Dans la mesure où nous sommes déjà rencontrés deux fois au cours de la semaine dernière, dont l'une conjointement avec la Commission des finances, mon point sur l'évolution de la situation au Mali sera bref, de façon à vous laisser le temps de poser des questions.
Depuis la semaine dernière, nous avons repris aux groupes jihadistes les dernières villes du Nord dont ils avaient le contrôle : à la suite d'un raid blindé provenant de Gao et d'un assaut par voie des airs à Tessalit, cette ville, ainsi qu'Aguelhok, ont été saisies par nos forces sans qu'aucun incident ne soit à déplorer. Les jihadistes les avaient probablement quittées quelques temps auparavant. Grâce à la présence des forces françaises et tchadiennes à Kidal et Tessalit, et à l'action de l'Algérie afin que celle-ci sécurise sensiblement ses frontières, nous disposons donc désormais d'un dispositif solide autour de l'Adrar des Ifoghas. Depuis une semaine, les relations se sont d'ailleurs renforcées avec les Algériens, que nous tenons régulièrement informés.
Par ailleurs, l'intervention se poursuit à Kidal, où la présence de nos troupes est bien acceptée par les populations, qui ne sont pas les mêmes qu'au Sud.
Quant aux événements de Gao, ils ne m'ont pas surpris. Après la libération de la ville, réalisée avec les forces maliennes, nous avons entrepris des opérations de sécurisation en la prenant pour base. Mais Gao est la zone d'influence du MUJAO, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, dont les membres sont originaires de la région. Et alors qu'AQMI – Al-Qaida au Maghreb islamique – s'organise à partir de l'Adrar des Ifoghas, le MUJAO, mouvement terroriste, mais aussi de grand banditisme, conserve ses réseaux à Gao. Je vous disais la semaine dernière qu'il fallait s'attendre à des actions asymétriques : c'est ce qui est arrivé. Même si elles sont le fait d'éléments dispersés et relativement peu organisés, elles continueront tant que nous n'aurons pas sécurisé complètement la région, ce que nous tendons à faire avec l'appui des forces maliennes.
L'événement le plus important a eu lieu dimanche, et il s'explique en grande partie – même s'il s'agit d'une interprétation personnelle – par la présence sur place d'une cinquantaine de journalistes : la tentation était grande, en effet, d'en prendre quelques-uns en otages. C'est d'ailleurs pourquoi nous ne cessons d'appeler les organes de presse à faire preuve d'une extrême prudence. Notre réponse a en tout cas été tout aussi rigoureuse que l'attaque, et nous avons neutralisé les assaillants.
Enfin, depuis la semaine dernière, nous avons poursuivi les opérations de sécurisation dans la région de Menaka.
On peut aujourd'hui distinguer plusieurs « zones chaudes » dans lesquelles les groupes terroristes sont actifs. La première, constituée de l'Adrar des Ifoghas et de la région de Timétrine, est celle où se sont réfugiés les jihadistes d'AQMI et les éléments résiduels d'Ansar Dine – même si ce dernier groupe tend à se diluer.
Le second foyer est la zone de Gao, Bourem et Almoustarat. C'est un noeud routier et un important centre logistique, et c'est aussi la sphère d'influence du MUJAO, qui va probablement poursuivre des actions de harcèlement et des attaques-suicides, à l'instar des deux actions qui ont eu lieu ces derniers jours, sans faire d'autres victimes que les attaquants eux-mêmes.
La troisième zone dangereuse est la région de Menaka et Ansongo, où le MUJAO conserve une certaine présence.
Nos soldats sont à la recherche de caches, laboratoires ou lieux éventuels de regroupement des terroristes. Les éléments déjà découverts – armes, gilets pare-balles, ceintures d'explosifs, etc. – montrent que des actions terroristes, y compris kamikazes, étaient prévues à partir du territoire malien.
Nous poursuivons deux missions : la sécurisation des zones libérées et la libération totale du territoire.
S'agissant des forces africaines autres que celles du Mali, leurs effectifs sont depuis quelques jours supérieurs à ceux des forces françaises : alors que nos troupes comptent environ 4 000 hommes, un chiffre qui devrait désormais rester stable, celles des pays africains atteignent 4 250 soldats. Une nouvelle compagnie guinéenne et une première unité sénégalaises se sont ajoutées cette semaine aux armées déjà présentes sur place. Les forces africaines se déploient progressivement en dehors de Bamako afin de contrôler les principales villes de la région.
Au nord du pays – Menaka, Kidal et Tessalit –, notre collaboration est particulièrement forte avec les Tchadiens, dont le contingent regroupe environ 1 800 hommes.
Par ailleurs, une mission européenne, EUTM-Mali – European Union training mission –, installée à Koulikoro, sera chargée de porter assistance à l'état-major malien et de former l'armée du pays. Un premier détachement de 70 militaires est arrivé vendredi à Bamako, de même que l'officier commandant la mission, le général Lecointre. La mobilisation de formateurs provenant de différents pays européens n'a pas posé de difficultés. En revanche, nous avons plus de mal à obtenir de nos partenaires européens les éléments destinés à constituer la force de protection chargée d'assurer la sécurité des formateurs. Toutefois, la réunion des ministres de la défense de l'Union, qui aura lieu cet après-midi et demain matin à Dublin, devrait permettre d'accélérer la mobilisation en ce domaine. En cas de nécessité, nous assurerions cette protection nous-mêmes, mais il est préférable, à tous points de vue, que les forces françaises ne soient pas seules chargées de cette tâche.
En ce qui concerne les actions militaires proprement dites, elles suivent donc deux axes : la sécurisation des zones libérées – surtout dans la région de Gao et au nord de Tombouctou – et l'achèvement de la reconquête du territoire malien.
Pendant ce temps, un processus de réconciliation doit se mettre en place. Il appartient aux Maliens eux-mêmes de mener le processus de réconciliation : notre rôle est de faciliter les choses, mais nous ne pouvons pas nous substituer à eux.
Enfin, au niveau international, nous poursuivons nos travaux avec les instances de l'ONU et avec nos partenaires de façon à faire évoluer le cadre juridique de la Misma, la mission internationale de soutien au Mali, qui devrait se transformer assez rapidement en une opération de maintien de la paix sous l'autorité de l'ONU – elle prendrait alors le nom de Minuma, mission des Nations unies au Mali. Nous souhaitons pouvoir obtenir, avant la fin du mois de mars, une nouvelle résolution du Conseil de sécurité allant dans ce sens.
Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions. Je me réjouis de ces rencontres hebdomadaires, qui me donnent l'occasion d'analyser la situation avec un peu plus de recul.