux qui vocifèrent ignorent, de toute évidence, les vrais besoins des PME-PMI, auxquels nous répondons au moyen de cette mesure.
Nous avons pris l'instruction fiscale donnant le mode d'emploi détaillé du crédit d'impôt compétitivité emploi. L'expression « mode d'emploi » n'est d'ailleurs pas tout à fait appropriée, tant les choses sont simples : il n'y a aucune formalité à accomplir, si ce n'est investir et embaucher !
Nous avons également mis en place le préfinancement du CICE, car nous savons que de nombreuses entreprises peuvent avoir besoin d'un apport en trésorerie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela se fera en passant par la BPI, qui pourra répondre aux demandes en ligne en quinze jours, pour financer jusqu'à 85 % du CICE : comme vous le voyez, rien n'est plus simple. J'ajoute que les banques commerciales pourront également être sollicitées et qu'elles pourront bénéficier pour cela d'une garantie de la part de la BPI, s'élevant à 50 % du CICE.
Ce que nous voulons faire, c'est accélérer la mise en oeuvre de cette mesure fondamentale pour nos petites et moyennes entreprises, qui va permettre de créer des centaines de milliers d'emplois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et d'accélérer la croissance en France. Pour cela, nous allons mobiliser les services de l'État, les préfets, les directions départementales des finances publiques, mais aussi les organismes consulaires.
Dans le cadre de cette mobilisation, je suis intervenu hier devant l'assemblée générale des présidents de CCI, et je serai le 11 mars à Clermont-Ferrand…
…pour signer les premiers préfinancements de CICE.
S'agissant d'une grande cause nationale, je vous appelle tous, mesdames et messieurs les députés, à faire en sorte que le CICE puisse s'implanter sur les territoires : c'est l'intérêt général du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, pas une seule semaine ne passe sans que la presse n'annonce la nomination à un poste clé d'un proche du Président de la République.
La valse des noms est ahurissante. Nous apprenons la nomination de Ségolène Royal à la vice-présidence de la Banque publique d'investissement pour seconder l'ami intime et camarade de promotion du chef de l'État Jean-Pierre Jouyet, qui, lui, cumule la présidence de la BPI et la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations. On pourrait encore citer Olivier Schrameck, Jack Lang, David Azéma, Bernard Boucault, François Chérèque, Martine Aubry, Jean-Pierre Chevènement… Vous les avez tous nommés !
En outre, pour faire de la place pour votre clan, vous débarquez sans hésitation des fonctionnaires ayant pourtant su prouver leurs compétences, leurs qualités et leur talent. En effet, depuis votre arrivée au pouvoir, plus de 25 % des préfets, 35 % des recteurs d'académie, 15 % des consuls et 20 % des ambassadeurs ont été remplacés par des personnalités de gauche. Pour vos amis socialistes, c'est sûr, il n'y a pas de problème d'emploi. Vous préférez vous occuper d'eux plutôt que de stopper la vertigineuse hausse du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Les 3 millions de chômeurs français apprécieront.
Monsieur le Premier ministre, vous détenez tous les pouvoirs politiques et vous tripatouillez encore le code électoral afin de vous rendre les comptes plus favorables. Vous complétez cet attelage par des séries de nominations dans la haute administration. À une droite hier ouverte, vous opposez aujourd'hui une gauche recroquevillée, sectaire, absolue ; vous créez, monsieur le Premier ministre, un État-PS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, je crains un problème d'amnésie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : n'est-ce pas vous qui avez soutenu la nomination du fils du précédent Président de la République à la tête de l'Epad ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela aurait tout de même été une situation singulière… et c'est bien ce que vous auriez fait si nous n'avions pas réagi !
Vous évoquez des nominations, mais celle de M. Péchenard avait bien été faite sur des bases politiques !
D'ailleurs, le Gouvernement procède aux nominations en fonction des compétences et a même reconnu celles de certains de vos amis, comme M. de Romanet – il appréciera probablement plus notre sérieux que la qualité de votre question, puisqu'il a été nommé à la tête d'Aéroports de Paris – ou M. Rapoport, nommé à la tête de RFF ; nous pourrions ainsi donner une série de noms.
Vous en arrivez à un point où l'on ne sait pas vraiment quelle politique vous défendez. Nous venons de terminer un débat sur la réforme électorale dans les départements.
Ceux-là même qui voulaient supprimer le conseiller général nous reprochent aujourd'hui de supprimer les petits cantons, alors qu'ils souhaitaient eux-mêmes en créer des grands. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises, puisque l'un de vos candidats potentiels à l'élection présidentielle, qui se lance le premier dans la campagne – pour essayer de prendre les autres de vitesse, si j'ai bien compris – veut quant à lui supprimer totalement le conseil général !
Au lieu d'essayer d'inventer des arguments politiciens, vous feriez mieux de mettre d'abord de l'ordre dans vos rangs pour essayer de définir une politique. D'ailleurs vous en avez le temps, car de notre côté nous nous occupons, avec le Président de la République et le Premier ministre, de mener la politique qui a été choisie par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, l'engagement du Président de la République visant à instaurer un écart maximal de rémunération de 1 à 20 pour les dirigeants des entreprises publiques a été tenu. Le décret du 26 juillet 2012 a plafonné leur rémunération annuelle d'activité à 450 000 euros bruts. Je note d'ailleurs qu'à l'époque, cette décision particulièrement juste avait été qualifiée d'hypocrite par le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé.
Dans d'autres entreprises emblématiques qui jouent un rôle dans des domaines stratégiques tels que la défense, les transports, les télécommunications ou l'énergie, l'État et le secteur public, en leur qualité d'actionnaires historiques, pèsent d'un poids très significatif, même s'ils sont désormais minoritaires. On peut citer entre autres chiffres les 14 % de participation chez France Télécom, les 15 % chez Renault, les 16 % chez Air France, les 27 % chez Thales ou encore les 37 % chez GDF-Suez.
Dans la préface du rapport sur l'État actionnaire de l'Agence des participations de l'État pour 2012, cosignée par le ministre du redressement productif, vous avez insisté sur la nécessité de la modération salariale et de la décence en matière de rémunération des dirigeants d'entreprises. Notre pays, comme l'ensemble de ses voisins, traverse une crise très profonde, née d'un monde financier débridé, aux conséquences économiques et sociales parfois dramatiques. Dans ce contexte, les Français, qui consentent beaucoup d'efforts, ne comprendraient pas que les dirigeants de ces grandes entreprises, dont les rémunérations annuelles dépassent le plus souvent le million d'euros et peuvent atteindre plusieurs millions, ne fassent pas l'objet d'une interpellation de l'État actionnaire.
Ma question est donc simple : quelles instructions avez-vous données aux administrateurs désignés par l'État qui siègent dans les conseils d'administration de ces entreprises pour en appeler à la modération et à la décence, pour reprendre vos propres mots ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député Gérard Sebaoun, comme vous venez de le rappeler, le Gouvernement a souhaité dès son arrivée instaurer une politique de modération salariale dans les entreprises publiques, dans un souci de décence. Dans une période où, en effet, beaucoup de Français sont confrontés à la crise et où certaines inégalités sont devenues insupportables, il fallait que le secteur public montre l'exemple.
Une des premières mesures que nous avons prises a été de plafonner la rémunération des dirigeants d'entreprises publiques à 450 000 euros, ce qui pour certains d'entre eux impliquait une division par deux ou trois de leur salaire ; mais quand on travaille dans le service public, on peut consentir à une telle baisse, d'autant que l'on conserve un niveau de rémunération tout à fait appréciable. Cette mesure a été étendue aux principales filiales des entreprises publiques, comme la Banque postale, GeoPost, Géodis ou Keolis.
Je veux saluer au passage l'esprit civique des dirigeants de ces grandes entreprises, qui ont tous accepté que la règle du plafonnement s'applique à partir d'octobre 2012. Pour la suite, c'est-à-dire l'année 2013, j'approuverai naturellement, en tant que ministre de l'économie et des finances, les rémunérations individuelles des dirigeants mandataires sociaux puisque c'est mon rôle que d'être le garant de cette politique, dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques et de la mission de l'État actionnaire.
Ce principe de modération salariale s'appliquera aux opérateurs de l'État. Reste toutefois, et vous l'avez posée, la question des positions à prendre dans les conseils d'administration des entreprises dans lesquelles nous sommes actionnaires minoritaires, comme c'est le cas par exemple de France Télécom et de Renault. Dans ces entreprises, j'appelle également à la modération : en aucun cas l'État n'est prêt à prendre des positions laxistes. Je donne à cet égard des consignes de très grande fermeté. Je souhaiterais d'ailleurs que ces principes déteignent sur le secteur privé, tant il est vrai que, dans la période que nous vivons, l'exemplarité doit être le fait de tous ceux qui ont la chance de diriger des grandes entreprises, d'abord dans le secteur public, mais également dans le secteur privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.)
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, vous savez l'importance croissante des produits locaux et des circuits courts dans l'approvisionnement de la restauration de nos équipements collectifs, des réseaux de grandes surfaces et dans le développement des ventes à la ferme.
Le salon de l'agriculture affiche une nouvelle fois l'excellence des filières d'élevage de notre pays, lesquelles s'appuient de plus en plus souvent sur des circuits courts d'abattage, de découpe, de conditionnement, de commercialisation et – pourquoi pas – de transformation. Mais il permet aussi de mesurer le désarroi de ceux qui portent ces filières, notamment dans les zones périurbaines et particulièrement en Île-de-France.
On sait que l'atelier de découpe de Rambouillet est provisoirement fermé et que l'abattoir bovin de Nogent-le-Rotrou va l'être définitivement. Il n'y aura donc plus d'abattoir traditionnel dans le grand ouest parisien ; les éleveurs devront se rendre en Normandie ou en Bretagne pour revenir ensuite vendre à la ferme – ou y renoncer.
Les filières courtes connaissent des contrôles externalisés et dispendieux ; on leur impose des normes croissantes allant au-delà de ce qu'exige l'Europe ; elles ne supportent pas l'accroissement de charges dû à la refiscalisation des heures supplémentaires ; elles sont touchées par la baisse continue du pouvoir d'achat des Français ; dans les zones périurbaines, leur développement est condamné par un foncier rare et cher.
La disparition des abattoirs locaux franciliens est un mauvais coup supplémentaire porté à l'élevage, mais aussi aux consommateurs et à leur santé, à l'aménagement du territoire et au monde rural. En Île-de-France, la situation est d'ailleurs identique pour les filières laitière, maraîchère et fruitière. Sans des filières régionales de conditionnement et sans circuits courts, la disparition de l'agriculture périurbaine diversifiée est programmée.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour éviter ce désastre écologique et économique annoncé ? Allez-vous enfin donner de la réalité à vos annonces en faveur d'une agriculture durable, de produits de qualité et d'un meilleur service aux consommateurs ? Allez-vous enfin prendre en compte la spécificité de l'agriculture périurbaine ? Où sont vos engagements ? Que restera-t-il de vos annonces gouvernementales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, vous avez évoqué le problème des circuits courts, mais aussi la situation des abattoirs et de l'élevage.
Nous allons développer les circuits courts. Le problème, aujourd'hui, est en réalité assez simple : l'offre locale ne trouve pas forcément de débouchés dans la demande locale ; il faut donc réorganiser les circuits et les marchés pour faire coïncider l'une et l'autre. Dans ce cadre, nous allons proposer, au mois de mars, un projet qui a été testé dans certains départements – en particulier dans la Drôme – et qui va permettre, en se fondant sur l'informatique, d'établir des connexions au niveau local entre l'offre et la demande. Cela permettra ensuite de développer les circuits courts.
En ce qui concerne les abattoirs, le problème n'existe pas seulement en zone périurbaine : il est plus global et pose aussi la question du niveau de notre production. Une fois que nous aurons redressé notre production – que ce soit en matière d'élevage porcin, bovin ou ovin –, nous aurons la possibilité de maintenir et même de développer des outils de transformation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question, à laquelle j'associe mes deux collègues députés de Moulins et de Montluçon, s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Depuis quelques mois, nous connaissons un déferlement de plans sociaux qui n'épargnent aucune région de France. Beaucoup avaient été différés ; certains sont la conséquence inéluctable d'une situation industrielle durablement compromise. Mais, pour beaucoup – je pense en particulier, pour l'Allier, à SVANA, Candia, JPM et DMI –, ces plans procèdent de décisions boursières, unilatérales et arbitraires.
Ces choix ne doivent rien à l'économie générale d'un secteur, au marché ou à la productivité. Souvent, la justice finit d'ailleurs par le dire, comme ce fut le cas pour SEDIVER à Saint-Yorre ; mais quand elle le fait – généralement après l'appel et la cassation –, c'est naturellement trop tard.
Ces décisions arbitraires ont un coût social énorme qui est assumé par l'État et par les collectivités, mais surtout par les partenaires sociaux. C'est la logique de l'assurance – à ceci près que, d'habitude, en matière d'assurance, on vous inflige un malus lorsque vous avez un comportement à risque et on finit par vous faire payer les dégâts lorsque vous provoquez délibérément des accidents.
Ma question est donc simple : arriverons-nous un jour à faire payer le coût social de ces décisions abusives de fermeture d'usines à ceux qui les prennent ? Ainsi, en pratiquant en quelque sorte la vérité des prix, nous pourrions avoir de vraies décisions stratégiques prenant en compte l'économie et pas simplement la bourse. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur certains bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, je vous remercie pour cette question.
Vous avez cité une série de drames sociaux et industriels qui frappent votre département, comme c'est aussi le cas ailleurs. Je voudrais d'abord vous assurer qu'Arnaud Montebourg et moi-même suivons attentivement chacun de ces cas – qui, comme vous le savez, sont tous différents – pour essayer, dans la mesure du possible, d'y apporter une solution.
Vous avez, à juste titre, donné à votre question une portée plus générale en soulignant deux aspects.
D'une part, aujourd'hui, certains licenciements, interdits par le droit, sont pourtant prononcés. Or il faut deux ans, trois ans, quatre ans, parfois dix ans pour que la justice intervienne en les annulant. Mais qu'en est-il pour les salariés à qui justice est rendue dix ans après, sans qu'ils puissent, bien entendu, retrouver leur emploi ?
L'accord du 11 janvier permettra, à travers sa traduction dans la loi, dont vous aurez à débattre ici même, d'empêcher cela : un contrôle aura lieu tout de suite, aussi bien dans l'entreprise, par l'intermédiaire des organisations syndicales, qu'au niveau de l'État, afin d'éviter et même d'interdire des licenciements illégaux.
D'autre part, vous me demandiez si les entreprises finiraient par payer le coût social – individuel, quand il s'agit des salariés, mais aussi collectif pour le territoire qui est touché – de leurs licenciements. Ma réponse est oui.
Aujourd'hui, la sanction intervient après, voire longtemps après, à supposer même qu'elle tombe ; demain, avec le texte qui sera examiné ici, les partenaires sociaux ou l'État pourront faire payer tout de suite aux entreprises le prix collectif de ces licenciements.
Peut-être cela permettra-t-il enfin d'éviter que des licenciements de caractère purement boursier soient décidés. En effet, le coût sera supérieur pour l'entreprise au gain éventuellement attendu.
Oui, ce projet de loi qui vous sera soumis dans quelques jours est un texte progressiste qui est dans l'intérêt des entreprises comme des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plans sociaux
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle le débat sur le Mali : « Au-delà de l'intervention militaire, perspectives de reconstruction et de développement. »
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le ministre de la défense, mesdames les présidentes des commissions, mesdames et messieurs les députés, cela fait maintenant sept semaines que les forces françaises sont engagées aux côtés des forces africaines. Elles prêtent main-forte, avec le soutien de la communauté internationale, au combat des forces armées maliennes contre les groupes armés qui tentaient de transformer le Mali en sanctuaire terroriste.
Les objectifs de cette intervention n'ont jamais varié : d'abord, arrêter l'avancée des groupes terroristes ; ensuite, permettre à l'État malien de recouvrer son intégrité territoriale et mettre hors d'état de nuire les groupes terroristes, comme le prévoient les résolutions internationales ; enfin, favoriser l'application de ces résolutions à travers le déploiement d'une force africaine de stabilisation et l'appui aux forces armées maliennes.
Sur chacun de ces fronts, les résultats attestent la réussite de l'action engagée depuis le 11 janvier. L'offensive des groupes armés terroristes a été stoppée dès les premiers jours. La libération du nord, entreprise avec une détermination saluée par l'ensemble de la communauté internationale et qui a surpris nos adversaires, s'est traduite par la reprise de Gao et Tombouctou les 26 et 28 janvier.
La ferveur de l'accueil réservé au Président de la République lors de sa visite le 2 février témoigne avec force du soulagement des populations libérées et de leur reconnaissance à l'égard de la France. Chacun a pu mesurer la profonde sincérité de ces manifestations de sympathie et d'amitié, aussi bien de la part du peuple malien que des peuples des pays d'Afrique de l'Ouest et des États africains qui se sont engagés aux côtés de la France.
L'intervention de la France s'est ensuite poursuivie avec la reprise des villes de l'extrême nord du Mali, Kidal et Tessalit, dans la première semaine de février. Nous sommes maintenant dans la phase de sécurisation des zones libérées et de démantèlement des repaires des groupes terroristes.
Nous ne sommes pas surpris par la détermination de nos ennemis : ils sont particulièrement organisés et aguerris, et disposent de moyens très importants. Leurs modes d'action ne nous étonnent pas davantage : leur entraînement leur permet de faire preuve d'une certaine efficacité.
Les combats sont donc rudes, et deux de nos soldats y ont perdu la vie aux côtés de plusieurs de leurs camarades maliens et tchadiens.
Je salue ici la mémoire du commandant Damien Boiteux, mortellement blessé le premier jour de l'intervention, en stoppant à Konna l'offensive des groupes terroristes. Je salue aussi la mémoire de l'adjudant Harold Vormezeele, qui avait libéré Tombouctou, et qui est mort le 19 février dans l'Adrar des Ifoghas. Nos pensées vont aussi à leurs familles et à leurs frères d'armes.
Nous avons engagé les moyens nécessaires pour gagner ce combat.
Nos forces terrestres comprennent une quinzaine de compagnies d'infanterie et d'escadrons blindés, appuyés par des éléments d'artillerie et du génie, et un bataillon logistique. Elles sont épaulées par un groupement aéromobile d'hélicoptères d'attaque et d'hélicoptères de manoeuvre.
Ces forces terrestres se doublent d'un dispositif aérien composé d'une quinzaine d'avions de chasse, de quelques avions ravitailleurs, et d'une douzaine d'avions de transport tactique. Il comprend aussi des moyens de renseignement, dont des avions Atlantique 2 et des drones Harfang.
Enfin, des détachements des forces spéciales sont en permanence en mesure de compléter l'action de nos autres forces.
Les opérations se déroulent désormais principalement dans le Timétrine et la zone montagneuse de l'Adrar des Ifoghas où se sont repliés des combattants d'Al Qaida au Maghreb islamique et d'Ansar Eddine, et dans la région de Gao, où subsistent des éléments terroristes, notamment du Mujao. Elles se poursuivront pendant plusieurs semaines, le temps nécessaire pour mettre ces groupes terroristes hors d'état de nuire.
Depuis le début de notre intervention au Mali, nos soldats ont fait preuve d'un professionnalisme et d'un courage exemplaires, auxquels je tiens à rendre hommage. La France peut être fière de ses forces armées, qui démontrent une nouvelle fois leurs remarquables qualités opérationnelles.
Je salue l'action de Jean-Yves Le Drian, qui a su mobiliser l'ensemble du ministère de la défense pour permettre le succès de notre engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP.)
Nos troupes interviennent en appui de l'armée malienne, qui reçoivent également le soutien des forces africaines. D'ores et déjà, plus de 5 700 soldats venus du Bénin, du Burkina-Faso, de Guinée-Conakry, du Ghana, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, du Togo et du Tchad sont déployés au Mali.
Je pense notamment au contingent nigérien, qui participe au contrôle de Gao, et tout particulièrement aux soldats tchadiens, qui combattent avec un grand courage en ce moment même, à nos côtés, dans l'Adrar des Ifoghas, et paient un lourd tribut à ce combat. Je souhaite que nous leur rendions ici l'hommage qu'ils méritent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Cette mobilisation des troupes africaines est le fruit d'un engagement sans faille de l'Union africaine et de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest, dont les chefs d'État se réunissent en ce moment même pour aider le Mali à résoudre cette crise.
Nos partenaires européens et nos alliés, notamment américain et canadien, se tiennent également à nos côtés. Leur appui logistique a assuré une partie des acheminements pour les troupes françaises et en a assuré l'essentiel pour les troupes africaines. Il faut saluer aussi ce soutien particulièrement utile et qui a permis, dans des délais aussi rapides que possible, la libération de tout le nord du Mali. Le soutien de nos alliés se traduit aussi par une précieuse coopération en matière de renseignement, dont il n'est pas besoin de souligner l'importance.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'engagement de la communauté internationale était nécessaire pour gagner ce combat contre les groupes terroristes. L'action du Président de la République et celle de notre diplomatie, conduite par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui ne ménage pas sa peine et continue à oeuvrer avec une grande efficacité, ont joué un rôle décisif pour cristalliser cet engagement.
Celui-ci sera tout aussi déterminant pour la phase de stabilisation qui va s'ouvrir, et que nous préparons d'ores et déjà.
L'Union européenne a d'emblée pris ses responsabilités. Je me félicite du lancement, le 18 février dernier, de l'opération EUTM-Mali, qui mobilisera 500 militaires européens pour une durée de quinze mois. Quatre-vingts sont déjà sur place, sous le commandement du général Lecointre. Cette opération est destinée à assurer la formation indispensable à la reconstitution des forces armées maliennes, afin que ces dernières puissent garantir, dans les meilleures conditions, le respect de l'unité territoriale restaurée du Mali.
Mais, nous le savons, ces forces, ainsi que les autorités civiles chargées d'assurer le bon fonctionnement de l'État malien, auront durablement besoin de soutien international. La MISMA, instituée pour la phase offensive qui s'achève, devra se transformer d'ici à l'été, pour consolider la phase de stabilisation qui doit suivre, en opération de maintien de la paix. C'est l'objet des discussions que nous avons engagées au Conseil de sécurité des Nations unies, qui devrait adopter la résolution nécessaire dans les prochaines semaines. Nos forces contribueront à garantir la sécurité de cette opération.
Le succès dans la durée de ce qui a été entrepris au Mali exige aussi une action résolue dans les domaines politique et économique. C'est bien sûr d'abord aux Maliens eux-mêmes qu'il revient de recréer un cadre politique permettant à toutes les composantes du pays de se retrouver, de refonder un socle démocratique indispensable à une paix durable.
L'adoption par l'Assemblée nationale malienne, le 29 janvier dernier, de la feuille de route de la transition ouvre la voie : celle d'élections libres et d'un dialogue renouvelé.
Le nouveau gouvernement malien, dirigé par M. Cissoko, qui a été reçu la semaine dernière à Paris, a lancé le processus électoral. Un calendrier ambitieux a été fixé, qui prévoit la tenue des élections présidentielle puis législatives en juillet prochain. Il s'agit d'un engagement très fort de l'Assemblée nationale malienne et du gouvernement malien que je tiens à saluer – engagement qu'il faudra bien sûr tenir. Le Mali aura besoin de tout le soutien de la communauté internationale pour assurer le succès de ce processus électoral. L'Union européenne s'y prépare : elle apportera un appui financier et humain, et elle enverra sur place, le moment venu, une mission d'observateurs.
Le deuxième élément de cette feuille de route est l'engagement d'un dialogue entre toutes les composantes de la société malienne, sous certaines conditions, telles que l'adhésion au caractère unitaire de l'État malien, le renoncement à la lutte armée, et la lutte contre l'impunité.
La commission nationale de dialogue et de réconciliation prévue par la feuille de route doit se mettre en place au plus vite, pour engager ses travaux et démontrer à tous ceux qui expriment une sensibilité particulière qu'il existe une autre voie que la violence pour se faire entendre.
Le dialogue politique ayant été relancé, les conditions d'une reprise de l'aide bilatérale étaient remplies. Le ministre chargé du développement, Pascal Canfin, était à Bamako le 18 février pour examiner les modalités de la relance de notre aide bilatérale. Le même jour, sur proposition de la France, le Conseil des affaires étrangères s'est accordé sur la reprise graduelle de l'aide de l'Union européenne, qui mobilisera plusieurs centaines de millions d'euros.
Cette aide doit être à la fois globale et coordonnée. Globale, parce qu'elle doit cibler les besoins de première nécessité, au nord comme au sud du pays – je pense à l'accès à l'eau ou à l'énergie –, mais aussi garantir le redémarrage de l'activité économique et la gouvernance, sans laquelle nos efforts seraient fragilisés. Coordonnée, parce que l'ampleur du défi impose de conjuguer tous les efforts. Une réunion des ministres européens du développement se tenait hier pour assurer cette articulation et préparer la conférence des donateurs que nous organiserons au printemps, à Bruxelles, afin de mobiliser l'ensemble de la communauté internationale.
Les collectivités territoriales – certaines y sont engagées depuis de longues années – seront aussi appelées à participer, à travers leurs actions de coopération décentralisée, et Laurent Fabius les réunira prochainement.
Naturellement, il conviendra de veiller, à chaque étape, à ce que les engagements de la feuille de route soit effectivement tenus. Nous y incluons bien sûr la question du respect des droits de l'homme dans les régions libérées, où les représentants de l'État malien se réinstallent peu à peu. Les organisations non gouvernementales et les médias sont dans leur rôle en se montrant vigilants. Nous avons appelé très fermement l'attention des autorités maliennes sur l'exigence absolue dont elles doivent faire preuve. Le Président Traoré et le Premier ministre Cissoko se sont engagés sans ambiguïté sur le fait qu'il n'y aura aucune espèce d'impunité.
Plusieurs mesures ont déjà été prises en conséquence à l'encontre des personnes soupçonnées d'exactions, et nous avons marqué que ces engagements doivent être strictement respectés. Nos forces, quant à elles, ont reçu des consignes d'extrême vigilance.
Cette dimension sera intégrée dans la formation que la mission européenne EUTM-Mali apportera aux forces armées maliennes. La prévention en la matière passe aussi par le déploiement d'observateurs internationaux ; la résolution 2085 du Conseil de sécurité l'a d'ailleurs prévu. Les premiers d'entre eux sont arrivés au Mali et nous travaillons activement avec les Nations unies et l'Union africaine pour augmenter leur nombre.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au-delà de l'intégrité et de la stabilité du Mali, l'action que nous avons entreprise est nécessaire à la stabilité de toute l'Afrique sahélienne et à la sécurité internationale, à commencer par celle de l'Europe et bien entendu celle de la France. Ne nous y trompons pas : c'est bien cette sécurité que menacent les groupes terroristes comme ceux que nous combattons au Mali. Leur violence est sans frontières et leur haine sans limite.
L'odieux enlèvement au Cameroun, le 18 février, par le groupe Boko Haram, d'une famille française avec tous ses enfants en est une nouvelle illustration. Tout sera fait pour leur libération comme pour celle de nos autres compatriotes pris en otages auxquels nous portons une attention de tous les instants. Le Gouvernement a pris des mesures pour mieux protéger les Français résidant dans cette vaste région du Sahel, et les consignes de sécurité données aux entreprises et à nos ressortissants présents dans la région ont été renforcées.
En ce qui concerne le territoire national, sa protection fait l'objet d'une attention renforcée de la part des services de renseignement, et des consignes strictes de mise en oeuvre du plan Vigipirate ont été données. Dans ces moments graves, et alors que nos troupes, aux côtés des forces africaines, mènent un ultime et difficile combat, rien n'est plus précieux que l'unité de la nation. Mesdames et messieurs les députés de la majorité comme de l'opposition, je salue l'esprit de responsabilité dont toutes les forces politiques ont témoigné depuis le 11 janvier.
Face à la menace terroriste, la détermination de la France est totale, et c'est la raison pour laquelle je m'engage, avec le Gouvernement, à venir régulièrement devant la représentation nationale vous rendre compte de l'intervention de la France, du sens de cette intervention, des étapes que nous franchissons les unes après les autres. C'est le devoir du Gouvernement, c'est le respect de la Constitution.
Je remercie le groupe SRC d'avoir pris l'initiative de ce débat qui intéresse tous les groupes ici présents, que je remercie également à nouveau. Je suis prêt à revenir devant vous le moment venu. Ce combat que nous menons est le combat pour la démocratie, pour les droits de l'homme, contre toutes les formes de violence et de terrorisme, pour l'intégrité du Mali, pour la sécurité et l'indépendance des États de l'Afrique de l'Ouest ; c'est aussi le combat pour la liberté en France, en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, oui, l'action militaire de la France au Mali était urgente et nécessaire. Oui, sans la décision du Président de la République française, un régime gangstéro-djihadiste se serait installé à Bamako, dans un État clef de l'Afrique de l'Ouest avec toutes les conséquences que vous imaginez.
Oui, notre pays agit dans le cadre des Nations unies, exclusivement, et dans le respect scrupuleux du droit international, n'en déplaise aux éternels donneurs de leçons, aux pseudo-intellectuels égarés ou oiseaux de mauvais augure, qui confondent trop souvent victimes et agresseurs, y compris dans ces graves questions internationales. Oui, pour gagner la paix, il convient de mener conjointement la poursuite des actions de sécurisation, la politique d'action humanitaire, un plan précis et complet de développement, et la reconstruction de l'État malien, en appliquant la feuille de route conduisant à des élections présidentielles, adoptée par le Parlement malien et approuvée par les instances internationales.
Permettez-moi de manifester à mon tour, au nom de mon groupe, notre reconnaissance et notre solidarité aux 4 000 militaires français de l'opération Serval, qui font preuve d'un grand professionnalisme et d'un vrai courage.
L'armée française, secondée par des unités maliennes, et l'armée du Tchad, auxquelles nous devons rendre hommage, conduisent une action rapide, précise et efficace.
La France remplit ses devoirs et accomplit ses obligations envers un État à majorité musulmane, agressé par des fanatiques narco-djihadistes, dont on mesure plus que jamais la cruauté et la dangerosité.
L'intervention française au Mali n'est pas motivée par la défense d'intérêts nationaux plus ou moins voilés, mais par la défense de valeurs intangibles. Cette intervention diffère fondamentalement de bien des opérations menées par le passé, particulièrement en Afrique : en ce sens, elle est la traduction concrète de la nouvelle politique africaine de la France.
À Tombouctou et à Bamako, François Hollande a clairement déclaré que ce sont les Maliens, les Africains, qui doivent décider eux-mêmes de leur destin et prendre en charge la sécurité de la région. C'est un message fort qu'a lancé le Président de la République : il a indiqué avec clarté et netteté que les relations entre la France et l'Afrique reposent désormais sur une nouvelle base, celle d'un véritable partenariat, transparent, équitable et sincère.
Les quatre principaux buts poursuivis par l'opération Serval ont déjà été atteints, ou sont en passe de l'être. L'offensive djihadiste qui menaçait Bamako et le sud a été définitivement stoppée et le risque de contagion aux pays limitrophes est levé ; l'intégrité et la souveraineté du Mali ont été rétablies ; les forces françaises, maliennes et africaines s'attaquent au réduit terroriste situé dans le massif rocailleux des Ifoghas ; enfin, la sécurisation des régions libérées reviendra, à court terme, aux troupes de la MISMA.
Le volet sécuritaire est indissociable des volets politique et économique. S'agissant de la reconstruction de l'État malien, la nécessité d'un dialogue entre le nord et le sud concernera l'ensemble des composantes de la population malienne et devra répondre à une très ancienne demande politique. Il conviendra de respecter le principe de l'unité territoriale du Mali, ainsi que la laïcité, une valeur qui est chère à ce pays ami, et d'exclure ceux qui ont appartenu à des groupes terroristes ou qui les ont soutenus.
Le dernier aspect est d'ordre économique. Comme l'a souligné le président du Niger, M. Mahamadou Issoufou, « la misère est le terreau de toutes les rébellions et de tous les terrorismes ». C'est pourquoi il est indispensable de concevoir au niveau européen, un grand programme de développement. La crise malienne montre qu'une nouvelle ère a commencé dans les relations entre la France et l'Afrique
Pour terminer, je voudrais faire deux remarques en forme de questions. Les instances internationales, le G 20, l'ONU, l'Union européenne vont-elles se montrer plus attentives au problème des sources de financement des groupes terroristes ? C'est un vrai problème. Par ailleurs, ces instances internationales vont-elles enfin se saisir de la menace tragique et récurrente que constitue le terrorisme – on pense bien sûr au drame des prises d'otages – pour mieux le définir et le combattre plus efficacement ?
Mes chers collègues, n'oublions jamais que l'Afrique n'est pas seulement le berceau de l'humanité, mais aussi un continent d'avenir. Comme le proclame l'hymne national du Mali, « les champs fleurissent d'espérance, les coeurs vibrent de confiance. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bravo !
(M. Denis Baupin remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence)
La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 11 janvier dernier, devant l'avancée foudroyante de groupes terroristes menaçant Bamako, le Président de la République engageait les forces françaises sur le territoire malien.
Ici même, à l'Assemblée, notre groupe a immédiatement manifesté un soutien sans faille au Gouvernement et à notre armée, car l'idée de voir un pays ami se transformer en un sanctuaire terroriste au coeur de l'Afrique était insoutenable.
Aujourd'hui, je tiens en tout premier lieu, au nom du groupe UMP, à rendre hommage à nos forces armées engagées sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Leur préparation opérationnelle, leur capacité de réaction, leur professionnalisme, tout autant que leur sens du devoir et leur courage, ont été au coeur de la réussite de la France au secours du peuple malien.
Plusieurs de nos militaires ont été blessés, et deux d'entre eux sont tombés au champ d'honneur : le chef de bataillon Damien Boiteux, mort dès les premières heures de combat et le sergent-chef Harold Vormezeele, légionnaire du 2e REP, tué dans les combats du nord du Mali le 19 février dernier.
Leur sacrifice nous rappelle le prix à payer pour vivre libres et en paix. Leur sacrifice est celui de soldats de métier, qui sont allés jusqu'au bout de leur engagement au service de la France. Leur sacrifice nous rappelle que notre pays est en guerre au Mali : cette guerre peut parfois paraître bien lointaine, mais elle n'en est pas moins réelle et meurtrière.
Nos soldats accomplissent leur mission au Mali avec une très grande maîtrise du terrain et un professionnalisme unanimement reconnu. Nous le disons, nous, et c'est bien légitime,…
…mais ce sont surtout les armées alliées, les compagnons d'armes de la France sur de nombreux théâtres d'opérations, qui le rappellent : cela n'en a que plus de sens et plus de valeur.
Je souhaite, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, que la prochaine loi de programmation militaire et les budgets y afférents portent la marque de cette excellence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le débat d'aujourd'hui, s'il permet de poser l'importante question des perspectives de reconstruction et de développement du Mali, concerne au premier chef, chacun le comprendra, la situation militaire.
Nous sommes en guerre, et cet état de guerre nous amène à poser des questions légitimes, qui touchent à notre stratégie militaire, à notre tactique terrestre, à notre objectif politique, à l'engagement de nos alliés, à la reconstruction du Mali et, bien sûr, à la situation de nos otages.
À ce jour, nous avons près de 5 000 soldats engagés, dont 4 000 sont directement au combat : c'est l'équivalent de notre engagement en Afghanistan, quand il était à son paroxysme.
Nos soldats ont engrangé de beaux succès, comme la sécurisation de Bamako et la reprise de villes telles que Tombouctou, Gao, Kidal et Tessalit. Mais, aujourd'hui, la situation est plus complexe, car nos forces sont engagées dans la vaste zone montagneuse des Ifoghas, considérée à juste titre comme un repaire du djihadisme international. L'engagement sera à l'évidence plus long et plus périlleux.
Messieurs les ministres, la question essentielle est la suivante : comment protéger nos hommes devant la tentation de ces djihadistes qui, pressés au nord, semblent vouloir porter le fer dans les centres urbains ? Nous le constatons déjà depuis quelques semaines : les accrochages sérieux qui ont eu lieu à Gao, à Tessalit et dans la région de Kidal, où, hier encore, un attentat suicide à la voiture piégée a fait sept morts, ouvrent une période de difficultés à venir.
Dans les zones que nous avons libérées, les forces françaises trouvent très régulièrement des caches d'armes, des laboratoires artisanaux de fabrication de bombes, des gilets prêts pour des attentats kamikazes, des déclencheurs à distance d'engins explosifs improvisés, ou encore des armes à vision nocturne, bref, de quoi faire de cette région un véritable sanctuaire terroriste.
La deuxième question concerne l'engagement de nos amis maliens et celui de la MISMA. Les premiers doivent être formés, encadrés et équipés. Le général Lecointre, qui commande cette mission de formation, a appelé à une véritable refondation de l'armée malienne ; des officiers français ont par ailleurs reconnu sa très grande faiblesse et l'indigence du matériel dont elle dispose. La MISMA, quant à elle, s'agrège lentement, car la provenance et l'hétérogénéité de ses troupes nécessitent une coordination qui prendra à l'évidence du temps.
L'engagement de nos alliés et des Européens suscite également des questions. Certes, au début du mois d'avril, l'Union européenne déploiera 500 hommes pour former et encadrer l'armée malienne, mais nous n'avons pour l'instant aucun signe d'une volonté quelconque d'engagement terrestre.
Toutes ces questions, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, doivent vous amener à clarifier les objectifs de la France. Sommes-nous au Mali dans l'optique de passer le témoin militaire à la force d'intervention africaine et le témoin politique à l'Union africaine, ce qui, vous en conviendrez, prendra au bas mot de nombreuses semaines ? Ou serons-nous au Mali jusqu'au rétablissement de son intégrité territoriale, à l'établissement de ses institutions, de son armée et de sa justice, en clair jusqu'à la reconstruction complète du pays ? Ce serait là un engagement d'une tout autre ampleur, qui se mesurerait en mois, voire en années.
Ou bien s'agit-il encore de prévenir en priorité une menace terroriste directe contre notre territoire ? Cette question vaut toutes les autres, et la récente déclaration du ministre des affaires étrangères ne nous a pas rassurés : fidèle à son habitude qui consiste à diffuser avec empressement des informations éparses, il a récemment déclaré, dans une matinale à la radio, qu'un retrait de nos troupes pourrait être envisagé dès le mois de mars.
Il devient donc urgent, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, de fixer un cap et d'en informer en toute clarté la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le Mali, nous en sommes convaincus, ne pourra pas retrouver de perspectives réelles et sérieuses de reconstruction et de développement si ces questions ne sont pas tranchées.
À ce propos, des motifs d'inquiétude subsistent plus que jamais, qui tiennent d'abord à la faiblesse de l'État malien. Un processus politique semble timidement s'engager, avec l'espoir d'organiser des élections avant la fin du mois de juillet. Mais comment peut-on envisager sérieusement l'organisation de ces élections dans des zones qui seraient encore soumises aux combats ?
Comment peut-on envisager sérieusement l'organisation de ces élections lorsqu'on connaît l'histoire du Mali, ses déchirements, ses affrontements ethniques et ses tourments, et alors que les exactions commises sont toujours présentes dans les esprits ? Il faudra du temps, une volonté farouche de réconciliation nationale entre les populations du sud et celles du nord, et une attention particulière aux Touaregs, seul facteur de stabilisation pour le pays.
Le Gouvernement français souhaite le déploiement rapide d'observateurs internationaux afin de veiller au respect des droits de l'homme, et c'est bien. Le vice-président américain Joe Biden a dit soutenir cette demande, lors de son passage à Paris au début du mois de février.
Messieurs les ministres, pouvez-vous nous dire où nous en sommes ? Le conflit armé de ces derniers mois et l'instabilité politique issue du coup d'État ont incontestablement renforcé l'extrême pauvreté de ce pays. Les infrastructures – centrales électriques, pompage d'eau, écoles, hôpitaux – ont gravement souffert de l'avancée des forces islamistes dans le pays. Peu après le coup d'État, la France avait suspendu son aide au développement ; elle la reprend.
Vous étiez, monsieur le ministre chargé du développement, en déplacement au Mali il y a quelques jours. Pouvez-vous nous dire quelles décisions concrètes ont été prises ? Quels seront les axes prioritaires de notre aide ? Étant donné que la situation sécuritaire rend difficile l'action des ONG sur place, comment cette aide sera-t-elle mise en oeuvre ? La question du retour des réfugiés, enfin, est cruciale, non seulement pour le Mali, mais aussi pour les pays limitrophes.
La conférence des donateurs qui s'est réunie à la fin du mois de janvier à Addis-Abeba a essentiellement levé des fonds pour la mise en oeuvre de la MISMA, et donc pour la réorganisation à terme de l'armée malienne. Les efforts consentis sont-ils suffisants ? Le président de la Commission européenne a annoncé la semaine dernière qu'une nouvelle conférence des donateurs se réunirait à la mi-mai à Bruxelles : elle doit aider à la reconstruction du pays dans son ensemble. Que pouvons-nous en attendre ? Pouvons-nous, au moins dans ce domaine, compter sur nos partenaires européens ?
Les besoins sont immenses, d'autant que lundi, à l'ouverture d'une réunion des ministres de la Cédéao, le ministre ivoirien des affaires étrangères a indiqué que le financement des opérations militaires au Mali nécessiterait 950 millions de dollars, soit plus du double des 455 millions promis à Addis-Abeba.
Mes chers collègues, chacun le ressent pleinement, la France est confrontée à une tâche ardue : aider un pays ami, lutter contre un terrorisme aveugle et protéger ses ressortissants, dans une immense zone africaine qui s'étend bien au sud du Sahel.
Enfin, à l'unisson des Français je ne peux passer sous silence la colère, les sentiments de révolte, d'émotion et d'inquiétude qui nous habitent depuis la diffusion d'une vidéo abjecte, rappelant douloureusement l'enlèvement dramatique de sept de nos ressortissants, dont quatre jeunes enfants, au nord du Cameroun. Le groupe UMP souhaiter assurer le Gouvernement de son soutien, dans tout ce qui pourra être fait pour libérer nos ressortissants.
Toutefois, deux conditions s'imposent : la prudence et la discrétion. De grâce, sur un sujet aussi douloureux, ne nous gratifiez plus de déclarations intempestives : elles révèlent une fébrilité qui ne sied pas en de telles circonstances.
Notre pays assume avec courage son engagement contre le terrorisme et nous nous en félicitons. Le réalisme exige cependant que nous soyons capables de reconnaître que nous ne pouvons plus être seuls face à l'ampleur de ces défis. Ce relatif isolement diplomatique et militaire nous inquiète,…
…mais il ne saurait bien évidemment remettre en cause notre soutien à nos armées et au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Folliot pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, à la demande pressante du gouvernement malien, la France est engagée au Mali dans le cadre de l'opération Serval depuis le 11 janvier 2013 pour faire face à une attaque terroriste d'envergure.
Les députés du groupe UDI, derrière leur président Jean-Louis Borloo, ont immédiatement apporté un soutien sans réserve au Président de la République et au Gouvernement, dans un cadre de responsabilité, face à cette situation d'extrême urgence et de danger tant pour la population malienne que pour les 6 000 ressortissants français de Bamako.
Il est des moments où nous, centristes, pensons que les postures politiciennes doivent s'effacer quand l'essentiel est en jeu.
Cet engagement de nos troupes, c'est avant tout l'engagement de la France pour la défense de nos valeurs universelles, de la démocratie, de la liberté et de la lutte contre le terrorisme international.
Saluons le professionnalisme et le courage de nos 4000 militaires français déployés au Mali, qui y mènent, dans un contexte plus difficile qu'il n'y paraît, une action exemplaire. Ils sont la fierté de la France. Qu'il me soit d'ailleurs permis de rendre hommage aux blessés touchés dans leur chair, ainsi qu'au chef de bataillon Damien Boiteux du 4e régiment d'hélicoptères des forces spéciales de Pau, et au sergent-chef Harold Vormezeele du 2e régiment étranger de parachutistes de Calvi, morts au combat.
Après l'avancée très rapide de nos forces vers le nord du Mali, il apparaît évident que la réalité tactique de cette guerre a récemment atteint un nouveau stade.
Ne nous y trompons pas : comme nous l'avions dit dès le début, le repli tactique des fondamentalistes dans leur profondeur stratégique – le désert et l'Adrar des Ifoghas – nous montre le caractère durable des opérations militaires avant la stabilisation de la situation.
Soulignons l'implication de tous les pays d'Afrique subsaharienne dans la MISMA qui, nous l'espérons, sera prochainement remplacée par une force de casques bleus sous l'égide de l'ONU et dont le mandat, comme nous l'ont dit nos collègues députés maliens, que je veux saluer, devra aller au-delà de la simple interposition.
Soulignons également le rôle de deux pays : le Tchad, qui a subi de lourdes pertes, mais aussi l'Algérie qui, par sa capacité à fermer sa frontière, bloquera les nécessaires soutiens logistiques aux djihadistes.
Mais la solution ne peut pas être seulement militaire. Deux points centraux doivent désormais impérativement être résolus, afin de mettre en place une sortie de crise.
Tout d'abord, il est crucial de stabiliser la situation politique au Mali, notamment en ce qui concerne les Touaregs du Mouvement national pour la libération de l'Azawad, le MNLA, et cela dans les meilleurs délais, avant les élections prévues en juillet 2013.
La fiction d'un État unitaire centralisateur dans un pays aussi vaste et divers que le Mali doit être abordée. Sans remettre en cause l'intégrité territoriale, une réflexion ne pourrait-elle pas être envisagée sur une éventuelle confédération, afin de trouver une solution durable à ces conflits ancestraux ?
D'autre part, il faut concentrer nos efforts sur le développement du Mali, et, au-delà, de l'Afrique tout entière. Nous voyons bien que l'opération dans laquelle la France est engagée ne concerne pas strictement le Mali : toute une partie de l'Afrique est déstabilisée, par des trafics de drogues et autres, mais aussi par une guerre djihadiste.
Au-delà du Mali et du nord du Mali, c'est ainsi tout l'arc sahélien et méditerranéen, s'étendant jusqu'à l'Afrique centrale, qui est concerné. Nous sommes face à un sujet panafricain, qui nécessite une réponse paneuropéenne, internationale. La France ne pourra pas, seule, relever ce défi. Il est grand temps d'organiser une conférence internationale, de mobiliser politiquement l'Europe, car, pour le groupe UDI, rien ne sera durable sans une réelle politique à long terme pour l'Afrique.
Ce gigantesque continent, notre voisin, de bientôt deux milliards d'habitants, mérite une stratégie globale dépassant les plans d'aide que nous lui accordons, ponctuellement, jusqu'à aujourd'hui.
Nous le savons : l'Afrique est notre plus grand danger comme notre plus grande chance.
Le danger est devant nos yeux lorsque nous nous engageons au Mali pour mettre un terme à l'agression de terroristes djihadistes, menaçant de détruire ce pays et de faire basculer la région tout entière dans le fanatisme.
Nous devons également être conscients de la chance exceptionnelle que représente notre voisin africain : des forêts intactes, des ressources naturelles, un formidable potentiel en matière d'énergies renouvelables, une population jeune dont le dynamisme ne demande qu'à s'exprimer. L'avenir de la francophonie, c'est l'Afrique.
Il y va de notre responsabilité de mettre en place un grand plan de solidarité éducatif, énergétique et climatique pour l'Afrique.
La sécurisation de l'Europe passe par la sécurisation de l'Afrique tout entière. Notre futur dépend également de son développement.
Pour le groupe UDI, le développement durable du Mali est la condition sine qua non de son relèvement.
En conclusion, je souhaite évoquer l'auteur de la célèbre phrase : « En Afrique, un ancien qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle », le grand écrivain et historien malien Amadou Hampâté Bâ, qui a également écrit : « Croire que sa race, ou sa religion, est seule détentrice de vérité est une erreur. »
Puissions-nous oeuvrer, tous ensemble, pour l'éducation, la démocratie et la culture, et méditer de tels propos condamnant définitivement les djihadistes et justifiant notre aide et cette intervention. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes des commissions, chers collègues, voilà près de deux mois que l'intervention militaire de la France a commencée au Mali.
Au nom du groupe écologiste, je commencerai par rappeler quelques points. Tout d'abord, comme nous l'avions souligné dès le début, notre groupe ainsi que notre mouvement ont approuvé l'intervention militaire en la replaçant dans un contexte d'urgence à agir évident.
En second lieu, cette intervention ne peut faire l'économie d'un compte rendu précis au Parlement, que cela concerne la dimension militaire de l'intervention ou ses conséquences politiques et diplomatiques. Dans ce cadre, je tiens à saluer la démarche du Gouvernement auprès de notre assemblée et l'appelle à maintenir un dialogue régulier avec celle-ci.
Enfin, je tiens à assurer les familles du sergent-chef Harold Vormezeele et du lieutenant Damien Boiteux de la solidarité du groupe écologiste, et à saluer les forces françaises engagées sur le terrain.
Chers collègues, quelques jours après le décès du photographe Olivier Voisin en Syrie – à qui je tiens à rendre ici hommage, car par son engagement il a su comme d'autres maintenir le fil vital de l'information en temps de guerre, – je voudrais tout d'abord me faire l'écho des journalistes qui parlent de « guerre mystère » concernant le conflit malien, tant les informations sont faibles. S'agissant d'un terrain militaire engageant la France, nous devons encore une fois faire preuve d'exemplarité.
Alors qu'il semble que Gao et Kidal soient aux prises avec une évolution du conflit en guérilla, le sentiment d'absence de communication sur le bilan militaire, le bilan des pertes, les prisonniers de guerre, le bilan humanitaire de la première phase de l'intervention Serval, devient problématique.
Si le chiffre de 100 millions d'euros a été avancé par M. le ministre de la défense, rappelant le coût très important de notre intervention au Mali, notamment en comparaison de l'aide au développement, cette donnée doit surtout nous montrer l'extrême urgence d'un déploiement de forces sous mandat de l'ONU dans un bref délai.
Ce déploiement d'une force onusienne, par-delà sa capacité à accélérer la construction d'infrastructures vitales pour le développement du territoire malien, aurait un double intérêt : assurer l'engagement de la communauté internationale dans la résolution d'un conflit dépassant largement les frontières maliennes ; s'attaquer de façon plus conséquente aux problèmes sous-jacents qui ont permis à un tel conflit de se développer.
Pour nous écologistes, ces problèmes sous-jacents sont principalement de deux natures. Le premier est la crise alimentaire qui touche régulièrement le nord-Mali et affecte, selon une étude de l'ONU, une population de 1,6 million de personnes.
Toutes les ONG présentes sur place ont maintes fois attiré l'attention de la communauté internationale sur les priorités en matière de distribution de vivres et de fournitures de soins médicaux. Pour mémoire, une étude récente de Médecins du monde estimait que plus d'une personne sur dix était en état de malnutrition aiguë dans la ville de Kidal.
Cette crise alimentaire issue des problèmes de sécheresse, accentuée par une politique de développement insuffisante et trop centrée sur le sud, décuplée par la rébellion et maintenant par la guerre, ne peut rester sans réponse forte.
Si nous avons su répondre dans l'heure à l'urgence militaire, nous ne pouvons rester sourds à l'urgence humanitaire qui frappe cette région depuis trop longtemps. Notre histoire commune lie nos deux peuples. Nous avons un devoir de solidarité avec les habitants du Mali.
Nous savons que les stocks de nourriture et de médicaments sont disponibles : je pense aux camions bloqués à la frontière du Niger. Nous connaissons la capacité des ONG à intervenir rapidement. Nous avons maintenant le devoir de leur permettre d'agir sans délai.
Le deuxième problème sous-jacent est la crise démocratique. En se fédérant, des mouvements touaregs aux intérêts différents ont mis en lumière la forte attente des populations du nord pour la prise en charge de leurs problèmes quotidiens.
J'entends la voix de ceux qui crient à la non-représentativité des mouvements touaregs. Mais je leur réponds que la question fondamentale qui se pose est la capacité d'une population à prendre en charge son quotidien elle-même, au plus près de ses réalités. La subsidiarité n'est pas une remise en cause de la souveraineté d'un pays. Elle est la prise en compte d'une évolution démocratique nécessaire qui remet l'individu dans son environnement direct au coeur des décisions qui le concernent, comme cela pourrait être le cas dans la région de l'Azawad libérée des djihadistes.
Je regrette que le premier ministre Diango Cissoko ait fermé la porte à cette grande idée du fédéralisme. Bien sûr le peuple malien trouvera lui-même les outils constitutionnels de sa renaissance. Mais, dans cette panoplie, le fédéralisme que nous, écologistes, promouvons au coeur de l'Europe à l'instar de grandes nations comme l'Allemagne, est une piste intéressante qu'il me paraît important de porter dans le débat.
En ayant en mémoire l'ingérence politique et la Françafrique, qui fait peser sur nos idées une méfiance légitime, c'est en démocrate et en ami que je souhaite que nous menions ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes des commissions, chers collègues, ce débat vient alors que la mission Serval voit son rôle évoluer sensiblement, après les violents combats de la semaine dernière dans le massif des Ifoghas, l'enlèvement de la famille Moulin-Fournier au Cameroun et l'attentat suicide d'un kamikaze hier : d'une mission visant à protéger un membre des Nations unies victime d'une agression armée dans le cadre du droit international de légitime défense, elle devient une lutte totale contre le terrorisme islamique dans une zone immense aux frontières particulièrement poreuses.
Le Président de la République l'a d'ailleurs confirmé mardi dernier depuis Athènes : « Nous sommes maintenant dans la dernière phase de l'opération qui n'est plus simplement d'arrêter des terroristes, pas simplement de sécuriser le territoire, mais d'aller jusqu'au bout, c'est-à-dire l'arrestation des derniers chefs terroristes qui demeurent au nord du Mali ».
La guerre s'intensifie. Je veux rendre hommage au sergent-chef Vormezeele, du 2e régiment étranger parachutiste de la Légion, ainsi qu'aux vingt-trois militaires tchadiens tués dans un engagement avec les combattants proches d'Al Qaida au Maghreb islamique. La France oeuvre ainsi activement pour la sécurité, non plus du seul Mali, mais également de la communauté internationale, menacée par les djihadistes et l'apostolat meurtrier des « illuminés », selon les termes du Premier ministre malien, M. Cissoko.
Cette action militaire antiterroriste, menée par les seuls militaires étrangers acceptés par les populations locales et les souverainetés nationales, et présents, outre au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, explique certainement le soutien actif dont bénéficie maintenant la France de la part de ses alliés.
Désormais incontournable militairement, la France le sera naturellement du point de vue politique et humanitaire. Il est un peu tôt pour en débattre aujourd'hui, mais il sera nécessaire d'accompagner la transition politique du Mali pour stabiliser la région entière : oeuvre immense pour la France et l'ensemble de la communauté internationale, notre pays ne pouvant pas, juridiquement, politiquement, techniquement, humainement, assumer seul cette tâche.
Le calendrier de la transition politique au Mali est encore incertain : date des élections générales, listes électorales, organisation d'un scrutin national, alors qu'une vaste partie du nord du Mali reste occupée par des groupes terroristes aux côtés d'une partie du mouvement touareg, autant de problèmes à régler.
Cependant, ces incertitudes ne doivent pas empêcher le pouvoir malien de chercher à renforcer la légitimité du président Traoré. C'est par sa capacité à négocier avec les populations du nord et à appliquer la résolution 2071 que le gouvernement malien affirmera cette légitimité, laquelle est très importante pour la France, qui a déjà eu l'occasion de condamner, comme la Cédéao, l'Union africaine, l'ONU et l'Union européenne, les interventions des militaires dans les affaires politiques. En cela, notre président, François Hollande, a tourné la page de la Françafrique.
S'agissant de la stabilisation de la région, on observe une aggravation de la situation humanitaire. Les centaines de milliers de déplacés et de réfugiés maintiennent un grand nombre de Maliens dans une situation d'insécurité alimentaire et sanitaire dangereuse, dans la mesure où de nombreux acteurs humanitaires ont dû suspendre leurs activités dans le nord-Mali et les zones de combat. L'ingérence s'imposera vite comme une évidence, alors même que la France cherche justement à restaurer la souveraineté nationale du Mali. Dès lors, il convient d'agir contre la corruption et les divers trafics qui ont détruit l'économie malienne ; cette action peut être envisagée dans le cadre des accords de défense qui lient nos deux pays – à l'instar de la Côte d'Ivoire –, ce qui autoriserait l'ONU à accorder à la France, le cas échéant, un mandat rétroactif.
La France a été le cinquième donateur au Sahel en 2012, avec une aide alimentaire et d'urgence qui s'est élevée à près de 26 millions d'euros. Les organisations telles que le Programme alimentaire mondial, la FAO, l'UNICEF – des centaines de milliers d'enfants n'ont plus accès à l'école –, le Comité international de la Croix Rouge ainsi que les ONG doivent pouvoir employer correctement sur place les fonds alloués à des programmes d'impact local qui doivent être rapidement mis en place.
L'armée française, dont je salue le dévouement et le travail, sera ainsi déployée sur deux fronts concomitants : la poursuite des affrontements et l'aide humanitaire.
Notre responsabilité est grande, et l'exigence de réussite forte. S'il est souhaitable que la mission Serval soit la plus courte possible, la présence de nos troupes puis de nos fonctionnaires civils pour aider à la reconstruction politique et administrative d'un pays en danger, avec lequel la France entretient des relations privilégiées et anciennes – un pays de si haute culture et de si riche civilisation –, s'étalera à n'en pas douter sur plusieurs mois. Nous aurons alors l'occasion d'en délibérer de nouveau, afin que la représentation nationale autorise le Gouvernement à prolonger la durée de l'intervention de nos forces armées sur le terrain des opérations maliennes.
Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mesdames les présidentes de commission, les députés communistes et du Front de gauche ont répondu de manière claire à l'appel du peuple malien. Pour être plus précis, nous avons soutenu l'intervention française au Mali.
Nous ne pouvions pas abdiquer devant cette forme nouvelle de fascisme – c'est l'expression que j'ai déjà utilisée, et que je maintiens – voulant imposer par la force des sociétés barbares. Il fallait une intervention pour arrêter l'avancée des fondamentalistes islamistes, sous l'égide de la communauté internationale et des pays africains, dans le strict respect de la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Cependant, nous avons également toujours affirmé que la seule réponse militaire ne suffisait pas. Le recours à la force armée signe toujours l'échec du politique. Disons-le clairement : si la France et les organisations internationales avaient promu, depuis quelques dizaines d'années, une véritable politique de développement pour le continent africain, nous n'en serions pas là !
Néanmoins, je veux dans un premier temps revenir sur le volet militaire de la situation au Sahel. Préparer l'après-conflit est impératif, mais penser que nous sommes déjà dans cet après-conflit serait une erreur. Au cours de ce premier mois de conflit, un certain nombre de succès ont été engrangés. Les pertes humaines et matérielles ont été aussi contenues que possible, même si elles sont insupportables. J'ai naturellement une pensée forte pour les otages, pour leurs familles, ainsi que pour les soldats morts au combat. Mais soyons lucides : la phase militaire la plus critique est peut-être à venir. Les règlements de comptes interethniques menacent. Un enlisement ne peut être exclu. Parler d'un désengagement imminent n'est pas réaliste ; pire, cela risquerait de redonner espoir aux djihadistes.
Par ailleurs, les réserves que nous avions émises ici même lors de l'entrée en guerre ne sont pas totalement levées. Les buts de notre intervention n'ont pas été suffisamment clarifiés à mon goût. Les déclarations contradictoires quant à la date de la fin de notre engagement sont symptomatiques de ces difficultés.
Les armées africaines ne sont toujours pas en mesure d'apporter un soutien militaire décisif, et encore moins prêtes à prendre le relais de l'armée française.
Malgré quelques concours logistiques ou de renseignement, tel l'appui des drones américains, l'isolement de la France demeure. Malgré quelques avancées, l'Europe reste aux abonnés absents. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Il y a quelques semaines, l'Union africaine a lancé un appel à l'OTAN afin de contourner cet isolement. Monsieur le Premier ministre, cet appel a-t-il été lancé ou non en accord avec notre diplomatie ? En aucun cas les députés communistes, républicains et du parti de gauche n'accepteront qu'une conduite atlantiste se substitue à un mandat onusien. L'implication de l'OTAN au Mali raviverait le spectre du conflit des civilisations. Ne rééditons pas les expériences malheureuses afghane et irakienne !
J'en viens maintenant aux perspectives de développement et de reconstruction. La guerre au Mali constitue le dramatique révélateur de la crise profonde entre la France et l'Afrique, entre l'Union européenne et l'Afrique. Cet échec d'une diplomatie trop longtemps inféodée aux intérêts de la Françafrique et au soutien de gouvernements corrompus ou totalitaires a eu des conséquences incalculables. C'est l'échec d'une politique de développement conçue au seul service des multinationales. Depuis les accords de Lomé de 1975, l'ouverture débridée des marchés a déstructuré l'économie et les relations sociales de ces pays. Nos entreprises ont profité des ressources naturelles sans que les populations locales puissent asseoir un véritable développement endogène. Les politiques d'ajustement structurel du FMI ont encouragé les privatisations des services publics et participé au délitement de l'État malien.
Dans le domaine de la coopération, il est urgent de réorienter véritablement notre aide publique au service du développement des pays les plus pauvres. On le sait : le sous-développement du nord-Mali a permis que les djihadistes y prospèrent depuis plusieurs années, y compris en menant des activités mafieuses. En dix ans, la France n'a apporté que 162 millions de dollars de subventions au Mali, soit 4 % de notre aide publique pour l'un des pays les plus pauvres de la planète. Cette somme est dérisoire au regard du coût de l'opération militaire en cours et de la dette que nous avons à l'égard de cette ancienne colonie.
En mars 2011, l'Union européenne lançait une ambitieuse stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel, tombée depuis aux oubliettes. Cette volonté doit être relancée au plus vite. Il est tout aussi urgent d'annuler ce qui reste de la dette malienne. Le Mali, je le répète, est l'un des pays les plus pauvres de l'humanité ; il reste très endetté vis-à-vis des banques internationales.
La légitimité du système politique malien est à rebâtir de fond en comble, sur la base d'un dialogue national sans exclusive. La France doit appuyer ce processus, sans ingérence.
L'annonce de prochaines élections va dans le bon sens mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette consultation, de l'avis même des forces progressistes maliennes, n'est pas la priorité. La priorité au Mali n'est pas d'organiser une consultation qui clive, mais de rassembler toutes les composantes du pays pour discuter, débattre et définir la société malienne de demain. Ne présentons donc pas les prochaines élections comme la panacée ou la solution à tous les problèmes !
Laissons enfin les peuples africains décider librement de leur développement, en substituant les coopérations aux dominations. Permettons enfin à la population de tirer bénéfice de ses richesses naturelles, culturelles et intellectuelles sans les accaparer.
Entre l'Europe et l'Afrique, continents frères, l'heure est à une véritable solidarité. Je suis convaincu que l'Afrique est l'avenir de notre planète. Il faut pour cela un nouvel ordre économique mondial, reléguant au placard les diktats de la finance et les plans d'austérité du FMI. Construisons cette nouvelle mondialisation, celle du partage des richesses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, nous sommes réunis une nouvelle fois dans le cadre du contrôle parlementaire de l'action gouvernementale…
…pour débattre d'opérations militaires extérieures. Dans une Constitution encore trop marquée par la culture du domaine réservé, je veux souligner le respect plus important manifesté par l'exécutif à l'égard de l'Assemblée nationale…
…à propos de notre politique étrangère, particulièrement lorsque notre armée est engagée dans des opérations extérieures.
Mes chers collègues, les armes parlent toujours à l'heure où nous débattons, mais la paix se prépare maintenant, elle se réfléchit maintenant, elle se gagne maintenant.
Pour reconstruire un Mali prospère, indépendant et démocratique, il y a bien des chantiers politiques à engager : ils exigent, pour l'Afrique sahélienne dans son ensemble – au-delà du Mali –, la même ambition qu'il nous a fallu pour reconstruire l'Europe en 1945. Il faut aider les Maliens, sur tout le territoire, à reconstruire les capacités d'un État dont le recul progressif est l'une des causes de la situation actuelle. C'est aussi le cas dans bien d'autres pays de la région.
Le djihadisme et les trafics d'armes, de drogues mais aussi d'êtres humains qui infectent la bande sahélo-saharienne ne sont pas nés à partir de rien. Nous devons identifier les racines du mal et les responsabilités si nous ne voulons pas que de nombreux pays d'Afrique soient confrontés demain à un avenir impossible. La gangrène, c'est d'abord la pauvreté, le sous-développement et la corruption qui, contrairement à ce qu'affirment les afro-pessimistes, n'ont rien d'ontologiquement africain mais sont le résultat de fautes politiques et d'incompétences cumulées autant que de la prédation des autres.
L'effondrement de l'État malien est aussi le fruit des politiques d'ajustement structurel du FMI qui ont privatisé, des choix de l'OMC qui dérégulent et des marchés agricoles qui spéculent. Je n'oublie pas que les Sahéliens sont les premiers à avoir subi les dernières grandes émeutes de la faim. Soyons lucides : le néolibéralisme, l'intégrisme religieux et les mafias ont un ennemi commun, l'État ; ils prospèrent dans les secteurs privatisés par ce dernier. Regardons par exemple, au Sénégal, comment la fermeture de la ligne de train qui reliait Dakar à Saint-Louis a enclavé et appauvri cette ville, plus proche désormais de la Mauritanie que de la capitale de son propre pays. Il est donc urgent de concevoir une tout autre stratégie de coopération, dont la première étape devra conduire au renforcement des institutions régaliennes – armée, gendarmerie, collectivités territoriales, justice, éducation.
La politique devra bien sûr reprendre ses droits sur le fracas des armes. Le processus électoral qui va s'ouvrir permettra certainement aux Maliens de s'interroger sur une intégration plus forte du nord et de ses habitants – pas seulement des Touragegs, qui sont une minorité parmi d'autres – dans le développement de tout le pays.
Les Maliens sont d'abord soucieux de retrouver l'intégrité de leur territoire – il s'agit du premier but de guerre, comme les ministres des affaires étrangères et de la défense l'ont rappelé à plusieurs reprises. Il serait curieux que certains, surtout des non-Maliens, proposent déjà des plans d'autonomie, alors que l'unité territoriale du Mali n'est pas encore totalement effective à l'heure où nous parlons.
Au-delà du Mali, c'est l'ensemble des pays sahéliens voisins qui sont concernés, en particulier la Mauritanie et le Niger. Parmi les engagements de Mahamadou Issoufou, président de la République du Niger, figurait la scolarisation obligatoire des filles et des garçons de trois à seize ans. Nous, Français, savons ce que notre République doit à cette grande ambition. Or, à défaut de réponse sérieuse des partenaires du Niger – dont la France et les pays francophones –, ce sont des madrasas qui ont ouvert en lieu et place des écoles publiques désirées par le gouvernement du Niger. Une orientation concrète pourrait être, par exemple, la mise en oeuvre d'une solidarité francophone internationale dans le domaine éducatif pour permettre aux pays de la région de disposer de systèmes éducatifs dignes de ce nom. La francophonie doit jouer pleinement son rôle !
Une autre approche, agricole, dont l'objectif demeure la souveraineté alimentaire des peuples, s'impose également. Nous pouvons lutter en particulier contre deux fléaux : la spéculation agricole – je sais que M. Canfin s'y atèle – et l'accaparement des terres.
Cette exigence est d'autant plus importante que les enjeux démographiques sont sans commune mesure avec ce que nous connaissons en Europe. En l'état actuel de la dynamique démographique, c'est toute la région sahélienne qui est menacée. Si rien n'est fait dans ce domaine, alors d'autres conflits et d'autres guerres se prépareront.
Monsieur le Premier ministre, vous comprendrez que je n'oublie pas nos compatriotes qui résident au Mali et qui, malgré les épreuves, sont restés avec leur famille et leurs amis. À Bamako comme partout dans le monde, nos compatriotes sont des acteurs concrets et sincères du développement. Vers eux, souvent, se tournent les regards : ceux-ci sont agressifs lorsque notre politique étrangère est contestée, mais amicaux et bienveillants lorsqu'elle est comprise – c'est le cas aujourd'hui. Les Français vivant hors de France sont nos ambassadeurs : ils portent une part de nous-mêmes. Plus que jamais, écoutons-les, accompagnons-les et rassurons-les. Au-delà des légitimes préoccupations de sécurité, il nous appartient de rendre possible une vie sociale pour les familles et une vie scolaire pour les enfants.
Depuis le discours du Président de la République devant le parlement du Sénégal jusqu'à celui de Bamako, en passant par celui de Kinshasa, la nouvelle cohérence africaine de la France consiste à tourner le dos à la Françafrique. Monsieur le Premier ministre, la France a eu raison d'intervenir au Mali. Elle doit désormais prendre la tête d'une véritable coalition internationale pour un nouveau partenariat avec l'Afrique, axé résolument vers le développement.
Mes chers collègues, je conclus en rappelant le contexte, ou plutôt l'Histoire immédiate – avec un H majuscule – qui traverse le continent africain. Des démocraties sont en gestation au Maghreb, portées là-bas aussi par les sociétés civiles contre les obscurantistes. L'Afrique de l'ouest connaît un développement économique mais doit faire face aux risques lourds de morcellement. De l'avenir du Sahel dépend la réalisation ou la trahison d'une belle promesse : celle de l'émancipation humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, quarante-huit jours après la réponse de la France à l'appel au secours que lui avait adressé le président du Mali, nous pouvons saluer les succès de l'opération Serval. Grâce à la rapidité de décision dont a fait preuve le Président de la République et au professionnalisme comme au courage de l'armée française, l'agression terroriste contre Bamako a été arrêtée, puis la quasi-totalité du territoire malien a été libérée.
Après vous, monsieur le Premier ministre, je veux saluer la mémoire de nos deux militaires tués au combat ainsi que du photographe mort dans l'exercice de son métier.
Je ne ferai pas au Gouvernement français le mauvais procès de n'avoir pas réuni une large coalition militaire autour de lui. Nous voyons bien aujourd'hui, monsieur le ministre de la défense, que cette action était à la portée de l'armée française et nous remercions nos alliés pour leur soutien logistique.
Par ailleurs, si la France s'est engagée avec le seul concours d'une armée malienne qui a retrouvé sa combativité et qui déplore aussi des pertes, très vite les pays africains se sont à leur tour mobilisés, au point que le nombre de soldats africains engagés dépasse aujourd'hui celui des forces françaises.
L'armée malienne et la MISMA, dont le déploiement s'intensifie, doivent se substituer à l'armée française, qui n'a pas vocation à s'éterniser sur le sol malien. Les États membres de l'Union européenne contribuent à la formation de l'armée malienne.
Il s'agit aujourd'hui de nous engager dans une deuxième phase de notre action. Cette phase, nous le savons, sera longue et difficile. Mais le Mali n'est pas l'Afghanistan, ne serait-ce parce que la France peut compter sur l'appui très large de la population malienne et sur le concours de tous les pays limitrophes, y compris l'Algérie. Nous savons aussi que la guerre ne sera gagnée que si nous créons les conditions d'une paix durable.
La première de ces conditions est, à court terme, d'ordre politique : le dialogue avec les représentants des populations du nord qui n'ont pas trempé dans le terrorisme, d'une part ; la reconstruction de l'État, d'autre part. Des élections devront être organisées d'ici à la fin du mois de juillet. Une feuille de route a été adoptée par le Parlement malien, par laquelle les autorités s'engagent dans ce processus de dialogue avec les populations du nord.
La deuxième condition est le développement du pays. La France et l'Union européenne ont engagé des moyens considérables en faveur de l'action humanitaire, notamment des 350 000 personnes déplacées ou réfugiées et de l'aide au développement, nous en parlions récemment avec M. le ministre Canfin. Car le Mali souffre d'un manque criant d'infrastructures. Il doit aussi exploiter, enfin, ses atouts agricoles.
Pouvez-vous, messieurs les ministres, nous dire dans quelle mesure la feuille de route est respectée et quelles sont les nouvelles actions entreprises pour le développement du Mali ?
Enfin, je souhaiterais que vous nous expliquiez quels enseignements peuvent être tirés de ce conflit pour l'avenir de la politique européenne de sécurité et de défense commune.
Lors d'une réunion, lundi dernier, avec la commission des affaires étrangères du Bundestag, j'ai pu constater que nos partenaires allemands étaient ouverts à des avancées dans ce domaine, notamment qu'ils partageaient mon souhait que l'Union se dote au moins d'une analyse commune des menaces et des priorités stratégiques. Ce conflit a mis en évidence les lacunes capacitaires, bien connues, en termes de transport de troupes, de ravitaillement en vol, de renseignement, pour lesquels nos alliés nous ont considérablement aidés et nous les en remercions. Il a souligné une nouvelle fois tout l'intérêt d'une mutualisation des capacités européennes pour faire face à l'urgence.
Notre action au Mali révèle certes les insuffisances et les lourdeurs de l'Union européenne dans ce domaine, mais surtout l'impérieuse nécessité qu'il y a à définir enfin une stratégie européenne de sécurité et de défense multidimensionnelle.
Quelles initiatives la France compte-t-elle prendre en vue du Conseil européen consacré à cette question en décembre prochain ? Nonobstant les remarques bien connues de notre collègue Myard, …
…je fais confiance à la capacité de proposition de la France à laquelle j'espère, mes chers collègues de l'opposition, vous apporterez une contribution ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chère Élisabeth Guigou, chers collègues, je remercie le président du groupe socialiste d'avoir demandé l'inscription de cet échange à l'ordre du jour de notre assemblée. La situation au Mali est le principal sujet de préoccupation des députés de la commission de la défense, puisque les opérations militaires en cours prennent nécessairement le pas sur tous les autres sujets. L'opération Serval ne doit pas pour autant nous faire oublier que d'autres soldats français sont en mission opérationnelle à l'étranger. Je pense notamment aux militaires toujours présents à Kaboul, à ceux qui sont au Liban et à bien d'autres.
Si la question du « jour d'après » est légitimement posée, les opérations militaires sont toujours en cours. Le 19 février, la mort au combat de l'un de nos soldats, le deuxième, mais également la mort de vingt-trois Tchadiens il y a à peine une semaine nous l'ont rappelé. Je remarque aussi que la question des suites de l'opération militaire a été posée dès la semaine qui a suivi son déclenchement. Le temps des médias n'est pas celui de la diplomatie, encore moins celui de la défense, je suis certaine que nous en sommes ici tous convaincus. Nos amis maliens présents dans les tribunes nous l'ont rappelé tout à l'heure lors de notre entretien.
Je salue devant vous l'attitude du Gouvernement, qui fournit un important effort de transparence en direction des parlementaires. Ainsi la commission de la défense entend chaque semaine le ministre de la défense – et je l'en remercie – afin de faire le point sur les opérations, sur la montée en puissance des contingents de pays tiers et sur la coopération avec les pays frontaliers de la zone des opérations. Ayant dit cela, je ne puis ignorer que, d'une certaine façon, nous avons entamé il y a peu la partie la plus difficile des opérations militaires : celle qui consiste à réduire le bastion des narco-djihadistes.
Il s'agit d'une mission périlleuse, complexe, dangereuse pour les soldats qui y sont engagés. En méconnaître la difficulté et donner le sentiment que nous nous projetons déjà dans les suites à donner – même s'il faut le faire – serait un signal ambigu. Cela pourrait faire croire à notre ennemi que nous ne sommes déjà plus concentrés sur les combats en cours. (M. Nicolas Dhuicq applaudit.)
Je ne vous cache pas, messieurs les ministres, que j'ai été étonnée par certaines expressions. Des collègues ont laissé entendre que les buts stratégiques de la France au Mali fluctuaient. D'autres ont cru discerner une forme d'isolement de la France dans son action. Sur ces deux points, je suis heureuse, monsieur le Premier ministre, que vous ayez rappelé les faits et rétabli la vérité. Puisqu'il faut parler de l'avenir, je ne dirai qu'une chose : il se joue en ce moment, à la fois là-bas et ici ; dans le nord Mali et en France. L'Afrique est en effet notre frontière la plus proche.
Alors que cette donnée avait été un peu oubliée dans sa précédente version, le prochain Livre blanc le rappellera. L'ennemi s'est dilué mais il n'a pas disparu.
Seul un plein succès militaire empêchera les djihadistes de recourir aux moyens de la guerre asymétrique, qu'ils ont décidée, réfléchie et organisée. Les prises d'armes en sont la preuve, comme M. le ministre l'atteste. Le Mali comme l'opération Serval ne sont pas, hélas, des cas d'espèce. Au moment où les travaux de la commission du Livre blanc s'achèvent et où les décisions sur les contours de la loi de programmation militaire se préparent, notre avenir, l'après-Mali, l'après-Sahel s'écriront aussi à l'aune des moyens qui seront consentis à notre défense.
Les conséquences des choix seront considérables pour notre pays, pour l'Europe, pour l'Afrique, et pour tous ces pays qui attendent de la France et de l'Union européenne qu'elles puissent leur éviter l'irréparable. Nous discuterons bientôt de la loi de programmation militaire et j'attends beaucoup du débat que nous aurons probablement début avril, si l'opération militaire française devait se poursuivre au-delà de quatre mois. D'ici là, la commission de la défense poursuivra le travail qu'elle a entamé sur l'opération Serval, une mission ayant été décidée. Elle a d'ores et déjà commencé à envisager de quelle façon cette opération pouvait être un élément utile de la discussion avec nos partenaires européens en matière de défense. Nous en discuterons avec nos collègues de la commission des affaires européennes et des affaires étrangères.
Je souhaite adresser un message à nos amis maliens parlementaires ici présents, en particulier à Mme la présidente de la commission des lois. Le 8 mars est la journée internationale de la femme. Les femmes représentent 55 % de l'électorat malien. Sachez, madame la présidente, que nous, femmes françaises, femmes parlementaires, nous attendons beaucoup de vous parce que l'avenir de votre pays passe par celui des femmes. J'espère qu'elles y participeront, nombreuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Nous en arrivons aux questions. Je rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
Pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, la parole est à M. Philippe Baumel.
Bien que les opérations militaires au Mali ne soient pas achevées, nous devons débattre de l'avenir de nos coopérations et du renouveau de notre politique de développement.
Nous le savons tous, et ce conflit en est la preuve, les extrémismes au Mali et en Afrique de l'Ouest ne prospèrent jamais autant que lorsque l'État se délite, la nation se divise, l'opacité prospère et les inégalités se multiplient. Le Mali en est malheureusement un douloureux témoignage !
Aujourd'hui plus qu'hier encore, coopérer, soutenir, accompagner doivent être les mots d'ordre de notre politique et les guides de notre action. Aujourd'hui, les principales villes maliennes libérées manquent de tout : eau, électricité, infrastructures de santé ou de communication. La question de l'indépendance alimentaire et agricole se pose. Et le peuple malien vit une situation d'urgence.
Si le temps de la coopération et du redémarrage du développement est nécessairement un temps long, la bataille de la reconstruction, elle, doit se gagner dans les six prochains mois par une action énergique et concertée.
D'abord, en redéclenchant nos aides au développement stoppées depuis le coup d'État du mois de janvier 2012. Mais aussi en mobilisant l'Union européenne et la diaspora malienne, et surtout, et c'est peut-être là l'essentiel, en osant affirmer la volonté de la France de coordonner pour plus d'efficacité les programmes d'aide en s'appuyant principalement, au-delà des coopérations d'État à État, sur les collectivités locales maliennes, sans plus passer uniquement par les énormes machines que constituent un certain nombre d'organismes internationaux qui n'ont pas toujours fait la preuve d'une efficacité parfaite.
Aussi, messieurs les ministres, pouvez-vous nous indiquer les actions que la France et ses partenaires entendent engager dans les meilleurs délais pour accompagner la reconstruction du Mali et participer à la consolidation de l'unité du pays ?
Nous parlons cet après-midi devant des représentants de l'assemblée malienne, que je salue. Ce faisant, nous adressons nos saluts au peuple malien.
Monsieur Baumel, il faut en permanence avoir à l'esprit trois aspects. L'aspect sécuritaire et militaire, l'aspect démocratique et l'aspect développement et humanitaire. Votre question porte sur le troisième aspect. Des initiatives françaises et européennes ont été prises. Au mois de mai se tiendra une conférence coprésidée par les autorités européennes et nous-mêmes. S'agissant de la coopération décentralisée, que je préfère appeler désormais « action extérieure des collectivités locales », nous réunirons le 19 mars à Lyon toutes les collectivités concernées. J'ai demandé que le ministre malien des affaires étrangères M. Coulibaly soit présent. Il y aura des Maliens de France et du Mali. L'action étatique étant insuffisante au Mali, il faut l'améliorer. Mais l'action extérieure des collectivités locales doit se poursuivre et être mieux coordonnée. C'est dans cet esprit que nous allons travailler.
Ma question porte sur le même sujet que celle de Philippe Baumel.
Au Mali, l'évolution des institutions depuis 1992, la mise en oeuvre de la décentralisation en 1994 et 1995, les élections locales, l'activité des ONG ont permis des avancées démocratiques. Mais tout cela n'a pas empêché le coup d'État.
L'organisation territoriale a cependant résisté pendant cette crise, sauf bien sûr dans le nord, où depuis quelques jours les élus ont commencé à revenir. Une tâche immense les attend. Il faut assurer le retour de l'État et des administrations locales, le bon fonctionnement de ces collectivités et celui des services essentiels : l'eau, l'électricité, l'éducation, la santé, le trésor public et les finances locales, le système bancaire. Il importera ensuite d'envisager le retour des personnes déplacées et des réfugiés, qui sera fonction de la mise en place d'espaces sécurisés et de la possibilité d'accéder à ces services rétablis. Enfin, il s'agira de préparer les élections.
Dans le même temps, la commission nationale du dialogue incitera les populations à s'engager dans l'effort de réconciliation.
L'Association des municipalités du Mali, à travers les travaux de son forum de novembre 2012, a complété la feuille de route votée par le Parlement : plus de trente mesures sont proposées pour la sortie de crise. Les élus du nord – même s'il existe, nous le savons, quelques défaillances – pourront également s'appuyer sur l'Agence nationale d'investissement des collectivités territoriales, l'ANICT, qui dispose à présent d'une expérience opérationnelle de plus de douze ans – elle a été créée le 7 juillet 2000 – avec à sa tête un directeur issu du nord du pays, personnalité bien connue dont on sait l'efficacité.
L'action extérieure des collectivités territoriales, que vous évoquiez à l'instant, monsieur le ministre, remonte à plus de trente ans pour ce qui est des relations avec le Mali : elle implique plus de cent cinquante collectivités et 400 partenariats noués avec les associations. Citons Ménaka, liée à Saint-Jean-de-Boiseau, dans la région nantaise, que M. le Premier ministre connaît bien, ou encore les coopérations avec Tessalit, Kidal, Gao, Tombouctou qu'ont établies d'autres villes françaises que nous retrouverons lors de la réunion du 19 mars.
Nous pensons que cette action extérieure doit s'appuyer sur les institutions qui, pendant toute cette période, ont résisté et prouvé leur solidité, notamment l'AMM.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le député. C'est dans cet esprit que Pascal Canfin et moi-même préparons la réunion du 19 mars.
Je voudrais revenir d'un mot sur certaines points évoqués par les orateurs dans la discussion générale, car l'organisation du débat fait que le Gouvernement n'a pas eu l'occasion de leur apporter des précisions.
Il faut que le dialogue national s'engage. L'Assemblée, le Premier ministre, le président Traoré ont fixé à la fin du mois de février le lancement de la commission de dialogue et de réconciliation. Il reste peu de jours et j'ai eu hier même au téléphone mon collègue des affaires étrangères pour lui rappeler ce délai, dont il est très conscient. Nous attendons du Président, du Premier ministre et des autorités maliennes que cette date soit respectée.
De même doit être absolument respectée, selon nous, la date des élections. Pourquoi ? Parce que pour des raisons climatiques, si l'on laisse passer la date du mois de juillet qui a été proposée, cela reportera la tenue des élections beaucoup plus loin. Alors se posera toute une série de problèmes qui viendront s'ajouter aux problèmes actuels, celui de la légitimité du Gouvernement, celui de sa capacité à mener à bien le dialogue…
Il faut absolument, nous y insistons, que la commission de dialogue et de réconciliation se mette au travail et que les élections, dans leurs modalités techniques, aient lieu à la date prévue. Il y aura peut-être des insuffisances et les autorités maliennes pourront solliciter la présence d'observateurs, mais le fait qu'il y ait un président élu et une nouvelle assemblée élue est absolument indispensable pour faire en sorte que, sur le plan de la sécurité, sur le plan du développement, sur le plan économique, sur le plan démocratique, les choses puissent être faites comme elles doivent être faites.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à associer à ma question mon collègue Gwenegan Bui.
La France agit au Mali dans l'intérêt de ce pays et à sa demande. L'opération Serval a pour objectif de lutter contre les groupes terroristes et vise à protéger les intérêts de la France, de l'Europe et de l'Afrique.
Cette opération exemplaire est tout le contraire de la « Françafrique » et se différencie radicalement d'opérations militaires menées par le passé, qui trop souvent prenaient parti dans des conflits de politique intérieure. À la demande du président malien et dans un cadre international légal, cette intervention est dirigée contre les agresseurs extérieurs qui menaçaient l'intégrité territoriale et la souveraineté du pays.
Les critiques de certains sur l'isolement de la France au Mali sont totalement infondées et relèvent de la pure polémique politicienne. Plusieurs États européens – la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark – ont mis des moyens logistiques à disposition. Une mission de formation de l'Union européenne va être déployée ainsi qu'une aide humanitaire et une aide financière aux forces africaines.
Les pays africains sont impliqués au sein de la MISMA, la mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine, l'Organisation des Nations unies envisage de déployer les Casques bleus, John Kerry a félicité la France pour son intervention réussie et les États-Unis ont débloqué l'équivalent de plusieurs millions d'euros pour aider les troupes françaises.
C'est donc bien l'ensemble de la communauté internationale qui salue et soutient l'action française conduite par le Président de la République.
Toutefois, c'est la France qui assume l'essentiel du coût financier de la mission qui protège l'ensemble des États européens. L'opération a déjà coûté plus de 100 millions d'euros et d'autres fonds devront être débloqués pour garantir le succès de cette intervention nécessaire.
Ma question est donc la suivante, messieurs les ministres : la France étant engagée au Mali dans l'intérêt de l'ensemble des Européens, ne conviendrait-il pas de déduire le coût de l'intervention militaire française du calcul des 3 % de déficit imposés par le pacte de stabilité européen ? (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'attendais la chute ! Je pense que c'est une suggestion qui ne sera pas immédiatement prise en compte par nos voisins, mais il n'est pas interdit d'espérer !
Je voudrais revenir sur votre prise de position, que je partage entièrement. Même si c'est la France qui est intervenue au premier chef, l'opération au Mali a recueilli divers soutiens de la part de la communauté internationale, notamment de l'Europe, même si, comme certains d'entre vous l'ont rappelé, cela peut paraître insuffisant.
J'ai été attentif aux thématiques qui ont été abordées cet après-midi et à ceux qui les abordaient. Il faut être cohérent. Si l'on déplore – ce qui est parfaitement légitime – des insuffisances dans l'action de certains pays européens, alors il importe d'en tirer la conséquence qu'il faudrait une politique de sécurité et de défense plus forte. Je voudrais être sûr que tous ceux qui formulent ces reproches se prononceront le moment venu en faveur d'une défense européenne. En tout cas, je garderai cela à l'esprit.
En ce qui concerne la communauté internationale, je précise que nous allons demander le passage à une OMP, une opération de maintien de la paix, qui aura plusieurs conséquences, notamment de faire assumer l'essentiel du coût de l'opération par les mécanismes des Nations unies.
La France consent un très gros effort, cet effort est salué ; mais apporter une contribution, c'est une manière supplémentaire de le saluer.
Nous en venons maintenant aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Pierre Lellouche.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames les présidentes, le Président de la République a décidé le 11 janvier dernier de faire intervenir nos forces armées au Mali pour arrêter une incursion de terroristes islamistes vers le sud du pays. Depuis le début de ce mois, nous sommes entrés dans une nouvelle phase que j'appellerai une phase de guérilla asymétrique.
Après avoir reconquis les villes du nord du Mali, nos soldats sont engagés désormais dans des combats probablement longs et difficiles avec des éléments terroristes dans le nord du pays. Cette nouvelle phase n'est pas sans rappeler la guerre d'Afghanistan où nous sommes intervenus onze années durant avant que le Président Hollande, nouvellement élu, ne décide de retirer nos forces à la fin de l'année dernière.
Dans ces conditions, sans qu'il soit question de remettre en cause les prérogatives constitutionnelles du Président de la République et encore moins le bien-fondé de la lutte contre le terrorisme, un certain nombre d'interrogations se font jour, interrogations que l'opposition a le devoir de soumettre ici au Gouvernement.
Première interrogation : quelle est désormais la mission des forces françaises et quand pensez-vous que cette mission sera remplie ? Quand envisagez-vous le retrait des forces françaises ? Nous avons entendu sur ce point des déclarations contradictoires de la part des ministres des affaires étrangères et de la défense.
Deuxième interrogation : l'État malien étant aujourd'hui – c'est le moins que l'on puisse dire – très fortement affaibli et n'étant pas doté d'institutions stables, comment et quand comptez-vous obtenir une stabilisation institutionnelle de ce pays ?
Troisième interrogation : quand l'État malien sera-t-il en mesure d'installer des services publics dans les villes récemment libérées par l'armée française dans le nord du Mali ?
Quatrième interrogation : qui va tenir ces villes ? L'armée française ou les forces africaines ? Et quand ces dernières seront-elles en mesure de le faire ?
Cinquième interrogation : pourquoi sommes-nous si seuls dans cette mission qui intéresse pourtant la sécurité de toute l'Europe et, au-delà, de toutes les démocraties occidentales ?
Pourquoi les moyens militaires mis à la disposition de la France par nos partenaires et alliés sont-ils à ce point réduits, voire inexistants ? Pourquoi l'Europe ne consacre-t-elle que 50 millions d'euros à la formation de l'armée malienne, ce qui correspond à moins d'un mois de déploiement de nos forces dans ce pays ?
Sixième interrogation, monsieur le ministre de la défense : comment sera financée une intervention de longue durée au Mali, sachant que cette opération coûte entre 60 millions et 100 millions par mois et que le montant total prévu dans le budget de la défense pour les opérations extérieures ne couvrirait, si ce rythme est maintenu, que six mois d'intervention ?
Je conclus avec la septième et dernière interrogation, monsieur le ministre de la défense : quelles conséquences convient-il de tirer de l'opération au Mali et plus généralement de l'instabilité au sud de l'Europe dans notre prochain Livre blanc, à la veille de réductions, semble-t-il drastiques, qui vont être infligées au budget de la défense dans les prochaines années puisque nous risquons de tomber à 1,25 % du PIB contre près de 2 % ces dernières années ?
Voici quelques-unes des interrogations que nous formulons devant vous, messieurs les ministres, face à cette guerre au Mali.
Je ne vais pas pouvoir répondre en deux minutes à l'interrogatoire de M. Lellouche. Je voudrais simplement lui rappeler que depuis le 11 janvier, j'assiste chaque semaine à une réunion de la commission de la défense et que j'aurai plaisir à l'y voir pour lui donner toutes les informations qu'il sollicite. Ses sept séries de questions appellent en effet de longs développements que je ne pourrai exposer dans le temps qui m'est ici imparti.
Nous entrons effectivement dans une phase nouvelle, mais les missions des forces françaises au Mali n'ont pas changé depuis le 11 janvier. J'ai déjà eu l'occasion de dire ici et je le dis à nouveau : elles étaient au nombre de trois.
La première mission était d'arrêter la progression des groupes djihadistes vers le sud, ce qui a été fait rapidement.
La deuxième est de libérer l'ensemble du territoire malien des groupes terroristes. Elle est en cours et connaît sa dernière phase.
La troisième est de permettre le déploiement des forces africaines qui ont été mandatées au titre de la résolution 2085 des Nations unies.
Nous sommes dans une phase difficile, mais le déroulement des opérations est tout à fait conforme au calendrier prévu par l'état-major des armées. Nous savions qu'à la fin, nos forces atteindraient le sanctuaire des djihadistes.
Ces trois missions sont celles du Président de la République et du Gouvernement. Nous n'avons aucune divergence d'appréciation sur les délais ou sur le rythme de l'opération avec le ministre des affaires étrangères.
Pour ce qui est des autres points que vous soulevez, j'apporterai des précisions complémentaires en répondant à d'autres questions. S'agissant de l'aspect financier, je vous rappelle que j'ai eu l'occasion de m'exprimer il y a dix jours devant la commission des finances et la commission de la défense réunies conjointement à l'initiative de leurs présidents respectifs.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames les présidentes, la reconquête militaire a été la première étape du rétablissement de l'intégrité territoriale du Mali.
La deuxième étape est en cours avec la reprise des activités des administrations locales, la remise en fonction du système éducatif et de l'organisation sanitaire du pays.
Une troisième étape se déroulera en juillet 2013 avec la promesse d'élections nationales à même de restaurer totalement la gouvernance et l'État de droit.
Pour atteindre pleinement cet objectif, le Mali devra relever le triple défi auquel il est confronté.
Je viens d'évoquer le défi de l'efficacité de l'État ; restent le défi politique et le défi territorial.
Le défi politique est celui de l'unité et de la fraternité entre les principales ethnies qui composent la population du pays. Il consistera à mettre fin à la crise du pôle étatique qui se situe, depuis l'indépendance, dans les pays malinké et bambara de Bamako et Ségou, à réintégrer le noyau songhaï qui se trouve autour de Gao, puis à rétablir le dialogue avec les représentants des régions sahariennes perçues comme hostiles et sécessionnistes – au sein desquelles il conviendra au préalable que s'amorcent des discussions entre groupes touaregs rivaux.
Défi territorial ensuite : une fois la stabilité politique et économique retrouvée, l'État malien devra exercer une fonction régalienne cruciale, la maîtrise de son territoire. La coopération des États voisins, Mauritanie, Algérie et Niger, sera indispensable.
Messieurs les ministres, je suis convaincu que l'Union européenne a elle aussi un rôle majeur à jouer dans ce domaine, aux côtés de l'Union africaine, en fournissant par exemple les moyens de la mise en place d'un centre sahélo-saharien régional d'observation et d'alerte. En effet, nous savons que les adversaires djihadistes de ces États savent déceler les lacunes de leur contrôle et excellent à s'implanter dans des sanctuaires montagneux et frontaliers.
Ne pensez-vous pas, messieurs les ministres, que ce type de dispositif pourrait constituer pour le Mali une aide importante, à même de lui permettre de construire un avenir stable et sécurisé, et d'assurer ainsi un retour à un Mali apaisé, souverain et maître de son destin ?
Monsieur Vitel, je pense que votre analyse est tout à fait juste, et que la suggestion que vous avez faite est extrêmement intéressante.
Je voudrais revenir sur un point de votre analyse et, pour lever toute ambiguïté, faire écho à différents propos tenus un peu plus tôt lors des interventions générales.
Il ne nous appartient pas, à nous Français, de dicter à l'État malien des choix sur son organisation.
En revanche, il est tout à fait essentiel, car tel est le sens de notre intervention, de veiller à mettre en place tout à la fois le processus démocratique, les élections, le dialogue, l'intervention militaire et le développement.
Par ailleurs, nous devons nous poser franchement la question : avec qui discuter ? Encore une fois, ce n'est pas à nous de donner les éléments de la réponse, car nous ne sommes pas de ces États qui pratiquent l'ingérence.
Deux règles, sur lesquelles toute la communauté internationale s'accorde, doivent simplement être respectées : tout d'abord, le drapeau malien doit pouvoir flotter partout, dans l'ensemble du Mali.
Il faut donc que les groupes avec lesquels seront menées les discussions respectent l'intégrité du Mali. D'autre part, ces groupes doivent accepter la présence de l'armée malienne, car plusieurs armées ne peuvent coexister au sein d'un même État. Dès lors que ces principes sont reconnus, il faut que le dialogue soit le plus large possible.
C'est ainsi que l'on progressera vers la démocratie, souhaitée par toute la communauté internationale et par les Maliens.
Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, je crois que tous ici, nous soutenons l'action remarquable menée par nos soldats ; il faut le souligner, car elle est tout à fait exemplaire. Je salue également nos amis Maliens, dont une délégation est présente ici aujourd'hui.
Il est clair que l'intervention militaire doit maintenant être relayée par une action diplomatique très forte en vue d'obtenir de l'ONU une délibération autorisant l'envoi d'une force venant relever les troupes françaises. J'aimerais savoir où nous en sommes sur ce point : l'ONU est-elle prête à mettre en place une telle force ? Celle-ci aura-t-elle pour objectif l'interposition ou la sécurisation ?
Par ailleurs, pour permettre à nos troupes de quitter le Mali et laisser à ce pays sa liberté, il faut que des élections soient organisées. Or, pour ce faire, le nord du pays doit être sécurisé ; pensez-vous dans ces conditions qu'il est encore envisageable d'organiser des élections au mois de juillet, sachant que cette sécurisation passe aussi par un retour des réfugiés afin qu'ils puissent voter ? Elle suppose également de trouver un financement pour ces élections, dont l'organisation semble très difficile.
L'intérêt de la France et sa responsabilité à l'égard de l'Afrique, comme d'autres parties du monde, justifient le maintien d'une armée forte. Or le Livre blanc de la défense en cours d'élaboration nous donne de grandes inquiétudes : nous craignons en effet que la volonté nécessaire fasse défaut, alors même que la conservation de cette force est tout à fait indispensable, notamment pour la sécurité intérieure à long terme de notre pays.
Sur ce dernier point, le ministre de la défense ainsi que l'ensemble du Gouvernement vous ont entendu : bien évidemment, nous tenons compte dans le Livre blanc de la défense des événements en cours.
Vous avez posé deux questions, l'une relative à l'ONU et l'autre aux élections. Concernant l'Organisation des Nations Unies, j'en ai discuté cet après-midi même avec le Secrétaire d'État américain, M. John Kerry, de passage à Paris, ainsi qu'avec les membres du gouvernement malien que j'ai eus hier au téléphone. Nous souhaitons – et j'entends par là la communauté internationale – que soit adoptée une opération de maintien de la paix.
Celle-là présenterait différents avantages : il ne s'agirait pas d'une mission d'interposition, car l'interposition suppose l'existence de deux parties ; or dans le cas présent, l'on ne voit pas qui seraient les parties. Il s'agirait donc d'une opération de stabilisation.
Une discussion très fructueuse s'est établie entre nos représentants permanents. Je puis ainsi vous confirmer que les choses progressent dans le bon sens et que nous devrions pouvoir obtenir cette « OMP », puisque tel est le sigle, dans des délais tout à fait corrects.
La question des élections quant à elle pose une difficulté, mais il ne faut pas que, le Mali étant dans la situation que l'on connaît, l'on ajoute à cette difficulté intrinsèque tellement de conditions que la tenue des élections en deviendrait impossible. Ainsi, des terroristes d'AQMI se trouvent encore certainement dans le nord du pays ; si on leur demande d'organiser le scrutin, il est peu probable qu'ils consentent à le faire !
Il faut donc tout à la fois que la sécurisation soit réalisée – les troupes font leur travail d'une manière remarquable –, que le dialogue soit engagé, et que tous les éléments techniques soient rassemblés afin que les élections puissent se tenir à la date prévue, en présence d'observateurs.
Je ne vous dirai pas que les élections se dérouleront dans les mêmes conditions qu'en Suisse ou en Grande-Bretagne – pour ne pas parler de la France – car les conditions ne sont pas les mêmes. Mais il est essentiel que l'on ne tire pas prétexte des difficultés existantes pour retarder les élections, car cela conduirait ensuite à de nouvelles difficultés.
Les autorités maliennes gardent cette idée en tête, et la communauté internationale comprend très bien cela. L'ONU peut nous aider et, pour répondre précisément à votre question, l'Europe participera au financement de ces élections à travers le programme que M. le ministre Pascal Canfin vous a détaillé.
Nous en venons aux questions du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Folliot.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les relations entre la France et le Mali, comme avec toute cette partie de l'Afrique, sont très anciennes.
Cette intervention constitue à certains égards un juste retour : lorsque notre pays a subi les affres des deux guerres mondiales, les Maliens se sont tenus à nos côtés pour nous aider à combattre l'occupant.
Ces liens sont tellement forts que nous devons saluer et rendre hommage à la communauté malienne en France comme à la communauté française au Mali, l'importance numérique de l'une comme de l'autre symbolisant justement l'attachement mutuel entre nos deux pays.
Lors de mon intervention tout à l'heure, j'ai développé, tout comme d'autres orateurs, l'idée suivante : rien ne pourra se faire sans une stratégie de développement du Mali. Or il est essentiel, pour assurer le développement, d'accéder à l'énergie ; ce point constitue une difficulté majeure.
Au-delà des questions relatives à l'éducation, qui sont essentielles, ou au développement agricole, tout aussi importantes, le Mali doit donc pouvoir accéder à l'énergie.
Lorsqu'il était ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo avait soutenu une initiative en faveur de l'accès à l'énergie pour l'Afrique, qui misait sur le développement de ressources propres, et notamment des énergies renouvelables dont le potentiel dans ces pays est très important.
Ma question sera simple, monsieur le ministre : quel est le plan du Gouvernement pour que le Mali, et plus généralement l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, puissent bénéficier dans de bonnes conditions de ressources énergétiques, notamment renouvelables ?
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Folliot, je me permettrai de répondre, avant d'évoquer le sujet spécifique de l'énergie, aux différentes questions qui ont été posées sur le développement.
La stratégie française repose à ce stade sur quatre piliers. Le premier d'entre eux est la reprise de l'aide bilatérale : annoncée la semaine dernière, elle est désormais opérationnelle. L'Agence française de développement, de nouveau présente sur place, travaille en effet à la sélection des projets qui seront financés avec les 150 millions d'euros qui avaient été gelés après le coup d'État de mars 2012.
Deuxième pilier : nous travaillons dans un cadre européen à la reprise de l'aide budgétaire. L'Union européenne a d'ores et déjà annoncé une aide de 250 millions d'euros, et nous travaillons à un chiffrage global qui pourra être communiqué lors de la Conférence internationale des donateurs, laquelle se tiendra mi-mai à Bruxelles sous coprésidence de la France et de l'Union européenne.
Je précise que la reprise de cette aide est conditionnée aux avancées figurant sur la feuille de route, comme par exemple la tenue des élections et la mise en place de la commission du dialogue et de la réconciliation. Nous sommes évidemment extrêmement attentifs à lier la reprise progressive de notre aide aux avancées inscrites sur la feuille de route.
Le troisième pilier, après la reprise de notre aide bilatérale et la conférence internationale des donateurs, c'est la mobilisation des collectivités territoriales, dont a parlé Laurent Fabius. La réunion se tiendra à Lyon le 19 mars.
Le quatrième et dernier pilier repose sur la mobilisation de la diaspora : 120 000 Franco-maliens vivent en France, qui ont aussi leur rôle à jouer. C'est pourquoi nous organiserons début avril à Montreuil une grande réunion pour les mobiliser en faveur du développement économique.
Sur la question de l'énergie, et sans vouloir polémiquer, Jean-Louis Borloo avait certes pris de grandes initiatives ; mais elles n'étaient absolument pas financées, et ont créé plus de déception chez nos partenaires africains que de satisfaction. Nous avons donc pris le taureau par les cornes : nous avons peut-être réduit l'ambition, mais nous tiendrons désormais nos engagements.
Je ne répondrai pas à M. le ministre concernant le dernier point de son intervention ; je pense toutefois qu'il oublie certaines avancées très significatives qui, au-delà des mots, avaient obtenu des financements ; mais nous savons que nos finances publiques sont très contraintes, aujourd'hui comme hier.
J'en viens maintenant à ma question. À un problème panafricain doit être apportée une réponse paneuropéenne. La France a pris seule la décision d'intervenir, à la demande du gouvernement malien, et elle a eu raison de le faire : je rappelle que nous soutenons depuis le début l'initiative du Président de la République et du Gouvernement en la matière. Toutefois, force est de constater que sur un plan militaire, le soutien européen a été uniquement logistique, aucun pays n'ayant déployé de troupes au sol pour nous aider.
Aujourd'hui, au-delà des perspectives ouvertes par la Conférence des donateurs, je souhaite savoir quelles actions la France entend concrètement mener pour réduire notre isolement et obtenir le soutien des autres nations européennes, ainsi que de tous les pays qui se sentent concernés par cette situation. Certains pays sont en effet des donateurs habituels, comme le Japon, la Norvège ou quelques autres pays en Europe.
Ce qui se joue au Mali n'est pas un problème uniquement malien ou franco-malien, mais euro-africain. À partir de ce constat, il nous paraît essentiel de savoir quels moyens diplomatiques la France compte engager pour que nous puissions avoir une réponse réellement européenne.
Monsieur le député, vous avez raison de souligner que ce n'est pas simplement le problème du Mali. C'est le problème du Sahel et plus généralement celui de l'Afrique. Vous avez raison également de dire qu'il s'agit d'un problème euro-africain. Il est même mondialo-africain.
La France, à partir de travaux qui ont déjà commencé, a bien l'intention de proposer, avec ses collègues européens, une stratégie africaine, et plus particulièrement une stratégie Sahel, une stratégie Mali. C'est dans cet esprit que nous allons travailler. La communauté internationale a également une responsabilité en la matière. Le Japon, par exemple, est intervenu, notamment sur le plan financier, et c'est une bonne chose.
Nous comptons évoquer à nouveau ce problème lors des prochaines réunions du G8 et du G20 car il se pose aujourd'hui avec une acuité particulière dans ses différentes phases, la phase développement, la phase démocratique et la phase de lutte contre les groupes terroristes. Cette question nous concerne tous, et je l'évoquais tout à l'heure avec le Secrétaire d'État américain John Kerry. Se pose aussi le problème de la drogue car ces groupes terroristes sont en général des groupes narco-terroristes. Cela concerne donc aussi les pays producteurs de drogue. J'en parlais avec les responsables colombiens il y a trois jours.
La question du développement équilibré de l'Afrique doit donc être inscrite à la fois à l'agenda international, européen et africain.
Nous en venons au groupe écologiste.
La parole est à M. Christophe Cavard.
Monsieur le ministre délégué chargé du développement, lors de votre déplacement récent à Bruxelles pour une réunion du groupe international de soutien et de suivi de la situation au Mali, vous avez porté la voix de la France pour affirmer la nécessité d'un rétablissement du processus démocratique.
Le Mali traverse aujourd'hui une crise multiforme qui doit nous interroger sur la mise en oeuvre par la France de sa politique de développement et plus précisément sur la conditionnalité des aides.
Au début du mois de février, l'Union européenne a lié le déblocage de ses aides au respect de la feuille de route qui prévoit notamment l'organisation sans délai d'élections démocratiques et l'engagement d'un véritable dialogue avec les représentants des populations du nord. Nous savons que la réussite de cet objectif passe par un engagement réel du peuple malien dans ce processus.
Mais après quarante ans de politique de développement aux résultats plus que décevants, la communauté internationale, et plus spécialement les responsables politiques de la CEDEAO, doivent s'interroger sur l'intérêt d'une approche du développement par le biais des économies locales.
Comme le rappelait le Secrétaire général de Cités et gouvernements locaux unis d'Afrique, Jean-Pierre Elong M'Bassi, les projets, pour réussir, doivent établir les conditions de véritables coalitions locales, ils doivent être conçus au plus près des réalités locales et inscrire les populations dans un processus de libre adhésion.
Monsieur le ministre délégué, alors que vous nous avez annoncé le déblocage d'une aide au développement et la relance de plus de trente projets, pourriez-vous nous nous décrire les priorités qui ont abouti à la sélection de ces projets ?
Pourriez-vous donner votre sentiment sur l'approche dite territoriale du développement qui, s'agissant du nord du Mali, permettrait à mon sens d'intégrer au mieux les populations locales dans la reconstruction ?
Monsieur le député, vous posez deux questions.
La première concerne les priorités de notre aide en matière de projets et d'actions concrètes. C'est un sujet important car, trop souvent, nous nous concentrons sur l'action humanitaire puis nous partons tout de suite sur le développement de grands projets qui porteront leurs fruits dans un an, un an et demi ou deux ans, en oubliant ce qui est peut-être aujourd'hui l'essentiel, à savoir réussir les six mois : réussir le retour des populations déplacées et réfugiées, et faire en sorte que la prochaine saison agricole se passe bien, c'est-à-dire que, lorsque les paysans retourneront dans leurs villages et dans leurs champs, ils n'y trouvent pas des grenades non explosées, et qu'ils puissent obtenir les intrants nécessaires aux récoltes. Ce sont autant de points très précis sur lesquels nous sommes en train de travailler avec l'Union européenne et l'ensemble des bailleurs, de façon que nous puissions avoir un plan approprié par l'État malien. Nous travaillons notamment avec le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'économie et le ministre des affaires humanitaires pour parvenir à un plan coordonné sur lequel l'ensemble de la communauté internationale se mobilise. Nous sommes sur le point d'avoir cette liste agréée par tout le monde et, dès la semaine prochaine, nous pourrons commencer à la mettre en oeuvre sur deux critères assez simples : l'utilité et la sécurité. Il va de soi en effet que pour mener à bien certains projets nous devons tenir compte de la sécurité sur le terrain.
En matière de territorialisation, notre objectif est de reconstruire avec les Maliens une démocratie, c'est-à-dire l'État et les sociétés civiles. Une partie de notre aide doit passer par les collectivités locales. C'est pourquoi, lorsque je suis allé à Bamako, j'ai rencontré des élus locaux de l'ensemble du territoire. Nous avons bien l'intention, au-delà de l'aide que les collectivités locales françaises apportent déjà, de mettre en place des mécanismes nouveaux, comme des aides budgétaires sectorielles décentralisées, afin qu'une grande partie de l'aide passe par les collectivités locales et pas seulement par l'État central.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, au début du mois de janvier, à la demande du gouvernement malien et de la CEDEAO, le gouvernement français a décidé de mettre un terme à l'avancée des groupes islamistes en intervenant militairement. Cette intervention était nécessaire. La reprise des villes de Tombouctou, Gao, Kidal et Ménaka dans le nord a donné un souffle de liberté aux populations opprimées depuis des mois par des groupes islamistes terroristes.
Néanmoins, vous l'avez dit, cette phase militaire ne peut se suffire à elle-même. Elle devra être adossée à un processus de transition politique concerté et démocratique avec l'ensemble des forces représentatives non terroristes.
Dans l'arrondissement de Kidal, la collaboration entre le MNLA, l'armée tchadienne et l'armée française pour combattre les mouvements djihadistes est un signal fort et positif donné aux populations locales qui peuvent ainsi espérer, d'une part une meilleure protection et, d'autre part, une meilleure prise en compte de leurs revendications.
Le MNLA a prouvé à maintes reprises son attachement à la laïcité. Il a combattu les djihadistes avant même que l'armée française n'intervienne et il a appelé à ouvrir les négociations avec les représentants du gouvernement malien, dans le respect des frontières internationales actuelles, sous réserve que le droit à l'autodétermination de l'Azawad soit respecté.
Aussi, il est urgent qu'une conférence sur l'avenir de l'Azawad soit organisée. Nous pensons que c'est à la diplomatie française d'en prendre l'initiative, avec l'appui des organisations internationales comme l'ONU, en associant l'Union européenne et en l'ouvrant à toutes les forces parties prenantes de la lutte contre le terrorisme. C'est une étape nécessaire à la sécurisation militaire de la région.
La question de l'autodétermination démocratique pour les populations du nord, dans le respect de la souveraineté territoriale du Mali, devra inévitablement être posée. Quelle réponse souhaitez-vous y apporter ? Il y a urgence car il existe, à Bamako, un esprit de revanche contre les Touaregs qui sont menacés de représailles. Cela doit être fermement condamné par la diplomatie française.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier à venir, notamment électoral, dans la perspective de la commission du dialogue et de la réconciliation nationale censée commencer à la fin du mois, et dont on ne sait toujours pas qui y participera et selon quelles modalités ?
J'ai déjà dit que la date des élections avait été fixée par le gouvernement malien lui-même et l'Assemblée. Il faut tenir ces délais.
En ce qui concerne la commission du dialogue et de la réconciliation, le gouvernement malien m'a confirmé qu'il allait tenir son engagement, c'est-à-dire que cette commission doit être mise sur pied avant la fin du mois de février. Il reste donc quelques jours.
J'aurai une approche un peu différente – appelons un chat un chat – sur la question du MNLA. Tout à l'heure, j'ai dit qu'il y avait deux principes absolument intangibles. Ce sont les principes sur lesquels la communauté internationale est d'accord et qui sont inscrits dans la résolution 2085 du Conseil de sécurité des nations unies.
Le premier principe est celui de l'intégrité du Mali, ce qui signifie qu'une province, fût-elle appelée l'Azawad, ne peut pas demander ni obtenir son indépendance. C'est absolument contradictoire avec la notion d'intégrité.
Le deuxième principe, c'est celui qui veut que l'armée malienne puisse être présente partout. Évidemment, elle ne doit en aucun cas se livrer à des exactions. Dans la mesure où un certain nombre d'indications nous avaient été données en ce sens, nous avons rappelé avec beaucoup de fermeté au gouvernement et au président maliens que, comme l'a dit tout à l'heure le ministre de la défense, il ne pouvait y avoir aucune impunité.
Dès lors, on ne peut pas parler de collaboration – ce terme a en outre une certaine connotation – entre les uns et les autres. L'armée française fait ce qu'elle doit faire, les Tchadiens font ce qu'ils doivent faire. D'autres agissent. Mais à terme tout cela doit se faire dans le cadre de l'armée malienne. Et si tel ou tel mouvement veut s'inscrire, et c'est légitime, dans le dialogue, il doit le faire en tant que mouvement politique. C'est ainsi que l'on peut mener le dialogue et la réconciliation.
Monsieur le député, je vous remercie d'avoir posé cette question qui permet au Gouvernement français de dire clairement ce qu'il pense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que la CEDEAO vient d'estimer, dans le cadre des missions qui lui appartiennent, le montant des aides nécessaires à l'intégration régionale du Mali à 950 millions d'euros, c'est-à-dire le double du montant initialement prévu, et que la France est le quatrième donateur bilatéral en matière de coopération civile, représentant à elle seule près de 9 % de l'aide publique mondiale au développement, de quels moyens disposons-nous pour accentuer le partenariat avec le Mali ?
Conformément au document cadre de partenariat du 7 juillet 2006, le ministère des affaires étrangères apporte son soutien au Mali selon trois priorités transversales : la gouvernance et le développement local, l'enseignement supérieur et la recherche, la promotion de la diversité culturelle et de la francophonie. Ce document doit-il être modifié pour tenir compte des nouvelles exigences posées par les circonstances actuelles ? La France peut-elle aller au-delà de l'annulation de la dette monétaire du Mali décidée par l'ancien président de la République ?
Chaque fois que l'on parle des chiffres de la France en matière de dons, on a tendance à oublier l'essentiel, à savoir que les deux tiers de nos dons passent par l'Union européenne, que ce soit en matière humanitaire ou de développement. Cela veut dire que les statistiques qui ne retracent que des chiffres bilatéraux ne reflètent pas la réalité de l'effort budgétaire de la France en la matière. Ce choix est totalement transpartisan puisque, de gouvernement en gouvernement, nous persévérons dans ce choix stratégique qui est un choix d'efficacité : en effet le gouvernement malien, comme tous les autres, a en face de lui un seul interlocuteur, l'Union européenne, avec laquelle il définit une stratégie pour plusieurs années, ce qui évite l'émiettement de notre aide publique.
Vous avez évoqué l'avenir. Il s'inscrit d'abord dans la réalisation des 150 millions d'euros qui avaient été gelés. Nous sommes précisément en train de travailler sur la liste des projets qui seront financés grâce à cette somme. Une partie sera consacrée à la reprise de ce qui avait été gelé et qui avait commencé à être entrepris. La semaine dernière, par exemple, je me suis rendu à Bamako, dans une station de pompage, qui va permettre de donner accès à l'eau potable à 100 000 personnes. Le projet de cette station qui avait été gelé sera bien évidemment repris.
En revanche, d'autres priorités viendront se substituer à ce qui était prévu il y a plus d'un an maintenant. C'est précisément le travail du bureau de l'Agence française de développement. Par ailleurs, nous avons demandé aux autorités maliennes, dans le cadre de la préparation de la conférence internationale des donateurs, de travailler elles-mêmes à une stratégie de développement pour qu'elle soit totalement appropriée par les autorités maliennes. Il ne s'agit en aucun cas de se substituer au gouvernement malien. Les nouvelles orientations françaises s'inscriront donc dans la stratégie qui sera rendue publique par les autorités maliennes dans le cadre de la préparation de cette conférence pour la mi-mai.
Monsieur Gérard Charasse, je vous redonne la parole pour votre deuxième question.
Merci, monsieur le ministre pour ces réponses.
Deuxième question : avec 150 jumelages et 422 projets, le Mali est le premier bénéficiaire de la coopération décentralisée française. Limitée à l'origine à des actions à caractère humanitaire et à des échanges culturels, l'action des collectivités locales s'est progressivement étendue à des domaines variés : appui institutionnel et gouvernance locale, activités rurales, appui à l'artisanat. Cette coopération, qui illustre l'attachement de la France et de ses collectivités territoriales au Mali, dont la communauté en France représente quelque 80 000 ressortissants, est un des leviers sur lesquels il faut compter, en particulier depuis la rénovation du régime juridique de la coopération décentralisée.
Aide à la scolarisation, alphabétisation, amélioration de l'accès à l'eau potable, amélioration de la santé des populations, de l'hygiène et de la sécurité maternelle et néonatale, approvisionnement des pharmacies, valorisation des sites et développement du potentiel touristique, appui à la gestion municipale et à la gouvernance locale, appui au développement agricole... La France est, de loin, le pays dont la présence et l'investissement au Mali sont prépondérants.
Au-delà des moyens financiers, locaux et nationaux, alloués par la France, est-il envisageable de renforcer les capacités de souveraineté de l'État malien grâce à un programme d'échange de fonctionnaires et de formation des agents locaux ? Quelle pourrait être l'ampleur de ce programme ? L'Union européenne pourrait-elle également être sollicitée dans ce cadre ?
Je vais compléter la réponse qui a déjà été faite par Laurent Fabius.
Comme vous le savez, le 19 mars nous réunissons à Lyon, à l'initiative de Cités unies-France et de la région Rhône-Alpes, la centaine de collectivités françaises qui ont des partenariats, des coopérations décentralisées, avec le Mali. Une centaine de collectivités françaises, cela veut dire une centaine de collectivités maliennes en face. Il y a sept cents collectivités au Mali : c'est vous dire à quel point cette coopération décentralisée permet d'irriguer l'ensemble du territoire. C'est pour nous un levier essentiel de la reprise efficace de l'aide, au plus près des besoins des populations : comme vous l'avez dit, cette aide c'est de la santé, de l'éducation, des infrastructures de base, du renforcement de capacité des autorités locales. C'est donc essentiel à la reprise du fonctionnement de l'État malien.
Nous souhaitons mieux coordonner cette aide : c'est pour cela que nous réunissons l'ensemble des collectivités, de façon à échanger sur ce que doivent être les priorités et les répartitions géographiques, car il ne faut bien sûr oublier aucune région dans cet exercice.
Nous souhaitons d'une part la coordonner ; nous souhaitons d'autre part la renforcer et nous ferons certainement, avec Laurent Fabius, des annonces en ce sens le 19 mars.
Enfin, nous sommes très attachés à la décentralisation de notre aide. Nous allons travailler pour la première fois, dans un cadre français mais aussi européen, à des aides budgétaires sectorielles décentralisées : elles passeront par le Trésor national mais descendront directement dans les régions et dans les villes. L'ensemble des ministres du développement européens est sur cette ligne : il y aura donc une mobilisation de l'ensemble de la communauté internationale pour faire en sorte que davantage d'aide publique passe par les collectivités. C'est, pour nous, un gage d'efficacité.
Monsieur le président, messieurs les ministres, je vais reformuler ma question, puisque je ne voudrais pas être redondant et que vous avez déjà répondu sur un certain nombre de points que je voulais évoquer.
Vous avez montré tout l'intérêt que vous portiez, monsieur le ministre, à la création d'une défense européenne. J'ai cru comprendre également que la présidente de la commission y était tout à fait favorable. Cela étant, peut-on expliquer l'indigence de l'engagement européen par l'absence de défense européenne ? Parce que c'est bien d'indigence que je parle. Nous avons une Europe, nous avons un président, une ministre dont je ne sais plus comment on l'appelle, je crois qu'elle est ministre des affaires étrangères : ils sont aux abonnés absents.
Il y a là un véritable problème. Rien n'empêche les États européens de mobiliser des forces pour aider le peuple malien. C'est ma première question.
Par ailleurs, vous avez parlé de la rencontre avec le Secrétaire d'État américain. Vous avez abordé la question du Mali et vous avez parlé non pas de « force d'interposition » mais de « force de paix » ; vous reformulerez si vous le souhaitez votre proposition. Dont acte.
Je voudrais simplement savoir si nous resterons, dans l'affaire malienne, sous mandat de l'ONU. Je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, je ne souhaite pas du tout que l'OTAN intervienne. On sait la connotation atlantiste qu'a l'OTAN et cela pourrait raviver le phénomène de « guerre de civilisations ». Je voudrais que le Gouvernement s'engage sur ce point et apporte une clarification à la représentation nationale.
Sur l'OTAN : il n'en est pas question. Il y avait eu une déclaration de notre ami le président du Bénin, Boni Yayi, lorsqu'il était président de l'Union africaine. Il se trouvait, je crois, au Canada. Il avait évoqué cette question, mais j'avais eu l'occasion de lui dire que l'OTAN n'était pas du tout compétente pour cela.
Quant à l'opération de maintien de la paix des Nations unies, il ne s'agit pas d'une force d'interposition, parce que la force d'interposition existe quand il y a deux parties dans un conflit, qu'il y a un accord de paix et que l'ONU se tient entre les deux parties. Nous ne sommes pas du tout dans ce cas-là. C'est donc une opération de maintien de la paix spécifique, qui a pour but la stabilisation. Je vous confirme que c'est dans ce cadre que nous souhaitons intervenir.
Sur la question européenne, il n'est pas exact de dire que les Européens ne sont pas là. Ils sont là par différents éléments – d'intelligence, de transport, etc – et ils vont être là, dans les jours qui viennent, puisque ce sont cinq cents Européens – ce n'est pas rien – qui sont là sur le terrain, les uns pour former l'armée malienne, les autres pour assurer la sécurité et la protection de ces opérations de formation.
On peut dire qu'il aurait fallu faire davantage, mais c'est là qu'on retrouve la question de la politique européenne de sécurité et de défense : si nous avions une politique de sécurité et de défense plus étendue, dans des cas comme celui-ci, peut-être y aurait-il une automaticité ou une quasi-automaticité.
Mais pour l'instant nous ne sommes pas dans ce cadre. Il y aura une réunion du Conseil européen en décembre pour voir ce que pourrait être, en général, une avancée en matière de défense, mais nous considérons que déjà les Européens ont fait un certain effort. Il serait souhaitable que dans le futur, pour les opérations de ce type qui pourraient se présenter, il y ait un élargissement de la politique de sécurité et de défense.
Monsieur Asensi, je vous redonne la parole pour votre deuxième question.
Ma deuxième question porte sur l'aide au développement. Il s'agit là d'un des trois piliers des solutions pour le Mali. Vous organisez une conférence le 19 mars à Lyon : c'est une excellente initiative, permettez-moi de vous le dire, car il y a effectivement des aides diverses et qu'il faut de l'harmonisation. Cela étant, sans vouloir être celui qui casse une bonne ambiance, j'espère que la réduction de 4,5 milliards des dotations au collectivités territoriales ne les dissuadera pas de montrer leur solidarité avec le peuple malien. En tout cas, ce ne sera pas le cas de la collectivité que j'ai l'honneur de présider.
Ensuite, l'aide de la diaspora malienne est très importante. Nos amis ici présents le savent bien, chaque travailleur malien en France fait vivre sa famille et parfois son village. On peut estimer à 450 millions d'euros l'aide qui revient ainsi au Mali : c'est très important. La diaspora malienne fait un effort considérable, je crois qu'il faut le souligner.
Qu'attendez-vous de cette conférence du 19 mars ? Et qu'attendez-vous de la conférence des donateurs ? Aura-t-on des moyens suffisants pour obtenir un début d'aide au développement au Mali ? Force est de constater que la France s'est montrée assez pingre, passez-moi l'expression, dans sa solidarité avec le Mali et plus généralement avec les pays du Sahel.
Merci d'avoir souligné l'importance du développement dans l'objectif de « gagner la paix ». Nous sommes engagés dans une intervention militaire, mais parallèlement nous sommes engagés dans un autre combat qui est de « gagner la paix ».
Gagner la paix, cela passe par le dialogue politique – la commission de dialogue et de réconciliation et les élections – ; cela passe aussi par le retour des réfugiés chez eux, la réussite de la prochaine campagne agricole et le fonctionnement des services publics de base. C'est tout l'enjeu de notre politique de développement et tout ce qui justifie notre mobilisation.
Gagner la paix, cela passe donc par la mobilisation de l'ensemble de la communauté internationale autour d'un certain nombre de priorités. C'est pourquoi nous ne souhaitons pas raisonner dans un cadre purement bilatéral. Je comprends tout à fait l'attention que vous portez aux crédits français, mais même si nous doublions ou triplions ces crédits français, au final ce ne serait qu'une toute petite partie de l'aide de la communauté internationale. Nous travaillons donc non pas sur la base d'efforts budgétaires immédiats dans un cadre bilatéral – la conférence des donateurs donnera l'occasion de faire un certain nombre d'annonces –, mais sur une mobilisation collective de l'ensemble des acteurs européens et, au-delà, de la Banque mondiale, de la Banque africaine de Développement et de pays comme le Canada, le Japon et les États-Unis qui sont présents dans l'aide publique au Mali. Cela nous semble aujourd'hui la priorité.
Vous parlez de « pingrerie ». Mais il faut réévaluer les montants que chacun a en tête en y ajoutant la part qui passe par les fonds européens, que ce soit ECHO pour l'humanitaire ou le fonds européen de développement : il s'agit de montants qui sont beaucoup plus conséquents. Je considère que le drapeau européen, c'est aussi le drapeau français ; et à une sortie par le bas, attentive seulement à l'aide bilatérale, je préfère une sortie par le haut, en regardant comment nous pouvons influencer, en tant que Français, l'ensemble des opérateurs pour faire en sorte qu'ils soient efficaces, contrôlés et au service des populations.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, je tiens d'abord à féliciter notre armée, nos soldats. Alors que les crédits militaires diminuent sans cesse, que les équipements sont parfois vieillissants et que les interventions extérieures se multiplient, et bien que nos troupes soient dispersées aux quatre coins du monde, l'armée française a rempli sa mission au-delà de toute attente, sans aucun soutien réel de nos alliés, lorsque le Président de la République l'a envoyée combattre au Mali.
Je tiens à rendre hommage au commandant Damien Boiteux et à l'adjudant Harold Vormezeel, qui sont tombés sur le sol malien.
Nous discutons des suites de cette intervention militaire, mais nous sommes incapables de prévoir quand se termineront les opérations, alors que nos adversaires ont clairement opté pour une tactique de guérilla et que nous sommes embourbés en Afghanistan depuis onze ans.
Pour « gagner la paix », encore faudrait-il que nous ayons un objectif clair. Quel est-il, monsieur le ministre ? Le premier problème du Mali concerne ses frontières. Comment comptez-vous répondre aux aspirations légitimes du peuple touareg, qui réclame son indépendance dans le nord ?
Le second problème du Mali est l'islamisme, contre lequel nous n'avons aucune solution concrète à ce jour.
Permettez-moi de m'interroger également sur la légitimité même de notre intervention. Nous ne sommes pas capables de juguler nos problèmes internes : chômage de masse, quasi-faillite budgétaire, décomposition de la société, situation parfois presque insurrectionnelle dans certaines banlieues, insécurité grandissante, immigration incontrôlée… Les problèmes sont multiples. Avec tout cela, avons-nous les moyens et la légitimité de faire la loi aux quatre coins du monde : Afghanistan, Libye, Mali, Syrie peut-être demain ?
Enfin, j'ai de sérieux doutes sur la cohérence de notre politique étrangère. Nous combattons aujourd'hui au Mali ceux que nous avons armés et aux côtés desquels nous avons combattu en Libye il y a à peine deux ans. Pire : nous soutenons politiquement et financièrement les mêmes islamistes et terroristes en Syrie, qui mettent ce pays à feu et à sang. Monsieur le ministre, je recherche la cohérence de votre politique. Ne pensez-vous pas que dans cette opération nous allons nous retrouver dans un nouveau bourbier, après celui de l'Afghanistan ? Je vous remercie.
Vous posez beaucoup de questions, monsieur Bompard, et en deux minutes je n'aurai peut-être pas le temps de vous répondre sur tout, mais je voudrais souligner le caractère contradictoire d'un certain nombre de vos propos.
Vous félicitez l'armée française et vous avez tout à fait raison de le faire, tous ceux qui sont intervenus l'ont fait ; et en même temps vous mettez en question la légitimité de notre intervention.
Vous regrettez, si je vous ai bien compris, que nos voisins européens ne nous soutiennent pas suffisamment, mais j'ai cru comprendre également que vous n'étiez pas absolument enthousiaste sur la construction européenne. Vous jugez également problématique le fait que nous nous engagions à l'extérieur alors que la France connaît des difficultés.
Je voudrais ici vous reprendre sur la terminologie, qui est toujours significative. Ce serait une grave erreur de considérer que les difficultés qui existent au Mali ou ailleurs sont liées à l'islam. Les musulmans sont un peuple pacifique, et c'est la raison pour laquelle, personnellement, je n'emploie pas le mot « islamiste », que nos amis arabes ont souvent tendance à traduire par « musulman ».
Non, en l'occurrence, il s'agit de combattre des groupes narcoterroristes, qui se sont attaqués à une population musulmane, la population malienne. Il faut donc éviter de faire des amalgames, qui ne font que renforcer les problèmes. Ce n'est pas la responsabilité des musulmans qui est ici engagée mais celle de groupes narcoterroristes qu'il faut combattre partout – je pense que vous en conviendrez, monsieur Bompard. Ne faisons pas d'assimilation impropre.
Il me semble d'ailleurs que c'est le président du Mali, M. Traoré, qui nous avait dit à Addis-Abeba, lors d'une grande conférence où la moitié des chefs d'État et de gouvernement qui sont intervenus ont fini leur intervention par un « Vive la France ! », que l'islam ne devait pas servir de couverture au terrorisme.
Il ne faut donc pas pratiquer ce genre d'assimilation, sans quoi, même avec les meilleures intentions du monde, on risque d'accroître la difficulté, alors que nous cherchons à la combattre.
Nous en revenons à des questions du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
Monsieur le président, messieurs les ministres, on a souligné, tout au long de ce débat dont je me félicite qu'il ait lieu, les difficultés de la situation malienne. Mais c'est Sénèque, me semble-t-il, qui disait : « Ce n'est pas parce qu'il y a des difficultés qu'il ne faut pas faire les choses. »
La France est elle-même quand, comme dans la première phase de cette opération, elle répond à la communauté internationale, à l'ONU et à l'appel du Mali pour aider ce dernier à recouvrer son intégrité territoriale.
La France est elle-même quand, dans la seconde phase de cette opération, elle poursuit les objectifs fixés par la feuille de route et aide au dialogue national et à la réconciliation entre tous ceux qui ont renoncé au terrorisme – je pense notamment aux Touaregs.
La France est elle-même quand elle veut restaurer l'État de droit au Mali et entend veiller à ce qu'il y ait dans ce pays des élections libres.
La France est elle-même quand elle souhaite contribuer au développement de ce pays, que ce soit dans un cadre bilatéral, multilatéral ou grâce à la coopération décentralisée.
La France est elle-même, lorsque la ministre de la culture choisit, avec l'UNESCO, de reconstruire les mausolées de Tombouctou, ou lorsque le directeur de la Bibliothèque de France offre son aide pour restaurer les manuscrits classés au patrimoine mondial de l'humanité.
Bref, la France est conforme à elle-même lorsqu'elle agit, avec la communauté internationale, pour la liberté, l'égalité et la fraternité et qu'elle lutte, comme ici, contre le terrorisme. Car il ne faut pas oublier que, au-delà du Mali, c'est la lutte permanente contre le terrorisme qui nous rassemble.
Ma question est simple, messieurs les ministres : comment et dans quelle mesure la France va-t-elle, avec l'ONU, l'Union européenne, l'OUA et l'ensemble de ses partenaires internationaux, suivre sa feuille de route pour atteindre les objectifs fixés pour le Mali : la paix, la démocratie, le développement, l'éducation et la culture ?
Ma réponse, cher Jean-Pierre Dufau, sera très courte : oui ! Je reprendrai pour l'argumenter le mot fameux de Clemenceau, qui s'exprimait le 11 novembre 1918 devant cet hémicycle : « La France sera toujours le soldat de l'idéal. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Président, messieurs les ministres, mes chers collègues, grâce à la présence de ses bases permanentes en Afrique, la France a pu intervenir très rapidement au Mali, en mobilisant des moyens importants, qui semblent aujourd'hui lui assurer une maîtrise militaire de la situation. Les objectifs principaux ayant guidé cette opération, à savoir le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays et la lutte contre le terrorisme, sont donc en passe d'être remplis.
Néanmoins, dans un horizon assez proche, nos forces vont commencer à se retirer car, comme vous l'avez indiqué, elles n'ont pas vocation à demeurer sur place. Plus globalement, c'est l'avenir de la présence militaire française dans cette région du monde qui est mis en débat, notamment à travers la question des moyens alloués à notre stratégie de prépositionnement en Afrique.
Le Livre blanc de 2008 a annoncé un plan global de restructuration géostratégique du déploiement de nos armées et la poursuite de la diminution des effectifs stationnés dans les pays africains. Or, dans le cas du Mali, ces nouvelles orientations stratégiques doivent être mises en perspective avec les difficultés militaires rencontrées par l'armée malienne devant l'avancée des milices islamistes. Notre retour d'expérience semble ainsi nous amener à ouvrir le débat sur la relation entre l'avenir de nos bases permanentes et le maintien de notre capacité à intervenir avec rapidité et efficacité. Nous devons également engager une réflexion sur l'opportunité d'un réarmement de l'État malien.
Par conséquent, monsieur le ministre de la défense, au regard de ce paysage complexe et à partir des premiers éléments issus de l'expérience de ce conflit, quelles relations de coopération et de soutien militaires la France compte-t-elle nouer, au lendemain du conflit malien, avec les États de l'Afrique de l'ouest et du Sahel ? Comment encourager par ailleurs nos alliés, notamment européens, à se mobiliser à nos côtés dans cette région ? Comment enfin assurer le maintien, dans le contexte actuel, d'une capacité d'intervention militaire efficace, susceptible d'enrayer les menaces terroristes et les trafics en tout genre, notamment en Afrique ?
Merci pour cette question, monsieur Ciot. Avant Serval, la présence française en Afrique consistait, d'une part, en forces prépositionnées à Djibouti, à Libreville et à Dakar et, d'autre part, en forces engagées dans des OPEX – l'opération Épervier au Tchad et l'opération Licorne en Côte d'Ivoire –, soit un déploiement de quatre mille hommes environ.
La situation au Mali nous a permis de faire la preuve de notre réactivité, que ce soit à partir de nos forces prépositionnées mais aussi de nos forces en OPEX. Nous avons, dès le 11 janvier, réagi extrêmement rapidement et engagé le processus dont je vous ai exposé le calendrier tout à l'heure.
Les questions concernant notre présence en Afrique à l'issue de cette opération doivent, de mon point de vue, se poser davantage en termes de réactivité et d'adaptabilité de nos forces qu'en termes d'importance, si nous voulons répondre du mieux possible aux demandes de protection des États amis comme le Mali.
Par ailleurs, la meilleure prévention, c'est encore que les États africains, et en particulier les membres de la CEDEAO, soient dotés de forces militaires solides et acquises à la démocratie. Et s'il y a bien une mission qui nous incombe, c'est la formation et la consolidation des forces armées des différents pays avec qui nous entretenons des relations bilatérales.
Enfin, comme l'a très concrètement montré l'opération Serval, il est important qu'en matière de coopération militaire et de prévention, nous collaborions également avec les organisations interétatiques africaines, comme la CEDEAO ou l'Union africaine.
Telles sont les principales leçons que l'on peut déjà tirer de l'opération Serval, qui n'est pas achevée et dont nous serons sans doute amenés à reparler.
Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, mesdames et messieurs les parlementaires maliens, chers collègues et amis maliens, le nord du Mali, entre autres territoires sahéliens et africains, est depuis trop longtemps déjà sous occupation de groupes terroristes d'origines très diverses, qui échappent à toute autorité et où se côtoient et se mêlent ambitions djihadistes, recherches identitaires, narcotrafics et trafics d'armes.
C'est dans ce contexte que la France est intervenue le 11 janvier dernier, forte de l'accord de l'ONU et à la demande expresse de nos amis maliens, pour stopper l'avancée de groupes aux ambitions funestes. Si le bien-fondé, la pertinence et l'efficacité de cette opération ont été unanimement reconnus, se pose néanmoins déjà la question de l'après-guerre.
La normalisation des rapports entre le nord et le sud du Mali sera nécessairement une des équations à résoudre, si l'on veut que renaisse un État Malien. Une feuille de route a été adoptée par le gouvernement et le parlement maliens. Un dialogue doit se nouer, dont personne ne devra être exclu, notamment chez les populations du nord, au premier rang desquels les Touaregs. La France doit encourager le développement de ce dialogue, autour de la notion fondamentale d'autonomie.
La reconstruction passera donc obligatoirement par une redéfinition des rapports entre le nord et le sud et devra aboutir à la mise en place d'une gouvernance adaptée et au retour sécurisé des populations qui ont fui la guerre vers les pays voisins.
Nous devons nous interroger sur les mesures à mettre en oeuvre pour assurer au peuple malien des moyens de subsistance durables, lui permettre d'enclencher un processus démocratique et de se doter d'une armée citoyenne, garante de la pluralité et de l'intégrité de l'État malien.
Si la France, en vertu d'accords de solidarité et d'une histoire commune, porte une responsabilité envers le Mali, nous n'avons pas pour autant vocation à nous substituer à ce dernier dans la détermination de ce que sera son avenir.
Dans ces conditions, messieurs les ministres, comment envisagez-vous, l'aide que doit apporter la France au processus de normalisation des rapports entre le nord et le sud, condition essentielle pour que vive la nation malienne ?
Le ministre des affaires étrangères, qui a malheureusement dû nous quitter pour rejoindre le Président de la République à Moscou, a répondu tout à l'heure à vos interrogations.
Nous avons pour mission de libérer le territoire malien dans son intégralité, et de permettre la mise en oeuvre des décisions internationales, ce qui implique entre autres que les forces françaises soient, à terme, relayées par les forces africaines.
Nous n'avons pas pour mission d'organiser la vie politique malienne : c'est de la responsabilité des Maliens. Notre souci est que le processus électoral puisse s'enclencher, pour asseoir un gouvernement malien crédible et légitime.
Par ailleurs, la feuille de route votée il y a peu de temps par l'Assemblée nationale malienne – j'en profite pour saluer à mon tour la délégation malienne – doit pouvoir être appliquée afin que s'amorce le dialogue. À l'issue de la libération du Mali grâce à l'intervention des forces françaises, la souveraineté du pays devra être respectée. Notre rôle est celui de facilitateurs, non de donneurs d'ordre ou d'organisateurs. C'est ainsi que nous concevons notre présence au Mali, en misant sur la présence, dès que possible, dans les territoires libérés, d'un État malien et de services publics visibles et bien identifiés.
Messieurs les ministres, je suis de ceux qui pensent que le lien entre l'armée et la nation, si essentiel pour la République, commence par le lien entre l'armée et le Parlement.
Si je me réjouis que, dans le cadre de la semaine de contrôle parlementaire, nous ayons pu aujourd'hui organiser ce débat, avant l'expiration du délai constitutionnel des quatre mois fatidiques, je ne peux pour autant me satisfaire de notre faible présence dans cet hémicycle, alors que nous parlons d'une guerre.
Nous devrions en tirer toutes les leçons car, à force de vouloir faire solennel, on fait ennuyeux. J'espère donc que, la prochaine fois, on écoutera davantage ceux qui, au Parlement, réclament un contrôle parlementaire moderne, vivant et didactique, et non la litanie que nous avons entamée tout à l'heure.
Je tiens de tels propos parce que je pense à l'Afghanistan. Nous y sommes allés en 2001, pour des raisons politiques d'ailleurs consensuelles, suite aux attentats du 11 septembre. Les missions que nous avions fixées à nos armées étaient alors bien définies. Pendant dix ans, aussi bien sous la présidence de M. Chirac que sous celle de M. Sarkozy, l'opposition n'a cessé de réclamer, en vain, des débats sur notre engagement en Afghanistan, afin de vérifier que ces missions étaient toujours les bonnes. Ce n'est qu'au bout de dix ans que l'on a réalisé qu'elles n'avaient plus rien à voir avec les actions que nos armées menaient sur le terrain. Nous avons alors décidé de les rapatrier. Cela, nous devons l'éviter à tout prix.
Je voudrais que l'on ait l'occasion, je le dis solennellement, de revenir aux trois missions essentielles que vous avez définies : bloquer la progression des groupes terroristes vers le sud, ce qui est fait, retrouver l'intégrité du territoire, ce qui est en cours, transmettre à la MISMA, dans le cadre d'une résolution internationale, la suite des opérations une fois que nous aurons achevé les nôtres.
Où en sont les discussions avec l'ONU sur le cadre juridique qui sera donné aux interventions de la MISMA une fois que nous lui aurons passé le relais ?
Merci, monsieur le député, d'avoir rappelé l'importance que le Gouvernement attache à l'information de l'Assemblée nationale sur l'évolution de la situation au Mali. Nous faisons tous les efforts possibles, avec MM. Laurent Fabius et Pascal Canfin, pour que chacun soit tenu informé, dans la plus grande transparence.
J'espère que ce n'est pas notre assiduité en commission spéciale qui conduit les députés à déserter l'hémicycle, car il faudrait alors que nous harmonisions nos calendriers !
Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir rappelé les trois missions données à nos forces au Mali. Elles n'ont pas changé depuis le 11 janvier. C'est vrai, nous entrons à présent dans une phase plus difficile, mais le calendrier initialement prévu est respecté.
J'en profite pour répondre à M. Lellouche : nous sommes arrivés dans le sanctuaire des terroristes que nous avions identifié. Cette opération est la dernière mais aussi la plus difficile, et nous la menons avec l'appui des forces tchadiennes que je tiens à saluer aujourd'hui, d'autant qu'elles ont perdu vingt-trois soldats très récemment.
L'arsenal récupéré par nos forces ainsi que par les forces maliennes ou tchadiennes, parmi lesquelles se trouvent des explosifs, en particulier des engins artisanaux dit IED – improvised explosive device –, mais aussi des ceintures destinées à des candidats kamikazes, témoigne de la volonté de transformer le Mali en un sanctuaire terroriste depuis lequel il aurait été possible d'agir en Europe. Il était à cet égard essentiel d'assurer notre propre sécurité en intervenant au Mali.
S'agissant de la question plus précise que vous avez posée, elle relèverait plutôt du ministère des affaires étrangères mais je peux tout de même vous dire que la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne, membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, ont pris des initiatives pour faire aboutir un texte qui sera produit courant mars et permettra de transformer la MISMA en force de maintien de la paix de l'ONU avant la fin du mois de juin. Nous pouvons considérer aujourd'hui que nous avons de bonnes chances d'atteindre cet objectif.
Nous revenons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Jean-François Lamour.
À l'heure où nos troupes sont engagées dans des combats contre des djihadistes, je tiens à rappeler que nous apportons, dans cet hémicycle, un soutien total et inconditionnel à nos troupes. Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Glavany sur l'importance d'avoir organisé ce débat aujourd'hui, sans attendre le délai de quatre mois après le début des opérations. En vérité, ni vous, monsieur le ministre, ni nous sur tous les bancs de cette Assemblée, ne savons à quel moment nos troupes pourront quitter le Mali. Nous avons entendu parler du mois de mars, mais l'attentat suicide de Kidal nous montre bien que nous ne pouvons fixer de date. Il était important que nous puissions en parler aujourd'hui.
Il est hors de question, bien entendu, de remettre en question la décision du Président de la République d'engager nos troupes, puisque cela fait partie du pacte que nous avons signé ensemble sur tous les bancs de cet hémicycle, mais des questions, certaines actuelles et d'autres plus prospectives, méritent tout de même d'être posées.
Je vais vous en poser deux précises.
La première concerne l'état du passage du témoin aux forces africaines. On évalue à environ 70 % au mieux les effectifs de la MISMA aujourd'hui sur le théâtre des opérations. On sait que le Tchad, qui a déjà payé un lourd tribu à ce conflit, a demandé que le déploiement des troupes africaines s'accélère. Où en êtes-vous ?
Nous avons déjà évoqué ma seconde question dans le cadre de la rédaction du Livre blanc. On a vu toutes les difficultés que nous avions à projeter nos troupes par la voie aérienne. Existe-t-il aujourd'hui des raisons de craindre une réduction du nombre de A400M commandés, qui s'élève à une cinquantaine, me semble-t-il ? Allez-vous revoir les projections décidées dans le cadre de la rédaction du Livre blanc ?
Merci pour vos questions, monsieur le député. Puisque nous en arrivons à la fin de ce débat, j'en profite pour vous dire combien, en tant que ministre de la défense et au nom des forces armées, j'apprécie le soutien unanime de la représentation nationale dans cette affaire difficile, car il confère une force supplémentaire à nos armées.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais lever toute ambiguïté sur l'attentat suicide de Kidal auquel vous avez fait allusion. Il n'était pas dirigé contre nos forces mais contre le MNLA. Selon les informations dont nous disposons à l'heure actuelle, il s'agirait davantage d'une affaire interne entre les populations que d'un acte lié au terrorisme. Cela étant, cet attentat ne témoigne pas d'une situation pacifiée.
S'agissant de la montée en puissance des forces africaines, la MISMA compte aujourd'hui 6 000 militaires présents sur le théâtre des opérations, dont 2 200 Tchadiens.
Rappelons qu'à l'origine, nous pensions que la MISMA ne pourrait être opérationnelle qu'au mois de septembre de l'année prochaine. Nous pouvons donc déjà saluer la volonté politique des pays africains de la mettre en place rapidement. Pour la première fois, une force africaine regroupe onze pays différents.
L'objectif étant de porter les effectifs à 8 000 militaires, les autres contingents qui doivent compléter les forces de la MISMA et demain celles de la mission de maintien de la paix des Nations Unies, devraient se rassembler prochainement.
Remarquons par ailleurs que les forces de la MISMA jouent déjà un rôle dans le maintien de la sécurité, tant par leur présence au Sud dans un certain nombre de villes, et pas seulement Bamako, que par leur action dans des zones de combat. Les Tchadiens au nord et les Nigériens dans la région de Gao viennent soutenir les forces maliennes et françaises.
Nous devrons bien sûr tirer les leçons de ces interventions, qu'elles aient eu lieu au Mali, en Libye ou en Afghanistan, mais pas seulement dans le cadre du Livre blanc, puisque la question du nombre d'A400M est plutôt traitée dans celui de la loi de programmation militaire, le Livre blanc devant définir les stratégies. La réflexion sur l'avenir de notre défense évoluera en deux temps.
Nous devrons évidemment réfléchir à nos manques mais ceux que nous constatons tous, et moi le premier en tant que ministre de la défense, l'ont déjà été par le passé. Nous les connaissons : le ravitaillement, le transport, le renseignement et l'observation, la question des drones. Nous devrons apporter des réponses à toutes ces questions, dans le Livre blanc mais aussi, avec des chiffres, dans le cadre du projet de loi de programmation militaire qui sera déposé au Parlement avant l'été.
Monsieur le ministre, la réalité est que le soldat français fait la guerre avec courage, avec éthique, avec professionnalisme et avec honneur. Il fait la guerre dans des conditions difficiles, dans un pays divisé, avec un Président de la République issu d'un coup d'État, des peuplades dont les revendications d'autonomisation ou d'indépendance ne sont pas entendues depuis des décennies. Il fait la guerre dans des conditions difficiles avec le soutien de la Nation et du peuple français, mais en supportant l'incohérence du gel de 30 % des avancements depuis l'été dernier.
Pour faire la guerre, le soldat français a besoin de munitions mais le service interarmées des munitions, sur une base que je connais bien, a dû accomplir des prouesses en vingt-quatre heures. Deux mille deux cents heures de travail, dont six cents heures supplémentaires, avec une absence de moyens de levage, sur des routes défoncées. Pour faire la guerre, il faut des moyens d'observation mais nous sommes la dernière des six nations à employer un système intérimaire de drones. Le soixante et unième régiment d'artillerie n'a même plus de locaux adaptés depuis l'existence de la base américaine malgré les efforts réalisés sous le précédent quinquennat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC ) en termes d'équipement militaire, en particulier pour nos forces en Afghanistan.
Monsieur le ministre, il est relativement incohérent de prélever des fonds sur le budget des armées pour financer une politique sociale. Il est relativement incohérent de repousser 6 milliards d'euros d'investissements.
Je vous interrogerai enfin sur le plan diplomatique, le ministre des affaires étrangères étant parti rejoindre le Président de la République : ne serait-il pas sage que la France entende ce que lui dit depuis des mois la Fédération de Russie ? En effet, l'homme n'étant pas un être purement rationnel, certains de nos adversaires ne partagent pas la même vision du monde, la même vision de l'homme, refusent l'égalité entre l'homme et la femme. Il n'y a pas que des narcotrafiquants, il y a aussi des djihadistes qui veulent établir une communauté théocratique universelle au Mali. Ils sont à l'oeuvre, y compris parfois dans nos banlieues.
Il y a une relative incohérence à lutter contre ceux-là mêmes auxquels nous sommes opposés au Mali et à les soutenir en Syrie.
Je trouve dommage de terminer ce débat consensuel…
..par une polémique à laquelle je ne me prêterai pas.
Je vous dirai simplement, monsieur le député, en forme de boutade, que le Gouvernement, lorsqu'il est arrivé aux affaires, a trouvé…deux drones.
Mais si, vous parlez des drones d'observation Harfang, je connais parfaitement ce sujet. Je suis désolé de ce handicap, mais si je n'ai pas voulu polémiquer tout à l'heure avec M. Lamour, c'est parce qu'il s'exprimait avec sérénité. Je le reconnais tout aussi calmement : nous avons des manques, notamment dans le domaine des drones. Si nous en avions, ce serait beaucoup mieux.
Nous avons aussi des manques dans le ravitaillement. Nous avons dû faire appel aux États-Unis pour nous aider sur le théâtre malien.
Nous avons des manques en matière de transport parce que nous avons de vieux avions, les KC-135, qui ont quarante-neuf ou cinquante ans.
J'ai pris des premières mesures, en particulier dans le domaine des drones et des avions ravitailleurs, mais je ne voulais pas terminer par une mauvaise polémique qui allait rompre le consensus national pour le Mali, en présence de représentants de l'Assemblée nationale malienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Questions au ministre de l'éducation nationale.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron