Merci, madame la présidente. L'Assemblée a inscrit à son ordre du jour, à la demande du groupe Union des démocrates et indépendants, ce débat sur l'avenir des projets d'infrastructure de transport. Je ne peux que m'en féliciter et m'en réjouir : nous sommes au coeur de la compétence de mon ministère et je sais combien ce sujet tient à coeur aux élus de terrain qui composent votre assemblée.
Il est vrai que les infrastructures de transport jouent un rôle fondamental, puisqu'elles permettent à nos concitoyens d'accéder à l'emploi, aux services publics, à la culture, aux loisirs. Elles sont finalement l'un des éléments constitutifs du vivre ensemble.
Il est ainsi de notre responsabilité collective de rénover, d'améliorer les infrastructures existantes, mais aussi d'en projeter de nouvelles avec l'objectif d'un aménagement du territoire au plus près des besoins de nos concitoyens.
En matière de projets d'infrastructures, où en est-on aujourd'hui ?
Le projet de schéma national des infrastructures de transport tel qu'il a été présenté en 2011 est un document fort riche, qui additionne un certain nombre de projets – peut-être même de promesses, qui n'ont pas de financement dans la colonne correspondante. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le gouvernement précédent a en effet bâti un projet de schéma national un peu confus, désordonné, non financé et surtout non finançable, ce qu'aujourd'hui ni les uns ni les autres ne pouvons ignorer. Je ne reprendrai pas les propos ou écrits émis au moment de la publication même du SNIT, venant de tous les bords de cet hémicycle et regrettant le caractère incomplet de ce schéma.
Ce document, cette accumulation de promesses sur l'ensemble du territoire, représente un ensemble de projets de l'ordre de 245 milliards d'investissements à échéance de vingt ans.
D'un point de vue financier, vous en conviendrez avec moi, il est tout à fait illusoire de croire que la collectivité nationale pourrait dépenser 245 milliards d'ici vingt ans, dont 88 à la charge de l'État, avec un rythme d'investissement pour le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport qui est aujourd'hui de l'ordre de 2 milliards par an. Le problème ne se pose pas d'ailleurs que pour l'État : les collectivités territoriales seraient sollicitées à hauteur de 56 milliards d'euros.
Par ailleurs, les projets du SNIT sont à des stades de réalisation – parfois d'imagination – très différents. Un certain nombre n'existent que sur le papier, dépourvus d'études sérieuses. Il est donc nécessaire aujourd'hui de hiérarchiser les projets qui s'inscrivent dans le réel, les promesses inconsidérées ne suffisant plus à satisfaire l'attente du pays et de ses représentants.
Le Gouvernement a donc souhaité faire évoluer dans son principe même le SNIT et définir de nouvelles orientations pour la politique des transports, en dégageant une vision partagée, réaliste, cohérente des enjeux stratégiques pour notre pays à court, moyen et long termes.
J'ai ainsi souhaité mettre en place, le 17 octobre dernier, une commission parlementaire et technique présidée par votre collègue Philippe Duron, afin de remettre de l'ordre dans la planification des infrastructures de transport.
Elle est composée de six parlementaires de toutes sensibilités politiques et de quatre personnalités qualifiées, et est en train de réexaminer les projets de développement mais aussi les principales opérations de rénovation et de modernisation des réseaux existants identifiées dans le document.
Soixante-quinze projets sont ainsi concernés par cette démarche. En sont exclus les projets engagés, soit parce qu'ils ont fait l'objet d'un contrat de partenariat public-privé ou d'une convention de financement pour la réalisation des travaux – c'est le cas des quatre lignes à grande vitesse en cours de travaux – soit parce que leur réalisation est garantie par un traité international, je pense notamment à la section franco-italienne du Lyon-Turin.
Je salue la grande mobilisation et la qualité des travaux menés par cette commission. Celle-ci pourra proposer un phasage des opérations compte tenu de leur intérêt et de leur urgence, voire un réexamen partiel ou global de certaines d'entre elles en fonction de différents aspects.
Je salue donc ce travail qui est engagé avec beaucoup de sérieux. Je vois ici Mme Sas et M. Chassaigne, membres l'un et l'autre de cette commission. Je ne veux trahir ici aucun secret – je n'en connais pas, je n'ai rencontré M. Duron qu'il y a quelques jours ! Il m'a indiqué la philosophie et la méthodologie qui inspirent la commission, une méthodologie qui a d'ailleurs été présentée publiquement. Bref, je veux simplement dire aux parlementaires combien il est important que, dans la diversité des appartenances et avec le sérieux qui les caractérise, nous puissions faire preuve de pragmatisme et de cohérence. Il importe de travailler de manière à produire une méthode, peut-être même une référence, sur ce que l'investissement public, qu'il émane de l'État ou des collectivités locales, peut apporter à l'aménagement du territoire en réponse aux problématiques qui sont les nôtres.
Plusieurs aspects doivent guider la mission de cette commission. Un certain nombre de questions se posent à elle, divisées en deux grandes catégories, l'une ayant trait à la réalité de ces infrastructures et l'autre liée au développement économique et durable.
Ces questions sont simples. Quels sont les besoins réels des territoires en termes d'infrastructures et de mobilité ? Où sont les problématiques d'enclavement, alors que la fracture territoriale est un enjeu majeur pour nous tous ? Quels sont, précisément, les projets qui pourront la réduire ? Que peut-on réellement attendre de telle ou telle infrastructure, ou de tel ou tel mode de déplacement, en termes de développement économique et de développement durable ? Ces projets garantiront-ils des emplois pérennes ? Quels seront les effets sur le report modal ? Bref, toutes ces questions sont au coeur même des problématiques des transports.
La soutenabilité financière et l'intérêt socio-économique de chaque projet doivent être systématiquement examinés. Il n'y a pas d'autre méthode possible : tout le monde reconnaît aujourd'hui que cette hiérarchisation est indispensable. Les conclusions de cette commission sont attendues d'ici la fin du premier semestre. Nous en tirerons un nouveau schéma national de mobilité durable.
Quel est l'état des réflexions de la commission Mobilité 21 aujourd'hui ? Les interventions de Mme Sas et de M. Chassaigne nous éclaireront tout à l'heure à ce sujet, mais la méthodologie qu'elle suit a d'ores et déjà été présentée, le 21 février dernier. Les projets font actuellement l'objet d'une évaluation multicritères, selon quatre axes. Le premier s'attache à la contribution aux grands objectifs de la politique des transports, comme la compétitivité économique nationale, la réduction des inégalités territoriales et l'amélioration de la mobilité de proximité. Le second concerne la performance écologique, c'est-à-dire les effets en termes de réduction des gaz à effet de serre et la promotion des transports collectifs ou massifiés. Le troisième a trait à la performance sociétale, c'est-à-dire à l'aménagement du territoire, à la réduction des nuisances et à l'amélioration de la sécurité. Enfin, le dernier touche à la performance socio-économique.
À l'issue de son travail, la commission proposera de prévoir une politique des transports selon trois échelles temporelles. La première sera centrée sur les projets déjà engagés, qui constituent un effort considérable de la collectivité publique. Elle pourra s'enrichir de projets nouveaux en fonction des ressources disponibles. La deuxième rassemblera les projets à engager dans les dix années suivantes. La troisième regroupera les projets qui, au regard de leur avancement et de leur utilité, ont vocation à être engagés ultérieurement.
Enfin, la politique des transports ne peut reposer uniquement – vous en conviendrez également – sur de grands projets de long terme. La priorité doit être donnée aux transports du quotidien. Le Gouvernement s'y engage. Il est clair que les capacités financières de l'État et des collectivités territoriales ne permettront pas de réaliser l'ensemble des grands projets promis par le précédent gouvernement. Il apparaît donc d'ores et déjà inéluctable de repousser la réalisation de certains grands projets, peut-être même pour une longue durée. Il faut par ailleurs, et dans le même temps, mettre l'accent sur les petites opérations qui peuvent avoir un effet direct, apporter des solutions aux problèmes quotidiens de transports que rencontrent nos concitoyens. Je le répète, c'est la priorité du Gouvernement.
Plusieurs mesures ont déjà été prises en ce sens. Tout d'abord, en ce qui concerne les investissements routiers, j'ai demandé aux préfets de région, par courrier en date du 18 décembre dernier, d'élaborer une liste hiérarchisée des opérations de modernisation du réseau routier national dont la poursuite ou l'engagement paraissent nécessaires dans une période de cinq années, de 2015 à 2019. Les résultats sont attendus dans les semaines à venir.
Ces opérations devront répondre prioritairement à des enjeux de sécurité et de réduction de la congestion chronique dans un certain nombre d'espaces, qui ne sont pas nécessairement urbains. Elles devront également porter sur le désenclavement et l'amélioration nécessaire de la desserte des territoires, ou encore de la qualité de vie. Les montants que les collectivités territoriales pourront mobiliser en cofinancement avec l'État seront déterminants pour concrétiser rapidement certaines opérations.
Ensuite, au sujet des investissements ferroviaires, j'ai demandé le 17 octobre dernier au président de Réseau ferré de France de me remettre au printemps un projet de grand plan de modernisation du réseau ferroviaire. Ce plan concernera à la fois le renouvellement des voies et l'aménagement en gare. Il se basera sur les dernières conclusions de l'étude actualisée de l'école polytechnique fédérale de Lausanne décrivant l'état du réseau ferroviaire. Il s'agit d'améliorer la performance du réseau en concentrant les moyens sur le coeur du réseau classique, c'est-à-dire les grandes lignes, en développant des systèmes modernes comme la commande centralisée du réseau et en améliorant la gestion des situations dégradées.
Puisque nous souhaitons donner la priorité aux transports ferroviaires, nous mettrons l'accent sur la rénovation du matériel roulant afin d'offrir davantage de confort et de régularité aux usagers. J'ai annoncé ainsi l'engagement dès cette année de plus de 400 millions d'euros de crédits pour le renouvellement des trains d'équilibre du territoire. Par ailleurs, la mobilisation de financements innovants, comme les fonds d'épargnes, au service des régions, permettra aux collectivités d'être à la hauteur de ces enjeux.
Je souhaitais, en guise d'introduction à ce débat, présenter le contexte, les enjeux qui nous attendent et les orientations que le Gouvernement a d'ores et déjà fixées. Une fois encore, nous attendons avec intérêt les contributions de chacune et chacun d'entre vous à ce débat, même si cela peut paraître quelque peu prématuré car la commission Mobilité 21 ne doit présenter ses conclusions que d'ici à quelques semaines, avant la fin de ce semestre, et que le Gouvernement ne souhaite pas en présumer.
Soyez assurés que nous avons à coeur de permettre aux territoires de répondre aux préoccupations des citoyens, et de faire en sorte que la durabilité, le développement économique, le désenclavement, le souci de la qualité et de la régularité, soient traduits par des investissements utiles. Chaque euro d'argent public investi doit être efficace. Les relations de confiance qui existent désormais entre l'État et les collectivités territoriales nous permettent de mener un dialogue équilibré, de mieux hiérarchiser les enjeux, mais aussi de jouer de la complémentarité des modes de transport à court, moyen et long terme.
Bon nombre de questions seront évoquées, notamment celle des transports quotidiens en région parisienne. M. le Premier ministre annoncera les priorités du Gouvernement dans quelques jours. Je ne me prononcerai évidemment pas avant lui. Toutefois, avec notamment mes collègues Cécile Duflot et François Lamy, chargé de la politique de la ville, nous aurons à coeur d'améliorer la qualité des transports en commun, afin que nos concitoyens leur fassent à nouveau confiance.
L'ensemble des opérateurs doit se mobiliser de la manière la plus ferme qui soit. Je pense notamment à la RATP, pour ce qui est de la région parisienne, à la SNCF et à RFF ; une meilleure coordination de ces opérateurs nous permettra d'optimiser, de rendre plus efficaces les transports publics. Une co-construction des enjeux ferroviaires nous permettra de répondre aux attentes légitimes. Cela sera aussi l'enjeu de la réforme ferroviaire que je vous présenterai prochainement.
Bon nombre d'autres sujets pourraient être évoqués. Certains d'entre vous, préoccupés par les attentes de leurs concitoyens et les intérêts des acteurs économiques, ne manqueront pas de les souligner. C'est vrai des transports fluviaux. Là encore, le Gouvernement se prononcera dans quelques jours sur la réorientation d'un projet majeur : le canal Seine-Nord Europe.